Télétravail : 1 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06117

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Télétravail : 1 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06117
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1 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/06117

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 01 JUIN 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06117 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEAEH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/01261

APPELANT

Monsieur [B] [X]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Boris CARDINEAUD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. CERIS INGENIERIE

immatriculée au RCS de NANTES sous le n°451 438 527

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles PHILIP, avocat au barreau de NANTES, toque : 57

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [B] [X] a été embauché par la SAS Céris Ingénierie par contrat à durée indéterminée du 30 septembre 2016, prenant effet le 2 novembre 2016, en qualité de Responsable commercial Île-de-France, statut cadre, coefficient 170, position 3.1.

La société Ceris est une société d’ingénierie de construction, spécialisée dans le domaine des locaux à environnement contrôlé et des projets complexes à forte technicité.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (SYNTEC).

Au mois de mai 2019, la société Céris Ingénierie a proposé à M. [B] [X] la conclusion d’une rupture conventionnelle qu’il a refusée.

Entre le 4 juin 2019 et le 28 juin 2019, M. [B] [X] a été placé en arrêt de travail.

Le 2 juillet 2019, M. [B] [X] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé le 11 juillet 2019.

M. [B] [X] a accepté une rupture conventionnelle avant de se rétracter.

Le 12 août 2019, M. [B] [X] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé le 23 août suivant.

Par courrier du 27 août 2019, M. [B] [X] a été licencié pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultat.

Contestant le bien fondé de son licenciement et sollicitant un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, M. [B] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 13 février 2020.

Par jugement rendu en formation paritaire du 11 juin 2021, notifié le 18 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a  :

-requalifié le licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-condamné la société Céris Ingénierie à verser à M. [B] [X] les sommes suivantes :

*22 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

*1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté M. [B] [X] du surplus de ses demandes,

-débouté la société Céris Ingénierie de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a condamnée aux paiement des entiers dépens.

M. [B] [X] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d’appel déposée par voie électronique le 7 juillet 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 septembre 2021, M. [B] [X] demande à la cour de  :

-infirmer le jugement en ce qu’il a :

‘condamné la société Céris Ingenierie à verser à M. [X] la somme de 22 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘débouté M. [X] du surplus de ses demandes,

Et, statuant à nouveau,

-condamner la société Céris Ingenierie à verser à M. [X] les sommes suivantes :

*78 999,21 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées de novembre 2016 à août 2019,

*7 899,92 euros bruts au titre des congés payés afférents,

*2 394,49 euros nets à titre de rappel d’indemnité de licenciement,

*8 789,67 euros bruts à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis,

*878,97 euros bruts au titre des congés payés afférents,

*56 963,14 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

*37 308,76 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*37 500 euros nets à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

-condamner la société Céris Ingénierie à verser à M. [B] [X] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Céris Ingénierie aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 décembre 2021, la société Céris Ingénierie demande à la cour de :

-infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :

‘requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

‘condamné la société Céris Ingenierie à verser à M. [X] la somme de 22 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

‘condamné la société Céris Ingenierie à verser à M. [X] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-confirmer la décision du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :

‘débouté M. [X] de sa demande au titre de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

‘débouté M. [X] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;

Et statuant à nouveau, il est demandé à la cour d’appel de Paris de :

-dire et juger que le licenciement de M. [B] [X] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

-le débouter en conséquence de ses différentes demandes et notamment celles tendant au versement des sommes suivantes :

*78 999,21 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées de novembre 2019 à août 2019 ;

*7 899,92 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

*2 394,49 euros nets à titre de rappel d’indemnité de licenciement ;

*8 789,67 euros bruts à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis ;

*878,97 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

*56 963,14 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

*37 308,76 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*37 500 euros nets à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

En tout état de cause

-débouter M. [B] [X] de sa demande à hauteur de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [B] [X] à verser à la société Céris Ingenierie la somme de 3 000 euros.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 11 janvier 2023.

L’affaire a été fixée à l’audience du 13 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

1/Sur les heures supplémentaires réalisées de novembre 2016 à août 2019

La durée légale du travail effectif prévue à l’article L.3121-1 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Selon l’article L.3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

En l’espèce, M. [B] [X] fait valoir que son contrat de travail prévoyait une durée hebdomadaire de 38h30, mais sa charge de travail le contraignait à travailler plus. En effet, sa zone de prospection géographique limitée contractuellement à l’Île-de-France était dans les faits beaucoup plus étendue, et ses attributions n’étaient pas contractuellement définies. Pour étayer sa demande, il produit un tableau qui récapitule, pour la période de novembre 2016 à août 2019, ses horaires hebdomadaires de travail et un résumé des tâches effectuées quotidiennement, ainsi que la copie de courriels et de justificatifs de déplacements, et une attestation de Mme [V]. Cette dernière, qui travaillait dans le même espace de coworking à [Localité 7] de mars 2018 à août 2019, indique que M. [X] travaillait habituellement de 8h30 à 19h avec une rapide pause déjeuner.

La société Céris Ingénierie répond en premier lieu qu’au cours de la relation contractuelle, M. [B] [X] n’a jamais formulé la moindre réclamation sur l’exécution de la relation contractuelle ni fourni de décompte. Ensuite, le contrat de travail de M. [B] [X] faisait état de son engagement à « ne pas effectuer d’heures au delà de ce forfait sans autorisation préalable de sa direction ». Or, M. [B] [X] n’a jamais sollicité d’autorisation préalable de sa direction, ni alerté son employeur quant à la réalisation d’heures supplémentaires. Il disposait d’une autonomie importante et son contrat de travail indiquait qu’il ne « pouvait suivre un horaire strictement prédéfini ».

Elle indique également qu’elle n’avait pas de moyen de contrôle sur la durée du travail de M. [B] [X], autre que le pointage effectué, car il exerçait en télétravail depuis son domicile ou dans un espace de coworking à [Localité 9] ou à [Localité 7], alors que ses supérieurs étaient basés à [Localité 5]. De plus, la société Céris Ingénierie souligne que M. [B] [X], ne produit pas au débat d’éléments de nature à étayer sa demande.

En tout état de cause, sur la période du 1er janvier 2017 au 31 mai 2019, dans 64,1% des cas, M. [B] [X] envoyait son premier mail après 9h30, et, dans 84% des cas, il n’envoyait jamais son premier mail avant 9 heures. Concernant la pause déjeuner, dans 81% des cas, plus de deux heures séparaient le dernier mail envoyé dans la matinée et le premier mail envoyé dans l’après-midi et, dans 92,4% des cas, plus d’une heure trente séparait le dernier mail de la matinée du premier de l’après-midi. Ainsi, en trois années, M. [B] [X] n’a envoyé qu’une seule fois deux mails à moins de 45 minutes d’intervalle sur la pause déjeuner. En outre, dans 66,3% des cas, M. [B] [X] envoyait son dernier mail avant 18 heures. Enfin, pendant ses jours de congés, de repos ou d’arrêt de travail pour maladie, il n’a jamais envoyé de mails, se contentant de transférer des mails urgents, puisqu’il refusait qu’un transfert de sa boite mail soit effectué.

Par ailleurs, le décompte réalisé par M. [B] [X] comporte un grand nombre d’incohérences, et le simple fait de produire des mails envoyés tôt le matin, ou tard le soir ne permet pas de démontrer la réalité des horaires revendiqués.

Enfin, la société Céris Ingénierie ajoute que M. [B] [X] percevait une rémunération mensuelle bien supérieure au minimum conventionnel de sorte qu’elle incluait le paiement des éventuelles heures supplémentaires accomplies à un taux majoré.

La cour retient que le salarié présente un tableau très détaillé de ses horaires de travail tandis que l’employeur ne conteste de façon argumentée qu’une partie des heures supplémentaires en s’appuyant sur les heures d’envoi des mails ou des incohérences pour dix journées ; que ce faisant, l’employeur ne remplit pas la charge de la preuve qui lui incombe alors que le salarié a, de son côté, étayé sa demande en apportant à la cour des éléments précis.

En l’état des éléments d’appréciation dont la cour dispose, il sera accordé à M. [X] un rappel d’heures supplémentaires qui sera arbitré à 18 479 euros au titre de la période de novembre 2016 à août 2019 , outre l’indemnité de congés payés de 1 847,90 euros.

2/Sur le travail dissimulé

En application de l’article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé, par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l’embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Des articles L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, il résulte que le salarié, en cas de rupture de la relation de travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [B] [X] soutient que la société ne pouvait ignorer qu’il effectuait des heures supplémentaires dès lors que c’est elle qui a décidé d’une extension de son périmètre de prospection. En outre, la société demandait aux salariés placés dans une situation identique à la sienne, c’est à dire gérés en « mode réalisation de mission », de ne pointer que 8 fois dans la journée, conformément à la décomposition de leur temps de travail car elle avait connaissance du fait qu’ils étaient amenés à effectuer des heures supplémentaires. D’ailleurs, la transaction non datée qui lui a été proposée par la société mentionnait sa renonciation à réclamer en justice le paiement des heures supplémentaires. Il en déduit que l’absence d’indication de la durée du travail réelle sur les bulletins de paie, et de versement de la rémunération correspondant à ce temps de travail caractérisent le travail dissimulé.

La société Céris Ingénierie objecte que la qualification de travail dissimulé ne peut être retenue qu’à la condition que le salarié démontre l’intention de l’employeur de se soustraire délibérément à ses obligations légales, preuve qui n’est pas rapportée par le salarié.

La seule existence d’heures supplémentaires non payées est insuffisante à établir l’intention de l’employeur de dissimuler l’activité de M. [X]. Et l’obligation de pointage pour le personnel ‘géré en mode réalisation de mission et autonomie complète’ en 8 x 1/8 par jour, n’est que la contrepartie de cette autonomie, sans qu’il puisse en être déduit une intention frauduleuse.

En l’absence d’intention démontrée de l’employeur de dissimulation, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de M. [X] au titre de l’indemnité de travail dissimulé.

3/ Sur l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail

L’article L.1222-1 du code du travail dispose :« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »

M. [B] [X] soutient que la société Céris Ingénierie a fait preuve de nombreux manquements et négligences dans le cadre de la relation de travail. En effet, elle a procédé à la modification unilatérale de son contrat de travail, en étendant à huit départements sa zone géographique de prospection. En outre, alors que son lieu de travail était contractuellement fixé en Île-de-France, dans une agence commerciale qui devait être ouverte au 1er semestre 2017, il a dû travailler depuis son domicile personnel situé à [Localité 9] pendant plus de 18 mois. Le report de l’ouverture de cette agence commerciale a été source d’inquiétude pour lui quant à sa situation personnelle et professionnelle. Par ailleurs, lors de la rupture de son contrat de travail, il a vu ses accès informatiques limités et il a subi des pressions morales pour accepter une rupture conventionnelle. Ces agissements lui ont causé un préjudice moral conséquent. Il a été placé en arrêt de travail pendant près d’un mois en raison de symptômes anxiodépressifs et de troubles du sommeil.

La société Céris Ingénierie répond que le contrat de travail de M. [B] [X] indiquait en son article 4 que « l’acceptation des déplacements constitue une condition impérative de l’engagement ». En tout état de cause, si la zone géographique était importante, c’était pour permettre à M. [B] [X] de trouver davantage d’opportunités pour obtenir de nouveaux contrats. Par ailleurs, son contrat de travail fait référence aux locaux de la société Céris Ingénérie en Île-de-France « à titre indicatif », ce qui ôte tout caractère contractuel à la mention. Le contrat de travail indiquait que l’agence n’avait pas encore été créée, de sorte que M. [B] [X] savait à quoi s’attendre. Si finalement l’agence a ouvert tardivement, c’est du fait des piètres résultats de M. [B] [X] qui ne générait pas un chiffre d’affaires suffisamment important pour couvrir les coûts d’une agence parisienne.

Le contrat de travail de M. [X] stipule qu’il est engagé en qualité de Responsable commercial Île de France mais le secteur géographique qui lui est confié n’est pas décrit. Il est par contre expressément prévu que celui-ci accepte d’effectuer des déplacements ou des séjours temporaires en France, condition impérative de l’engagement

C’est dans un mail du 4 novembre 2016 envoyé par M. [T] et tenant lieu de compte-rendu d’une réunion du 3 novembre 2016 relative à la « définition de la feuille de route de [B] [X] » que la zone géographique de prospection confiée à celui-ci, a été définie comme étant, dans un premier temps (premier trimestre) la région Île-de-France ainsi que les départements 28, 45, 41 et 89, avec, dans un second temps, les départements 27 ,60 , 76 et 21. Il est précisé que, si un projet ou une piste sont identifiés en dehors de ces départements, la démarche commerciale doit être engagée. Le salarié affirme que sa zone de prospection a ensuite été étendue à la région Auvergne Rhône-Alpes, ce que l’employeur ne conteste pas.

La cour retient que le secteur géographique confié à M. [X] n’était pas contractualisé, qu’il a, immédiatement après son embauche, été informé des contours de sa zone de prospection et que l’extension de celle-ci à la région Auvergne Rhône-Alpes ne pouvait qu’être favorable au salarié dans la mesure où était prévu dans l’avenant n°0, le versement d’une prime liée à la signature de propositions commerciales chez de nouveaux clients et alors qu’il avait accepté le principe de déplacements sur tout le territoire.

Par ailleurs, ce même contrat de travail prévoyait dans son article 4 que M. [X] exercerait ses fonctions dans les locaux « en cours de création » de la société Céris ingénierie en Île-de-France. L’ouverture de l’agence implantée à [Localité 7] dans une structure d’accueil a été effective au 1er mars 2018 et le salarié en a été avisé dès le 23 novembre 2017 (pièce 7 appelant). Ainsi, alors que ni le lieu ni la date de l’ouverture de l’agence n’étaient contractualisés, M. [X] a accepté de travailler dans un premier temps depuis son domicile, dans l’attente de la création d’un local professionnel.

S’agissant de la limitation des accès informatiques, rien ne permet de conclure à leur caractère intentionnel. Enfin, la proposition par l’employeur de la conclusion d’une rupture conventionnelle ne peut caractériser une déloyauté de la part de celui-ci.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’aucune exécution déloyale du contrat de travail n’est établie. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande à ce titre.

4/Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. L’appréciation de cette insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l’employeur.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, le non-respect des objectifs ou l’insuffisance de résultats doivent être établis par des éléments objectifs précis et vérifiables, imputables au salarié et être la conséquence d’une insuffisance professionnelle ou d’un comportement fautif de celui-ci et non du comportement de l’employeur. Les objectifs assignés au salarié ne doivent en outre pas être irréalisables et le salarié doté des moyens nécessaires à leur réalisation.

Par ailleurs, le juge doit contrôler le respect des dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail qui prévoient que l’employeur doit assurer l’adaptation de ses salariés à leurs poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi compte tenu de l’évolution des technologies, des organisations et des emplois.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée (extrait) :

« Nous faisons pourtant le constat d’un certain nombre de carences et de négligences de votre part. Nous déplorons par ailleurs que vos résultats soient très en-deçà de ceux escomptés eu égard à votre niveau de responsabilités et à votre niveau de rémunération.

Vos missions ne sont que très partiellement remplies à ce jour.

‘ L’insuffisance de vos résultats commerciaux

A titre liminaire, nous faisons le constat, depuis votre embauche, d’une prospection insuffisante de votre part. Pour preuve, le nombre de prospects identifiés et contactés par vos soins est extrêmement faible.

Ceci vous a d’ailleurs été à plusieurs reprises signifié oralement, et fait l’objet d’échanges sur la nécessité d’augmenter le nombre de prospects (échanges par emails des 27 et 28 août 2018).

Le nombre de rendez-vous commerciaux planifiés dans notre outil VCARD est lui aussi bien en-deçà de nos attentes.

A titre d’exemple, sur les 6 premiers mois de l’année 2019, vous avez décroché et réalisé seulement 5 rendez-vous de prospection pure (lndena, Orano, Ramsay, Mora, et Blancreme) et participé à un salon Pharmapack.

Lors de votre entretien préalable, vous nous avez indiqué avoir « bouffé du téléphone à longueur de journée » .Vous n’êtes pourtant pas sans savoir que, plus que les échanges téléphoniques ou les courriels, ce sont les rendez-vous physiques qui permettent une bonne présentation et une mise en valeur du groupe et de ses références ! Or pour décrocher un rendez-vous, il faut susciter l’intérêt de son interlocuteur de manière efficace et rapide ce que visiblement vous n’avez pas su faire.

Un objectif de 5 propositions commerciales annuelles chez de nouveaux clients vous était fixé. Si l’objectif a été atteint la 1ère année, vous n’êtes pas parvenu à maintenir la performance depuis, et le nombre de propositions chez de nouveaux clients est en nette réduction depuis 2018.

Afin de vous aider dans votre approche, Messieurs [C] [P] et [B] [T] vous ont confié le suivi de plusieurs dossiers sur appels entrants ou appel d’offre marchés publics. Là encore, Ies résultats n’ont pas été au rendez-vous : propositions Orano, Clinique [6] et Hôpital des [8] perdues, propositions Make Up Forever n’ayant pas encore abouti, et IPSEN ayant abouti très partiellement mais avec de grosses difficultés dans la prise en charge du dossier.

Par ailleurs, le taux de réussite sur ces propositions est extrêmement faible (aucun succès depuis la fin d’année 2018).

Votre apport en chiffre d’affaire est également très faible… a fortiori lorsqu’on le compare aux résultats de Monsieur [C] [P] combinés aux miens.

Auparavant, nous assurions nous-mêmes le développement commercial. Votre recrutement a eu lieu à l’occasion de mon évolution vers le mandat de Président de CERIS Group (passage de 100% à environ 50°/o de mon temps sur la fonction commerciale) tandis que Monsieur [C] [P] évoluait de son côté vers le poste de Directeur Général. Nous avons fait le choix de vous recruter pour pouvoir nous consacrer à nos nouvelles fonctions.

Durant les 3 années précédant votre arrivée, les prises de commandes, tous commerciaux confondus, atteignaient les niveaux suivants :

2014 : 4 489 K € ;

2015 : 8 038 K € ;

2016 : 4104 K €.

Depuis votre arrivée, les chiffres n’ont pas évolué. Ils ont, bien au contraire, fortement chuté et ont été divisés par deux en 2018 :

2017 : 4177 K € ;

2018 : 2 310 K€.

Au total, les prises de commandes, depuis votre embauche en novembre 2016, et jusqu’à mai 2019, représentent 4 882 K € (hors avenants sur contrats).

Pourtant, seuls 779 K € sont dus à une action de prospection de votre part. Moins de 16 % des commandes vous sont ainsi attribuées. Pour ces commandes qui vous ont été attribuées car le projet a été identifié par votre prospection, Monsieur [C] [P] et moi-même nous sommes trouvés contraints de vous accompagner aux rendez-vous, en vous épaulant très largement dans la rédaction des propositions… sans quoi les contrats n’auraient probablement pas été signés.

Un tel constat est inacceptable, alors que nous sommes seulement 3 personnes dédiées à ces fonctions.

Vous êtes le seul à y consacrer votre activité à temps complet, Monsieur [C] [P] et moi-même gérant en parallèle nos fonctions de Directeur Général et Président.

Nous ne pouvons nous satisfaire de ces résultats très insuffisants, bien en-deçà de ce à quoi nous pouvions nous attendre, compte tenu de votre fonction exclusivement commerciale.

Nous sommes d’autant plus inquiets que la situation ne va pas en s’améliorant. ..

Sur les 779 K € de prises de commandes, 385 K € correspondent à la seule opération LEO PHARMA réalisée dès votre arrivée. Pour gagner ce contrat, vous avez été accompagné aux rendez-vous et fortement assisté dans la négociation pour aboutir. Une telle opération représente pas moins de 50 % du chiffre d’affaires total réalisé par vos soins depuis votre embauche.

Vos prises de commandes se sont depuis lors largement taries, ce que nous déplorons. . .

A titre d’exemple, pendant les 6 premiers mois de 2019, sur les 33 propositions ouvertes au total (5404 à 5437), seules 3 ont pour origine votre prospection et aucune n’a abouti. Or début 2019, vos auriez dû bénéficier pleinement de votre prospection faite les années précédentes.

Ainsi à ce jour, sur 2019 aucun nouveau contrat ne peut être attribué à votre action. Aucune proposition commerciale pouvant vous être attribuée n’est en cours. Votre prise de commandes sur 2019 est quasi-inexistante (inférieure à 100 k€ si l’on inclut les quelques avenants sur contrat 2018 comme BOSTIK). Aucun élément ne nous permet de présager d’une amélioration de la situation sur les quatre derniers mois de 2019.

Malgré le fait que nous nous soyons constamment tenus à votre disposition pour vous guider, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Non seulement vos résultats demeurent bien en-deçà des objectifs fixés, mais ils ne cessent de se dégrader.

Lors de votre entretien préalable, vous nous avez indiqué ne pas partager notre analyse, et avez prétendu que j’avais pris en main les projets les plus intéressants. Vous avez à cet égard cité le projet YPOSKESI. Je tiens à vous rappeler que je suivais déjà ce projet avant votre arrivée. 11 ne m’a pas semblé judicieux ni cohérent, pour une efficacité optimale, de vous confier ce dossier. . .

Vous nous avez par ailleurs indiqué avoir démarché « en long et en large » le groupe DELPHARM, et avez prétendu que ce projet devait vous être attribué. Nous considérons de notre côté que ce projet a été remporté grâce aux relations passées entre Monsieur [W] [F] et Monsieur [C] [P] (Monsieur [W] [F] ayant d’ailleurs pris le soin de contacter en direct Monsieur [C] [P] pour le consulter sur le projet).

Pour le reste, si nous nous sommes saisis d’un certain nombre de projets, c’est au regard de votre manque d’implication.

Nous faisons par ailleurs le constat de la difficulté que vous rencontrez dans l’exercice de vos missions au quotidien.

‘ Des défaillances dans l’exercice de vos missions :

Vous rencontrez des difficultés pour adapter votre discours commercial à nos clients.

A cette carence, s’ajoute un manque cruel de connaissance des références CERIS Ingénierie, ce qui explique en partie votre volume de vente très insuffisant.

Une telle situation démontre votre manque d’implication dans la gestion de votre activité, qui entache le dynamisme de notre action commerciale.

‘ Des difficultés manifestes à adapter votre discours commercial :

Malgré votre expérience significative dans le domaine commercial, vous peinez à adapter votre discours en fonction de votre interlocuteur.

Lors de votre entretien préalable, vous nous avez indiqué ne ressentir aucune difficulté par rapport au discours commercial. Les exemples ci-dessous attestent pourtant du contraire !

Vous avez par exemple, en mai 2019, alors que Monsieur [B] [T] vous accompagnait, lors d’un rendez-vous client en présence d’un cabinet d’architecture qui devait être partenaire, mis en avant l’intérêt de l’approche globale d’architecture et d’ingénierie que propose CERIS ! Une telle approche est parfaitement inadaptée…

Votre discours n’est, par ailleurs, pas toujours pertinent ni en adéquation avec les attentes et problématiques exposées par le client lui-même. 11 est pourtant de l’essence même du rôle d’un commercial de répondre de manière spécifique à la demande de son client !

A titre d’illustration, dans le dossier CROSSJECT, nous n’avons eu d’autre choix, en décembre dernier, que de vous inviter à adapter le contenu de l’offre au contexte, tout en veillant à faire attention aux mauvais copier-coller. Nous sommes affligés de devoir constamment vous rappeler de telles règles élémentaires !

Nous regrettons, compte tenu de votre expérience, et du suivi pourtant mis en place, que vous ne soyez toujours pas en mesure d’identifier les besoins de nos clients.

Votre manque de fiabilité nous contraint à devoir vous accompagner quasi systématiquement lors des rendez-vous commerciaux, ce que nous ne pouvons que regretter.

‘ Un manque de pertinence dans l’élaboration des offres :

Le manque de pertinence de votre discours est en partie lié à votre connaissance insuffisante des références commercialisées par notre société.

Vos offres techniques et commerciales manquent elles aussi de ce fait de pertinence. Nous nous trouvons dès lors régulièrement contraints de les reprendre et de les annoter.

Les illustrations en ce sens sont légion :

o Dossier CROSSJECT : la proposition établie par vos soins regorgeait d’éléments inadaptés.

Nous vous avons à cette occasion rappelée qu’il était indispensable de travailler « à un contenu adapté en fonction du contexte ». Nous vous avons également alerté sur la nécessité de proscrire les « copier-coller ». Nous avons enfin attiré votre attention sur l’incohérence du prix

proposé.

o Dossier [H] [I] : après avoir pris connaissance de la proposition établie par vos soins, nous avons repris cette dernière et l’avons annotée afin que vous procédiez à un certain nombre de corrections.

o Dossier SAINT GOBAIN : idem. Vous aviez indiqué un prix fixe. Vous devriez pourtant comprendre que dans un contexte de projet à plusieurs scenarii (réaménagement, bâtiment neuf), il ne nous est pas possible d’établir une offre sur la base d’un prix fixe.

o Dossier Clinique [6] : une nouvelle fois, nous n’avons eu d’autre choix que d’annoter la

proposition établie par vos soins, laquelle comportait des incohérences.

o Dossier MORA : idem.

o Dossier DELPHARM : là encore, nous avons revu votre projet de contrat. Nous vous avions fourni notre contrat type, or nous avons notamment dû rajouter sur votre version une formule de prime qui avait été incluse dans la proposition et acceptée par le client ainsi qu’une annexe pour définir le calcul du budget global et exclure ainsi les éventuelles demandes de modification du client, ce que vous n’aviez pas pris le soin de faire. La mention, dans le contrat, de la structuration de notre offre tarifaire constitue un élément primordial, qui ne peut sérieusement être omise dans un contrat. . .

o Dossier CHNO DES [8] [Localité 7] : de nouveau, nous n’avons eu d’autre choix que de pallier à vos carences à plusieurs reprises dans ce dossier. Nous vous avons ainsi alerté sur la durée extrêmement longue envisagée par vos soins sur ce chantier, ainsi que sur une incohérence dans les prix présentés.

Pendant votre période de congés, Monsieur [B] [T] a ensuite constaté que la DPGF n’avait pas été remplie correctement par vos soins, et a dû procéder aux corrections.

Lors de l’entretien préalable, vous nous avez indiqué que cette proposition n’était pas finalisée, et qu’il appartenait à Monsieur [C] [P] de la compléter. .. (à quel titre ‘)

Si nous pouvons naturellement comprendre votre départ en congés sans avoir finalisé cette offre, nous déplorons néanmoins que vous n’ayez pas pris le temps d’échanger avec nous et de nous alerter sur cette offre non finalisée et sur les points de vigilance ! Faute d’échanges constructifs, et en l’absence d’anticipation et d’information communiquée par vos soins, nous avons frôlé la catastrophe. Nous sommes d’autant plus amers que Monsieur [B] [T] vous avait informé qu’il était disponible pour échanger avec vous sur ce dossier.

o Dossier IPSEN RDD : nous considérons que nous avons dû vous apporter un soutien sur ce dossier qui va très au-delà du soutien normal d’une hiérarchie et d’une validation de documents aboutis ou presque aboutis. Beaucoup d’échanges (par mail / téléphone) ont eu lieu sur ce dossier de manière à pallier vos carences sur les sujets que vous n’étiez pas en mesure de prendre en charge personnellement.

11 est par ailleurs regrettable que le planning prévisionnel (qui constitue un élément important de l’offre) n’ait été à aucun moment préparé par vos soins (la simple mise en forme que Monsieur [C] [P] devait réaliser pendant le salon Contaminexpo s’est transformée en une création du planning que vous auriez dû préparer au préalable).

De manière plus générale, il semblerait que vous ne maîtrisiez pas les prestations proposées et ne différenciiez pas davantage nos différents métiers et approches (AMO, MOE, contractant général).

Vous rencontrez de ce fait d’importantes difficultés pour proposer à nos clients des offres adaptées à leurs besoins, dans des conditions qui soient par ailleurs intéressantes pour CERIS Ingénierie.

De telles lacunes entachent le crédit et le sérieux de notre entreprise, auxquels nous sommes profondément attachés.

Un tel constat est en contradiction avec le suivi, prévenant et approprié aux attentes de nos clients, que nous nous efforçons de mettre en ‘uvre, et conforme aux exigences de notre société.

Vous avez pourtant fait l’objet d’un accompagnement renforcé, non seulement à l’occasion de votre prise de fonction, mais aussi tout au long de votre activité et ce durant presque 3 années, ce qui aurait dû vous permettre d’approfondir votre connaissance de la société et des offres commercialisées. Au-delà des nombreux échanges verbaux que nous avons pu avoir ensemble, nous nous sommes par ailleurs toujours tenus à votre disposition pour faire le point sur les éventuelles difficultés rencontrées par vos soins, et pour vous aider.

11 semble malgré nos différentes actions que vous ne soyez pas parvenu à prendre la pleine mesure de votre poste, et de l’investissement requis par ce dernier.

Malgré nos différentes alertes, vous ne nous avez adressé aucun signal positif laissant préfigurer une amélioration… bien au contraire ! La posture de déni adoptée lors de l’entretien préalable démontre que vous n’êtes pas en capacité de faire évoluer les choses de manière positive.

De telles carences ont une répercussion indéniable sur les chiffres de l’entreprise.

Nous avons envisagé ensemble une rupture conventionnelle de votre contrat de travail, l’issue amiable étant selon nous préférable. Vous avez néanmoins fait le choix de vous rétracter.

Vous nous avez indiqué, lors de l’entretien préalable, que vous n’aviez plus envie de travailler au sein de notre entreprise, et qu’il était préférable que votre contrat de travail soit rompu.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en lien avec votre insuffisance professionnelle et votre insuffisance de résultats,… ».

M. [B] [X] fait valoir qu’au titre des années 2018 et 2019 aucun objectif commercial ne lui a été fixé, de sorte qu’il ne peut lui être reproché une insuffisance de résultat. Il appartient par conséquent à la société de rapporter les éléments chiffrés sur lesquels elle s’appuie pour formuler ce reproche. En outre, il ne disposait pas de moyens et d’outils suffisants de prospection. Par conséquent, si les résultats commerciaux n’ont pas été à la hauteur des espérances de la société, cela résulte uniquement de l’inertie de la société Céris Ingénierie. Il souligne que sur les six premiers mois de l’année 2019, il a participé à 30 réunions avec des sociétés, dont 18 rencontres étaient issues de son démarchage, et que le montant de ses prises de commandes s’est élevé à 830 200 euros au titre de l’année 2017, 623 876 euros au titre de l’année 2018 et 870 506 euros au titre de l’année 2019. De plus, lors de son licenciement, il disposait de 43 projets identifiés et en cours. Il souligne n’avoir jamais été alerté lors de ses entretiens annuels d’évaluation sur ses prétendues difficultés à adapter son discours commercial aux clients et sur son manque de connaissance des références ingénierie, et aucune formation ne lui a jamais été proposée. Enfin, il ne disposait pas d’une responsabilité complète puisque ses supérieurs hiérarchiques reprenaient les offres, les annotaient, les validaient et les signaient.

La société Céris Ingénierie répond que suite à son embauche, M. [B] [X] a fait l’objet d’un accompagnement renforcé pour lui permettre d’approfondir sa connaissance de la société et des offres commercialisées. Elle a fait le constat d’une insuffisance professionnelle qui se caractérise d’une part par une insuffisance de résultats et d’autre part par des défaillances dans l’exercice de sa mission.

L’insuffisance de résultats est caractérisée par le faible nombre de prospects identifiés et contactés par M. [B] [X] puisqu’il a réalisé seulement 5 rendez-vous de prospection au cours du premier semestre 2019, et le montant de ses frais au titre de l’année 2019 était quatre fois inférieur à ceux de l’année 2017. L’objectif fixé au contrat de travail de M. [B] [X] était la réalisation de 5 propositions commerciales chez de nouveaux clients Céris Ingénierie. Or, cet objectif n’a été atteint que lors de l’année 2017. En outre, son apport en chiffre d’affaires était extrêmement faible, alors même que seulement trois personnes avaient en charge le développement commercial de la société, et que seul M. [B] [X] exerçait cette fonction à temps complet. Le chiffre d’affaires a été divisé par deux en 2018. Cette année-là, M. [B] [X] a contribué à apporter seulement 16% des commandes. Pour les commandes qui lui ont été attribuées, il a systématiquement dû être accompagné et épaulé dans la rédaction des propositions. Lors des 6 premiers mois de l’année 2019, sur les 33 propositions de prospection ouvertes au total, seules 3 avaient pour origine la prospection de M. [B] [X] et aucune n’a abouti. Suite au départ de M. [B] [X], seuls deux contrats issus de sa prospection ont été gagnés en 2019, et aucun n’a été remporté en 2020. En réalité, parmi les prétendus projets identifiés ou en cours au 27 août 2019, certains étaient de faux projets et d’autres étaient déjà engagés. Enfin, dans le cadre de la présente procédure M. [B] [X] s’attribue à tort des prises de commande.

Par ailleurs, l’insuffisance professionnelle de M. [B] [X] est caractérisée par un ensemble de négligences et d’erreurs dans l’exercice de ses missions. Il rencontrait en effet des difficultés manifestes à adapter son discours commercial à son interlocuteur, ce qui était en partie lié à une connaissance insuffisante des références commercialisées par la société, et les offres qu’il élaborait manquaient de pertinence, comportaient des erreurs, des approximations et des incohérences, ce qui contraignait ses supérieurs à les reprendre et à les annoter.

La société formule donc quatre griefs à l’encontre de M. [X] :

– Une insuffisance de ses résultats commerciaux,

– Des défaillances dans l’exercice de ses missions,

– Des difficultés manifestes à adapter son discours commercial,

– Un manque de pertinence dans l’élaboration des offres.

S’agissant des résultats commerciaux, la cour observe que le salarié ne s’est vu assigner d’objectifs que pour la première année, et seulement en termes de propositions commerciales chez de nouveaux clients de Ceris Ingénierie. Ces objectifs étaient manifestement adaptés puisque le salarié, qui venait de prendre ses fonctions, est parvenu à les atteindre et a perçu la somme de 5 000 euros au mois de novembre 2017.

Il lui est fait reproche d’avoir, sur les six premiers mois de l’année 2019, identifié et contacté un nombre de prospects très faible, l’employeur estimant que M. [X] n’a réalisé que 5 rendez-vous de prospection pure. En réponse, celui-ci produit une liste des sociétés rencontrées entre le 23 janvier et le 22 mai 2019, liste qui ne comprendrait en réalité que quatre véritables réunions de prospection, selon la société Céris ingénierie.

En tout état de cause, la cour ne dispose d’aucun élément de comparaison avec les années précédentes et le salarié n’avait aucun objectif chiffré en termes de nombre de prospects, la baisse du montant des frais de déplacement ne pouvant à lui seul démontrer une insuffisance.

L’employeur pointe ensuite une forte chute des prises de commandes en 2018 : seulement 2 310 K € (pièce 70 intimée), alors que de 2014 à 2017, les prises de commandes étaient respectivement de (pièces 66 à 69 intimée) 4 489 K€ , 8 038 K€, 4 104 K€ et 4177 K€, sachant que, selon lui, moins de 16% de l’ensemble des commandes (779 750 euros) peuvent être attribuées à M. [X] sur la totalité de la période (pièce 6 intimée). Il verse également au débat la liste des contrats signés en 2019 par la société Céris, deux d’entre eux seulement provenant, selon lui, de la détection par M. [X] (pièce 83 intimée).

Le salarié produit en réponse une liste des prises de commandes qu’il a, selon lui, réalisées de 2017 à 2019 (pièce 49 appelant), dont il déduit que 2 324 582 euros lui sont attribuables.

La cour observe que le tableau produit par l’employeur reprend certaines des commandes mentionnées par le salarié, mais la société Céris ne s’explique pas sur les autres commandes qu’elle a écartées, à l’exception des commandes Yposkesi et Schütz.

S’agissant des deux commandes Yposkesi, M. [X] produit des échanges de mails (pièce 54 appelant), le premier d’entre eux émanant de M. [T] qui écrit le 24 mai 2017 : « Tel qu’en avait discuté mon collègue [B] [X] à M. [A], nous souhaiterions vous rencontrer pour vous présenter plus en détail nos compétences et références, faire un point sur vos projets et le cadre dans lequel vous allez consulter afin de s’y préparer,… ». Et M. [X] a transmis, le 7 juillet 2017, l’offre commerciale de la société Céris ingénierie pour le bâtiment B1.

Pour le second projet de bâtiment B3, s’il ressort des mails produits par l’employeur qu’il n’a donné lieu qu’à des échanges entre la société Yposkesi et M. [T] (pièces 90 à 97 intimée), sa concomitance avec le premier projet, puisque le dossier de candidature a été envoyé le 1er septembre 2017, démontre qu’il en est la suite, même si M. [X] n’en a pas assuré le suivi commercial, selon le choix de son supérieur hiérarchique, ce qui ne peut lui être reproché.

S’agissant ensuite de la commande Schütz, l’employeur affirme que le suivi commercial n’a pas été assuré par M. [X], tandis que ce dernier produit une synthèse des contacts qu’il a eus avec cette société (pièce 55 appelant). Il n’est pas plus explicité par la société Céris les motifs pour lesquels M. [X] n’a pas été en charge du suivi commercial.

La cour retient, au vu de ces éléments, que la société Céris a, de façon injustifiée, écarté les commandes Yposkesi et Schütz de la liste des commandes pouvant être attribuées à M. [X], sans s’expliquer sur les autres commandes revendiquées par celui-ci, et non reprises dans son propre tableau, ce qui ne permet pas de considérer que le montant des prises de commandes opérées par le salarié aurait baissé au cours des années 2018 et 2019.

Par ailleurs, la société Céris ne s’explique pas sur le fait que M. [X], pourtant recruté pour prendre en charge la partie commerciale et décharger de ces tâches MM. [P] et [T] qui en étaient précédemment chargés, a été écarté des négociations commerciales avec ces deux clients.

Il est ensuite reproché à M. [X] des difficultés à adapter son discours commercial, difficultés illustrées par un mail du 5 octobre 2018 dans lequel le salarié, qui prépare une présentation pour une entreprise Valdepharm, demande quelles sont les références à mettre en avant, une proposition pour la société IPSEN de mars 2019 dans laquelle est évoquée une « approche globale d’architecture et d’ingénierie de Céris » alors même que la société Céris travaillait en collaboration avec un cabinet d’architecture extérieur, ainsi qu’un mail de M. [P] du 18 décembre 2018 attirant l’attention de M. [X] sur la nécessité d’adapter la proposition commerciale au contexte sans recourir à des copier-coller.

La société Céris produit plusieurs propositions commerciales élaborées par M. [X] entre novembre 2018 et mai 2019, qui ont ensuite été corrigées par M. [P], directeur général, ou M. [T].

Si ces éléments établissent que les propositions commerciales élaborées par la salarié conduisaient son employeur à y apporter des corrections, la cour rappelle qu’il a été retenu ci-dessus que les prises de commandes n’avaient pas subi de baisse notable en 2018 et 2019.

Par ailleurs, il ne ressort pas des éléments versés au débat que l’employeur aurait alerté le salarié sur l’insuffisance de ses résultats, alors même que la société Céris avait cessé de lui fixer des objectifs dès la deuxième année, les corrections apportées aux propositions commerciales et le mail envoyé par M. [P] le 28 août 2018  évoquant « un retard de commande pris sur l’année » ne pouvant être considéré comme des alertes.

D’autre part, si l’employeur justifie avoir accompagné à deux reprises le salarié sur site peu après son embauche (pièces 73 et 74 intimée), il ne démontre pas qu’il aurait, après avoir constaté les insuffisances de son salarié, mis en ‘uvre des dispositifs et formations destinés à l’aider à surmonter celles-ci, le mail de M. [P] indiquant à M. [X] qu’il était à sa disposition pour l’aider à avancer (pièce 21 intimée) ne constituant qu’une aide ponctuelle sur un dossier.

Il convient par conséquent au vu des éléments fournis par l’une et l’autre des parties de dire non fondé par une cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à M. [X] et de confirmer le jugement sur ce point.

5/Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

Sur le rappel d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis

La cour ayant accordé un rappel d’heures supplémentaires de 18 479 euros au titre de la période de novembre 2016 à août 2019, soit 543 euros par mois, le salaire brut moyen sur les douze derniers mois s’élève à 7 570 euros.

Au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, M. [X] est en droit de percevoir la somme de 7 780,27 euros. La somme de 7 191,79 euros lui ayant déjà été versée, il lui sera alloué 588, 48 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement, étant souligné que, comme le mentionne le bulletin de paie de novembre 2019, aucune charge n’en est déduite.

Au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, il est en droit de percevoir la somme de 22 710 euros bruts. La somme de 19 191,90 euros bruts lui ayant déjà été versée, il lui sera alloué 3 518,10 euros bruts à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis, outre 351,81 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [B] [X] soutient que le licenciement lui a causé un préjudice moral important, tant par sa brutalité que par son caractère vexatoire. De plus, compte tenu de son âge de 57 ans au moment du licenciement, ses chances de retrouver un emploi pérenne avec un niveau de rémunération équivalent étaient très faibles. Il a d’ailleurs eu du mal à retrouver un nouvel emploi puisque si en décembre 2019, il avait trouvé un poste de commercial dans une société opérant dans l’ingénierie de construction des bâtiments de l’agro-alimentaire, il a été mis fin à sa période d’essai pendant le premier confinement. Puis, après avoir été au chômage pendant une durée de 7 mois, M. [B] [X] a finalement trouvé un poste en tant que responsable commercial dans une société opérant dans le domaine de la construction des bâtiments industriels et commerciaux.

La société Céris Ingénierie souligne que M. [B] [X] demande à bénéficier de près de 6 mois de salaire pour une ancienneté de 3 ans. Pourtant, le barème Macron prévoit pour une ancienneté de 3 ans, une indemnité maximale à hauteur de 4 mois de salaire. Elle souligne également que M. [B] [X] a perçu une indemnité de licenciement particulièrement favorable, ce qui doit être pris en compte dans l’allocation des éventuels dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, le contrat de travail de M. [B] [X] a pris fin le 27 novembre 2019, et il a dès le mois de décembre 2019 retrouvé un poste en tant que responsable commercial au sein d’une autre société, puis à la fin de ce contrat, il a retrouvé un poste en novembre 2020. Il en résulte que M. [B] [X] n’a subi aucun préjudice.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, le juge octroie au salarié une indemnité dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux déterminés selon l’ancienneté du salarié.

M. [X] ayant une ancienneté de deux années au jour de l’envoi de la lettre de licenciement, le montant de cette indemnité est compris entre trois mois et trois mois et demi de salaire brut.

Eu égard à l’âge de M. [X], à savoir 56 ans à la date du licenciement, au montant de son salaire, 7 570 euros, au fait qu’il a retrouvé un emploi en décembre 2019, il lui sera alloué, en réparation de son entier préjudice au titre de la rupture abusive, la somme de 22 710 euros. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

6/Sur les autres demandes

La cour rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil.

La société Céris ingénierie sera condamnée à verser à M. [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a requalifié le licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et débouté M. [B] [X] de ses demandes au titre du travail dissimulé et de l’exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Céris ingénierie à payer à M. [B] [X] les sommes suivantes :

-18 479 euros au titre des heures supplémentaires pour la période de novembre 2016 à août 2019

-1 847,90 euros au titre des congés payés afférents

-22 710 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-588, 48 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement

-3 518,10 euros bruts à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis

-351,81 euros bruts au titre des congés payés afférents

-1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil,

La société Céris ingénierie supportera les dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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