Télétravail : 28 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00035

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Télétravail : 28 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00035
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28 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/00035

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00035 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3TC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/09058

APPELANT

Monsieur [H] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Stéphanie LAMY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372

INTIMEE

S.A. EDF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0113

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Axelle MOYART ,greffière, présent lors de la mise à disposition.

***

M. [H] [W], né en 1969, a été engagé par la société EDF, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1992 en qualité de ‘jeune technicien’, puis à compter du 15 juillet 1992 en qualité de technicien supérieur.

M. [H] [W] a été en arrêt de travail du 21 juillet au 17 octobre 2016.

Du 2 février 2017 à octobre 2019, il a été placé en longue maladie.

Il a repris ses fonctions à la direction de la formation professionnelle au sein du département appui pilotage, en charge de la conception du reporting opérationnel formation’, en qualité d’attaché de domaine/chargé de conseil, classé en GF14 NR 205.

Par lettre du 21 mai 2021, M. [H] [W] a été convoqué à un entretien fixé au 9 juin 2021 l’employeur lui reprochant d’avoir tenu des propos outranciers sur Facebook en mode public à l’encontre d’EDF et de responsable du groupe à travers deux articles mis en ligne les 23 et 24 avril 2021.

Par courrier du 30 juin 2021, M. [H] [W] a été convoqué devant la Commission secondaire du personnel pour le 5 octobre 2021, afin d’en recueillir l’avis sur une sanction pouvant aller jusqu’à la mise à la retraite d’office de la branche des IEG.

Il a été mis en arrêt maladie à compter du 5 juillet 2021.

Par courrier du 15 octobre 2021, M. [H] [W] a été convoqué à un entretien préalable deuxième phase fixé au 27 suivant et auquel l’intéressé ne s’est pas présenté.

Sur décision de la commission secondaire de discipline réunie le 5 octobre 2021, le salarié s’est vu notifier par lettre du 5 novembre 2021 sa mise à la retraite d’office.

Entretemps, M. [H] [W] avait saisi le 29 novembre 2018 le conseil de prud’hommes de Paris, aux fins de se voir repositionner au niveau GF 16 NR 270 Ech 10, depuis le mois de juillet 2015 sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement et d’obtenir la condamnation de la société EDF à lui payer les sommes suivantes :

– 72.337,44 euros de rappel de salaires ;

– 7.233,74 euros d’indemnité de congés payés afférents ;

– 110.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et subsidiairement pour préjudice moral ;

– 3 500 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ainsi qu’aux dépens.

Le demandeur sollicitait de plus qu’il soit enjoint à la société EDF de lui proposer à un poste conforme à sa qualification au niveau GF 16 NR 270 Ech 10 avec le statut d’agent en déplacement si ce poste est éloigné de son domicile, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

La défenderesse s’est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de M. [H] [W] à lui verser 3.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 novembre 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté les parties de leurs demandes respectives et condamné M. [H] [W] aux dépens.

Par déclaration du 11 décembre 2020, celui-ci a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 19 novembre 2020.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 mars 2023, l’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, en ce qu’il l’a débouté de ses demandes et statuant à nouveau, il reprend ses prétentions de première instance, sauf à ajouter les demandes suivantes :

– condamner la société EDF au paiement de la somme 39.385,23 euros de rappel de salaire pour la période d’octobre 2019 à octobre 2021, outre 3.938,52 euros d’indemnité de congés payés y afférents,

– condamner la société EDF à lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour et par document à compter de l’arrêt, un bulletin de salaire et une attestation pôle emploi conformes à la décision attendue,

– condamner la société EDF à justifier, dans le délai de 6 mois à compter de l’arrêt à intervenir, de la régularisation des cotisations afférentes aux rappels de salaire auprès des organismes collecteurs,

– condamner la société EDF à payer à M. [H] [W] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– juger que les condamnations seront assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– débouter la société EDF de l’ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 mars 2023, la société EDF, l’intimée demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 16 novembre 2020 en ce qu’il a débouté M. [H] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 16 novembre 2020 en ce qu’il a débouté la société EDF de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau de lui allouer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel

– avec mise des dépens à la charge de la partie adverse.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 11 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il convient de relever de manière liminaire, que la cour n’est pas saisie de la demande de repositionnement du salarié au niveau GF16, NR 270 Ech 10 depuis le mois de juillet 2015, ni de la demande d’injonction à la société EDF de proposer à M. [H] [W] un poste conforme à sa qualification au niveau GF16, NR 270 Ech 10.

1 : Sur le harcèlement moral et l’obligation de sécurité

Aux termes de l’article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d’examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l’employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

1.1 : La matérialité des faits

1.1.1 : absence de poste pérenne Pôle Emploi entre 2010 et 2018

Selon la fiche C01 du salarié qui récapitule sa carrière, il a été chargé de mission reporting activité appui RH entre 2010 et 2018 et a rempli dans ce cadre différentes missions. L’organisation de son travail a été adaptée autant que possible à sa situation de famille, puisque son épouse résidait dans les Bouches-du-Rhône et faisait face à de graves problèmes de santé.

Ainsi aucune instabilité ne peut être décelée.

1.1.2 : retrait du statut d’agent en déplacement au profit de celui de salarié en célibat géographique

Les échanges de courriels entre les parties et l’évaluation du salarié de 2015 révèlent qu’il a toujours été considéré par l’employeur que le salarié relevait du ‘célibat géographique’ et qu’il n’a jamais été considéré qu’il pouvait espérer être maintenu sous le statut d’agent en déplacement.

Ainsi aucun retrait du statut d’agent en déplacement n’est à déplorer.

1.1.3 : engagement non respecté de le nommer responsable de l’équipe gestion du site de [Localité 4]

Les échanges de courriels entre les parties démontrent que de nombreuses discussions sur le poste de responsable de l’équipe de gestion du site de [Localité 4] ont eu lieu, tant sur le périmètre que sur les modalités d’indemnisation de la double résidence de M. [H] [W]. Lors de l’entretien d’évaluation de 2015, il a été spécifié expressément qu’aucun engagement du chef de pôle lui garantissait l’octroi de ce poste. Enfin, en tout état de cause, lorsque celui-ci a été offert à la candidature des salariés, l’intéressé ne s’est pas porté candidat.

Aucun engagement de nommer M. [H] [W] responsable de l’équipe de gestion du site de [Localité 4] n’a été pris.

1.1.4 : suppression de M. [H] [W], dans l’organigramme du campus de [Localité 3] [Localité 4] en septembre 2016

Il ne peut être reproché à l’employeur de n’avoir pas fait figurer M. [H] [W], sur l’organigramme de l’équipe du campus de [Localité 4], puisqu’il était rattaché à la DRH du groupe et figurait sur l’organigramme de celle-ci comme chargé de mission reporting activités.

Aucune suppression de M. [H] [W] de l’organigramme du campus de [Localité 3] [Localité 4] n’est donc établi.

1.1.5 : retrait de son poste de responsable de l’équipe de gestion du site de [Localité 3] [Localité 4] en octobre 2016

Il ressort des échanges de courriels entre l’intéressé et son supérieur hiérarchique ainsi que de l’évaluation de l’intéressé de 2015 que M. [H] [W] n’avait aucun droit acquis à ce poste, qu’il n’y a jamais été nommé et que bien plus des réserves ont été faites sur sa capacité à l’assumer compte tenu de ses attitudes et comportements inadéquats.

Le salarié ne peut sérieusement imputer à ses alertes sur le dysfonctionnement du site intervenu en 2019 le refus de son affectation sur le site en 2016, compte tenu de la chronologie de ces éléments.

Aucun retrait du poste de responsable de l’équipe de gestion du site de [Localité 3] [Localité 4] n’est intervenu.

1.1.6 : Maltraitance de M. [H] [W] liée à son opposition à Mme [E] et mise à l’écart par celle-ci

Si le compte rendu des délégués du personnel du 17 janvier 2019 évoque le souci de Mme [E], lors de son arrivée à la tête du site de ‘faire le ménage’, il n’est évoqué le cas de M. [H] [W] que pour dire qu’il a été ‘écarté’ en 2016. Or il a été relevé que l’employeur de l’a pas nommé aux fonctions qu’il convoitait sous certaines conditions, pour des raisons objectives.

Il ne peut donc être soutenu utilement l’existence d’une maltraitance de la part de Mme [E] à son encontre, puisque les fautes de management qu’il impute à celle-ci ne ressortent que de ses déclarations au cours de l’enquête ayant fait suite à l’exercice d’un droit d’alerte émanant de plusieurs salariés et d’un syndicat.

Il ressort de l’enquête que Mme [E] devait faire face à une réorganisation difficile et faisait preuve d’une autorité mal ressentie.

Il ne peut en être déduit que M. [H] [W], qui n’était pas soumis hiérarchiquement à elle, ait subi des conséquences néfastes en ce qui le concerne du type de relations qu’entretenaient cette personne à l’égard de ses subordonnés et une dégradation de ses conditions de travail.

1.1.7 : rétrogradation de M. [H] [W], de la classe B à la classe C, du GF 15 au GF 14 et renvoi de M. [H] [W], à son ancien poste

Par courriel du 21 octobre 2016, M. [G] a fait savoir à M. [H] [W], que s’il avait donné satisfaction dans sa mission au sein du site de [Localité 4] et avait de ce fait bénéficié d’une évolution significative de sa rémunération variable, néanmoins depuis mai 2016, et le ‘gréément progressif de l’équipe de [Localité 4], le bilan est beaucoup plus contrasté’. Cet écrit poursuit en expliquant que par suite, Mme [E] et M. [G] ne le nomment pas responsable de l’équipe ‘gestion du site’ et lui font reprendre son emploi de ‘chargé de mission reporting activité’ au sein du département appui à la performance PFCG pour d’autres missions.

Certes, M. [U], témoin de l’entretien qui a eu lieu le 18 octobre 2016 entre M. [H] [W] et M. [G], atteste que celui-ci, loin de porter sur les capacités du salarié, n’a eu trait qu’à sa nouvelle affectation et sur le télétravail. Il n’indique pas pour autant qu’il a été dit le contraire de ce que précise ledit courriel, tandis que l’entretien d’évaluation de l’année 2015 fait état de réserve sur sa manière d’être du salarié à l’égard de ses collègues par manque de bienveillance, d’adaptation et de calme, ce qui recouvre une bonne part des raisons énumérées par le courriel notifiant à l’intéressé l’impossibilité de le nommer au poste litigieux.

Il est néanmoins prouvé que l’intéressé a subi une perte de rémunération variable, non pour autant une rétrogradation.

1.1.8 : Sur l’imputation injurieuse d’alcoolisme

Au cours de son audition du 17 juillet 2018 dans le cadre de l’enquête des délégués du personnel effectuée à la suite de l’exercice du droit d’alerte, Mme [E] a rapporté la situation de M. [H] [W], en indiquant qu’il s’était remis à boire, qu’il s’est ‘saoulé’ le jour du séminaire de pôle en 2016, qu’il a des problèmes d’alcoolisme et que c’est une ‘attitude grave’.

1.1.9 : Sur l’état de santé

M. [H] [W], soutient que le harcèlement l’a conduit à être arrêté pendant de longues périodes jusqu’à novembre 2019 où le médecin du travail a préconisé un poste en dehors de la direction de la DRH. Il souligne que néanmoins, il a dû reprendre ses fonctions à la direction de la formation professionnelle au sein du département appui pilotage, et qu’il a été placé à nouveau en arrêt maladie le 5 juillet 2021.

La société EDF objecte que l’intéressé argue essentiellement de documents médicaux inopérants comme ne faisant que reprendre ses propres dires.

Pour preuve de sa version, le salarié produit des arrêts de travail pour dépression, des certificats médicaux de médecin traitant et médecin psychiatre du salarié, qui établissent certes un mauvais état moral, mais nullement l’existence d’un lien entre l’état dépressif du salarié et le prétendu harcèlement moral que la cour écarte.

1.2 : Sur la présomption de harcèlement moral

Ainsi, parmi les faits allégués par l’intéressé au titre du harcèlement moral, seuls sont retenus par la cour l’imputation d’alcoolisme et la baisse de la rémunération de l’intéressé à compter de la fin de sa mission de [Localité 4].

Ces faits pris dans leur ensemble font présumer le harcèlement moral.

S’agissant de l’imputation d’alcoolisme, le dossier médical du médecin du travail versé aux débats par le salarié porte mention en mai 2013 d’une cure de sevrage de consommation d’alcool en juin 2012, à la date du 27 octobre 2016, la mention ‘alcool conso occ ms+++’ et le 5 juin 2018 ‘alcool : dit limiter sa conso’.

Dans un courriel du 19 novembre 2015, M. [H] [W], a reconnu avoir pu choquer certains de ses collègues et tenu des propos ‘pagnolesques’ qui s’expliquent selon lui par son caractère méditerranéen.

Il suit de l’ensemble de ces observations que l’imputation de problème d’alcool évoquée par Mme [E] correspondait à un constat objectif, qu’il lui appartenait de faire connaître dans le cadre d’une enquête sur les relations au sein de l’entreprise.

Quant à la baisse de rémunération à la fin de sa mission à [Localité 4], elle fait suite à un changement du changement d’affectation, qui n’était qu’un changement de ses conditions de travail.

Dès lors, l’employeur justifie les décisions qui sont invoquées au titre du harcèlement moral.

Par suite, M. [H] [W], sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

1.3 : Le manquement à l’obligation de sécurité

Subsidiairement à sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, M. [H] [W] sollicite la condamnation de la société EDF à lui verser la somme de 110 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, malgré les alertes des délégués du personnel en 2014, 2017 et 2018.

En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale de ses préposés. Il doit mettre en oeuvre des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, à savoir tant des actions de prévention que l’organisation de moyens adaptés et l’amélioration des situations existantes. Il doit assurer l’effectivité des mesures tendant à identifier, prévenir et gérer les situations pouvant avoir un impact négatif sur la santé du salarié.

L’article L.4121-2 prévoit que l’employeur met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l’état d’évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1, rendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle et donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L’attestation de suivi du service de santé au travail du 5 novembre 2019 préconise l’affectation du salarié à un poste en dehors de la direction formation de la DRH groupe.

Il n’est démontré par l’employeur aucun effort pour satisfaire à cette préconisation.

Cette attitude traduit un manquement à l’obligation de sécurité, qui pour ne pas avoir eu nécessairement de conséquences, traduit une désinvolture à l’égard de quelqu’un de fragile à cette époque, qui justifie un préjudice moral et l’allocation de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts.

2 : Sur l’égalité de traitement

M. [H] [W] soutient qu’il y a atteinte au principe de l’égalité de traitement en ce que cinq salariés placés dans une situation comparable à la sienne ont eu une progression de carrière bien meilleure puisque M. [H] [W] occupait une position GF 14 au NR 205 quand les autres salariés avaient atteint des niveaux situés entre GF 15 et GF 17, avec un NR entre 235 et 245. Il souligne que s’il avait été classé au GF 15 NR 230 dès le printemps 2015 avec l’affectation revendiquée de responsable de site à [Localité 4] jusqu’en mars 2017, sa carrière se serait poursuivie dans des conditions ‘normales’. C’est pourquoi, il demande son repositionnement à GF 16, NR 270 à compter du mois de novembre 2015.

La société EDF rappelle que la progression revendiquée équivaut à une augmentation de salaire de 38% environ qui ne correspond même pas à la rémunération du responsable de site à [Localité 4] qui est GF 15, NR 230. Quant aux salariés auxquels M. [H] [W] se compare pour asseoir l’inégalité de traitement, l’employeur soutient qu’ils ne se trouvent pas placés dans une situation équivalente à la sienne. Enfin l’employeur produit une analyse de 316 éléments de comparaison qui témoigneraient de ce que le salarié se trouverait dans la moyenne par rapport aux personnes placées dans la même situation que lui.

Sur ce

Il résulte du principe ‘à travail égal, salaire égal’, dont s’inspirent les articles’L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l’article’1315 du code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ‘à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

M. [H] [W] se compare à cinq salariés dont il prétend que leur situation est comparable à la sienne du seul fait qu’ils ont une ancienneté proche de la sienne qui est de 26 ans et qu’ils sont entrés dans l’entreprise avec un niveau de diplôme équivalent au sien.

Ces deux éléments ne permettent pas d’en déduire qu’ils se trouvent tous dans une situation équivalente à raison de leurs titres, leurs diplômes, leurs pratiques professionnelles, leurs capacités découlant de l’expérience acquise, leurs responsabilités et leurs charges physiques ou nerveuses équivalentes.

Bien au contraire, comme l’analyse des déroulements de carrières de ces six personnes tels qu’ils sont transcrits par les documents des services RH, leurs situations ne sont pas comparables, en ce que :

– M. [N] [C] a plus de cinq ans d’ancienneté que M. [H] [W] et a souscrit un forfait irréversible qui lui a conféré l’octroi de 2 NR supplémentaires, étant précisé que les NR évoluent de cinq en cinq et enfin il a suivi une filière commerciale différente de M. [H] [W] ;

– M. [J] a cinq ans d’ancienneté de plus que M. [H] [W], a également adhéré au forfait jours de manière irréversible et a accédé aux collèges maîtrise puis cadre;

– M. [L] a évolué dans un tout autre domaine que M. [H] [W] puisqu’il se trouve être maintenant ingénieur audit après avoir été responsable de pôle MPL automatisme électronique puis chargé d’ingénierie de projet technique ;

– M. [Z] a 2,5 ans d’ancienneté de plus que M. [H] [W], a souscrit à une offre forfait jours irréversibles qui lui a conféré 2 NR supplémentaires et exerce des fonctions d’adjoint du directeur ;

– M. [X] exerce des fonctions de chef d’agence.

Outre les différences d’ancienneté ou liés à la souscription à l’offre de forfait jours irréversible qui confère deux NR supplémentaires, rien ne permet de penser que l’expérience différente acquise par chacun sur une aussi longue période et leur choix de carrière différents sont le fruit d’une différence de traitement et que les situations des uns et des autres soient comparables.

Ainsi M. [H] [W] ne soumet pas au juge des éléments permettant de caractériser une différence de traitement.

Par suite il sera débouté de ses demandes de repositionnement et de rappel de salaire, de régularisation des cotisations afférentes aux rappels de salaire auprès des organismes collecteurs et de délivrance des documents de fin de contrat

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner la société EDF à payer à M. [H] [W] qui obtient partiellement gain de cause la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d’appel.

Pour les mêmes motifs, l’employeur sera débouté de ses prétentions de ces chefs.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Constate que la cour n’est pas saisie sur les demandes de repositionnement du salarié au niveau GF16, NR 270 Ech 10 depuis le mois de juillet 2015, ni de la demande d’injonction à la société EDF de proposer à M. [H] [W] un poste conforme à sa qualification au niveau GF16, NR 270 Ech 10 ;

Confirme le jugement sauf sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, sur la demande de M. [H] [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société EDF à payer à M. [H] [W] les sommes suivantes :

– 5 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

– 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

– avec intérêts compter du présent arrêt ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes de M. [H] [W] en paiement d’un rappel de salaire de 39 385,23 euros outre 3 938,52 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

Rejette la demande de M. [H] [W] de délivrance sous astreinte d’une attestation Pôle Emploi et d’un bulletin de paie ;

Condamne la société EDF à verser à M. [H] [W] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d’appel ;

La greffière La présidente

 


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