Télétravail : 28 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03413

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Télétravail : 28 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03413
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28 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/03413

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/03413 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NASQ

[D]

C/

Société SANOFI PASTEUR

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 11 Juin 2020

RG : 18/02179

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 28 JUIN 2023

APPELANTE :

[U] [D]

née le 23 Avril 1971 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Stéphanie BARADEL de la SELARL STEPHANIE BARADEL AVOCAT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société SANOFI PASTEUR

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sandrine VARA de la SELARL CINETIC AVOCATS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Aurélien ASCHER de la SELARL CARDEX AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mai 2023

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 4 avril 2007 à effet du 5 janvier 2007, Mme [U] [D] a été embauchée par la société SANOFI PASTEUR en qualité de responsable information brevet, au groupe 8, niveau B, coefficient 520, statut cadre de la convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique.

Plusieurs avenants au contrat de travail relatifs à la durée du travail, aux astreintes et, en dernier lieu, au télétravail ont été conclus entre les parties, du 5 avril 2007 au 21 février 2013.

La salariée a été placée en arrêt maladie du 23 février 2016 au 18 mai 2017, date à laquelle elle a repris son travail.

Par lettre du 16 janvier 2018, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 31 janvier 2018, la société a notifié à Mme [D] son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par requête du 20 juillet 2018, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de LYON en lui demandant de condamner la société à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 11 juin 2020, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement de Madame [U] [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse 

en conséquence,

– débouté Madame [U] [D] de l’intégralité de ses demandes 

– débouté la société SANOFI PASTEUR de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile 

– condamné Madame [U] [D] aux dépens.

Mme [D] a interjeté appel de ce jugement, le 1er juillet 2020.

Elle demande à la cour :

– d’infirmer le jugement

et, statuant à nouveau,

– de condamner la société SANOFI PASTEUR à lui verser la somme de 88 341,12 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

– de condamner la société SANOFI PASTEUR à lui régler la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

– de condamner la société SANOFI PASTEUR aux dépens de l’instance.

La société Sanofi Pasteur demande à la cour :

– de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner Madame [D] à lui régler à ce titre une somme de 3 000 euros, outre les dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2023.

SUR CE :

La salariée fait valoir en substance que :

– jusqu’à la revue de performance 2016, réalisée pendant son absence pour maladie, elle avait toujours donné satisfaction, remplissant et dépassant même les objectifs de performance fixés par la société 

– grâce à ses qualités professionnelles et personnelles, elle a bénéficié chaque année d’augmentations de salaire et de primes importantes au titre de sa rémunération variable individuelle 

– le jugement de valeur, aussi rapide que radical, émis par sa responsable, Mme [N], à l’occasion de sa notation sur la base de 27 jours travaillés uniquement avant une période de longue maladie est dissonant avec sa carrière antérieure 

– les personnes avec lesquelles elle a travaillé (collègues, clients, sous-traitants) lui ont transmis des retours positifs sur ses qualités professionnelles

– si des dysfonctionnements ont pu être constatés dans la formation de sa collègue, à aucun moment cela n’est imputé à une carence ou une insuffisance de son fait, et la collègue a bien été formée à l’ensemble des outils et des procédures utiles sans que cela pose de difficultés

– le grief de résultats très en-deçà des attendus de son poste pour l’année 2015 est contradictoire avec la note obtenue lors de son évaluation

– les décisions ont toujours été prises collectivement en réunion projet, en présence de la responsable

– le projet était un projet pilote destiné par nature à évoluer au cours du temps pour être parfaitement ajusté aux besoins des utilisateurs en fonction de leurs retours d’expérience 

– la société n’est en mesure de citer que deux exemple de recherches en onze ans de collaboration et n’explique pas en quoi le temps passé à la recherche serait disproportionné 

– en sa qualité de cadre autonome, elle disposait d’une liberté dans l’organisation et la gestion de son temps de travail

– les reproches qui lui sont faits en ce qui concerne son manque de proactivité et la surestimation de son travail sont flous et subjectifs

– préalablement à son licenciement, elle n’a bénéficié d’aucun plan de développement, ni de formation lui permettant d’améliorer sa performance sur les éléments qui lui ont été reprochés.

La société estime que la salariée n’a pas été en mesure d’assumer de manière satisfaisante ses fonctions de « Documentaliste Brevets » et que son insuffisance professionnelle est caractérisée.

****

Il résulte des articles L.1232-1 et L 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

L’insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l’inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées et à remplir les objectifs qui lui ont été fixés. Si l’employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l’emploi et si l’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables.

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement, la société invoque cinq faits.

1) Il vous avait été demandé de définir en 2015 un plan de formation cohérent pour votre collègue Junior relatif à la recherche documentaire, suite à sa mobilité au sein du Département Propriété Intellectuelle Sanofi Pasteur en décembre 2013. Vous n’avez pas mené à bien cette tâche malgré les différentes relances en ce sens de la part de votre manager. Vous vous êtes contentée de fournir un plan de formation très incomplet et inutilisable, qui a dû être revu et modifié par vos pairs à plusieurs reprises. Vous n’avez, par ailleurs, jamais formé votre collègue Junior à l’exercice de certaines activités (type sous-traitance ou encore gestion du Sharepoint), et cela a eu des impacts particulièrement dommageables sur votre équipe. En votre absence, l’une de vos collègues a ainsi dû effectuer elle-même les tâches qui vous incombaient et assurer à votre place la formation de la collègue Junior.

A l’appui de ce reproche, la société verse aux débats les pièces suivantes :

– un courriel du 3 septembre 2015 envoyé par Mme [N] à la salariée : ‘peux-tu mettre à jour le plan de formation de [T] en partant de la slide 2 de la présentation de juin 2015 (…) Le mapping de l’activité formation réalisé en juin 2015 a montré que la formation de [T] est loin d’être terminée, tu m’as indiqué à plusieurs reprises n’avoir pas le temps de former [T] (…)

– une lettre du 5 novembre 2015 informant Mme [Y] [Z] que, notamment, sa participation à la formation d’une collaboratrice qui représente un élément indispensable au bon fonctionnement de l’activité documentation n’est pas à la hauteur des objectifs fixés et que le télétravail a manifestement affecté sa capacité à être au niveau de la contribution attendue, qu’en conséquence à compter du 1er mars 2016, elle exercera à nouveau sa prestation de travail dans les locaux de Sanofi Pasteur à [Localité 4]

– un courriel du 10 novembre 2015 adressé par Mme [N] à quatre salariés ayant pour objet ‘activité documentation’, dont Mme [D] n’est pas destinataire, afin de les informer que  ‘l’activité documentation ayant montré des dysfonctionnements importants au niveau de la gestion des recherches et au niveau de la formation de [T], comme vous le savez , j’ai fait avec [G] ([W]) un mapping de l’activité documentation fin juin et j’ai demandé à [U] ([D]) d’établir un plan de formation de [T] et avec l’aide d'[G] ([W]) de le mettre en oeuvre (…) D’autre part, pour gérer la situation exceptionnelle et problématique du retard considérable pris dans la formation de [T], j’ai exprimé à [U] ([D]) le besoin d’une plus grande présence auprès de [T] jusqu’à la fin de l’année, d’autre part, à ma demande, [G] a pris un rôle actif dans la formation, et ce pour aider [U]

Mme [N] explique aux quatre salariés dans ce courriel que l’employeur ne renouvellera pas le télétravail de Mme [Y] [Z] à compter du 1er mars 2016.

– un courriel du 19 janvier 2016 de Mme [N] à la salariée : ‘nous avons fait le constat lors de notre point sur l’activité documentation du 12 janvier dernier que l’évaluation de [T] n’avait pas été finalisée en fin d’année 2015 et qu’il était nécessaire de la finaliser avec [G] pour pouvoir définir au mieux le plan de formation de [T] sur 2016 et finaliser ladite formation’ auquel celle-ci a répondu le 20 janvier qu’elle allait poursuivre l’évaluation de [T] le lendemain avec [G] et qu’elles termineraient le plan de formation.

L’employeur ne démontre pas, au moyen de ces documents et des divers tableaux produits en pièces 5, 6,7 et 8, d’une part que Mme [D] était seule chargée de procéder à la formation de ‘[T]’, d’autre part qu’elle n’a pas correctement rempli sa mission en ne mettant pas à jour le plan de formation conformément aux instructions données en septembre 2015 par sa supérieure hiérarchique.

Il apparaît au vu de la réponse de la salariée qu’il a été rapidement remédié au retard pris dans l’évaluation de ‘[T]’ par Mme [D] (et Mme [W]).

Les commentaires de Mme [N] à l’occasion de la revue de performance de la fin d’année 2015,sur la période du 1er septembre au 31 décembre 2015 démontrent que la situation a été redressée dès lors que Mme [D] avait été alertée de la situation : ‘au moment du mapping de l’activité et du bilan de formation de [T] demandés par le management en juin, les résultats (priorités et compétences lead) n’étaient pas à la hauteur. Néanmoins, [U] a su se remobiliser pour réaliser le travail attendu (…)

Cette nouvelle organisation a permis la mise en ‘uvre du plan de formation dans une très large mesure. [U] a su prendre en considération les éléments de dysfonctionnement.’

Par ailleurs, la société indique dans ses conclusions qu’en l’absence de la salariée en raison, de son arrêt-maladie, elle a découvert que Mme [J] ([T]) n’avait pas encore été formée ‘sur des sujets sur lesquels elle devait être opérationnelle’ : activité de sous-traitance de la recherche documentaire et cerains aspects essentiels de la recherche d’information brevet, ainsi que la gestion du ‘Sharepoint’.

Elle s’appuie à cet effet :

– sur une revue de performance rédigée pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2016 alors que la salariée se trouvait en arrêt-maladie depuis le 23 février 2016 et n’a repris le travail que le 18 mai 2017 contenant les observations suivantes : ‘nous avons constaté au moment de l’absence d'[U] [D] fin février qu'[U] n’avait pas du tout formé [T] à l’activité de sous-traitance. Il a donc fallu qu'[G] [W] reprenne à sa charge cette activité qui aurait dû être réalisée depuis plusieurs années déjà (…) Nous avons aussi découvert qu'[U] n’avait jamais formé [T] à la gestion du Sharepoint et il nous a fallu reprendre en urgnece la formation de [T] en tant qu’administrateur du site pour pouvoir commencer l’utilisation de ce dernier en 2016 comme prévu’

– sur un courriel de Mme [W] daté du 22 janvier 2018 (soit deux ans plus tard) intitulé ‘confidentiel’ et adressé à M. [F], responsable du service brevets vaccins, supérieur hiérarchique : ‘[T] n’était pas formée à l’administration de Share Point alors qu’elle participait activement au projet Patent Jungle dirigée par [U].’

Par courriel du 22 janvier 2016, Mme [D] informait Mme [N] que Mme [J] maîtrisait les grandes notions nécessaires à la conduite des recherches d’information brevet sur la méthodologie de laquelle elle avait été évaluée par Mme [W] et elle-même et que le plan de formation 2016 contenait les éléments à reprendre et à préciser ainsi que les autres axes de formation, mais que Mme [J] avait acquis la méthodologie de recherche et d’analyse des réultats ce qui lui permettait de mener une recherche seule du début à la fin.

L’insuffisance de la formation prodiguée à Mme [J] imputée à [D] ne saurait dès lors être établie par les seules affirmations de l’employeur et de Mme [W], non vérifiables, non portées à la connaissance de la salariée en son temps et au demeurant incompatibles avec les éléments ci-dessus dont il résulte que la manière dont Mme [D] assurait la formation de sa collègue était étroitement contrôlée par sa supérieure hiérarchique.

Le premier reproche n’est en conséquence pas justifié.

2) Au cours de cette même année, votre hiérarchie vous a alertée sur le fait que vos résultats étaient très en deçà des attendus de votre poste. Votre management a souligné, à l’occasion de votre revue de performance de fin d’année 2015 et lors de votre entretien de mi-année, des dysfonctionnements importants tant dans la gestion de vos recherches que dans la sous-traitance de ces dernières. Du fait de cette gestion non satisfaisante qui a contraint votre manager à davantage de supervision régulière de vos activités, il a été décidé, à l’échéance de votre avenant télétravail, que vous exerceriez de nouveau à compter du mois de mars 2016 l’intégralité de votre prestation de travail dans les locaux de l’entreprise.

Les dysfonctionnements invoqués et la gestion non satisfaisante ne sont ni décrits, ni illustrés par des exemples précis.

La revue de performance de la fin de l’année 2015 a donné lieu à la note 5, c’est à dire conforme à l’attendu.

La réalité de résultats inférieurs aux attendus du poste n’est pas établie.

3) S’agissant du projet Patent Jungle que vous gériez en qualité de Project leader, votre hiérarchie a découvert, à l’occasion de la finalisation dudit projet, que vous aviez effectué de votre propre chef des choix stratégiques sans vous concerter avec l’équipe Projet concernée. De tels agissements ont eu pour conséquence de complexifier démesurément ledit projet et ne lui ont apporté aucune valeur ajoutée.

Dans ses conclusions, la société explique que, lors de la reprise de la gestion de ‘patent jungle’, l’ensemble de l’équipe a constaté les difficultés d’utilisation de l’outil suite aux choix effectués par Mme [D] en matière éditorial et du système d’indexation et elle affirme que celle-ci avait préparé un guide utilisateur complexe et inexploitable.

Les pièces produites à l’appui de ses affirmations sont les suivantes :

– deux versions du guide utilisateurs ‘patentjungle’ de novembre 2015 et avril 2016

– des extraits du guide sur le site : ‘comment rechercher avec les isotopes’ présentant des tableaux colorés

– un courriel ‘confidentiel’ adressé le 22 janvier 2018 par Mme [W] à M. [F], responsable du service : ‘en raison du choix fait par [U] en matière de ligne éditoriale, contraire aux tableaux synthétiques proposés classiquement par l’IS dans la réalisation des guides utilisateurs, la version 5 du user-guide (dernière version à notre disposition) contenait plus de 70 pages. Notre IS a tout reformaté pour obtenir un guide plus exploitable par les utilisateurs trentaine de pages) (voir le mail de [V] [X] qui a passé 4 heures à reformater). J’ai moi-même encore passé 4 heures à remplacer les copies d’écran obsolètes dans le guide par celles qui reflétaient le site tel qu’à jour (notamment des modifications qu'[U] avait faites sur le site en novembre 2015).’

En premier lieu, ces pièces ne démontrent pas que Mme [D] ne s’est pas concertée avec l’équipe projet concernée.

Il ressort au contraire des éléments apportés par la salariée que des discussions d’équipe ont eu lieu en mars 2015, que le projet de guide a été soumis au responsable de service, M. [F], et à Mme [N], supérieure hiérarchique, qui ont fait connaître leurs observations et que Mme [W] a procédé à une relecture.

En second lieu, il apparaît qu’il est reproché à la salariée la présentation informatique du guide. Or, pour cette réalisation, la salariée a bénéficié de l’aide et des conseils de Mme [X], ‘consultante Sharepoint’comme en atteste un courriel du 12 novembre 2015 envoyé par elle à Mme [D] : ‘je viens de remettre à plat ce qui a été fait dans

ton isotope’, tandis que que le contenu du guide n’est pas remis en cause, ce que confirme le courriel de Mme [X] à Mme [W], en date du 8 avril 2016, ‘comme promis, voici ma revisite du user guide (après 4 heures intensives) : je suis passée de 70 à 30 pages. J’ai gardé en quasi-totalité le contenu d'[U] mais je l’ai réorganisé’

Enfin, Mme [D] ayant demandé son avis à Mme [N] avant d’effectuer une présentation du ‘patentjungle’, cette dernière lui a répondu : ‘je supprimerais la slide X et Y (…) Le reste est très bien. Merci beaucoup.’

Le commentaire porté dans la revue de performance de fin d’année 2015 sur ce point est que les priorités ‘patentjungle’ et participation au projet ‘paper free’ ont été menées à bien.

Le mauvais travail qu’aurait effectué la salariée sur le projet ‘patentjungle’ n’est pas établi.

4) Différents rapports d’activités ont par ailleurs démontré que le temps que vous passez sur vos recherches est disproportionné par rapport à vos qualifications et à votre niveau d’expérience. A titre d’exemple, en 2015, vous avez passé plus de 27 heures sur une recherche Hib pourtant sous-traitée, et ce, sans en avertir votre manager. De la même manière, vous avez été alertée par votre manager lors d’une réunion de suivi bimensuel du 8 novembre 2017 sur le fait que vous aviez passé un temps excessivement long sur une recherche, alors même que cela n’était pas nécessaire.

La revue de performance fin d’année 2015 de la salariée mentionne que « les rapports d’activités ont montré également en particulier que le temps passé en interne sur une recherche externalisée était disproportionné (ex plus de 27 H sur la recherche Hib soustraitée) ».

La revue de performance du 1er septembre au 31 décembre 2017 indique que Mme [D] « a aussi mis un temps excessivement long à la réalisation d’une mise à jour d’une recherche’.

L’employeur précise sur ce point qu’entre juin, juillet et septembre 2017, la salariée a passé 40,5 heures sur la ‘simple mise à jour d’une recherche précédente’.

Or, en l’absence de tout élément de comparaison et de toute démonstration quant au temps requis pour y procéder, les simples affirmations de l’employeur ne constituent pas la preuve du ‘temps excessif’ consacré par la salariée aux deux recherches litigieuses (l’une en 2015, l’autre en 2017), étant observé que son compte-rendu d’activité fait apparaître qu’elle a effectué 15 recherches documentaires depuis sa reprise du travail le 18 mai 2017 et qu’elle également eu d’autres tâches à accomplir.

Le reproche n’est pas justifié.

5) Dans le cadre de votre retour au mois de mai 2017, après une absence pour raisons médicales du 23 février 2016 au 17 mai 2017, votre manager a décidé de fixer des points bimensuels afin de faciliter votre reprise de poste et vous aider à gérer au mieux votre activité. Vous avez été alertée par votre manager, à l’occasion d’une réunion bimensuelle de septembre 2017 et par courriel en date du 18 septembre 2017, sur le fait que vous ne le teniez pas informé lorsque vous n’aviez plus de dossiers à traiter. La nécessité et l’importance d’alerter votre manager sur la gestion de votre activité et de votre périmètre vous ont pourtant été rappelées à de nombreuses reprises au cours de ces dernières années. Or, vous n’êtes pas sans savoir que cela ne correspond pas à ce qu’un manager est légitimement en droit d’attendre de la part d’un cadre autonome et ne permet pas d’instaurer des relations de confiance au sein d’une équipe.

Par ailleurs, à l’occasion de votre revue de performance pour l’année 2017, votre manager a constaté que vous ne faisiez pas preuve de la proactivité attendue dans la gestion de vos dossiers, que vous surestimiez vos réalisations, et que vous présentiez certaines réalisations de vos collègues comme étant de votre fait.

La salariée a renseigné sur son rapport d’activité de septembre 2017 neuf heures consacrées à réaliser des recherches internes.

Le 18 septembre 2017, M. [F], responsable du service, a écrit à Mme [D] qu’il avait été assez surpris lorsqu’elle l’avait informé au cours de la réunion qu’elle n’avait plus de dossiers actifs. ‘Selon ton dernier rapport, sur les 9 derniers jours de ton activité, un peu plus de 9 heures seulement ont été consacrées à des activités de recherche documentaire.Je souhaiterais qu’à l’avenir, tu m’informes plus rapidement de ta baisse d’activité en matière de recherche documentaire et ne pas attendre la réunion bi-hebdomadaire pour cela. Il est préférable d’avoir une charge de travail raisonnable de manière continue plutôt qu’en dents de scie et parfois excessive’.

Il ressort de ce courriel que la salariée avait des points de suivi avec son responsable deux fois par semaine (réunion bi-hebdomadaire) et que le reproche porte sur neuf jours d’activité.

Dans la mesure où le tableau de suivi d’activité montre que la salariée, classée à la fonction de responsable analyse information brevet, a occupé son temps de travail à d’autres tâches, que le contrat de travail stipule que, compte-tenu de la réelle latitude dont dispose Mme [Z] dans l’organisation de sa fonction et de son temps ainsi que dans la gestion de son activité et la planification de ses déplacements, elle exerce son activité sur la base d’un forfait annuel en jours et que ses activités principales, aux termes de la fiche de fonction, sont : négocier et superviser la gestion des contrats de prestations et de fouriture d’accès à l’information, gérer le budget de la recherche d’information, développer des partenariats stratégiques et conduire dans le respect des délais et des priorités les recherches exhaustives d’information préalables aux études des ingénieurs brevet, le grief n’est pas sérieux.

Enfin, l’employeur se fonde sur des commentaires subjectifs et désobligeants portés par le supérieur hiérarchique de la salariée dans la revue de performance du 1er septembre au 31 décembre 2017 pour reprocher à la salariée son absence de ‘proactivité’, la surestimation de ses propres réalisations et l’appropriation des réalisations de ses collègues, aucun exemple précis n’étant cité dans la lettre de licenciement: ‘[U] veut démontrer la réalisation d’une excellente performance. Cela se traduit par la revendication de réalisations qui ne correspondent pas à la réalité (suit une énumération de considérations générales) et un comportement inapproprié se traduisant par une mise en compétition permanente en particulier avec sa collègue [T] [J] (…)’

Au vu de cette seule pièce, la preuve d’une insuffisance d’activité de la salariée n’est pas rapportée.

Aucun des faits présentés par l’employeur à l’appui de l’insuffisance professionnelle n’étant établi, le licenciement de la salariée est sans cause réelle et sérieuse.

Il convient d’infirmer le jugement qui a rejeté la demande de Mme [D] en paiement de dommages et intérêts formée au titre du préjudice causé par son licenciement injustifié.

La salariée demande que le plafond de l’article L1235-3 du code du travail soit écarté au motif qu’il ne permet pas une réparation adéquate de son préjudice.

Or, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de cette Convention et que le barème n’est pas contraire aux dispositions de l’article 128 de la Convention internationale du travail.

Aux termes de l’article 23 de la convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 révisée le 8 juillet 2009, étendue le 8 avril 2014, on entend par ancienneté dans une entreprise le temps de présence depuis la date d’entrée dans cette entreprise, quels que puissent être les changements intervenus dans la situation juridique de cette entreprise ou de l’évolution professionnelle du salarié et ne sont pas considérées comme temps de présence dans l’entreprise pour le calcul de l’ancienneté les maladies d’une durée totale, continue ou non, supérieure à 6 mois, par année civile.

L’ancienneté ainsi définie sert à calculer le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement mais n’a pas à être prise en compte pour la détermination de l’ancienneté au sens de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

L’ancienneté de Mme [D], entrée dans l’entreprise le 5 janvier 2007, dont le préavis a pris fin le 30 avril 2018, était donc de 11 années complètes et l’indemnité qui lui est dûe est comprise entre 3 mois et 10,5 mois de salaire brut.

Compte-tenu des circonstances du licenciement, de l’âge de la salariée à la date du licenciement (46 ans) et des difficultés qu’elle a rencontrées pour retrouver un emploi moins bien rémunéré que celui qu’elle occupait au sein de la société Sanofi Pasteur, il convient de condamner cette dernière, sur la base d’un salaire mensuel moyen de 5 033,54 euros bruts (au vu de l’attestation Pôle emploi), à payer à Mme [D] la somme de 52 000 euros bruts, à titre de dommages et intérêts.

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient de condamner d’office la société Sanofi Pasteur à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée, dans la limite de six mois d’indemnités.

Il y a lieu de condamner la société Sanofi Pasteur, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à Mme [D] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la société Sanofi Pasteur à payer à Mme [U] [D] la somme de 52 000 euros bruts, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par son licenciement injustifié

CONDAMNE la société Sanofi Pasteur à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée, dans la limite de six mois d’indemnités

CONDAMNE la société Sanofi Pasteur aux dépens de première instance et d’appel

CONDAMNE la société Sanofi Pasteur à payer à Mme [U] [D] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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