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12 mai 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/04689
12/05/2023
ARRÊT N°218/2023
N° RG 21/04689 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OPRH
AB/AR
Décision déférée du 21 Octobre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( F18/01908)
LOBRY
[D] [N] épouse [B]
C/
S.A.S. CVO-EUROPE
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 12/05/2023
à Me DESSART
Me BENOIT-DAIEF
pole emploi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [D] [N] épouse [B]
[Adresse 1]
[Localité 3] / FRANCE
Représentée par Me Marie-laure QUARANTA de la SELARL QUARANTA, PEYROT, GELBER ET MONROZIES-MOREAU, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant) et par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
INTIMEE
S.A.S. CVO-EUROPE
venant aux droits de la SAS CVO-Europe Société Nouvelle prise en la personne de son représentant légal domicilié ès quallités audit siège sis [Adresse 2]
Représentée par Me Stéphanie DUBOS de la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL, avocat au barreau de LYON (plaidant) et par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [D] [N] épouse [B] a été embauchée selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 1er juillet 2008 par la SAS CVO-Europe Société Nouvelle devenue SAS CVO-Europe, en qualité d’ingénieur consultant, statut cadre.
La convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec est applicable.
La société CVO-Europe emploie plus de 11 salariés.
Le 26 janvier 2018, la société CVO-Europe convoquait Mme [B] à un entretien pour la signature d’une convention de rupture conventionnelle, laquelle a été refusée par la salariée.
Mme [B] a sollicité du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail l’ouverture d’une enquête faisant état d’une prétendue dégradation de ses conditions de travail.
Mme [B] a été placée en arrêt de travail à compter du 1er février 2018.
A l’issue de sa visite de reprise le 29 juin 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [B] inapte à son poste en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout
reclassement dans un emploi au sein de l’entreprise.
Par courrier du 11 juillet 2018, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé le 24 juillet 2018, et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 27 juillet 2018.
Par requête en date du 23 novembre 2018, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement.
Le bureau de jugement s’est déclaré en partage de voix le 15 février 2021. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 7 septembre 2021.
Par jugement de départition du 21 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– condamné la société CVO-Europe, venant aux droits de la société CVO-EuropeSociété Nouvelle , prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [D] [N] épouse [B] les sommes suivantes :
* 2 861,51 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées du 9 octobre 2015 au 4 décembre 2017, outre 286,15 euros de congés payés afférents,
* 1 250 euros à titre de dommages et intérêts pour le défaut de compensation de ses temps de trajet,
– ordonné à la société CVO-Europe, venant aux droits de la société CVO-Europe Société Nouvelle de remettre à Mme [B] une attestation pôle emploi rectifiée en tenant compte du présent jugement notamment en incluant dans les salaires des douze derniers mois la rémunération due au titre des heures supplémentaires reconnues, dans un délai de 15 jours à compter de sa signification et sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire au sens de l’article R1454-28 du code du travail s’élève 3 781,38 euros,
– rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en ce qu’elle ordonne le paiement de sommes au titre de rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14 du code du travail,
– ordonné l’exécution provisoire pour le surplus,
– débouté Mme [B] du surplus de ses demandes,
– condamné la société CVO-Europe, venant aux droits de la société CVO-Europe Société Nouvelle à payer à Mme [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société CVO-Europe, venant aux droits de la société CVO-Europe Société Nouvelle aux entiers dépens.
Mme [B] a relevé appel de ce jugement le 25 novembre 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 juillet 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [B] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le juge départiteur du conseil de prud’hommes de Toulouse le 21 octobre 2021 en ce qu’il a :
* débouté Mme [N] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
* débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
* débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
* débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* débouté Mme [B] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,
* débouté Mme [B] de sa demande de différentiel de l’indemnité de licenciement,
* débouté Mme [B] de sa demande au titre du travail dissimulé,
* condamné la société au paiement de la somme de 1 250 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de compensation des temps de trajet.
En conséquence, statuant à nouveau :
– condamner la société CVO Europe venant aux droits de la société CVO Europe Société Nouvelle à payer à Mme [B] les sommes suivantes :
* 10 722 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
* 14 296 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 10 721,64 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 1 072,16 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 739, 29 euros à titre de différentiel de l’indemnité de licenciement,
* 35 739 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 7 148 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie liée au temps de déplacement,
* 21 443,27 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la remise de l’attestation pôle emploi et des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 21 octobre 2021 pour le surplus,
– condamner la société CVO Europe aux dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société CVO-Europe demande à la cour de :
A titre principal :
– infirmer le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes de Toulouse, en ce qu’il a :
* condamné la société CVO-Europe à payer à Mme [N] [B] les sommes suivantes :
* 2 861,51 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires du 9 octobre 2015 au 4 décembre 2017, outre 286,15 euros de congés payés afférents,
* 1 250 euros à titre de dommages et intérêts pour le défaut de compensation de ses temps de trajet,
* ordonné à la société CVO-Europe de remettre à Mme [B] une attestation pôle emploi rectifiée en tenant compte du jugement incluant notamment dans les salaires des douze derniers mois la rémunération au titre des heures supplémentaires reconnues, dans un délai de quinze jours à compter de sa signification et sous astreinte de 50 euros par jours de retard,
* condamné la société CVO-Europe à payer à Mme [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société CVO-Europe aux entiers dépens,
– confirmer le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes de Toulouse pour le surplus,
En conséquence :
– déclarer que la société CVO-Europe a exécuté loyalement le contrat de travail de Mme [B],
– déclarer que la société CVO-Europe n’a commis aucun manquement à son obligation de prévention de la santé et de la sécurité de Mme [B],
– déclarer que Mme [B] ne justifie pas avoir droit à des contreparties aux temps de trajets qu’elle a réalisés entre le 25 septembre et le 8 décembre 2017,
– déclarer que le licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle et dispense de reclassement de Mme [B] est parfaitement fondé,
– déclarer que Mme [B] n’a pas réalisé d’heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été rémunérées,
En conséquence :
– débouter Mme [B] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [B] à verser à la société CVO-Europe la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [B] aux entiers dépens de l’instance,
A titre subsidiaire :
– réduire très largement et à de plus justes et raisonnables proportions les demandes formulées par Mme [B] à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail, pour manquement de la société CVO-Europe à son obligation de protection de la santé et de la sécurité de Mme [B],
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a fixé l’indemnisation au titre des temps de trajet, à hauteur de 1 250 euros,
– réduire la demande formulée par Mme [B] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 722 euros,
– débouter Mme [B] de sa demande d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé.
MOTIFS :
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
Il est rappelé que Mme [B] exerçait les fonctions d’ingénieur consultant, dans le cadre de missions qui lui étaient confiées chez des clients par son employeur la société CVO Europe, société de services dont l’activité est l’accompagnement des industries des sciences de la vie, ces missions étant formalisées conformément aux dispositions de la convention collective dite Syntec.
Dans ce cadre, Mme [B] soutient avoir été victime de la part de son employeur d’une exécution déloyale de son contrat de travail, et invoque plusieurs éléments :
-un défaut de fourniture de travail : elle n’a connu que 26 jours de travail sur deux périodes d’inter-contrats de 8 mois et de 2 mois ;
– des conditions de travail inadaptées pendant la période d’inter-contrat : pas de bureau disponible, un manque de matériel informatique, un manque de chauffage, avec un télétravail mis en place après 7 mois d’inter-contrat, à la demande de Mme [B] lors de l’entretien annuel du 19 juillet 2017 ;
-un défaut de versement de la prime de février 2017.
S’agissant des périodes d’inter-contrat, dont il est rappelé qu’elles sont inhérentes aux fonctions de consultant délégué dans le cadre de missions, il convient d’apprécier si un sort défavorable a été réservé à Mme [B] ainsi qu’elle le prétend, au regard des besoins de l’entreprise et des autres salariés occupant les mêmes fonctions.
Or, il résulte des pièces produites, en particulier des auditions de l’ensemble du personnel de l’agence de [Localité 8] par le CHSCT lors de l’enquête menée le 5 juillet 2018, que la situation d’inter-contrat n’était pas propre à Mme [B] mais à l’activité de l’entreprise sans caractériser de déloyauté de l’employeur :
-beaucoup de consultants de l’agence ont connu des périodes d’inter-contrat, et pour certains parfois longues (M. [F] : 4 mois, M. [I] et Mme [P], 2 mois),
-à l’arrivée de Mme [E] en tant que directrice d’agence en 18 mois auparavant, Mme [B] était en période d’inter-contrat plus longue que la moyenne en raison de son absence de mobilité, ce qui constitue un élément objectif de nature à limiter les missions pouvant lui être confiées, ; en effet la société CVO Europe justifie de ce qu’elle n’avait que deux clients principaux rattachés à [Localité 8] ([Localité 6] et Pierre Fabre) et manquait de missions les concernant;
-les salariés supportaient mal ces périodes d’inter-contrat car plusieurs d’entre eux (Mme [B], Mme [U]) se sentaient inemployés, un autre (M. [F]) décrit une ambiance compliquée à l’agence, en raison de l’incertitude sur l’avenir.
Par ailleurs, la société CVO Europe justifie que la salariée a refusé une mission à [Localité 7] chez le client Biogaran en janvier 2018, puis refusait toute mobilité y compris lorsque la mission se trouvait en région toulousaine mais à l’opposé de son domicile et impliquait de traverser l’agglomération avec le périphérique, alors même que les dispositions de son contrat de travail impliquaient une large mobilité.
L’employeur justifie également de ce que la salariée n’est pas restée totalement sans activité lors de ces périodes d’inter-contrat, comme le montre son entretien annuel d’évaluation du 19 juillet 2017 énumérant les missions qui lui ont été confiées à l’agence ; il ne s’agissait pas de missions accessoires comme l’indique la salariée, puisqu’elle a apporté un support aux chefs de projet en mission chez le client Vexim en procédant à la traduction d’un plan informatisé, a réalisé des actions de support à l’activité commerciale (recensement d’entreprises cibles, recherches de pistes de missions), a aidé au sourcing de profils pour les recrutements en janvier 2017 pour les agences de [Localité 8] et [Localité 5], et a participé au développement de l’application technique GPX Manager.
S’agissant des conditions de travail durant les périodes d’inter-contrat, il est produit un mail de Mme [B] adressé à l’employeur le 8 février 2017 pour demander des écrans et claviers d’ordinateurs pour les salariés en inter-contrat car ceux-ci ne disposaient que d’ordinateurs portables, demande dont la suite est ignorée, ainsi qu’une réponse positive de la direction à une demande (non produite) d’achat de radiateurs d’appoint pour l’agence.
Ces éléments ne caractérisent pas la déloyauté de l’employeur.
Par ailleurs, l’affirmation de la salariée selon laquelle aucun bureau n’était disponible pour les salariés en inter-contrat ne ressort que de l’attestation de son conjoint, laquelle est inopérante dans la mesure où il n’était pas salarié de l’entreprise et n’a fait que recueillir les dires de son épouse ; au demeurant aucun salarié n’a signalé ce potentiel problème lors de l’enquête du CHSCT sur les conditions de travail.
De plus, il est établi que le télétravail n’était pas en vigueur au sein de l’entreprise, et qu’il a été mis en place à titre exceptionnel au profit de Mme [B] à compter du 24 juillet 2017 pour faire suite à sa demande du 21 juillet 2017.
S’agissant de la prime dont Mme [B] se plaint d’avoir été privée en février 2017, il est établi que les objectifs sont déterminés unilatéralement chaque année par l’employeur quant à l’obtention d’une prime de production ; en janvier 2017 Mme [B] a perçu la prime sur la base des objectifs arrêtés jusqu’à décembre 2016. En février 2017 aucune prime n’était acquise ni aucun complément de rémunération, la nouvelle fixation de prime étant intervenue par lettre de prime à effet au 1er mars 2017.
Au regard de ces éléments, la cour juge comme le juge départiteur qu’aucun manquement de l’employeur n’est caractérisé ; Mme [B] sera donc déboutée de sa demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail, par confirmation du jugement entrepris.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité :
Dans le cadre de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur destinée notamment à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, la loi lui fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Et l’article L.4121-1 du code du travail lui fait obligation de mettre en place :
– des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
– des actions d’information et de formation,
– une organisation et des moyens adaptés,
et de veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes
En l’espèce, Mme [B] indique avoir été victime d’une dégradation de ses conditions de travail, dont le CHSCT a été alerté, et d’avoir vu son état de santé se dégrader ; elle reproche ainsi à son employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité.
Elle explique que la dégradation de ses conditions de travail résulte des longues périodes d’inter-contrat, de déplacements réguliers à [Localité 4] qui lui étaient imposés pour la mission du 25 septembre au 8 décembre 2017 alors qu’elle est mère de deux enfants en bas âge ; elle ajoute qu’elle subissait une pression importante de la part du client pour la réalisation des objectifs.
Enfin, elle fait valoir qu’elle a subi le comportement répréhensible de Mme [E], sa nouvelle directrice d’agence à compter d’avril 2017, caractérisé par des reproches, et des réflexions déplacées, et que Mme [G] (manager RH) a tenté de lui faire signer une rupture conventionnelle.
La dégradation de l’état de santé de Mme [B] est établie par les pièces produites : son arrêt de travail à compter du 1er février 2018, les certificats médicaux établis par trois médecins et l’attestation d’une psychologue sur le suivi de Mme [B] pour troubles anxio-dépressifs.
Néanmoins rien ne permet d’imputer cet état de santé à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
S’agissant des périodes d’inter-contrat et de la délégation en mission en région parisienne, la cour rappelle que Mme [B] a été embauchée à un poste pour lequel les missions chez les clients sont inhérentes à l’emploi, tout comme les périodes d’inter-contrat entre deux missions ; que Mme [B] a signé un contrat de travail mentionnant expressément une obligation de mobilité sur tout le territoire national et même international, ladite clause de mobilité n’étant pas remise en cause quant à sa validité.
Mme [B] ne démontre ni même n’allègue que la mission à [Localité 4] aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. De plus, il ressort des pièces produites par la société CVO Europe que celle-ci a aménagé cette mission afin de permettre à l’intéressée de rester en télétravail 2 à 3 jours par semaine.
Quant à la ‘pression constante’ que Mme [B] aurait subie de la part du client, aucune pièce n’est produite afin d’étayer cette affirmation hormis ses propres déclarations à son époux ou aux membres du CHSCT.
Aucun manquement n’est ainsi caractérisé, même si la salariée a mal vécu sur le plan psychologique le fait de n’être pas constamment placée en mission.
S’agissant du ‘comportement répréhensible’ attribué à la directrice d’agence Mme [E], et des propos déplacés qu’elle lui prête, la cour relève que Mme [B] ne précise pas quels étaient ces propos ; elle produit au soutien de ses affirmations l’attestation vague de Mme [U] selon laquelle ‘l’ambiance de travail à l’agence était mauvaise. Il y avait beaucoup de pression mise sur les personnes en inter-contrat. Il n’y avait aussi que peu de présence commerciale sur l’agence’ ce qui ne permet pas d’imputer un ‘comportement répréhensible’ ni des propos déplacés à Mme [E].
Dans le cadre de l’enquête du CHSCT, cette dernière explique que les relations étaient bonnes mais qu’elle avait du mal à trouver des missions à Mme [B] en raison de son refus de mobilité, et que Mme [B] était satisfaite de l’écoute de sa supérieure.
Les échanges de mails entre la salariée et Mme [E] démontrent que cette dernière faisait preuve de souplesse quant aux demandes d’absences ou de congés de Mme [B].
De son côté, dans un mail du 11 août 2017, Mme [B] souhaitait à Mme [E] ‘de très bonnes vacances et beaucoup de courage pour ces derniers jours’ ce qui ne témoigne pas de relations difficiles entre les deux intéressées.
Mme [K], également en litige avec l’employeur, atteste d’un quiproquo qui aurait été provoqué par Mme [E] entre les deux salariées, pour autant cet élément isolé est rapporté par un témoin dont l’objectivité doit être relativisée au regard du conflit en cours.
Il doit être relevé que l’enquête du CHSCT n’a relevé aucune dégradation des conditions de travail, ni aucun problème managérial, seules Mme [B] et Mme [K] se sont plaintes ; les autres salariés déploraient simplement la situation inconfortable d’inter-contrat.
Enfin, Mme [B] reproche à l’employeur de lui avoir proposé une rupture conventionnelle, or il n’est pas établi que cette proposition ait été accompagnée de pressions particulières, et Mme [B] était libre de la refuser, ce qu’elle a fait, de sorte qu’une telle proposition destinée à sortir d’une situation de blocage liée à l’absence de mobilité de la salariée et au manque de missions sur [Localité 8], ne saurait s’analyser en un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de Mme [B] fondée sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Sur le licenciement pour inaptitude :
Mme [B] a été licenciée pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement par courrier du 29 juin 2018, et estime que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ; or il vient d’être jugé que ce manquement n’était pas caractérisé, de sorte que le licenciement, non critiqué à d’autres titres, sera jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse par confirmation de la décision entreprise.
Les demandes de la salariée présentées au titre de la rupture seront donc rejetées par confirmation du jugement déféré, y compris celle afférente à un complément d’indemnité de licenciement qu’elle a calculé sur une ancienneté incluant indûment une période de préavis, alors qu’elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Sur le défaut de compensation des temps de trajet :
Il résulte de l’article L3121-4 du code du travail que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.
En l’espèce, Mme [B] justifie avoir dû se déplacer à [Localité 4] en région parisienne, deux à trois jours par semaine à compter du 25 septembre 2017, jusqu’au 1er décembre 2017 soit 23 jours, soit 18 déplacements au total, et indique qu’elle n’a reçu aucune contrepartie à ce temps de trajet de 3h45 depuis son domicile, alors qu’il s’effectuait en dehors des heures de travail.
Ainsi que l’a retenu le juge départiteur, la société CVO Europe ne justifie pas de ce que ces temps de déplacement, qui excédaient le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail d’un salarié domicilié en zone périurbaine, de l’ordre de 45 minutes, aient fait l’objet d’une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu’il a alloué à Mme [B] la somme de 1250 € à titre d’indemnité en contrepartie des temps de trajet, la demande présentée par Mme [B] à hauteur de 7148 € étant excessive.
Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l’employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, Mme [B], dont il n’est pas discuté qu’elle était soumise à un forfait en heures fixant 38h30 hebdomadaires travaillées (166,83 h par mois), soutient avoir effectué 125,47h supplémentaires au delà de ce forfait, non rémunérées sur la période du 9 octobre 2015 au 8 décembre 2017.
Elle produit aux débats un décompte détaillé des heures supplémentaires, calculées au delà de 38h30 hebdomadaires, ainsi que la liste des tâches effectuées en complément de ses activités quotidiennes, et précise qu’elle ne pouvait pas mentionner sur les comptes rendus d’activité du client les heures supplémentaires effectuées car les prestations réalisées sont comptabilisées et facturées au jour passé et non pas à l’heure, et que le client ne voulait pas rémunérer d’heures supplémentaires.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre par ses propres éléments sur la comptabilisation du temps de travail de sa salariée.
La société CVO Europe soulève dans les motifs de ses conclusions la prescription des demandes de rappel de salaire pour la période antérieure au 23 novembre 2015 mais ne soulève aucune irrecevabilité dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour n’est saisie d’aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Sur le fond, elle ne produit que les comptes-rendus d’activité remplis par la salariée pour la facturation du client ce qui, en raison de l’absence de mention de tout horaire et compte tenu des explications de Mme [B], ne permet pas de considérer qu’il s’agit d’un système permettant un décompte fiable du temps de travail de Mme [B].
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société CVO Europe à payer à Mme [B] les sommes de 2 861,51 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 286,15 € de congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé :
En application de l’article L 8221 – 5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paye un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, Mme [B] établit que l’employeur savait qu’elle accomplissait des heures supplémentaires non rémunérées : en effet, la salariée a noté dans son compte rendu d’entretien annuel d’évaluation du 19 juillet 2017 ‘mission réussie alors que très gros challenge de travail (90 heures supplémentaires en 10 mois)’, sans que cela ne suscite de réaction de l’employeur, et sa supérieure a noté : ‘MHT est très investie dans ses mission, ne compte pas ses heures’, de sorte que la cour retiendra, par infirmation du jugement, l’existence d’un travail dissimulé et condamnera la société CVO Europe à payer à Mme [B] la somme de 21 443,27 € à titre d’indemnité forfaitaire, la cour statuant dans les limites de la demande étant rappelé que le salaire moyen de Mme [B] était de 3781,38 € bruts
Sur le surplus des demandes :
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la remise par l’employeur des documents sociaux rectifiés à la salariée, en revanche le prononcé d’une astreinte ne se justifiant pas, il sera infirmé sur ce point.
La société CVO Europe, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement ainsi qu’aux dépens d’appel et à payer à Mme [B] la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme s’ajoutant à celle qui lui a été allouée par le juge départiteur à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris excepté en ce qu’il a débouté Mme [D] [B] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, et en ce qu’il a mis une astreinte à la charge de la société CVO Europe,
L’infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,
Condamne la SAS CVO Europe à payer à Mme [D] [B] la somme de 21 443,27 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
Rejette la demande d’astreinte formulée au titre de la communication des documents sociaux rectifiés,
Condamne la SAS CVO Europe à payer à Mme [D] [B] la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne la SAS CVO Europe aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANE Catherine BRISSET.