Télétravail : 22 juin 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02257

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Télétravail : 22 juin 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02257
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22 juin 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/02257

PS/SB

Numéro 23/2168

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 22/06/2023

Dossier : N° RG 21/02257 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H5NA

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[FC] [J]

C/

S.A.R.L. VICTOR

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 22 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 08 Février 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [FC] [J]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Maître BEDOURET, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.R.L. VICTOR immatriculée au RCS de PAU, exerçant sous l’enseigne Agence du Luy, représentée par son représentant légal domicilié ès qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 16]

Représentée par Me MARCHESSEAU LUCAS de la SELARL AVOCADOUR, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 09 JUIN 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : 19/00261

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [FC] [J] a travaillé pour le compte de la société Victor, qui exploite une agence immobilière sous l’enseigne Orpi, en qualité d’agent commercial à compter de 2006.

Il a été embauché le 15 avril 2013 par la société Victor en qualité de négociateur immobilier, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel (13 h/semaine) régi par la convention collective nationale de l’immobilier.

Par avenant du 4 janvier 2016, son temps de travail a été porté à 24 heures par semaine.

Du 1er au 11 mars 2018, puis du 17 mars 2018 au 2 octobre 2018, il a été placé en arrêt de travail.

Le 18 octobre 2018, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste et a précisé «’Pourrait être affecté sur un poste en télétravail sur un secteur géographique précis autour de son lieu de vie. Peut suivre une formation professionnelle’».

Le 2 novembre 2018, il a été informé de l’impossibilité de lui proposer un reclassement.

Le 3 novembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 15 novembre suivant.

Le 19 novembre 2018, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 27 septembre 2019, il a saisi la juridiction prud’homale.

Par jugement du 9 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Pau a :

– constaté qu’aucun élément ne laisse supposer l’existence de faits de harcèlement moral à l’origine du licenciement pour inaptitude,

– constaté que la société Victor a respecté son obligation de reclassement,

– dit que le licenciement pour inaptitude de M. [FC] [J] repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de ses demandes à ce titre,

– dit que les journées du 16 février et du 15 et 16 mars 2018 ont été travaillées par M. [FC] [J],

– condamné en conséquence la société Victor à payer à M. [FC] [J] la somme de 187,67 € pour les journées du 16 février 2018 et du 15 et 16 mars 2018,

– débouté M. [FC] [J] de sa demande de requalification du contrat de travail en temps plein,

– débouté M. [FC] [J] de sa demande de rappel des commissions sur les dossiers [R], [TL], [YK] et [G],

– ordonné la remise par la société Victor à M. [FC] [J] des bulletins de salaires rectifiés conformes au présent jugement,

– rappelé qu’en matière prud’homale l’exécution provisoire est de droit pour les condamnations en remise de documents que l’employeur est tenu de délivrer et celles en paiement des créances salariales ou assimilées mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14 dans la limite de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire (article R. 1454-28 du code du travail), et dit n’y avoir à l’ordonner pour le surplus,

– rejetant toute prétention plus ample ou contraire, débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société Victor à payer à M. [FC] [J] la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 5 juillet 2021, M. [FC] [J] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 4 novembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [J] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :

. a constaté qu’aucun élément ne laisse supposer l’existence de faits de harcèlement moral à l’origine du licenciement pour inaptitude,

. a constaté que la société Victor a respecté son obligation de reclassement,

. a dit que son licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de ses demandes à ce titre,

. l’a débouté de sa demande de requalification du contrat de travail en temps plein,

. l’a débouté de sa demande de rappel des commissions sur les dossiers [R], [TL], [YK] et [G],

. rejetant toute prétention plus ample ou contraire, a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– statuant à nouveau,

– juger que le comportement fautif de la société Victor est à l’origine de son inaptitude physique,

– en conséquence,

– juger que son licenciement est nul, et en tout état de cause dépourvu de cause réelle et sérieuse compte tenu de l’absence de recherche de reclassement,

– ordonner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet à compter du 4 janvier 2016,

– condamner la société Victor à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité pour licenciement nul (12 mois de salaire) 29.287,44 €,

. à titre subsidiaire, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois de salaire) 14.643,72 €,

. rappel de salaire sur préavis (2 mois) 4.881,24 €,

. congés payés afférents 488,12 €,

. rappel de salaire de janvier 2016 à octobre 2018 (requalification du temps partiel en temps complet) 19.599,98 €,

. rappel de commissions 3.270,84 € à parfaire,

– ordonner l’exécution provisoire de l’ensemble de la décision au-delà de l’exécution provisoire de droit de l’article R.516-37 du code du travail nonobstant toutes voies de recours et sans caution,

– rappeler que les intérêts au taux légal courent de plein droit à compter de la saisine du conseil de prud’hommes sur les créances de nature salariale, en vertu de l’article 1153 du code civil et les faire courir à compter de cette date sur les créances de nature indemnitaire par application de l’article 1153-1 du code civil,

– ordonner la remise de l’attestation pôle emploi, les bulletins de salaire et du certificat de travail rectifiés conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 20 € par jour de retard dans les 15 jours de la notification de la décision à intervenir,

– condamner la société Victor à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Victor aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 décembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Victor demande à la cour de’:

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. constaté qu’aucun élément ne laisse supposer l’existence de faits de harcèlement moral à l’origine du licenciement pour inaptitude,

. constaté qu’elle a respecté son obligation de reclassement,

. dit que le licenciement pour inaptitude de M. [FC] [J] repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de ses demandes à ce titre,

. débouté M. [FC] [J] de sa demande de requalification du contrat de travail en temps plein,

. débouté M. [FC] [J] de sa demande de rappel de commissions sur les dossiers [R], [TL], [YK] et [G],

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en remboursement des sommes indûment perçues par M. [FC] [J] et l’a condamnée à la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuant à nouveau,

– condamner M. [FC] [J] à la somme de 26.431,51 € brute au titre du remboursement des avances sur commissions,

– condamner M. [FC] [J] à la somme de 8.925 € brute au titre du trop versé sur les commissions,

– si par extraordinaire, la cour la condamnait à certaines sommes au titre du licenciement ou des rappels de salaires,

– ordonner la compensation des sommes éventuellement dues entre les parties,

– en tout état de cause,

– débouter M. [FC] [J] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [FC] [J] à la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur l’exécution du contrat de travail

Il n’a pas été fait appel du jugement en ce qu’il a condamné la Sarl Victor à payer à M. [J] un rappel de salaires de 187,67 € au titre de retenues injustifiées pour absence les 16 février 2018 et 15 et 16 mars 2018.

Sur la demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps plein

En application de l’article L.3123-14 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 9 août 2016, et désormais de l’article L.3123-6 du code du même code, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit et mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L.3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Cette exigence légale s’applique au contrat initial comme aux avenants modificatifs de la durée ou de la répartition du travail. L’absence d’écrit relativement à la durée du travail ou à sa répartition fait présumer que le contrat est à temps complet et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

La Sarl Victor n’étaye d’aucun élément de fait ses allégations suivant lesquelles les horaires de M. [J] étaient inclus dans les horaires d’ouverture de l’agence au demeurant de plus de 24 heures par semaine (lundi au vendredi de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h et samedi matin sur rendez-vous, pièce 14 employeur) et il était libre de son emploi du temps, étant en outre observé que suivant l’article 2 de l’avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective nationale de l’immobilier, étendu par arrêté du 5 juin 2007 et relatif au statut de négociateur immobilier, le négociateur immobilier non VRP est soumis à la réglementation sur la durée du travail, et M. [J] était négociateur immobilier non VRP, de sorte que l’employeur doit être en mesure de justifier de son temps de travail. En revanche, dans un courrier en date du 5 octobre 2018, M. [J] a écrit à l’employeur «’En février 2018, ne pouvant plus supporter vos exigences notamment en termes d’horaires de travail, je vous ai demandé un emploi du temps écrit respectant les 24 h hebdomadaires. J’ai bien vu que cela vous contrariait mais vous avez quand même été obligé d’accepter. Il a donc été décidé que je travaillerai les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 9 h à 12 h et de 15 h à 18 h’» et n’a pas dénoncé que cet horaire n’aurait ensuite pas été respecté. Il en résulte que M. [J] est fondé en sa demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps plein pour la période du 1er janvier 2016 au 31 janvier 2018. Il en ressort, suivant le calcul proposé par le salarié et subsidiairement retenu par l’employeur relativement à la période concernée, un rappel de salaires de 14.336,75 € (47,67 X 12,03 X 25), montant auquel sera arrêtée la créance de M. [J]. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de commissions

Suivant l’article 1-2 du contrat de travail prévoit, M. [J] avait droit à une commission sur toutes les affaires réalisées par son intermédiaire, déterminée comme suit, suivant le contrat de travail’: «’un pourcentage brut soit sur le montant des honoraires hors taxes effectivement perçus par la Sarl Victor, soit sur le montant des honoraires restant à la Sarl après paiement des honoraires pouvant éventuellement être dus à d’autres confrères ou intermédiaires. Ce pourcentage représente une rémunération brute dont indemnité de congés payés et prime de treizième mois, avant déduction de toutes charges sociales salariales. Il est fixé à’:

– 12,50 % des honoraires hors taxe lors de l’entrée d’un mandat,

– 12,50 % des honoraires hors taxe lors de la réalisation de la vente.’»

M. [J] demande un rappel de commissions de 4.000 € sur quatre ventes, [R], [TL], [G] et [YK], soit’:

– vente [R] 1.500 €

– vente [TL], 1.625 €

– vente [G] 875 €

– vente [YK]

Il lui appartient de rapporter la preuve de son droit à commission, et il appartient à l’employeur de rapporter la preuve du paiement des commissions éventuellement dues.

Concernant la vente de la maison de Mme [D] [R] et sa mère, sise [Adresse 3] à [Localité 16], il ressort des pièces produites que’:

– M. [J] a obtenu un mandat de vente sans exclusivité et d’une durée d’un an n° 2562 le 13 septembre 2017 au prix de 254.400 € honoraires inclus (pièce 20 du salarié);

– suivant le registre des ventes de l’agence (pièce 56 du salarié), ce mandat a abouti à une vente au prix de 232.000 €’; l’agence a perçu des honoraires de 12.000 € et une commission a été versée à Mme [K] [KN]’; l’acte sous seing privé a été reçu le 14 mai 2018 et l’acte authentique le 13 juin 2018′;

– un second mandat ° 2670 portant sur ce même bien au prix de 232.000 € a été établi comme étant en date du 14 mai 2018 (pièce n° 55 du salarié)’;

– ce second mandat a nécessairement été établi par l’agence et signé postérieurement à la signature de l’acte sous seing privé le 14 mai 2018, puisqu’il est établi que l’agence l’a communiqué à Mme [D] [R] aux fins de signature par mail du 15 mai 2018 (pièce 54 du salarié, s’agissant dudit mail, et pièce 53 du salarié, s’agissant du mail de Mme [D] [R] du 15 novembre 2018 lui communiquant ledit mail),

– M. [J] a sollicité de Mme [KN] une explication par SMS du 4 octobre 2018 («’Salut, j’ai eu une discussion très tendue avec [E] [[E] [P], gérant de la Sarl Victor] parce que j’ai découvert les dernières signatures de l’agence. J’ai été surpris de voir la plupart de mes maisons dont j’avais les mandats, vendues sans que je n’ai rien du tout. J’ai vu que tu partageais la commission avec [E]””’ Sur le mandat [R]””’ Dis moi juste que tu n’étais pas au courant stp. Parce que [F] a fait pareil avec le mandat [TL], je t’avoue que je suis complètement perdu’». «’En tous cas, pour moi c’est fini, [E] s’est foutu de moi. Il m’a nargué en le voyant prendre mes affaires. Je pense qu’il cherchait à ce que je l’agresse mais il me connaît mal.’» (pièce 57 du salarié) auxquels celle-ci a répondu par SMS’: «'[FC] je viens juste de lire tes messages je suis cassée de rentrer le bois et c’est pas fini. Je vais me doucher je souhaite qu’on en parle demain il n’y a aucun problème. Oui j’étais au courant par contre je veux en parler de vive voix avec toi. C’était ça ou [E] qui prenait tout…’».

La Sarl Victor fait valoir que durant l’absence pour maladie de M. [J], c’est Mme [KN] qui a géré le dossier aux fins de parvenir à la vente. Pour autant, le contrat de travail prévoyait une commission de 12,50 % sur les honoraires perçus «’pour l’entrée du mandat’» qui a été obtenue par M. [J], et non Mme [KN], de sorte qu’il aurait dû percevoir une commission de 12,5 % sur les honoraires de 12.000 €, soit 1.500 €, seule la commission de 12,5 % pour «’réalisation de la vente’» pouvant faire l’objet d’un partage entre Mme [KN] et M. [J] à proportion du travail de chacun postérieurement à l’obtention du mandat. Il n’y a pas lieu d’en déduire une commission d’apporteur d’affaire que l’employeur prétend avoir versé à M. [J] au titre de ce mandat en octobre 2018, étant observé que le bulletin de paie d’octobre 2018 mentionne une commission de 625 € comme apporteur d’affaire, mais que l’employeur ne produit aucun élément permettant de déterminer qu’elle a été payée au titre de ce mandat.

Concernant la vente de la maison «'[TL]’», sise [Adresse 1] à [Localité 15], il ressort des pièces produites que’:

– M. [J] a obtenu le 16 mai 2017 de Mme [C] [TL], mentionnée comme étant «’usufruitière’», un mandat de vente n° 2489 sans exclusivité et d’une durée de 12 mois, au prix de 199.000 € honoraires inclus (pièce 21 du salarié)’;

– un second mandat n° 2664 en date du 25 avril 2018 a été donné par Mme [C] [TL], Mme [X] [TL]-[ZR], Mme [PZ] [TL] et M. [N] [TL]’;

– suivant le registre des ventes de l’agence (pièce 56 du salarié), ce bien a été vendu au prix de 175.000 € par acte sous seing privé du 17 mai 2018 et acte authentique du 1er juillet 2018 et l’agence a perçu des honoraires de 13.000’€; le registre mentionne un mandat n° 2664 reçu par M. [E] [P], gérant de la Sarl Victor.

La société Victor soutient que le mandat reçu par M. [J] était irrégulier pour ne pas avoir été donné par tous les indivisaires. Cependant, un mandat de vente donné par un indivisaire seul est valable, mais il n’engage que celui l’ayant souscrit, et est inopposable aux autres indivisaires sauf ratification par ces derniers laquelle peut résulter y compris de la signature d’un compromis ou d’un acte authentique faisant mention du mandat et des honoraires de l’agence. En l’espèce, il résulte des éléments ci-dessus que le mandat a été obtenu d’un indivisaire par M. [J] puis ratifié par les autres indivisaires, de sorte qu’il est fondé à prétendre au paiement d’une commission d’un montant de 1.625 €.

Concernant la vente du bien des époux [G], les parties conviennent qu’elle a été réalisée par l’intermédiaire de M. [J] et que les honoraires ont été réglés après une procédure judiciaire. Aux dires de M. [J], la Sarl Victor a perçu des honoraires de 7.000 € tandis qu’aux dires de la Sarl Victor, ils ont été de 5.416,67 € et elle a réglé au premier sa commission de 677,08 € ( 12,5 % de 5.416,67 €) en 4 fois, soit 169,27 € en septembre, octobre, novembre et décembre 2017. M. [J] ne produit aucun élément démontrant que les honoraires perçus ont été de 7.000 € de sorte qu’il est à retenir le montant de 5.416,67 € reconnu par la Sarl Victor’; il est établi par la pièce n° 22 de l’employeur et les bulletins de paie que M. [J] a perçu une commission de 677,08 € et non discuté qu’elle lui a été versée au titre de cette vente. Il ne lui est donc rien dû.

Concernant la vente [YK], M. [J] ne présente aucune demande chiffrée et ne justifie pas que la Sarl Victor a perçu une partie des honoraires réglés à une autre agence du réseau Orpi suite à la vente d’un bien sur lequel il est constant qu’il avait obtenu un mandat. Il ne lui est donc rien dû.

Compte tenu d’un règlement d’un rappel de commissions de 729,16 € en 2019, la Sarl Victor sera condamnée à payer à M. [J] la somme de 2.395,84 € (1.500 + 1.625 ‘ 729,16). Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement d’avances sur commissions et de commissions trop perçues

Il incombe à la Sarl Victor qui réclame un trop perçu d’en rapporter la preuve. Elle soutient avoir trop payé’:

– 8.925 € de commissions, de 2016 à 2018, pour avoir réglé des commissions sur les honoraires perçus sans déduction des honoraires versés à d’autres confrères ou intermédiaires, ce que le salarié conteste’;

– 26.431,51 € d’avances sur commissions, de 2016 à 2018′; le salarié objecte que l’employeur n’a jamais procédé à aucune régularisation annuelle des commissions de sorte qu’il est établi que les parties ont entendu transformer les avances sur commissions en compléments de salaires fixe.

Le contrat de travail prévoit à l’article 1-2 «’rémunération ‘ 13ème mois’»’:

«’En contrepartie de son activité, le négociateur perçoit un salaire brut mensuel conventionnel dont congés payés et prime de treizième mois de 667,78 euros (six cent soixante-sept euros et soixante-dix-huit cents) pour les treize heures hebdomadaires de travail effectuées.

Ce salaire est versé à titre d’avance sur commissions.

Il est rappelé que conformément à l’article 37-2 de la convention collective de l’immobilier l’employeur se réserve le droit à titre exceptionnel et de façon provisoire, de verser des avances sur commissions mensuelles supérieures au salaire minimum brut mensuel stipulé ci-avant et revenir à celui-ci en cas de résultats inférieurs à l’avance ainsi consentie.

D’un commun accord entre les parties, le treizième mois est inclus dans la rémunération. Pour cette raison, le négociateur perçoit dans l’année civile, congés payés inclus, au moins 13 fois le salaire minimum conventionnel. Ce calcul est effectué, pendant l’exercice considéré, en cas de départ ou d’embauche en cours d’année ou de suspension du contrat de travail, au prorata du temps de présence et périodes assimilées par la convention collective.

Sur toutes les affaires réalisées par son intermédiaire, le négociateur perçoit un pourcentage brut soit sur le montant des honoraires hors taxes effectivement perçus par la Sarl Victor, soit sur le montant des honoraires restant à la Sarl après paiement des honoraires pouvant éventuellement être dus à d’autres confrères ou intermédiaires. Ce pourcentage représente une rémunération brute dont indemnité de congés payés et prime de treizième mois, avant déduction de toutes charges sociales salariales. Il est fixé à’:

– 12,50 % des honoraires hors taxe lors de l’entrée d’un mandat,

– 12,50 % des honoraires hors taxe lors de la réalisation de la vente.

Le décompte des commissions se fait, compte tenu de l’encaissement des honoraires par l’employeur, au plus tard à la fin de chaque mois. Il est tenu compte, dans ce décompte, tant des commissions qui ont été versées que des avances mensuelles éventuellement versées au négociateur. Ce décompte n’emporte pas «’remise des compteurs à zéro’». Ainsi, dans le cas où les commissions dues lors de l’établissement du décompte sont inférieures aux avances faites, les soldes négatifs sont reportés pour l’établissement des décomptes suivants tout en garantissant une rémunération brute annuelle au moins égale à treize fois le salaire minimum brute mensuel.’»

Suivant l’article 4 de l’avenant n° 31 du 15 juin 2006 à la convention collective nationale de l’immobilier, étendu par arrêté du 5 juin 2007, relatif au statut de négociateur immobilier, dans sa rédaction applicable au litige’:

– les négociateurs immobiliers non-VRP bénéficient d’un salaire minimum brut mensuel conventionnel correspondant au Smic’;

– la rémunération du négociateur est composée essentiellement ou exclusivement de commissions. Elle relève du libre accord du négociateur immobilier et de son employeur sous réserve du présent statut ; le salaire mensuel brut minimum pouvant constituer en tout ou partie une avance sur commissions.

Aux termes de l’article 5 de cet avenant, pour le négociateur immobilier, VRP ou non, le 13e mois peut être inclus dans la rémunération, conformément à l’article 38 de la CCN. En conséquence, le négociateur perçoit dans l’année civile, congés payés inclus, au moins 13 fois son salaire minimum brut mensuel tel que défini à l’article 4 du présent avenant.

Les décomptes établis par la Sarl Victor et qu’elle produit en pièces 18 et 19 ne permettent pas de déterminer qu’elle a, comme allégué, réglé des commissions qui auraient dû être calculées sur le montant des honoraires lui restant dus après paiement des honoraires dus à d’autres confrères ou intermédiaires, sans avoir déduit lesdits honoraires. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de remboursement d’un indu de 8.925 €.

De même, si l’intention de nover ne se présume pas, les juges peuvent la rechercher dans les faits de la cause (Cour de cassation chambre sociale 24 septembre 2014 n° 12-29471). Or, en l’espèce, l’employeur ne justifie pas avoir jamais communiqué à M. [J] aucun décompte mensuel, il est constant qu’il n’a jamais procédé à aucune régularisation annuelle et les bulletins de salaire versés aux débats de 2016 à 2018 font état du paiement de sommes à titre de «’salaire’» et, s’agissant de ceux correspondant à la période d’arrêt maladie, à titre de «’maintien de salaire’», et aucun ne comporte le terme «’avance’», de sorte qu’il est à considérer que la volonté des parties de nover les sommes versées à titre d’avance sur commissions en complément de salaire fixe est établie. Au demeurant, durant la période d’arrêt maladie en 2018, l’employeur a versé une indemnité de maintien de salaire en application de l’article 24 de la convention collective sur laquelle il n’est pas fondé à prétendre déduire des commissions. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de remboursement d’un indu de 26.431,51 €.

II Sur le licenciement

Sur la cause du licenciement

M. [J] soutient que son licenciement est nul au motif qu’il a fait l’objet d’un harcèlement moral visant à le faire démissionner et à l’origine de son inaptitude, et subsidiairement, qu’il est sans cause réelle et sérieuse en raison d’une violation de l’obligation de reclassement par l’employeur.

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de l’article L.1152-1 ci-dessus, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Suivant l’article L.1154-1 du même code, en cas de litige relatif à l’application de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces textes que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [J] invoque les faits suivants’:

– un retard dans l’organisation de la visite médicale de reprise’;

– le non-respect de l’horaire et de la durée du travail et la pratique régulière consistant à le contacter pendant ses congés ou arrêts maladie’;

– la modification de son secteur de prospection, passé de [Localité 14], [Localité 16] et [Localité 5], soit les communes les plus porteuses, à [Localité 8] et les villages aux alentours de son domicile à [Localité 7], antérieurement à son arrêt maladie, et la suppression de tout secteur de prospection au retour de l’arrêt maladie’;

– l’organisation à compter de 2017 d’un entretien individuel le vendredi à l’issue de la réunion de l’équipe, au cours duquel il devait lui rendre compte de ses activités dans les moindres détails et faisait l’objet de reproches incessants, et qu’il lui a imposé de lui adresser un SMS à chaque fois qu’il quittait l’agence pour lui dire où il allait’;

– des retards de paiement des salaires pendant l’arrêt de travail’;

– le déménagement de son bureau en rez-de-chaussée dans un bureau à l’étage le 27 février 2018 et l’affectation de son ancien bureau à Mme [B] [I], agent commercial, puis son déménagement dans un coin de table d’une salle de réunion en guise de bureau à son retour d’arrêt maladie, et l’absence d’ordinateur et de session informatique à son retour d’arrêt maladie,

– la reprise de la clé de l’agence le 4 octobre 2018,

– l’attribution de ses commissions à d’autres,

– le non paiement injustifié de journées de travail,

– des reproches, rabaissement, humiliations, manipulations, intimidations, culpabilisations, moqueries lors des entretiens individuels,

– l’envoi d’une lettre à toutes les agences ORPI pour leur demander un poste en télétravail, près de chez lui, alors que ces conditions ne concernaient que l’agence de Luy,

– une tentative de rupture conventionnelle sans motif le jour de son retour et une menace de licenciement pour motif économique non justifié,

– la demande aux autres membres de l’équipe de ne plus lui adresser la parole,

– un dénigrement auprès de l’équipe

– une demande de travailler ses mandats pendant son arrêt de travail,

– la divulgation aux clients de son état de santé,

– sa situation de santé.

– la tardiveté de la visite de reprise’:

Elle doit être organisée au plus tard dans un délai de 8 jours suivant la reprise du travail’; elle l’est pendant le temps de travail et, lorsque cela est impossible, est rémunérée comme du temps de travail effectif. M. [J] a été en arrêt de travail jusqu’au 2 octobre 2018, et la visite médicale a eu lieu le 16 octobre 2018, donc passé le délai de 8 jours suivant la reprise intervenue le 4 octobre 2018. Il produit (pièce 23) un mail du 11 octobre 2018 de M. [P], gérant de la Sarl Victor, l’informant en ces termes de l’organisation de la visite de reprise le 16 octobre 2018 «'[FC], Merci de te rendre disponible le mardi 16 octobre 2018 à 9 h 30. Les détails sont dans la convocation annexée’» et un mail adressé par lui à M. [P] le même jour par lequel il lui reproche en ces termes la tardiveté de la visite de reprise’: «’Dans mon cas, il s’agit d’un arrêt de travail de plus de 30 jours pour cause de maladie. Je n’ai eu la convocation que le 11 octobre 2018 (comme en atteste votre mail) soit 9 jours après la fin de mon arrêt de travail. L’examen est prévu le 16 octobre 2018 soit 14 jours après la fin de mon arrêt de travail. Ceci démontre, encore une fois, le peu de considération que vous portez à mon cas)’» (pièce 23) ; l’employeur justifie (pièces 4, 5, 6 et 6 bis,) qu’il a sollicité la médecine du travail par mail du 4 octobre 2018, sans indiquer les horaires de travail de M. [J], et a été destinataire, le même jour, d’une convocation le 8 octobre 2018 à 8 h 40, soit en dehors des horaires de travail de M. [J], puis a sollicité par mail du 5 octobre 2018 un nouveau rendez-vous en indiquant que le salarié ne pourrait honorer celui obtenu et en communiquant ses horaires de travail ; il a relancé la médecine du travail les 8 et 9 octobre 2018 en précisant dans le second «’Je pense que de dépasser le délai légal de 8 jours pourrait être mal interprété. Je souhaiterai alerter la médecine du travail sur le fait que M. [J] ressent un stress lié au travail. Il exprime un mal-être quant à ses conditions de travail et je serai très intéressé par vos préconisations sur ce sujet’»’; il a été destinataire le 10 octobre d’un mail de la médecine du travail l’informant que sa demande avait été transmise à la collègue du docteur [V], absent, dont le planning était cependant complet, et auquel il a répondu le même jour «’Merci pour votre rendez-vous. Je vous laisse faire au mieux pour caler un prochain rendez-vous. Pourriez-vous m’apporter une précision” Il me semblait que les RDV devaient impérativement se dérouler durant le temps de travail. C’est la raison pour laquelle j’avais demandé à décaler. Aurai-je dû toutefois imposer à mon salarié de s’y rendre”’». Ainsi, il est certes établi que l’employeur a sollicité la médecine du travail aux fins d’organisation d’une visite dans le délai de 8 jours, mais également qu’il n’a pas tenu le salarié informé des difficultés rencontrées, tenant pour partie à son fait s’agissant de l’omission des horaires de travail du salarié dans sa première demande, y compris après que le salarié lui a reproché la tardiveté de la visite, alors qu’il le savait en situation de «’stress’» et «’mal-être’» relativement à ses conditions de travail ;

– horaires de travail’:

M. [J] produit’:

. un courrier en date du 5 octobre 2018 adressé à l’employeur (pièce 4) dans lequel il formule divers reproches à l’égard de l’employeur concernant ses conditions de travail depuis septembre 2017 et, concernant la durée et les horaires de travail, il indique’: «’En février 2018, ne pouvant plus supporter vos exigences notamment en termes d’horaires de travail, je vous ai demandé un emploi du temps écrit respectant les 24 h hebdomadaires. J’ai bien vu que cela vous contrariait mais vous avez quand même été obligé d’accepter. Il a donc été décidé que je travaillerai les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 9 h à 12 h et de 15 h à 18 h’»’;

. son planning de février 2015 d’où il résulte qu’alors que son contrat prévoyait une durée de travail de 13 h répartie du lundi au jeudi de 10 h à 11 h 30 et de 14 h à 15 h et le vendredi de 10 h à 11 h 30 et de 14 h à 15 h 30, l’employeur l’a planifié comme étant de permanence à l’agence les jeudis 29 janvier, 5 et 19 février, et mardi 24 février à 9 h, soit en dehors de ses horaires de travail ;

. l’avenant du 4 janvier 2016 qui ne mentionne pas d’horaire de travail’;

. ses planning de novembre 2017, janvier, février et mars 2018′; le planning de mars 2018 ne mentionne rien les mercredis.

Il résulte de ces éléments que l’horaire défini au contrat en date du 15 avril 2013 n’était pas respecté par l’employeur, qu’il n’en a pas été déterminé à compter du 4 janvier 2016 et il a été déterminé que le contrat de travail devait être requalifié en contrat de travail à temps plein de cette date jusqu’à janvier 2018. Il n’est en revanche pas caractérisé de non-respect de l’horaire convenu en février 2018 postérieurement à cette date.

– pratique régulière consistant à le contacter pendant ses congés ou arrêt de travail, et demande de travailler ses mandats pendant son arrêt de travail’:

Sont produits’:

. par le salarié, un SMS reçu de Mme [Z] [U], assistante commerciale’le 20 juillet 2017, durant une période de congés, ainsi rédigé’: «’Coucou, j’espère que les vacances se passent bien… mauvaise nouvelle [W] n’achètent plus [RT]… à bientôt bises’», auquel il a répondu «’Oui, ça va on est à Barcelone. Bon ben tant pis… de toutes façons je m’y attendais… merci pour l’info. A + bises’»’; il s’agit là d’un SMS échangé entre collègues de travail et est à visée d’information'(pièce 40) ;

. par le salarié, un SMS reçu de M. [E] [P], gérant de la Sarl Victor, le 7 mars 2018, durant l’arrêt maladie du 1er au 11 mars 2018, ainsi rédigé’: «’Salut Mr [T] va dénoncer le mandat au profit de [DW], merci de gérer la perte de ton mandat. Sinon, le terrain devrait se signer nous attendons [M]’»'(pièce 41); il n’est pas déterminé que ce SMS a été suivi de l’exécution d’une tâche par M. [P]’;

. par l’employeur (pièce 29)’: un mail adressé le 26 avril 2018 à M. [J] par lequel il lui reproche d’avoir modifié en mandat simple un mandat précédemment en exclusivité en l’absence de résiliation régulière de ce dernier et lui demande «’d’appliquer ce que tu appliques pour autrui, à savoir, ne pas t’occuper des clients dont tu as la charge pendant ton arrêt de travail’».

Il ressort de ces éléments que ces faits ne sont pas caractérisés.

– modification de ses secteurs de prospection avant son arrêt maladie puis suppression de tout secteur de prospection à son retour d’arrêt maladie :

M. [J] indique qu’antérieurement à son arrêt maladie, il s’est vu retirer les secteurs les plus porteurs de [Localité 14], [Localité 16] et [Localité 5], attribuer le village de [Localité 8], et a conservé les villages autour de son domicile à [Localité 7]’; à son retour d’arrêt maladie, il n’a plus eu aucun secteur. Il produit’:

. le courrier en date du 5 octobre 2018 adressé à l’employeur dans lequel il relate qu’en 2017, son secteur de prospection a été réduit des deux tiers pour le redistribuer aux nouveaux arrivants, puis que lors d’un entretien en janvier 2018, alors qu’il avait atteint l’objectif fixé en 2017, l’employeur lui a signifié qu’à défaut d’augmentation de son résultat dans les 3 mois, il se séparerait de lui, ce quoi il a répondu qu’il lui serait difficile de faire plus alors même qu’il lui enlevait régulièrement des parties de son secteur de prospection au profit des nouveaux négociateurs et qu’il ne voulait pas modifier son temps de travail’; il s’agit là d’un courrier émanant du salarié et ne contenant donc que ses dires ;

. en pièce 35, trois photographies d’un panneau d’affichage interne à l’agence, prises suivant ses dires le 9 octobre 2018, et la troisième le 16 octobre 2018′; sur les deux premières, figure une carte avec les secteurs géographiques de cinq personnes dont M. [J], laquelle n’est pas contestée par l’employeur ; celui de M. [J] est [Localité 8], d’une taille extrêmement inférieure à celui des quatre autres personnes et ne comporte aucune des communes de [Localité 13] ou à proximité immédiate de [Localité 13], lesquelles sont partagées entre les quatre autres personnes’; la carte est absente de la troisième photo’; aucun élément ne permet de déterminer les motifs et circonstances de l’enlèvement de la carte’;

Ces éléments permettent de déterminer que le secteur de prospection de M. [J] était au 9 octobre 2018 extrêmement petit. Il s’agit d’une peau de chagrin en comparaison à celui des quatre autres négociateurs de l’agence, ce même à considérer son temps partiel, et sans rapport avec les commissions qu’il a obtenues en 2016 et 2017, respectivement de 11.246,83 € et 10.309,47 € d’après les pièces 15 et 16 de l’employeur. Il est ainsi à considérer comme établi que le secteur de prospection de M. [J] a été modifié, ce à une date indéterminée. Il n’est pas établi que tout secteur lui a été retiré à son retour d’arrêt maladie.

– l’instauration d’entretiens individuels du vendredi matin et leur contenu’:

M. [J] indique que l’employeur lui a imposé un entretien individuel hebdomadaire le vendredi matin, à l’issue de la réunion de l’équipe, au cours duquel il devait lui rendre compte de ses activités dans les moindres détails et faisait l’objet de reproches incessants, et qu’il lui a imposé de lui adresser un SMS à chaque fois qu’il quittait l’agence pour lui dire où il allait.

Il produit le courrier en date du 5 octobre 2018 adressé à l’employeur dans lequel il date la mise en place de ces entretiens individuels à septembre 2017 et se plaint de leur contenu, indiquant que l’employeur lui demandait d’atteindre un objectif supérieur à celui mentionné sur son contrat de travail et lui a fait savoir, en janvier 2018, que bien qu’ayant atteint cet objectif, à défaut d’augmentation de son résultat dans les trois mois, il se séparerait de lui. Il ne produit aucun SMS adressé à l’employeur pour l’informer d’un déplacement à l’extérieur ni aucun élément propre à étayer ses dires relativement au contenu de ces entretiens. L’employeur admet que M. [J] a fait l’objet d’un contrôle particulier par le biais d’entretiens individuels le vendredi matin. Leur existence est donc établie.

– les retards de paiement pendant l’arrêt maladie’:

M. [J] produit’:

. un SMS adressé le 5 mars 2018 à M. [P], lui demandant de lui adresser son chèque de salaire de février à son domicile et un SMS reçu en réponse le jour même, l’informant de l’envoi du salaire le matin’;

. des échanges de mails des 13 juillet, 23 juillet et 7 août 2018 avec Axa, organisme de Prévoyance, dont le premier afin de lui communiquer des justificatifs des indemnités journalières reçues de la sécurité sociale.

. ses bulletins de paie, sur lesquels le salaire est mentionné comme étant payé par chèque le dernier jour du mois’;

L’employeur produit’:

. un SMS du 2 mai 2018 par lequel il demande au salarié s’il doit lui envoyer son salaire,

. deux SMS des 26 avril 2018 et 6 juillet 2018 par lesquels il lui demande de lui communiquer ses attestations d’indemnités journalières de sécurité sociale aux fins de communication à Axa Prévoyance

Ces éléments ne caractérisent pas de retards de paiement de l’indemnité de maintien de salaire de la part de l’employeur ni du complément par Axa Prévoyance du fait de l’employeur.

– le déménagement de son bureau en rez-de-chaussée dans un bureau à l’étage le 27 février 2018 et l’affectation de son ancien bureau à Mme [B] [I], agent commercial, puis son déménagement dans un coin de table d’une salle de réunion en guise de bureau à son retour d’arrêt maladie, et l’absence d’ordinateur et de session informatique à son retour d’arrêt maladie’:

Il produit’:

. le courrier en date du 5 octobre 2018 adressé à l’employeur dans lequel il écrit «’Le 12 mars 2018, après ma journée de travail, j’ai quitté le bureau à 18 h. Le lendemain, lorsque je suis revenu à 9 h, mon bureau que j’avais depuis 13 ans était vide. Je vous ai croisé alors que vous quittiez l’agence, et vous m’avez signifié à la votée que vous aviez mis toues mes affaires professionnelles et personnelles sur un des bureaux à l’étage. Vous vous êtes justifié en me disant que vous souhaitiez que mon bureau soit inoccupé. L’après-midi à mon retour ce même bureau était occupé par votre amie personnelle et dernière arrivante, Mme [I] et toutes ses affaires y étaient installées tiroirs et armoires remplis. Sachant que Mme [I] est agente commerciale indépendante et n’est donc pas censée avoir de bureau à l’agence et que j’ai moi-même participé à sa formation autant que j’ai vécu cela comme une énième humiliation… A mon retour le 4 octobre 2018 à 9 h, ‘ de nouveaux agents commerciaux avaient rejoint l’équipe et par conséquent, je n’avais plus du tout de bureau, ni d’ordinateur. J’ai donc du attendre jusqu’à 11 h 30 que vous décidiez de bien vouloir me recevoir dans votre bureau. Vous m’avez dès lors et dans les premières minutes de l’entretien proposé une rupture conventionnelle de contrat sans aucun motif particulier. J’ai refusé votre proposition ce qui a eu l’air de vous surprendre. Vous m’avez alors glissé que vous procéderiez certainement à un licenciement économique. Vous m’avez cependant notifié que jusqu’à ce qu’une décision soit prise, je gardais le même emploi du temps habituel. Je n’ai pas cherché à en savoir plus étant sous le coup de cette annonce et nous en somme restés là. Lorsque je suis revenu à 15 h, je n’avais toujours pas de bureau ni d’ordinateur fonctionnel, je suis donc parti en prospection avec une collègue. A notre retour à 17 h, vous aviez installé un ordinateur sur un coin table de réunion et j’ai enfin pu me connecter sur ma session….[relation de la découverte le 4 octobre 2018 de l’attribution des commissions afférentes à deux mandats obtenus par lui, l’une à Mme [KN], l’autre à M. [P] et d’un entretien avec ce dernier lors duquel il lui a rendu la clé de l’agence ] Le lendemain, le 5/10/2018 je suis revenu à l’agence à 9 h mais le code pour accéder à ma session de travail ne fonctionnait plus. Je vous en ai fait part deux fois dans la matinée, sans action de votre part. Vous avez quitté l’agence à 11 h et je suis rentré chez moi à 12 h sans avoir pu travailler. Je vous ai envoyé un SMS à 13 h 13 vous expliquant que je souhaitais pouvoir accéder à mon compte pour ma reprise à 15 h. Vous m’avez répondu que vous ne seriez pas là avant 17 h. Je suis donc parti en prospection jusqu’à 17 h 45 heure à laquelle je suis revenu à l’agence qui était étonnamment fermée portes et volets alors que l’horaire de fermeture est de 18 h. Je vous ai notifié mon impossibilité d’accéder à mon lieu de travail par SMS pour garder une trace. Voilà donc deux jours (4 et 5 octobre 2018) durant lesquels j’ai été empêché de travailler. Je vous demande donc dans un premier temps de mettre à ma disposition un bureau décent (et non un coin de table) sachant que les 7 bureaux de l’agence sont occupés par des agents commerciaux indépendants (ce qui n’est normalement par autorisé) qui ne sont que ponctuellement présents et qui sont arrivés après moi dans l’entreprise. Je souhaite également une session informatique qui fonctionne correctement. Et ceci dans les meilleurs délais…’»

. le courrier ci-après reçu de l’employeur en réponse, en date du 8 octobre 2018, : «’Vous me demandez dans un premier temps «’de mettre à votre disposition un bureau décent (et non un coin de table) et «’une session informatique qui fonctionne correctement’». Concernant les bureaux, je m’efforce que chaque collaborateur, salarié ou agent commercial, puisse travailler dans de bonnes conditions mais je dois aussi tenir compte de la configuration des locaux. Je ne pense pas que vous soyez plus désavantagé qu’un autre. Certains doivent partager leurs bureaux à 3. Vous partagez le bureau à 2. Certes je vous ai placé sur la table de réunion mais nous ne l’utilisons que rarement, en général une fois par semaine. Je suis toutefois ouvert à des changements et me tiens à votre disposition pour en parler. Voici en PJ des photos des bureaux afin que nous puissions réfléchir ensemble à une réorganisation. Les accès informatiques sont effectifs depuis le jour de votre arrivée. Ils n’avaient pas été activés à 9 h car vous ne m’aviez pas mis au courant de votre retour de congé maladie et j’ai dû me rendre à un RDV. Comme en atteste le document ci-joint, vous avez eu un accès à 14 h 10. Hormis une coupure dans la journée, il semblerait que le logiciel fonctionne correctement depuis. Si à l’avenir vous rencontrez des difficultés de connexion, je vous remercie de bien vouloir me le signaler. Pour le reste de votre courrier, je ne valide pas l’ensemble de propos mais je suis bien entendu ouvert à en discuter’»'( pièce 5);

. un échange de SMS des 5 et 6 mars 2018 avec Mme [CP] [H], agent commercial, relativement au motif de son arrêt maladie dans lequel elle indique «’J’ai cru que tu était fâché d’être dans le bureau du haut’»’;

. des attestations des 7 et 27 décembre 2020 de Mme [A] [Y] et M. [LU] [I] (pièces 61 et 62), clients de l’agence, d’où il résulte que la première a vendu un bien en 2015 par l’intermédiaire de M. [J] qu’elle a ensuite conseillé à M. [I], et que postérieurement à novembre 2017, ils ont été reçus à l’agence afin que celui-ci souscrive un mandat de vente, par Mme [I], dans un bureau que Mme [I] a identifié comme étant celui dans lequel elle avait précédemment contracté par l’entremise de M. [J]’;

. une attestation du 1er mars 2020 de M. [PM] [O], ancien agent commercial, qui «’confirme que M. [J] à son retour n’avait plus de bureau car il m’avait été donné. J’avais même les bons de visite de M. [J] dans le bureau. M. [P] est allé chercher un ordinateur dans la remise et a installé M. [J] au coin de la table de réunion. Je confirme que plusieurs agents commerciaux avaient des pupitres d’ordinateur et un bureau attribué par l’agence’»'( pièce 24);

. les photographies de son poste de travail à son retour d’arrêt maladie (pièce 25) et des bureaux de l’agence (pièces 26 à 30)’: son poste de travail est constitué d’un ordinateur posé à l’extrémité d’une table de réunion, et à la différence des postes de travail dans les bureaux, il est dénué de tous autres éléments, tels stylos, surligneurs, agrafeuse, post-it …

. un SMS adressé le 5 octobre 2018 à 13 h 13 à M. [P], gérant de la Sarl Victor’: «’Je n’ai pas pu me connecter de toute la matinée, mon mot de passe étant bloqué comme je te l’ai dit plusieurs fois. J’ai besoin de consulter mon compte pour h…’» et le SMS reçu en réponse «’J’ai vérifié ce matin le compte était effectif. Tu as dû le bloquer après 5 tentatives tu peux accéder à ton compte via webmailorpi.com je crois. Je ne passerai pas à l’agence avant 17 h’;

L’employeur soutient que le changement de bureau de M. [J] antérieurement à l’arrêt maladie résulte d’un réaménagement de l’agence à la demande d’Orpi, qu’il n’existait en rez-de-chaussée qu’une seule pièce devenue un espace d’accueil des clients communs à tous pour recevoir y compris les clients à mobilité réduite et produit :

. en pièce 8′: un document non daté d’Orpi relatif à l’harmonisation extérieure des façades et vitrines et à l’agencement intérieur et prescrivant à ce titre 3 éléments obligatoires, à savoir la «’map’» qui consiste en un décor mural, le logo intérieur «’Orpi’» et la table communautaire sans que son emplacement ni son usage ne soient déterminés’; cette pièce ne démontre pas que le changement de bureau antérieur à l’arrêt maladie résulte d’un réaménagement de l’agence’;

. une liste des connexions de M. [J] à sa session informatique’: il s’est connecté le 4 octobre 2018 à 15 h 01, a vainement tenté de se connecter le 5 octobre 2018 à 17 h 25, cette tentative étant commentée comme suit «’refus’: mot de passe erroné ‘ 1 erreur’», et s’est connecté le 8 octobre 2018 à 9 h 03′; il n’est pas identifié de blocage suite à 5 tentatives de connexion avec un mot de passe erroné le 5 octobre 2018 mais il n’est pas non plus permis de déterminer que le mot de passe avait été changé ;

. un SMS adressé par M. [P] à M. [J] le mercredi 3 octobre 2018 «’Bonjour ton arrêt se terminant le 2/10 inclus, je pensais te voir ce matin. Qu’en est il” Merci. [E]’», étant observé que le 3 octobre 2018 étant un mercredi, journée non travaillée par M. [J], la reprise devait intervenir le 4 octobre 2018′;

. une attestation de Mme [B] [I], agent commercial, du 9 septembre 2020 suivant laquelle «’étant indépendante, nous, les négociants, n’avons en aucun cas, un bureau attitré. Nous partageons les espaces même si nous personnalisons (par une photo, un objet…) un peu pour nous sentir à l’aise’»’; il en résulte que les agents commerciaux avaient à tout le moins un poste de travail attitré puisqu’ils étaient en mesure de le personnaliser.

Il résulte de ces éléments que’:

. antérieurement à son arrêt de travail et à une date proche de celui-ci, puisque Mme [H] s’est interrogée sur le point de savoir si ce changement pouvait avoir contribué à l’arrêt de travail, M. [J] a changé de bureau pour un bureau à l’étage, ce, à la demande de l’employeur, et que son ancien bureau, qu’il occupait depuis 2006, a été affecté à Mme [B] [I], agent commercial récemment recrutée’;

. à son retour d’arrêt maladie, le 4 octobre 2018 à 9 h, M. [J] n’avait ni bureau, ni poste de travail ni accès informatique ; le 4 octobre 2018, en fin de journée de travail, il lui a été aménagé un poste de travail se limitant à un ordinateur sur une table de réunion’; il a eu un accès informatique à compter du 4 octobre 2018 à 15 h’;

– la reprise de la clé de l’agence le 4 octobre 2018′:

Le salarié produit’:

. le courrier adressé à l’employeur en date du 5 octobre 2018, dans lequel il indique «” Lorsque, le 4/10/2018, aux alentours de 18 h, je vous ai fait remarquer l’escroquerie [relativement aux commissions des mandats obtenus par lui], vous m’avez ri au nez en me disant “c’est la vie”. Je vous ai donc dit que nous allions entrer en procédure, ce qui vous a fait encore plus rire. Vous m’avez parlé de la clé de l’agence et j’ai accepté de vous la rendre’»’;

. un échange de SMS du 5 octobre 2018 avec M. [P], gérant de la Sarl Victor (pièce 32)’:

M. [J]’: «’Il est 17 h 53. Je suis de retour de prospection et l’agence est fermée. Tu m’as pris ma clé hier je ne peux donc pas accéder à mon lieu de travail. Merci de le noter. Bonne soirée’»

M. [P] à 20 h 32 «’Je prends bonne note de ton texto. Pour mémoire, au cours de notre discussion d’hier fin de journée, c’est toi qui m’a remis la clé et non moi qui t’ai demandé de me la remettre. Cette clé est bien entendu à ta disposition dès lundi matin. Il est en effet compliqué pour toi de venir travailler si tu n’a pas les clés [émoticône visage légèrement souriant] En souhaitant que nos tensions s’apaisent pour le bien être de chacun et pour la bonne marche de l’entreprise. Je te souhaite une bonne soirée et un bon week-end’».

Il résulte de ces éléments que M. [J] a remis la clés de l’agence à M. [P] le 4 octobre 2018 mais il n’est pas permis de déterminer s’il l’a fait de sa propre initiative ou à la demande du second. Il n’est donc pas caractérisé que l’employeur lui a retiré la clé de l’agence.

– l’attribution de ses commissions à d’autres’:

Il a été déterminé que M. [J] a été privé des commissions de 12,50 % qui auraient dûlui revenir suite à la vente [R] par acte authentique du 13 juin 2018 et à la vente [TL] par acte authentique du 1er juillet 2018. Il résulte de l’échange de SMS avec Mme [KN] du 4 octobre 2018 (pièce 57), du SMS de M. [P] du 5 octobre 2018 («’au cours de notre discussion d’hier fin de journée’» pièce 32) qu’il l’a découvert le 4 octobre 2018.

– le non paiement de journées de travail’:

La Sarl Victor n’a pas fait appel de sa condamnation à payer à M. [J] la somme de 187,67 € pour les journées des 16 février 2018, 15 et 16 mars 2018, non rémunérées alors qu’il a travaillé.

– l’envoi d’une lettre à toutes les agences ORPI pour leur demander un poste en télétravail, près de chez lui, alors que ces conditions ne concernaient que l’agence de Luy, de sorte qu’il a été «’grillé’» dans toutes les agences Orpi du Béarn’:

L’employeur produit des courriers (pièce 12) d’où il résulte qu’il a interrogé douze agences Orpi de [Localité 13], [Localité 18], [Localité 10], [Localité 11], [Localité 6], [Localité 9], [Localité 17] et [Localité 12] relativement à un éventuel reclassement de M. [J] en mentionnant les préconisations du médecin du travail, soit «”pourrait être affecté sur un poste en télétravail sur un secteur géographique précis autour de son lieu de vie. Peut suivre une formation professionnelle’». Il ne peut lui être fait reproche d’avoir ainsi mentionné ces préconisations.

– une tentative de rupture conventionnelle sans motif le jour de son retour et une menace de licenciement pour motif économique non justifié’: Il en est fait état dans le courrier en date du 5 octobre 2018 du salarié mais il ne s’agit là que de ses dires’;

– la demande aux autres membres de l’équipe de ne plus lui adresser la parole, un dénigrement auprès de l’équipe’:

M. [J] produit une attestation du 1er mars 2020 de M. [PM] [O], agent commercial, qui indique «’J’ai entendu M. [P] parler de M. [J], dénigrer ses résultats, qu’il avait tout fait pour l’arranger en le salariant et que, pour le remercier, M. [J] n’avait “rien foutu”. Un jour, M. [P] m’a prévenu du retour possible de M. [J] à l’agence car les arrêts maladie étaient plus courts. Il m’a demandé d’éviter le plus possible les contacts avec M. [J] car il avait mauvais esprit et que l’ambiance à l’agence se dégraderait. Il m’a confié qu’il espérait que M. [J] quitterait vite l’agence… M. [P] nous a fait part de son souhait de ne plus travailler avec M. [J] avant que celui-ci ne revienne. C’est comme une sorte de challenge sportif pour M. [P]. Mais il n’a pas dévoilé sa stratégie pour y arriver.’»

Il est ainsi établi que M. [P] a dénigré le travail de M.[J] à tout le moins auprès d’un agent commercial de l’entreprise, lui a demandé de ne pas communiquer avec lui et a informé l’ensemble de l’équipe commerciale avant la reprise de M. [J] de son souhait de se séparer de ce dernier.

– la divulgation aux clients de son état de santé’:

Il est attesté par des clients qu’ils ont été informés de l’arrêt maladie de M. [J], mais il n’est pas pour autant établi qu’ils ont eu quelque information que ce soit relativement à son état de santé.

– sa situation de santé’:

Monsieur [J] produit’:

. son dossier de médecine du travail’: il ne mentionne que deux visites, le 3 juin 2013 suite à son embauche, et la visite de reprise du 16 octobre 2018. Le médecin a indiqué :«’Dépression liée au travail selon lui. Plusieurs déclencheurs (femme atteinte d’un lymphome en cours de traitement) Etait indépendant depuis 2006 puis salarié en 2013. Modalités du contrat de travail auraient changé. Contrat de travail à temps partiel à 24 h. Me décrit des relations de travail dégradées’: plus de bureau, plus d’ordinateur ni de mandat de travail. Employeur lui aurait proposé une rupture conventionnelle. Il l’a refusée. A pris RDV auprès de l’inspection du travail le 29 octobre. Ne percevrait plus de commissions. A vu médecin conseil qui lui a notifié une reprise au 2 octobre.’» et, concernant l’examen clinique «’troubles du sommeil, anxiété, ne comprend pas ce qui a pu arriver’»’;

. un certificat du docteur [VY], généraliste, du 18 février 2019, suivant lequel M. [J] a présenté un «’syndrome anxio-dépressif lié selon le patient à une souffrance au travail avec pour conséquence des arrêts de travail depuis mars 2018’»’;

. un certificat de ce même généraliste du 21 septembre 2020 suivant lequel «’M. [J] [FC] est toujours en traitement pour un état dépressif’»’;

. une attestation de la CPAM relative à des indemnités journalières servies du 9 au 22 septembre 2020.

. un courrier du 7 août 2017 d’un praticien du service d’oncologie de l’hôpital de [Localité 13], concernant sa conjointe, d’après lequel elle était alors en rémission d’un lymphome et bénéficiait d’un traitement d’entretien.

Il en résulte que l’arrêt de travail a été nécessité par un syndrome anxio-dépressif que M. [J] a mis en rapport, auprès du médecin du travail et de son médecin traitant, avec ses conditions de travail et la grave pathologie qui avait affecté sa conjointe.

Ces éléments caractérisent des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail.

La Sarl Victor fait valoir’:

– concernant le secteur de prospection de M. [J]’: elle conteste l’avoir modifié et/ou supprimé et soutient :

. qu’elle n’avait aucun intérêt à restreindre le secteur de prospection de M. [J], ce qui l’aurait empêché de trouver des mandats et de faire des ventes’;

. qu’eu égard à la durée de l’arrêt maladie de M. [J], elle a dû répartir les prospects et les mandats de ce dernier auprès de ses collègues.

Cependant, il a été retenu ci-dessus que le secteur de prospection avait été réduit à une date indéterminée, mais il ne peut en être déduit que le territoire couvert par l’agence s’en était trouvé réduit, étant observé qu’elle avait également recours à des agents commerciaux. De même, le secteur de prospection affecté à M. [J] avant comme après son arrêt maladie est sans rapport avec la nécessité de poursuivre le travail de celui-ci durant l’arrêt maladie.

– concernant l’instauration d’entretiens individuels le vendredi matin’:

. qu’il est normal qu’un négociateur rende compte de son activité et que le contrat de travail prévoyait à ce titre «’le négociateur est tenu de remettre un rapport journalier sur demande de l’employeur portant sur les affaires en cours’»,

. que M. [J] refusait de rendre compte de son activité et venait à l’agence à sa guise.

. que lorsque, en 2017, il a constaté que les résultats n’étaient pas au rendez-vous, il a souhaité pouvoir contrôler davantage son salarié.

S’il relevait effectivement du pouvoir de direction de l’employeur de contrôler l’activité de M. [J], les arguments ci-dessus ne peuvent permettre de justifier la mise en place de la modalité particulière de contrôle tenant à l’organisation d’un entretien individuel hebdomadaire alors que’:

. l’employeur ne fournit aucun élément caractérisant qu’il a formulé quelque observation ou avertissement que ce soit à M. [J] relativement à son obligation de rendre compte ni que ses résultats ont baissé, et sa pièce 15 établit qu’il a perçu 11.246,83  € de commissions en 2016 et 10.309,47 € de commissions en 2017, ce qui suppose un résultat en honoraires sensiblement équivalent’;

. compte tenu de l’informatisation de l’agence, l’employeur avait aisément accès à toutes les informations relatives aux prospects, visites, mandats ‘ de M. [J].

– que par mail 19 août 2018, M. [J] l’a informée de la prolongation de l’arrêt de travail et lui a indiqué «’ça devrait normalement être mon dernier renouvellement d’arrêt car ça va beaucoup mieux. A bientôt’», puis par mail du 3 septembre 2018 (pièce 3), il l’a avisée de la prolongation d’une semaine de son arrêt de travail et a proposé «’à toi [E], [S], [F] et [CP] de déjeuner ensemble ce vendredi, avant la reprise si ça vous dit… A très vite.’» et qu’il ne s’agit pas là de messages d’un salarié en dépression à cause du harcèlement moral de son employeur. Ces messages ne permettent pas de remettre en cause le fait que M. [J] a présenté un syndrome anxio-dépressif qu’il a mis en rapport, auprès du médecin du travail et de son médecin traitant, notamment avec ses conditions de travail.

– que lors du retour d’arrêt maladie de M. [J], M. [O] occupait son bureau, mais ce après 7 mois d’arrêt maladie, alors qu’il n’avait pas prévenu de son retour nonobstant son message du 3 octobre 2018 et qu’il n’aurait pas été délicat de demander à M. [L] de quitter le bureau pour lui laisser la place. Cependant, l’employeur savait, pour en avoir convenu avec lui, ainsi qu’il l’invoque lui-même pour s’opposer à la demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps plein jusqu’au licenciement, que M. [J] ne travaillait pas le mercredi et ne reprendrait donc pas le travail le mercredi 3 octobre 2018, et il ressort de son courrier en date du 8 octobre 2018 (pièce 5 du salarié) qu’à cette date, soit quatre jours après la reprise de travail, le poste de travail de M. [J], plus ancien négociateur de l’entreprise et unique négociateur salarié, se limitait encore à un ordinateur posé à l’extrémité d’une table de réunion.

– qu’elle a été contrainte de bloquer l’accès informatique de l’entreprise de M. [J] après avoir découvert qu’il se connectait depuis son domicile pour modifier son agenda ou certains documents. Cependant, d’après sa pièce n° 29, cette découverte date du 26 avril 2018, date du mail adressé à M. [J] pour lui demander de ne pas s’occuper des clients dont il avait la charge pendant son arrêt de travail, et d’après la liste des connexions de M. [J] sur le logiciel de l’agence, produite à compter du 15 avril 2018 en pièce n° 10, il lui a été possible de se connecter les 14 et 16 août 2018, dates auxquelles son accès n’avait donc pas été bloqué.

– que le contrat de travail de M. [J] demeurait suspendu jusqu’à la visite médicale de reprise et qu’il n’était pas censé pouvoir travailler. Cependant, la visite médicale de reprise a lieu lors de la reprise et au plus tard dans le délai de 8 jours, de sorte que pendant ce délai, la prestation de travail peut être exécutée et lorsque tel est le cas, les parties doivent satisfaire aux obligations y relatives. De même, il appartenait à l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité à l’égard du salarié, de lui demander de ne pas travailler s’il l’estimait opportun, ce qu’il aurait dû faire au moins à compter du 9 octobre 2018, date à laquelle il savait l’état de stress et de mal être du salarié relativement à ses conditions de travail puisqu’il l’a rapporté par mail au service de médecine du travail.

Cass.’ Soc. 17.10.2012′: n°11-22287 en cas de travail pendant le délai de 8 jours, le salarié est soumis au pouvoir disciplinaire de l’employeur et peut être licencié pour faute

Ainsi, l’employeur ne rapporte pas la preuve que les faits dénoncés par le salarié et retenus comme avérés sont étrangers à tout harcèlement.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, et lorsque ce manquement consiste en un harcèlement moral, ce licenciement est nul.

En l’espèce, il est établi que M. [J] a été victime de harcèlement moral et que ce harcèlement moral est en lien avec l’arrêt de travail au terme duquel son inaptitude a été constatée. Dès lors, le licenciement est donc nul. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement nul

Le salaire de référence à prendre en considération est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie, soit, pour la période de décembre 2017 à février 2018, de 2.440,62 €.

En application de l’article L.1234-1 du code du travail, M. [J], qui avait plus de deux ans d’ancienneté, a droit à une indemnité compensatrice d’un préavis de deux mois et il n’est pas discuté qu’il est à retenir un salaire de référence de 2.440,62 €. La Sarl Victor sera donc condamnée à lui payer la somme de 4.881,24 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 488,12 € au titre des congés payés afférents.

En application de l’article L.1235-3-1 du code du travail, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. M. [J] avait une ancienneté de 5 ans, indique être au chômage depuis son licenciement, et en justifie jusqu’en décembre 2020. Il lui sera alloué une somme de 14.643,72 € représentant six mois de salaire.

III Sur les autres demandes

Il sera ordonné à la Sarl Victor de remettre à M. [J] une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt. Il n’y a pas lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte, ni d’ordonner la remise d’un certificat de travail rectifié.

Les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2019, date de réception de la lettre de convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation, valant sommation de payer au sens de l’article 1231-6 du code civil, pour les rappels de salaire et de commissions, l’indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés y afférents, et à compter du présent arrêt concernant les dommages et intérêts pour licenciement nul en application de l’article 1231-7 du code civil.

La Sarl Victor, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. [J] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Pau du 9 juin 2021 hormis sur la demande reconventionnelle de remboursement d’avances sur commissions et de commissions trop perçues, et sur la remise d’un certificat de travail,

Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Requalifie le contrat de travail en contrat de travail à temps plein pour la période du 1er janvier 2016 au 31 janvier 2018 et condamne la Sarl Victor à payer à M. [FC] [J] la somme de 14.336,75 € à titre de rappel de salaires,

Condamne la Sarl Victor à payer à M. [FC] [J] la somme de 2.395,84 € à titre de rappel de commissions,

Dit nul le licenciement de M. [FC] [J],

Condamne la Sarl Victor à payer à M. [FC] [J] les sommes de’:

– 4.881,24 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 488,12’€ au titre des congés payés y afférents,

– 14.643,72 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Ordonne à la Sarl Victor de remettre à M. [FC] [J] une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt et rejette la demande d’astreinte,

Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2019 pour les rappels de salaire et de commissions, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, et à compter du présent arrêt concernant les dommages et intérêts pour licenciement nul,

Condamne la Sarl Victor aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la Sarl Victor à payer à M. [FC] [J] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande de ce chef.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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