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29 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/09294
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 29 JUIN 2023
N°2023/
MS/KV
Rôle N° RG 21/09294 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHVSF
[E] [K]
C/
S.A.S. ACD AIX
Copie exécutoire délivrée
le : 29/06/23
à :
– Me Jean-françois DURAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
– Me Catherine BERTHOLET de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE
Arrêt en date du 29 juin 2023 prononcé sur saisine de la Cour suite à l’arrêt rendu par le Cour de Cassation en date du 16 juin 2021, qui a cassé l’arrêt rendu le 17 janvier 2020 par la Cour d’appel d’Aix en Provence, ayant lui-même statué sur l’appel de l’ordonnance rendue le 27 février 2019 par le Conseil de Prud’hommes d’Aix en Provence.
DEMANDERESSE SUR DECLARATION DE SAISINE
Madame [E] [K], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-françois DURAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
DEFENDERESSE SUR DECLARATION DE SAISINE
S.A.S. ACD AIX, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Catherine BERTHOLET de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
Les avocats ayant été invités à l’appel des causes à demander à ce que l’affaire soit renvoyée à une audience collégiale s’ils n’acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l’affaire a été débattue le 4 avril 2023 devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, et Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller.
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [E] [K] a été engagée par la société ACD Aix, en qualité d’assistante produits-paie à compter du 19 mai 2014, par contrat à durée indéterminée.
Elle s’est trouvée placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 13 septembre 2015 au 24 septembre 2018.
Le 13 novembre 2018, au terme d’une visite médicale de reprise, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude en ces termes : ‘ Inapte au poste et à tous postes de l’entreprise. Pas de reclassement à envisager dans l’entreprise ni de formation à envisager dans l’entreprise.Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’.
Par courrier recommandé du 3 décembre 2018, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé le 11 décembre 2018.
La procédure de licenciement a été suspendue en raison de la contestation de l’avis d’inaptitude portée devant le conseil de prud’hommes.
Le 30 novembre 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, statuant en la forme des référés, aux fins de contester l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail, puis par requête du 4 décembre 2018, elle a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence de la même demande.
Par ordonnance de référé du 27 février 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence a prononcé l’irrecevabilité de la contestation formée par Madame [E] [K] et mis les dépens à sa charge.
Le 22 mars 2019, Mme [K] a interjeté appel de cette décision, demandant à la cour de l’infirmer dans toutes ses dispositions. La salariée soutenait que la contestation de l’avis d’inaptitude était recevable, dans la mesure où le délai de recours de 15 jours pour saisir la juridiction prud’homale qui court à compter de la notification de l’avis d’inaptitude, n’avait pas commencé à courir en l’absence de notification de l’avis d’inaptitude par la médecine du travail.
Par arrêt rendu le 17 janvier 2020, la cour d’appel a confirmé l’ordonnance rendue par le conseil de prurd’hommes dans toutes ses dispositions.
Mme [K] a formé un pourvoi contre cette décision.
Par arrêt rendu le 16 juin 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a relevé que pour dire irrecevable le recours formé par Mme [K] contre l’avis d’inaptitude du 13 novembre 2018, l’arrêt a retenu qu’il avait été notifié par lettre recommandée du 13 novembre 2018 et a présumé de sa délivrance en date du 14 novembre 2018. En présumant de sa date de réception par la salariée, la cour d’appel a violé l’article L.4624-7 et R.4624-45 du code du travail. La Cour de cassation a ainsi cassé et annulé l’arrêt rendu le 17 janvier 2020 dans toutes ses dispositions et a renvoyé les parties devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.
Le 22 juin 2021, Mme [K] a saisi la cour d’appel de renvoi.
Par arrêt rendu le 31 mars 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé l’ordonnance entreprise, a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ACD et avant dire droit a désigné Mme [J], médecin inspecteur du travail, aux fins de donner un avis motivé sur la réalité de l’inaptitude constatée par le médecin du travail.
Aux termes de son rapport du 27 septembre 2022, le médecin inspecteur du travail a conclu que la salariée ‘n’était pas inapte à son poste de travail ni à tous postes de l’entreprise. Son poste nécessitait un aménagement (…)’.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2023, Mme [K] demande à la cour de juger qu’elle était apte à son poste et tout autre poste avec des aménagements et demande que les conclusions du médecin inspecteur du travail se substituent à l’avis d’inaptitude du 13 novembre 2018. Elle sollicite la condamnation de l’intimée aux dépens avec distraction ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de la même somme au titre des frais exposés en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient :
– à titre principal, que l’intimée est mal-fondée à soulever à nouveau la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la contestation de l’avis d’inaptitude, étant considéré qu’elle a déjà été rejetée par la cour dans son arrêt avant dire droit et que ce dernier a autorité de chose jugée au principal en vertu de l’article 480 du code de procédure civile,
– à titre subsidiaire, si la cour se saisit à nouveau de cette question de recevabilité, qu’il n’est pas démontré par l’employeur, sur lequel repose la charge de la preuve, que le délai de recours de 15 jours pour contester l’avis d’inaptitude avait expiré lors de la saisine de la juridiction prud’homale par la salariée le 30 novembre 2018, étant donné qu’il ne peut justifier de la date de réception de l’avis d’inaptitude, notifié à la salariée par la médecine du travail, par lettre recommandée envoyée le 13 novembre 2018 ;
– qu’en outre, quand bien même la salariée a saisi la mauvaise juridiction prud’homale, cette saisine a pour effet d’interrompre le délai de recours ;
– qu’il y a lieu de tirer les conséquences du rapport du médecin inspecteur du travail en constatant qu’elle n’était pas inapte à son poste de travail mais que celui-ci nécessitait des aménagements.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022,la société ACD Aix demande à la cour de dire que le délai de contestation de 15 jours était échu à la date de saisine du conseil de prud’hommes et en conséquence de confirmer l’ordonnance de référé rendue par la juridiction prud’homale. A titre subsidiaire, elle demande que l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail soit déclaré légitime. Elle sollicite la condamnation de l’intimée au paiement de la somme 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens comprenant les frais liés à la désignation du médecin expert.
Elle fait valoir :
– qu’elle est bien-fondée à soulevée à nouveau la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de la contestation de l’avis d’inaptitude, l’arrêt avant de dire droit qui a tranché cette question n’étant pas un arrêt sur le fond revêtu de l’autorité de la chose jugée mais uniquement un arrêt de nature préparatoire, non définitif ;
– qu’il ne repose pas spécialement sur l’employeur d’apporter la preuve de la réception de la notication de l’avis d’inaptitude, étant considéré que cette formalité incombe au médecin du travail. Dans ces conditions, il appartient au juge de former sa conviction au vu des éléments apportés par les parties ;
-qu’il ressort des éléments versés aux débats que la salariée reconnaît que l’avis d’inaptitude lui a effectivement été notifié le 13 novembre 2018, de sorte que le délai de recours était échu lors de sa saisine du conseil de prud’hommes le 30 novembre 2018 ;
– s’agissant de la légitimité de l’avis d’inaptitude, qu’il ressort du rapport du médecin inspecteur qu’il n’a pas strictement dit que la salariée était apte à son poste puisqu’il a estimé qu’elle était apte avec un aménagement de poste ;
– qu’au demeurant, il ne faisait pas partie de sa mission de se prononcer sur les conditions dans lesquelles un reclassement aurait pu être envisagé mais uniquement sur la réalité de l’inaptitude constatée par la médecine du travail ;
– que, par ailleurs, il n’est pas établi qu’un aménagement de poste aurait été possible pour l’employeur, ni que la salariée l’aurait accepté.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure
La fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la contestation de l’avis d’inaptitude, soulevée par la société ACD Aix a été rejetée par la cour dans son arrêt mixte rendu le 31 mars 2022, par lequel elle se prononce sur la recevabilité de la contestation et ordonne avant dire droit une mesure d’instruction.
En conséquence, l’intimée est irrecevable à soulever à nouveau ce moyen.
Sur le fond
L’action en contestation a été introduite postéreurement au 1er janvier 2018 : elle porte sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale.
A contrario de la rédaction antérieure de l’article L. 4624-7 du code du travail, ce ne sont plus les éléments de nature médicale qui sont contestables mais bien les documents remis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale. Ces documents concernent les avis (d’aptitude, d’inaptitude) mais également les écrits constituant des propositions, indications ou conclusions écrites émises par le médecin du travail.
La contestation dont est saisie la cour porte sur l’avis du médecin du travail et non sur le respect par ce dernier des procédures et diligences prescrites par la loi et les dispositions réglementaires. Le juge peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis (Soc., avis, 17 mars 2021, n° 21-70.002). En d’autres termes, il ne s’agit pas de faire juger un manquement aux règles de l’art du médecin du travail à l’origine de l’avis, mais d’obtenir un nouvel avis technique.
Par arrêt du 31 mars 2022, la présente cour d’appel a chargé le médecin inspecteur de donner un avis motivé sur la réalité de l’inaptitude de Mme [K] relevée par le médecin du travail le 13 novembre 2018.
Dans son rapport remis le 27 septembre 2022, le docteur [O] [J] a conclu en ces termes:’ Mme [K] n’était pas inapte à son poste de travail ni à tous postes de l’entreprise. Son poste nécessitait un aménagement déterminé en partenariat avec les acteurs du maintien dans l’emploi et le médecin du travail, après accord de l’employeur et de la salariée, au mieux avant la reprise et à adapter en fonction des progrès cliniques de la salariée(…)’.
Il ressort du rapport du médecin inspecteur que Mme [K], présente des séquelles d’un accident vasculaire cérébral centrées sur le domaine cognitif avec difficultés attentionnells et mnésiques qui ne la rendent pas inapte à son poste de travail ni apte à tous postes dans l’entreprise. Un aménagement pouvait être envisagé sous forme de diminution du temps de travail, fractionnement de celui-ci ou traitement d’une partie des tâches en télétravail.
Il en découle que l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail, le 13 novembre 2018, dont il n’est pas établi en outre qu’il était en possession de la fiche de poste, doit être rapporté pour avis technique du médecin inspecteur y soit substitué.
La société intimée soutient que Mme [K] n’a pas été clairement déclarée apte et qu’il n’est pas pas établi qu’un aménagement de poste aurait été possible pour la société ACD AIX, ni d’ailleurs qu’il aurait été accepté par la salariée.
Cette argumentation portant sur les possibilités de reclassement de la salariée est sans portée utile quand il s’agit de combattre l’avis d’ordre strictement médical rendu par le médecin inspecteur relatif aux capacités physiques de la salariée.
En conséquence, la cour juge que l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail doit être rapporté, que Mme [K] n’était pas inapte à son poste ni inapte à tous les postes dans l’entreprise et que les conclusions du médecin inspecteur du travail se substitueront à l’avis d’inaptitude du 13 novembre 2018.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société ACD Aix sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Vu l’ arrêt rendu le 16 juin 2021 par la Cour de cassation,
Vu l’arrêt rendu par la présente cour le 31 mars 2022, infirmant l’ordonnance rendue le 27 février 2019 par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence,
Vu l’avis du médecin inspecteur du travail du 4 octobre 2022,
Dit que les conclusions du médecin inspecteur du travail se substitueront à l’avis d’inaptitude du 13 novembre 2018,
Condamne la société ACD Aix aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction, pour ceux d’appel au profit de MaÎtre Jean-françois Duran, sur son affirmation de droit,
Condamne la société ACD Aix à payer à Mme [K] une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société ACD Aix de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER LE PRESIDENT