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26 juin 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/01944
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°256
N° RG 20/01944 –
N° Portalis DBVL-V-B7E-QSIS
M. [D] [E]
C/
S.A.S. INTER MUTUELLES ASSISTANCE TECHNOLOGIES
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Yann CASTEL
Me Jean-Luc AMOUR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2023, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 03 Avril précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT et intimé à titre incident :
Monsieur [D] [E]
né le 10 Juin 1981 à [Localité 2] (44)
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Margaux LE SAGE substituant à l’audience Me Yann CASTEL de la SARL AVOLENS, Avocats au Barreau de NANTES
INTIMÉE et appelante à titre incident :
La S.A.S. INTER MUTUELLES ASSISTANCE TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-Luc AMOUR de la SELARL CAPSTAN OUEST, Avocat au Barreau de NANTES
M. [D] [E] a été embauché à compter du 2 juin 2008 par la SAS INTER MUTUELLES ASSISTANCE TECHNOLOGIES (IMATECH) dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de conseiller clients juridique, position 3.1, statut agent de maîtrise. M. [E] a exercé successivement à compter de 2013 des missions de ‘Leader Produit’ puis a été en 2014 entièrement affecté au sein de la direction commerciale au développement des produits nommés ‘conciliation’, ‘Advocat’ et ‘Mes Droits, Mon Avocat’ (MDMA).
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 avril 2018, la SAS IMATECH a convoqué M. [E] à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 26 avril 2018.
Le 2 mai 2018, la SAS IMATECH a notifié à M. [E] son licenciement pour cause réelle et sérieuse au motif d’une absence de développement du produit MDMA, d’une non-exécution des fonctions commerciales au profit des autres produits, d’une absence d’activité et de déloyauté.
Le 14 décembre 2018, M. [E] a saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :
‘ dire et juger que M. [E] avait le statut cadre position 3,1 depuis janvier 2014,
‘ annuler la sanction disciplinaire prononcée par la SAS IMATECH le 3 avril 2018,
‘ dire et juger que le licenciement prononcé le 2 mai 2018 est sans cause réelle et sérieuse,
‘ condamner la SAS IMATECH à verser :
– 3.473,10 € brut de rappel d’indemnité de préavis,
– 347,31 € brut de congés payés afférents,
– 41.042,20 € brut de rappel de classification,
– 4.104,24 € brut de congés payés afférents,
– 5.000 € de dommages-intérêts au titre de la sous classification et du retard de salaire,
– 21.855 € brut au titre des heures supplémentaires,
– 2.185,50 € brut de congés payés afférents,
– 20.838,60 € de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
– 5.365,69 € net de rappel d’indemnité de licenciement,
– 34.731 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.000 € de dommages-intérêts pour conditions brutales de la rupture,
– 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
‘ assortir les condamnation des intérêts au taux légal, avec anatocisme,
‘ fixer le salaire de référence à la somme de 3.473,10 € bruts,
‘ ordonner la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 70 € par jour de retard suivant la notification de la décision à intervenir,
‘ ordonner l’exécution provisoire,
‘ débouter la SAS IMATECH de l’intégralité de ses demandes,
‘ condamner la SAS IMATECH aux entiers dépens.
La cour est saisie d’un appel régulièrement formé le 24 mars 2020 du jugement du 25 février 2020 par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :
‘ dit que :
– M. [E] doit se voir attribuer le statut cadre à compter du 1er janvier 2017 position 3.1 de la convention collective SYNTEC,
– le courrier du 3 avril 2018 à M. [E] n’a pas de caractère disciplinaire,
– le licenciement de M. [E] est fondé sur des causes réelles et sérieuses,
– il n’y a pas lieu à travail dissimulé ;
‘ condamné la SAS IMATECH à verser à M. [E] les sommes de :
– 3 473,10 € brut au titre du mois de préavis non versé lors du licenciement en conséquence de sa requalification en position cadre,
– 347,10 € de congés payés afférents,
– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil,
‘ lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du Code civil,
‘ limité l’exécution provisoire à celle de droit définie à l’article R. 1454-28 du Code du travail et, à cet effet, fixé à 3473,10 € brut le salaire mensuel moyen de référence,
‘ ordonné à la SAS IMATECH de remettre à M. [E] les documents sociaux conformes aux décisions à intervenir sous astreinte provisoire de 15 € par jour de retard à compter du 45ème jour jusqu’au 90ème suivant la notification du jugement,
‘ dit que le Conseil de Prud’hommes se réserve expressément le pouvoir de liquider cette astreinte provisoire,
‘ débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
‘ condamné la SAS IMATECH aux dépens éventuels.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 novembre 2020, suivant lesquelles M. [E] demande à la cour de :
‘ infirmer le jugement du 25 février 2020 en ce qu’il a :
– dit que M.[E] doit se voir attribuer le statut cadre à compter du 1er janvier 2017 position 3.1 de la convention collective SYNTEC,
– dit que le courrier en date du 3 avril 2018 à M. [E] n’a pas de caractère disciplinaire,
– dit que le licenciement de M. [E] est fondé sur des causes réelles et sérieuses,
– dit qu’il n’y a pas lieu à travail dissimulé,
‘ condamné la SAS INTER MUTUELLESASSISTANCE TECHNOLOGIES à verser à M. [E] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– ordonné à la SAS IMATECH de remettre à M. [E] les documents sociaux conformes aux décisions à intervenir sous astreinte provisoire de 15 € par jour de retard,
– débouté M. [E] de ses autres demandes,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
‘ dire et juger que M. [E] avait le statut cadre position 3.1 depuis janvier 2014,
‘ condamner la SAS IMATECH à verser à M. [E] les sommes de :
– 49.670,16 € bruts à titre de rappel de classification en application de la grille des salaires de la société IMATECH,
– 4.967,01 € bruts au titre des congés-payés afférents,
– 3.935,42 € bruts au titre du mois de préavis non versé,
– 393,54 € bruts au titre des congés afférents,
– 6.906,75 € net à titre de rappel d’indemnité de licenciement ;
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour estimerait que seule la convention collective SYNTEC devrait s’appliquer pour établir les salaires minimaux depuis 2014,
‘ condamner la SAS IMATECH à verser à M. [E] les sommes de :
– 41.042,24 € bruts à titre de rappel de classification,
– 4.104,24 € bruts au titre des congés-payés afférents,
– 5.365,69 € net à titre de rappel d’indemnité de licenciement ;
A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour estimerait que la reclassification doit être fixée au 1er janvier 2017,
‘ condamner la SAS IMATECH à verser à M. [E] les sommes de :
– 27.190,44 € bruts à titre de rappel de classification,
– 2.719,04 € bruts au titre des congés-payés afférents,
– 3.935,42 € bruts au titre du mois de préavis non versé,
– 393,54 € bruts au titre des congés afférents,
– 6.906,75 € net à titre de rappel d’indemnité de licenciement ;
A titre encore plus subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour estimerait que la reclassification doit être fixée au 1er janvier 2017 et que seule la convention collective SYNTEC devrait s’appliquer pour établir les salaires minimaux,
‘ condamner la SAS IMATECH à verser à M. [E] les sommes de :
– 18.562,68 € € bruts à titre de rappel de classification,
– 1.856,26 € bruts au titre des congés-payés afférents,
– 5.365,69 € net à titre de rappel d’indemnité de licenciement ;
En tout état de cause,
‘ annuler la sanction disciplinaire prononcée par la SAS IMATECH le 03 avril 2018,
‘ dire et juger que le licenciement prononcé le 2 mai 2018 est sans cause réelle et sérieuse,
‘ condamner la SAS IMATECH à verser à M. [E] les sommes suivantes :
– 5.000 € de dommages et intérêts au titre de la sous-classification et du retard du salaire afférent,
– 21.855 € bruts au titre des heures supplémentaires,
– 2.185,50 € bruts au titre des congés-payés afférents,
– 20.838,60 € nets à titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 34.731 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour conditions brutales de la rupture,
– 4.950 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
‘ ordonner à la SAS IMATECH de remettre les documents sociaux conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 70 € par jour de retard suivant la notification de la décision,
‘ confirmer le jugement pour le surplus,
‘ débouter la SAS IMATECH de toutes demandes,
Y additant,
‘ condamner la SAS IMATECH à régler à M. [E] la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
‘ condamner la SAS IMATECH aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 28 août 2020, suivant lesquelles la SAS IMATECH demande à la cour de :
‘ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [E] de ses demandes relatives à son licenciement, à la lettre du 3 avril 2018, aux heures supplémentaires, au travail dissimulé et au surplus de ses demandes,
‘ réformer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit :
– partiellement à la demande de repositionnement hiérarchique à compter de janvier 2017 en qualité de cadre position 3.1 et condamné la société à payer les sommes de 3.473,10 € bruts à titre de rappel de préavis et 347,31 € bruts à titre de congés payés afférents,
– à la demande d’article 700 à hauteur de 1.000 €,
A titre principal,
‘ dire et juger que la demande en classification conventionnelle au statut Cadre position 3.1 à compter du 1er janvier 2014 formée par M. [E] est prescrite,
‘ le débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,
‘ dire et juger que :
– le courrier adressé par la Société à M. [E] le 3 avril 2018 ne constitue pas une sanction,
– le licenciement de M. [E] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– le licenciement de M. [E] n’a pas été prononcé dans des circonstances vexatoires,
‘ le débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,
‘ dire et juger que M. [E] n’a pas réalisé les heures supplémentaires alléguées,
‘ le débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à ce titre ainsi que de sa demande indemnitaire à titre de travail dissimulé,
A titre subsidiaire,
‘ dire et juger que la classification conventionnelle de M. [E] était conforme aux dispositions de la convention collective,
‘ débouter M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,
‘ débouter M. [E] de sa demande indemnitaire à titre de travail dissimulé ;
‘ ordonner la restitution des sommes perçues en exécution du jugement du Conseil de prud’hommes,
‘ condamner M. [E] à payer à la SAS IMATECH la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance,
Si par extraordinaire la Cour considère le licenciement abusif,
‘ allouer les dommages et intérêts dans les seules proportions des préjudices réellement subis et démontrés et fixer le préjudice à hauteur du plancher légal minimal,
Si par extraordinaire la Cour estime le licenciement comme vexatoire,
‘ allouer les dommages et intérêts dans les seules proportions des préjudices réellement subis et démontrés,
A titre infiniment subsidiaire, Si par extraordinaire, la Cour dit que l’action en reclassification n’est pas prescrite et que M. [E] avait la qualité de cadre,
‘ juger que seuls les salaires minima fixés par la convention collective de branche au regard de la position 3.1 sont applicables, la grille interne de salaires minima pour les cadres au forfait en position 3.1 n’étant pas applicable en l’espèce,
‘ juger que M. [E] aurait dû être classé jusqu’en décembre 2016 en qualité de cadre en positions 1.2 puis 2.1, qu’il aurait dû être classé à compter de janvier 2017 en qualité de cadre en positions 1.2 puis 2.1 et qu’aucune demande n’ayant été formulée à ces titres le débouté s’impose,
‘ juger qu’en tout état de cause que M. [E] ayant perçu une rémunération supérieure aux classifications en position 1.2 et ensuite en position 2.1, aucun rappel de salaire n’est dû,
‘ dire n’y avoir lieu à rappel de préavis et d’indemnité de licenciement, les salaires des douze derniers mois ayant précédé la rupture étant conformes aux minima conventionnels,
‘ rejeter ou à tout le moins réduire la demande formée par M. [E] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions régulièrement notifiées.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
A titre liminaire
* Sur les dernières écritures des parties
Vu les conclusions notifiées par l’intimée le 13 janvier 2023, demandant à titre liminaire de :
– constater la tardiveté des conclusions de l’appelant notifiées le 04 janvier 2023 à 18h39,
– écarter purement et simplement des débats ces écritures’;
Vu les écritures notifiées par l’appelant le 4 janvier 2023 modifiant notamment le quantum de plusieurs de ses demandes et ajoutant plusieurs pages à ses conclusions antérieures’;
Il ressort des dispositions des articles 802 et 803 du code de procédure civile applicables à la clôture de l’instruction devant la cour d’appel en application de l’article 907 du même code, qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office ; que sont cependant recevables les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.’
Aux termes des dispositions des articles 15 et 16 du même code, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.’
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
La tardiveté de communication des conclusions et des pièces peut justifier leur irrecevabilité et leur exclusion des débats.
Il est constant en l’espèce que les parties ont bien eu connaissance par l’avis de fixation du 5 octobre 2022 notifié par voie électronique de la date prévue de l’ordonnance de clôture du 5 janvier 2023.
Il ressort de l’examen des écritures notifiées par l’appelant le 4 janvier 2023, soit à moins de 24 heures de la clôture, qu’elles contiennent plusieurs demandes subsidiaires nouvelles chiffrées sur la base de grilles de salaires différentes et dont l’exposé représente dans le corps des écritures plusieurs paragraphes de développement sur l’équivalent de plus de trois pages au total.
Il en ressort que la société intimée est fondée à faire valoir qu’elle n’a pas été en mesure de produire son argumentation en réponse dans le délai très court disponible avant la clôture, tandis que l’appelant n’a développé aucun argument ni pour expliciter les raisons de l’extrême tardiveté de ses écritures ni appeler l’attention de la partie adverse et de la cour sur la difficulté en résultant au regard de la date prévue pour l’audience de plaidoirie.
Dans ces conditions, les conclusions de l’appelant notifiées le 4 janvier 2023 seront déclarées irrecevables et seules seront prises en compte ses précédentes écritures notifiées le 27 novembre 2020 telles qu’exposées ci-dessus.
* Sur les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile
Il est rappelé qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Sur la demande de reclassification
M. [E] soutient pour infirmation partielle et reconnaissance du statut cadre position 3.1 depuis janvier 2014 que son statut d’agent de maîtrise, acceptable au moment de son recrutement, n’a connu qu’une seule évolution en 2017 pour passer à l’échelon 3.3 qui est totalement éloigné des fonctions qu’il a réellement exercées’; que M. [E] a eu en effet l’idée de concepts novateurs qu’il a proposés à son employeur et a exercé dès 2014 des fonctions de chef de projet en recrutant une petite équipe composée de juristes qui travaillaient sous son autorité et lui rendaient compte’et qui attestent qu’il exerçait les responsabilités justifiant sa reclassification en qualité de cadre’; qu’il n’y a pas lieu ainsi que le suggère la société IMATECH de distinguer la période antérieure à décembre 2016 au cours desquelles M. [E] a exercé une mission de leader produit de celle à compter de janvier 2017 au cours de laquelle il a exercé les fonctions de commercial mais qu’à titre subsidiaire il conviendrait de confirmer à tout le moins le jugement en ce qu’il a octroyé au salarié le statut de cadre à compter du 1er janvier 2017.
M. [E] soutient que son action concerne une demande de rappel de salaire et se trouve donc soumise à la prescription triennale’; que d’une part ce n’est que lors de la proposition d’avenant au changement de poste lui proposant d’exercer à temps plein la fonction de commercial au début de l’année 2017 que M. [E] a été en mesure de réaliser qu’il existait une véritable difficulté dans sa classification’; qu’il est d’autre part en droit de solliciter des rappels de salaire sur les trois années précédant la rupture de son contrat de travail.
L’employeur invoque la prescription biennale de l’article L.1471-1, relative aux actions portant sur l’exécution du contrat de travail et soutient que la classification en qualité d’agent de maîtrise de M. [E] n’avait pas lieu de changer depuis son embauche en 2008′; que son affectation partielle au sein de la direction commerciale au début de l’année 2014 n’a eu aucun impact sur sa classification d’agent de maîtrise’; qu’aucune modification n’est intervenue depuis, ni aucune demande de la part du salarié’; que compte tenu de la saisine du conseil de prud’hommes en décembre 2018 la demande de reclassification à compter de janvier 2014 est donc prescrite’; que si la cour retenait une prescription triennale, elle devrait alors examiner si les missions «’leader produit’» occupée entre décembre 2015 et décembre 2016 ou celle de «’commercial’» occupée de janvier 2017 à décembre 2018 justifiaient un positionnement cadre’; qu’en l’espèce M. [E] ne rapporte pas la preuve qu’il exerçait des fonctions relevant du statut de cadre, qu’il n’a jamais été chef de projet, n’établissait pas les plannings, n’évaluait pas les collaborateurs, n’était pas décisionnaire.
* Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La demande de M. [E] de l’attribution d’un positionnement de la convention collective relevant de la catégorie des cadres au lieu de celles des agents de maîtrise tend essentiellement à l’attribution d’un rappel de salaires, de sorte que sa demande est soumise à la prescription triennale de l’article L3245-1 du code du travail et non à la prescription biennale de l’article L1471-1 du code du travail.
Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 16 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les trois années précédant la rupture du contrat.
Il ressort des éléments produits (notamment pièces n°1 à 11 du salarié), que M. [E], embauché initialement à la «’position F.1 prévue pour les agents de maîtrise dans la grille des salaires de l’accord d’entreprise’» moyennant un salaire de 1.811,59 € brut pour un temps complet’:
– s’est d’abord vu confier une «’mission de leader produit-Conciliation’» en novembre 2013 (pièce n°2) dont la fiche de mission impliquait, notamment, d’être «’la référence interne et externe d’une ligne de produit’» de «’coordonne[r] et contrôle[r] la production de la ligne de produits’», d’être le «’garant de l’organisation et du pilotage des heures allouées au projet’» et en «’management transverse’» de «’valide[r] et anime[r] l’équipe virtuelle d’intervenants’», sous la responsabilité hiérarchique d’un responsable d’équipe et sous la responsabilité fonctionnelle du directeur opérationnel,
– s’est vu « confirmer » le 20 janvier 2014 (pièce n°3) son détachement, à raison de deux jours par semaine, au sein de la direction commerciale «’dans le cadre de la mission de Leader produit’» pour la distribution du même produit (conciliation) et d’un autre (aide aux praticiens du droit) et sans changement de classification ou de rémunération, ce détachement étant prolongé en juin 2014 avec un bonus de 1’% du CA global (pièce n°4),
– a été détaché à compter du mois de juillet 2014 à 100’% jusqu’à fin octobre 2014 (pièce n°5) au sein de la direction commerciale avec la référence expresse à sa «’mission de leader produit sur Conciliation et Advocate et de Chef de projet sur la mise en place de du site web à destination du barreau’», avec attribution d’une prime de 150€ brut mensuelle, ces conditions étant intégralement renouvelées jusqu’à fin juin 2015 puis fin septembre 2015 (pièces n°6 et 7),
– a vu à compter du 12 octobre 2015 (pièce n°8) évoluer sa mission de’leader produit concernant cette fois les produits «’MDMA [«’mes droits, mon avocat’»] et Advocat’» et s’effectuant désormais «’en complément de votre poste de juriste conseiller clients’», M. [E] devant consacrer «’50 à 80’% de son temps de travail’» à la mission et le reste «’aux traitements des appels juridiques’», moyennant une rémunération brute mensuelle de 2.200 € à compter du mois d’octobre,
– a conclu le 20 juin 2016 un avenant à son contrat de travail (pièce n°9) intitulé «’avenant rémunération variable exercice 2016’» prévoyant l’attribution «’à compter du 1er juillet 2016 et jusqu’au 31 décembre 2016’» d’une «’rémunération variable sur le développement du chiffre d’affaires au titre du lancement de l’offre [MDMA]’» avec objectif de prise de commande pour le second semestre 2016 de 80.000€ HT que M. [E] «’reconnaît [comme] raisonnable’» et moyennant divers intéressements à la vente et au développement,
– a conclu, à la même date du 1er janvier 2017, d’une part un avenant similaire au précédent pour l’année 2017 (pièce n°10)fixant cette fois un objectif de prise de commande «’pour l’année 2017’» à «’65.000€ HT’», d’autre part un «’avenant de changement de poste’» (pièce n°11) modifiant les «’emploi et qualification’» et lui confiant «’désormais la fonction de commercial. Sa qualification [étant] portée à la position F3 prévue pour les agents de maîtrise dans le cadre de la grille des salaires de l’accord d’entreprise’» pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures «’répartie conformément aux horaires en vigueur dans l’entreprise’» avec la précision qu’il était demandé à M. [E] de «’respecter les plages horaires et la durée du travail applicable dans l’entreprise’», moyennant une rémunération mensuelle brute de 2.420 €.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments, chacun des avenants conclus entre les parties ayant modifié l’intitulé et les conditions d’exercice des missions confiées à M. [E], que celui-ci n’a pu, avant cette dernière date du 1er janvier 2017 correspondant au dernier avenant susvisé pour l’exercice des missions qui ont évolué sur plusieurs années, avoir connaissance de l’ensemble des éléments lui permettant d’exercer son action aux fins de reclassification et de rappels de salaire, de sorte que le délai de prescription triennale n’a pas commencé à courir avant le 1er janvier 2017 et que son action n’était nullement prescrite lors de sa saisine du conseil de prud’hommes.
M. [E] est donc recevable en application des dispositions précitées à former une demande de rappel des salaires sur la période des trois années ayant précédé la rupture de son contrat de travail.
Le jugement sera infirmé sur ce point
* sur la reclassification
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il convient de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification requise par les fonctions réellement exercées, dont la preuve est à la charge du salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui est reconnue par l’employeur.
Aux termes de l’annexe I de la convention collective dite Syntec (IDCC 1486) définissant la classification des employés, techniciens et agents de maîtrise (ETAM), les fonctions ETAM peuvent être « réparties en fonctions à dominante :
– d’exécution ;
– d’études ou de préparation ;
– de conception ou de gestion élargie.’»
Au sein de cette dernière catégorie sont ainsi définies les «’Caractéristiques communes’» du travail de l’agent’ainsi que le niveau de formation correspondant :
«’1. Avec l’assistance d’un supérieur hiérarchique, recherche de solutions par approches successives conduisant à l’élaboration de schémas de principe ou à la définition de programmes cadres incluant des considérations de coût et de délais.
2. Découpage du problème posé en problèmes secondaires à l’intention d’autres agents auprès desquels est exercée une action de commandement, de coordination, d’assistance, de conseil et de formation.
3. Comptes rendus d’actions sous une forme achevée (dossiers, rapports d’études).
4. Autonomie élargie, la qualité des travaux étant du domaine de l’appréciation plus que du contrôle de conformité.
Formation
L’exercice de la fonction se satisfait des connaissances correspondant au niveau de formation III de l’éducation nationale.’»
L’article suivant précise que ce niveau III correspond à un «’Personnel occupant des emplois exigeant normalement une formation du niveau du brevet de technicien supérieur, du diplôme des instituts universitaires de technologie, ou de fin de premier cycle de l’enseignement supérieur (2 ans de scolarité après le baccalauréat).’»
Enfin les positions des ETAM se répartissent ainsi que suit’:
«’Position 3.1
L’exercice de la fonction nécessite la connaissance du mode de résolution d’un nombre limité de problèmes complets courants pouvant être traités avec des méthodes et des procédés habituels et dont l’agent possède la pratique.
Position 3.2
L’exercice de la fonction nécessite la connaissance du mode de résolution de problèmes complets courants pouvant être traités avec des méthodes habituelles et dont l’agent possède la pratique, mais nécessitant, en raison de leur nombre et de leur variété une expérience diversifiée.
Position 3.3
L’exercice de la fonction nécessite, outre les connaissances propres aux niveaux précédents, des facultés d’adaptation à des problèmes présentant un certain caractère de nouveauté sur le plan technique.’»
L’annexe II de la convention collective décrit quant à elle, concernant la classification des ingénieurs et cadres
«’Position 2 :
2.1. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 2 ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d’études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux dans les corps d’état étudiés par le bureau d’études :
– âgés de moins de 26 ans
– âgés de 26 ans au moins
2.2. Remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d’instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions ; étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d’études ou de recherches, mais sans fonction de commandement
2.3. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche
Position 3 :
3.1. Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en ‘uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef [coefficient hiérarchique 170]
3.2. Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.
3.3. L’occupation de ce poste, qui entraîne de très larges initiatives et responsabilités et la nécessité d’une coordination entre plusieurs services, exige une grande valeur technique ou administrative’»
M. [E], titualire d’un diplôme de Master 1, produit, notamment, au soutien de sa demande de reclassification de la position 3.3 de la grille ETAM à la position 3.1 de la grille des ingénieurs et cadres’:
– ses pièces n°1 à 11 susvisées le désignant notamment dès 2014 à plusieurs reprises en qualité de «’chef de projet’»,
– des documents de la société le désignant, en interne comme en externe, comme chef de projet sur le produit de développement du produit «’Mes droits, Mon avocat’» (pièces n°29 et 30) et désignant en qualité de membres de «’l’équipe projet’» six personnes dont le Directeur commercial, un chargé de marketing, un chargé de qualité et trois juristes,
– le témoignage de Mme [A] (pièce n°41), figurant parmi les trois collaborateurs auxquels M. [E] avait fait appel au moment de la constitution du groupe dont il était «’responsable’de projet et détaché à plein temps sur son développement » pour la création de «’Mes droits mon avocat’» ; M. [E] selon elle «’tranchait sur l’ensemble des aspects du projet, de l’esthétique du site ou des modalités de référencement à l’organisation managériale de l’équipe de juristes. Il rendait compte au comité de direction des avancées du projet, des perspectives commerciales et des contraintes budgétaires »,
– les témoignages de plusieurs autres salariés dont Mme [T], juriste, (pièce n°18) indiquant avoir décidé à la fin de l’année 2014 de «’rejoindre l’équipe de Mes droits, mon avocat et [avoir] donc candidaté auprès de Monsieur [E] » qui était chargé «’de démarcher les avocats, de réaliser le support informatique et de le superviser’», de Mme [U] (pièce n°19) qui confirme que « pour le lancement de Mes Droits, Mon Avocat, un appel à candidature a été lancé par [M.[E]] afin de constituer « une petite équipe » de juristes qui seraient dédiés en priorité à cette activité. Les candidatures étaient adressées à [M. [E]] [qui] était bien le référent », ce que déclare également M. [R], juriste (pièce n°20)’;
– le témoignage de Mme [N] (pièce n°27) qui ajoute que c’est M. [E] qui procédait aux «’arbitrages’» et donnait «’les directives nécessaires’», qu’il n’y avait «’jamais eu d’autres interlocuteurs’», qu’il ne lui a «’jamais été demandé de rendre compte de cette activité à quelqu’un d’autre que [M. [E]] dans le cadre de l’exécution de la prestation »’; Mme [L] (pièce n°54), chargée de marketing opérationnel au sein de l’équipe, en confirme l’autonomie, sous la responsabilité de M. [E] chargé de «’décider de l’organisation de l’équipe, des développements informatiques spécifiques à réaliser, d’acheter ou de réaliser une prestation, etc’», «’hormis le budget global [qui]validé en accord avec le comité de direction’»,
La société IMATECH , qui se contente pour l’essentiel de critiquer les arguments et pièces produits par le salarié, vise au soutien de son argumentation ‘:
– la fiche de mission de «’leader produit Conciliation de novembre 2013’» susvisée (sa pièce n°11) attribuant notamment déjà à M. [E] des tâches de «’management direct’» ainsi qu’il a été dit et ses exemplaires (pièces n°10 et 15) d’avenants ou de lettres de mission du salarié décrits ci-dessus,
– une fiche de «’recrutement d’un chef de projet «’ à «’dominante outils digitaux’» datée de novembre 2018 et une fiche de poste «’responsable d’équipe’» (pièces n°40 et 41) dont elle affirme qu’elles contiennent des missions que n’exécutait pas M. [E] mais qui ne correspondent manifestement pas aux fonctions exercées par lui et sont donc dénuées de pertinence pour décrire les fonctions réellement exercées par l’appelant,
– le témoignage de Mme [B] (pièce n°44) qui indique avoir participé de février à mai 2017 à un «’groupe de travail composé de 5 personnes dont M. [E]’» dont l’objectif était de «’réinterroger le produit «’mes droits, mon avocat’», qui déclare «’M. [E] nous a systématiquement rappelé que ni lui ni nous n’étions décisionnaires et que ces évolutions devaient être validées soit par le responsable de l’équipe [Mme [W]], soit par le responsable de l’activité [M. [H]]’, soit par le comité de direction et ce depuis l’origine du projet’», ne permet pas de définir le rôle de M. [E], en particulier dans les étapes antérieures à janvier 2017 ni de déterminer son degré d’autonomie et de responsabilité au regard des pièces ci-dessus,
– des courriers électroniques portant sur des échanges ponctuels (pièces n°52) que la société cite en exemples de documents dont M. [E] extrapolerait le contenu (ses écritures page 43) mais dont qui ne permettent pas davantage de décrire la réalité des fonctions exercées effectivement par M. [E] sur la période considérée,
– le témoignage de M. [G] (pièce n°45), responsable d’affaires, attestant avoir «’accompagné’» M. [E] dans ses activités commerciales et un courriel électronique de M. [H] à M. [E] du 21 juin 2017 concernant son «’accompagnement technique (commercial)’» et son «’coaching’» (pièce n°49), ainsi que les extraits de contrats de travail de MM [G] et [Z] qui ne caractérisent pas l’existence d’un quelconque «’tutorat’» de M. [E], en particulier des responsable et directeur commerciaux de la société, étant rappelé que les termes de la lettre de mission précitée du 20 janvier 2014 (pièce n°3 du salarié) indiquaient que M. [E] travaillerait « aux côtés de [M] [Z] et de [Y] [G] ».
Il ressort de tous les éléments qui précèdent que M. [E] a bien constitué, notamment pour le développement du produit «’mes droits mon avocat’» une équipe qu’il dirigeait, à laquelle il fixait un planning, dont il mesurait la qualité des prestations ; les circonstances que les membres en aient été recrutés en interne et que M. [E] ait eu des supérieurs hiérarchiques, ne sont pas de nature à modifier la nature des missions qu’il a effectivement exercées à compter de 2014, sur une période globale dont la société IMATECH soutient qu’il faudrait la scinder en deux phases distinctes exercées avant décembre 2016 et après janvier 2017 sans davantage justifier de la différence concrète, au regard de ce qui précède, entre ces périodes correspondant respectivement à des missions de « leader produit » et à celle de « commercial’».
M. [E] rapporte ainsi la preuve d’avoir exercé sur la période considérée des fonctions distinctes de celles d’un agent de maîtrise telles que définies ci-dessus et relevant, notamment au regard des fonctions d’encadrement d’une équipes de plusieurs personnes et d’organisation collective du travail de personnes aux compétences distinctes et complémentaires, de celles décrites dans la convention collective applicable d’un’cadre placé sous les ordres d’un chef de service et qui exerce des fonctions dans lesquelles il a mis en ‘uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, de niveau supérieur au niveau III décrit ci-dessus pour les agents de maîtrise’mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans ses fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revenait en fait à son chef’, ce qui correspond très exactement à la position 3.1 des cadres ci-dessus définie et justifie l’attribution d’un coefficient hiérarchique 170 en application de la convention collective.
Au regard de ce qui précède, la circonstance que la position de M. [E] n’implique pas «’un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature’» ni l’exercice de «’très larges initiatives et responsabilités’», qui concernent des définitions de niveaux supérieurs, n’est pas de nature à faire obstacle à la demande de M. [E].
Le jugement ne sera infirmé qu’en ce qu’il a limité au 1er janvier 2017 le début de la période de reclassification de M. [E].
* Sur le rappel des salaires
La société IMATECH fait valoir à juste titre que M. [E] ne peut prétendre se voir appliquer la grille de salaires interne de la société applicable au 1er janvier 2017 ‘ prévoyant pour les cadres position 3.1 un salaire de 3.935,42 € à 4.861,39 € (sa pièce n°52) ‘ puisque cette grille interne, ainsi qu’il résulte de la mention en haut de tableau d’une part de «’cadre 35 heures » et d’autre part de «’cadre forfait », ne prévoit de rémunérations minimales spécifiques pour les niveaux compris entre 2.1 et 3.3 que pour les cadres soumis a une convention de forfait, ce qui ne concerne pas la situation de M. [E], lequel affirme dans ses écritures (page 14) qu’il «’aurait dû faire l’objet d’une convention de forfait’» sans en justifier par aucun élément.
C’est donc sur la base des seules dispositions de la convention collective que M. [E] peut prétendre à un rappel de salaire en application des salaires minimaux fixés pour le statut cadre position 3.1 soit successivement :
– selon l’avenant n°43 du 21 mai 2013 (pièce n°25) la somme de 3.422,10 € bruts à compter du mois de juin 2015,
– selon l’avenant n°44 du 30 mars 2017 (pièce n°26) la somme de 3.473,10 € bruts à compter du 1er juillet 2017.
La société IMATECH sera donc condamnée à régler à M. [E] la somme correspondant sur la période de juin 2015 à juin 2018 à la différence entre les salaires qu’il aurait ainsi dû percevoir et les salaires, primes comprises, effectivement perçus, soit dans la limite de la somme réclamée un total de 41.042,40 € bruts, outre 4.104,24 € bruts au titre des congés payés.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
* sur la demande de dommages et intérêts complémentaires
M. [E] ne justifie pas de l’existence d’un préjudice distinct de celui, généré par le retard dans le paiement des salaires, déjà réparé par l’attribution des intérêts au taux légal dans les conditions précisées au dispositif ‘ alors même que la capitalisation des intérêts lui aurait été accordée s’il l’avait seulement demandée.
Le jugement sera confirmé sur ce point et M. [E] débouté de ce chef de demande.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Pour infirmation à ce titre, M. [E] soutient qu’en l’absence de convention écrite relative au forfait dont il aurait dû faire l’objet, c’est le «’droit commun des heures supplémentaires’» qui s’applique’; que les heures supplémentaires qu’il a effectuées ressortent très clairement de son agenda, dont les relevés concordent avec ses notes de frais’; que le Conseil de Prud’hommes a inversé la charge de la preuve en déboutant le salarié alors que celui-ci a versé aux débats le détail journalier de son emploi du temps et qu’il appartenait à la société IMATECH qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société IMATECH réplique essentiellement pour confirmation que les fonctions exercées par M. [E] ne nécessitaient nullement d’accomplir des heures supplémentaires et que les pièces produites par le salarié ne sont pas probantes.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, pour solliciter une somme totale de 21.855€, outre les congés payés afférents, au titre des heures supplémentaires non rémunérées par son employeur, M. [E] verse aux débats :
– les copies de son agenda entre avril 2016 et mai 2018 (pièces 39),
– ses notes de frais (pièce n°51 notes de frais).
M. [E] se réfère en outre à l’attestation de Mme [B] produite par l’intimée (pièce n°44 susvisée).
M. [E] ne produit aucun décompte des heures qu’il aurait effectuées, ni en particulier des heures supplémentaires dont il demande le paiement, ni ne mentionne ses horaires de début ou de fin de journée ni n’indique même pour partie de la période prise en compte une durée de travail hebdomadaire dont il serait possible de déduire un volume d’heures de travail non prises en compte par son employeur.
Le salarié ne produit aucune autre pièce justificative de nature à préciser quelles heures il aurait accomplies au-delà de ses 35 heures hebdomadaires contractuelles.
Les éléments ainsi présentés par M. [E] sont donc insuffisamment précis permettre à l’employeur d’y répondre.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] de cette demande et par suite, de sa demande au titre du travail dissimulé fondée uniquement sur le volume d’heures supplémentaires non déclarées par l’employeur.
Sur la demande d’annulation d’une sanction disciplinaire
Pour infirmation, M. [E] soutient avoir reçu un avertissement disciplinaire, notifié par courrier du 3 avril 2018 faisant état de reproches infondés et qu’il convient d’annuler.
Pour confirmation, la société IMATECH soutient que le courrier du 3 avril 2018 n’est pas une sanction.
Aux termes des articles L.331-1 et L.331-2 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.
Le courrier du 3 avril 2018 adressé à M. [E] (pièce n°23 du salarié) évoque successivement, au regard du montant du chiffre d’affaires généré par le développement du «’produit MDMA’», la décision de «’ne plus investir dans le développement de ce produit’» puis les «’discussions en vue d’une négociation de départ’» engagées à la demande du salarié et qui «’n’aboutissent pas’», avant d’indiquer au salarié «’depuis plusieurs semaines vous n’avez plus aucune activité commerciale, vous estimant peut-être déjà parti’» avant de lui demander «’de [se] consacrer sans délai à l’exécution de [ses] fonctions’».
Ce courrier, s’il évoque certes des faits dont l’interprétation est contestée par le salarié, n’a entraîné aucune conséquence et ne présente donc pas le caractère d’une sanction disciplinaire.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande relative au courrier du 3 avril 2018.
Sur la rupture du contrat de travail
M. [E] soutient que son licenciement ne repose sur aucun fait réel susceptible de constituer une cause sérieuse de rupture du contrat, la société retenant d’abord en avril 2018 une absence de développement du produit MDMA dans lequel elle avait pourtant décidé depuis le mois de janvier, soit plus de deux mois, de ne plus investir et alors que le manque de succès du projet confié à M. [E] ne lui est pas imputable et ne lui a d’ailleurs jamais été reproché’; que le second motif d’une non-exécution de fonctions commerciales et d’une absence d’activité professionnelle, outre qu’il avait déjà fait l’objet d’un avertissement le 3 avril 2018 et ne pouvait donc lui être reproché une seconde fois, n’est nullement établi par l’employeur’; que la circonstance que des discussions pour une rupture conventionnelle avaient été engagées ne justifie aucun des reproches formés à l’encontre de M. [E], dont l’investissement dans son travail n’a jamais cessé et dont la déloyauté n’est pas davantage établie.
La société IMATECH rétorque pour confirmation que les éléments versés aux débats démontrent la véracité des griefs formulés à l’encontre de M. [E] incluant l’absence de développement du produit MDMA, la non-exécution des fonctions commerciales au profit des autres produits, l’absence d’activité et la déloyauté du salarié.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve concernant le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe-t-elle pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié’; le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
En l’espèce, la lettre de licenciement, datée du 2 mai 2018 (pièce n°13 du salarié), qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée pour ce qui concerne la motivation du licenciement :
«'[…]
Vous évoluez actuellement sur des fonctions commerciales au sein de notre société pour placer les produits qu’elle porte et développe.
Vos missions étaient plus particulièrement axées sur la diffusion commerciale du produit ‘Mes droits, mon avocat’ mais l’échec commercial de ce produit (absence de chiffre d’affaires sur ce produit soit 10 000 euros en deux ans pour un investissement de 400 000 euros) nous a contraints à décider de ne plus investir dans son développement.
Au cours de l’entretien préalable, vous nous avez d’ailleurs précisé estimer légitime la décision prise de ne plus investir sur le développement de ce produit.
En conséquence, ce choix stratégique de gestion, qui plus est que vous partagiez, aurait dû vous amener à vous consacrer à vos autres missions commerciales à savoir le placement et l’animation des autres produits Imatech.
Non satisfait par cette évolution de vos conditions de travail, s’imposant pourtant à vous, et qui soulignons-le est le résultat de l’échec de vos actions de prospections et commerciales, vous nous avez sollicités pour engager des discussions en vue d’une négociation de départ pour vous accompagner dans un projet personnel de création d’entreprise. Nous avons accepté d’engager cette discussion, après vous avoir soumis l’idée d’être réaffecté sur des fonctions de conseiller clients juriste, ce que vous avez refusé (refus d’ailleurs confirmé suite à votre mutisme sur ce point dans le prolongement de la lettre de convocation à entretien préalable qui vous ouvrait à nouveau cette opportunité).
Bien que ces discussions ne vous exonéraient pas [sic] de la réalisation des travaux vous incombant, nous n’avons pu que constater une quasi absence d’activités commerciales, et même d’activités tout court, sur cette période.
C’est dans ce contexte que nous vous avons adressé en date du 3 avril 2018 un courrier vous demandant expressément de vous consacrer sans délai à l’exécution de vos fonctions.
Le 12 avril 2018, sans aucun retour de votre part suite à ce courrier, votre manager, [F] [H], vous a convié à un entretien vous demandant un état de votre activité commerciale.
Ce point a été fait le 16 avril 2018 et votre manager a alors constaté qu’à l’exception de deux actions mineures liées à la finalisation du projet MDMA, actions qui selon vous n’occupaient qu’une très petite partie de votre temps, vous n’aviez, et n’avez, engagé aucune action de promotion et de développement commercial des autres produits Imatech.
Cette inertie professionnelle n’est pas acceptable, ce d’autant plus que vous n’avez pas sollicité votre manager pour évoquer d’éventuelles difficultés.
Cette inertie professionnelle, vous l’avez d’ailleurs reconnue en entretien préalable, sinon que vous essayez vainement d’en rendre responsable la société en prétendant que si effectivement vous ne faisiez rien depuis plusieurs semaines, c’était parce que rien ne vous était donné à faire, feignant de ne pas avoir pris connaissance de notre lettre de demande d’investissement professionnel du 3 avril 2018 !
Etonnés par cette absence quasi-totale d’activités, et nous questionnant sur ce à quoi vous consacriez le temps de travail pendant lequel vous êtes rémunéré depuis plusieurs semaines, nous avons constaté que depuis plusieurs semaines vous utilisiez votre boîte mail professionnelle essentiellement à des usages personnels.
De plus, un relevé de vos badgeages d’entrée du bâtiment laisse apparaître des heures de prise de fonction régulièrement tardives (entre 9h30 et 11h) caractérisant également votre plein désinvestissement professionnel.
Compte tenu de ces faits non conformes à vos obligations professionnelles dans l’exécution de votre contrat de travail, à savoir :
– l’absence de développement du produit MDMA, développement commercial dont vous aviez la charge,
– et dans son prolongement la non-exécution de vos fonctions commerciales au profit des autres produits Imatech,
– et plus largement l’absence quasi-totale d’actions professionnelles pendant votre temps de travail rémunéré, que vous consacriez déloyalement à d’autres activités, nous vous licencions pour cause réelle et sérieuse.
[…]’»
La société fait valoir au soutien de sa démonstration du caractère réel et sérieux du licenciement’:
– qu’à compter du 1er janvier 2017, M. [E] occupait le poste de Commercial (pièce n°17 correspondant à l’avenant précité) et que sa rémunération variable pour 2017 prévoyait un intéressement sur les ventes du produit MDMA et un intéressement sur les autres produits de la société commercialisés aux clients existants comme aux nouveaux clients (pièce n°18 produite par le salarié en pièce n°10 susvisée),
– qu’au lancement du produit MDMA, le chiffre d’affaires ciblé sous trois à cinq années était de 500.000 € par an (pièce du salarié n°29) et que M. [E] avait reconnu par la signature de l’avenant que cet objectif était raisonnable (pièce n°18),
– que l’évolution du chiffre d’affaires est toujours restée très inférieure à ces attentes (pièces n°35),
– que M. [E] n’a perçu que deux fois la prime contractuelle prévue au cours de l’année l’annee 2017 et aucun prime au cours de l’année 2018 (pièce n°31),
– que le 2 août 2017, il n’avait approché que 56 barreaux sur les 164 barreaux français (pièce n°39).
Force est de constater qu’aucun de ces arguments, ni même l’ensemble des ces éléments appréciés globalement, n’est susceptible de caractériser un manquement de M. [E] dans l’exercice de ses activités professionnelles, une insuffisance de résultats attendus au niveau commercial n’étant pas de nature, en l’absence d’autres explications sur les raisons de cette insuffisance, à en imputer la responsabilité à M. [E], même au regard d’une qualité de chef de projet et à l’aune d’une classification supérieure à celle que lui reconnaissait à l’époque la société.
Les circonstances que M. [E] ait ensuite été «’accompagné’» par M. [H], responsable d’activité, dans le cadre d’une nouvelle équipe dédiée de 5 personnes à compter du début de l’année 2017 (conf pièces 44 et 35) et que le salarié ait fait l’objet d’un projet de coaching (pièce n°49, 46, 47, 48) ‘ pour des résultats au demeurant toujours insatisfaisants 16 mois plus tard ‘ n’est nullement de nature à démontrer les manquements de M. [E] dans l’accomplissement de ses fonctions.
Le courrier du 3 août 2017 (pièce n°20) auquel se réfère également la société ne peut fonder un motif de licenciement au regard des termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, qui n’y fait pas référence et qui ne décrit pas les mêmes faits. En outre ce courrier du mois d’août 2017 qui fait d’abord état en termes flous d’une «’posture de défiance vis-à-vis de l’entreprise’» de la part de M. [E] puis d’une demande qui lui a été faite de «’modifier [son] comportement dans une logique de confiance’» lui indique ensuite que son périmètre d’intervention sur le produit MDMA est celui «’de la commercialisation et du développement [‘] et non pas celle de chef de projet’», en contradiction avec la réalité des fonctions exercées par M. [E] et pour lesquelles un rappel de salaire lui a été accordé ci-dessus, de sorte que le contenu de ce courrier n’est aucunement étayé par les autres éléments du débat.
De même les trois courriers électroniques de quelques lignes échangés sur deux journées (pièces n°50 et 51) entre M. [H] qui convie M. [E] à un point d’échange le 12 avril 2018 et lui demande de faire un point sur les actions commerciales qu’il a engagées et celles à venir, et la réponse de M. [E] du 13 avril 2018, ne sont pas de nature à caractériser la réalité de l’activité commerciale de M. [E] ni à démontrer ainsi que l’écrit la société (page 17 de ses conclusions) que M. [E] n’aurait «’réalisé aucune action commerciale’» ni qu’il «’ne comptait manifestement pas en réaliser puisqu’il n’avait rien planifié en ce sens’».
Le relevé des badgeages de M. [E] entre le 4 et le 9 avril 2018 (pièce n°32 de la société) dont rien n’établit d’une part qu’ils représentent toutes les entrées du salarié sur le site au cours du mois d’avril 2018, qui comporte d’autre part des contradictions inexpliquées avec plusieurs entrées à quelques minutes d’intervalle (3 entre 11h20 et 11h21 sur la seule date du 5 avril) et aucune mention des heures de sortie, ne démontre pas le décalage entre les horaires de M. [E] et ceux qui seraient en vigueur dans l’entreprise et est en tout état de cause totalement dépourvu de caractère probant des activités réellement exercées par M. [E], étant observé au demeurant que les rendez-vous extérieurs, plages de télétravail, sessions de formation apparaissant sur le planning du salarié (pièce n° 39 susvisée) ne sont pas contredites par les éléments produits par l’employeur.
La circonstance que des pourparlers en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle aient été engagés sans aboutir ne suffit pas, en l’absence de toute pièce probante, à démontrer que M. [E] se serait dans l’intervalle consacré «’à son projet de création d’entreprise’» ainsi que l’intimée en émet l’hypothèse en page 19 de ses écritures sans en rapporter la moindre démonstration.
Enfin, la circonstance que M. [E] aurait transféré sur sa messagerie personnelle des courriers électroniques professionnels, dont le caractère confidentiel n’est pas particulièrement souligné, ne suffit pas à caractériser une quelconque déloyauté de la part du salarié.
A l’inverse M. [E] verse, notamment, aux débats plusieurs attestations des salariés avec lesquels il a travaillé sur le projet (pièces précitées), auquel s’ajoute celui de Mme [B] (pièce n°44 de l’intimée susvisée) qui attestent de son engagement et de son investissement en particulier sur le projet MDMA, ainsi que des extraits de ses évaluations professionnelles pour les années 2015 et 2016 confortant son engagement professionnel et appréciant favorablement son travail sur ces périodes (pièces n°43 et 44).
Au vu de l’ensemble des éléments ainsi fournis par les parties, la société IMATECH n’a pas justifié de faits précis et matériellement vérifiables imputables au salarié permettant de caractériser au sens des dispositions légales précitées les éléments constitutifs de la cause réelle et sérieuse du licenciement notifié à M. [E].
Le licenciement étant ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris sera en conséquence infirmé à ce titre.
Sur les conséquences de la rupture du contrat
En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité comprise entre les montants minimum et maximum prévus dans l’un des deux tableaux annexés en considération de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise, l’effectif de l’employeur étant en l’espèce de plus de dix salariés au total.
Agé de 37 ans au moment de la rupture du contrat de travail, M. [E] était titulaire au sein de la société IMATECH d’une ancienneté de 10 années au moment du licenciement. Il justifie avoir perçu l’Allocation d’aide au retour à l’emploi jusqu’en juillet 2019 (pièce n°45) et affirme, sans en justifier, que la société qu’il a créée à la suite de son licenciement a été immatriculée en avril 2019 mais est restée sans activité jusqu’en février 2020. Il ne forme pas d’autre observation relative à sa situation personnelle ou professionnelle consécutive au licenciement.
Compte tenu de la perte d’une ancienneté de 10 ans et d’un salaire moyen de 3.473,10 € brut par mois sur les six derniers mois au vu de ce qui précède, il conviendra d’allouer à M. [E] une indemnité de 34.000 € net pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [E] est en outre en droit de percevoir’:
– la somme de 5,365,69 € au titre du rappel d’indemnité de licenciement sur la base de son salaire revalorisé ainsi qu’expliqué ci-dessus sur la base de la grille de rémunérations de la convention collective, le jugement étant également infirmé sur ce point,
– la somme de 3.473,10 € au titre du rappel d’indemnité de préavis, d’une durée de 3 mois pour les ingénieurs et cadres, sur la base du salaire revalorisé comme ci-dessus, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur le remboursement des indemnités chômage
Par ailleurs, en application des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société IMATECH à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [E] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur la remise des documents sociaux
La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe. Il conviendra d’y faire droit.
Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire
Pour infirmation à ce titre, M. [E] soutient avoir été particulièrement heurté et surpris des reproches formulés à son encontre au soutien de son licenciement alors que des discussions avaient été engagées pour une éventuelle rupture conventionnelle.
Cependant, M. [E] ne procède à ce titre que par affirmations, sans démontrer l’attitude vexatoire reprochée à l’employeur et n’établit pas que les circonstances particulières de son licenciement lui auraient causé un préjudice moral distinct de celui indemnisé au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] de ce chef de demande.
Sur les frais irrépétibles
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif. La société IMATCEH doit être condamnée à indemniser l’appelant des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense.
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PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
DECLARE irrecevables les conclusions notifiées le 4 janvier 2023 par M. [D] [E],
INFIRME partiellement le jugement rendu entre les parties par le Conseil de prud’hommes de NANTES le 25 février 2020,
Statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de M. [D] [E] est sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société INTER MUTUELLES ASSISTANCE TECHNOLOGIES à payer à M. [D] [E] :
– 41.042,40 € au titre de rappels de salaire sur la période de juin 2015 à juin 2018,
– 4.104,24 € au titre des congés payés afférents,
– 3.473,10 € brut au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 347,31 € brut au titre des congés afférents,
– 5.365,69 € net au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 34.000 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société INTER MUTUELLES ASSISTANCE TECHNOLOGIES à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [D] [E] dans la limite de six mois d’indemnités,
ORDONNE la remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société INTER MUTUELLES ASSISTANCE TECHNOLOGIES à payer à M. M. [D] [E] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société INTER MUTUELLES ASSISTANCE TECHNOLOGIES aux dépens de première instance et d’appel,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.