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29 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/13643
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2023
N° 2023/
FB/FP-D
Rôle N° RG 19/13643 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZQ6
[OV] [U]
C/
[M] [J] [I]
Association AGS – CGEA DE [Localité 6] DELEGATION REGIONAL DU SUD EST
SA SA [Localité 7] CONTENTIEUX
Copie exécutoire délivrée
le :
29 JUIN 2023
à :
Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-
PROVENCE
Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d’AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CANNES en date du 19 Juillet 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00156.
APPELANT
Monsieur [OV] [U], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et par Me Estelle CASSUTO-LOYER, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Maître [M] [J] [I] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GESTION RECOUVREMENT CONTENTIEUX, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
SA SA [Localité 7] CONTENTIEUX, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et par Me Dominique RIERA, avocat au barreau de PARIS
Association AGS – CGEA DE [Localité 6] DELEGATION REGIONAL DU SUD EST, demeurant [Adresse 5]
non représentée
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023 prorogé au 29 juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] (le salarié) a été engagé le 16 décembre 2002 par la SA [Localité 7] Contentieux (société A) par contrat à durée déterminée en qualité d’assistant gestionnaire sur la base de 39 heures de travail puis en contrat à durée indéterminée le 1er avril 2003 avant d’évoluer dans la société et d’être nommé gestionnaire de recouvrement, statut cadre, niveau 7, coefficient 280.
Par lettre du 13 avril 2011 le salarié a adressé sa démission à la société, dont le caractère équivoque fait débat entre les parties dans le cadre du décompte de son ancienneté.
Les parties ont conclu un second contrat de travail le 1er juin 2011 au terme duquel le salarié a été engagé en qualité de gestionnaire de recouvrement sur le secteur de [Localité 4], statut cadre, niveau 7, coefficient 280, moyennant une rémunération brute mensuelle de base de 2 781,02 euros pour 35 heures hebdomadaires et une rémunération variable déterminée sur la base d’objectifs collectifs mensuels.
Fin 2015 il lui a été confié une mission pour le compte de la SARL Gestion Recouvrement Contentieux nouvellement créée (société B) et ce, dans des conditions et avec des conséquences qui font débats entre les parties.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.
La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement
Le 28 novembre 2017 la société A a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 12 décembre 2017.
Par lettre du 11 janvier 2018 la société A lui a notifié lui a notifié son licenciement pour faute grave en ces termes :
‘Pour mémoire, en votre qualité de Gestionnaire recouvrement dans le cadre de votre contrat de travail au sein de la société [Localité 7] Contentieux, vous encadrez le Pôle des créances civiles, et assisté de votre équipe vous avez pour taches la gestion des dossiers aussi bien dans le recouvrement amiable que dans celui du recouvrement contentieux, en liaison avec les divers intervenants et partenaires judiciaires ou non – et toutes autres missions inhérentes à vos fonctions. Dans le cadre de ces missions, nous vous avons confié le développement de la société Gestion Recouvrement Contentieux (GRC).
-Au cours de cette mission, nous vous avons demandé à plusieurs reprises de mettre une organisation en place pour optimiser le fonctionnement de GRC en vain.
-Par un mail du 6 octobre 2017: les équipes GRC nous ont fait suivre une proposition d’organisation. Organisation qui avait fait l’objet d’échanges et de réunion des équipes pendant 2 jours sans votre participation.
-Vous étiez absent des débats compte tenu du fait que vous aviez informé l’ensemble du personnel ainsi que votre Direction le 14 septembre, que vous cessiez d’exercer vos fonctions au sein de GRC. Ce n’était pas la première fois que vous souhaitiez arrêter cette mission, l’avant dernière datant d’à peine un mois, mais vous étiez revenu à chaque fois sur votre choix. Nous avons considéré le 14 septembre, comme notre pouvoir de décision nous le permet, que votre choix était définitif et irrévocable, nous ne souhaitions plus que l’équipe en place soit dans l’incertitude quant à votre présence à leur côté ou pas.
-Par un mail du 9 octobre 2017, vous avez décidé de faire part de vos commentaires et de vos propositions malgré le fait que vous n’ayez pas assisté aux débats, à la lecture des propositions, vos remarques étaient assez confuses et assez éloignées de votre schéma pour reprendre vos termes « Bien content d’avoir terminé de jeter un ‘il, n’en demeure pas moins qu il demeure beaucoup de zones d ombres demeurantes, je ne retrouve pas beaucoup de choses visualisées par mes soins à l’origine dans ce futur ».
-Vous étiez destinataire des mails, ce n’était que par correction et à titre d’information mais nous ne vous avions pas demandé votre avis.
-Puis le même jour, vous avez envoyé un second mail à la Direction intitulé « 08 2016 nostalgie organisation » sans aucun rapport. Pour finir par un troisième mail intitulé «Petite question» dans lequel vous avez demandé aux équipes la permission de reprendre vos fonctions sur GRC et notamment ce qu’ils préféraient, au mépris de notre décision que vous connaissiez pourtant.
-Par un mail du 11 octobre 2017 à 11h57 nous avons informé les équipes et vous-même puisque visiblement cela s’avérait nécessaire, que nous avions pris la décision de nommer un nouveau responsable sur GRC ainsi qu’une deuxième personne qui aurait en charge la totalité des outils de masse. Au retour de nos congés le 16 octobre 2017, nous verrions l’organisation définitive. En effet, nous avions pris en considération toutes les informations qui nous avaient été transmises. Il apparaissait que votre management était facteur de conflits dans les équipes, qui peinaient à vous suivre et à appliquer vos solutions, le service s’en trouvant désorganisé, A la lecture de l’organisation qui nous avait été proposée par l’équipe sans votre participation, nous avons constaté qu’ils s’étaient répartis entre eux vos anciennes taches.
-Sans tenir compte de notre mail pourtant très explicite et sans ambiguïté sur le fait que nous tenions à valider à notre retour de congés une organisation différente, vous avez fait suivre immédiatement à l’ensemble des équipes et nous-même pas moins de 5 mails:
‘ 11h5 8 : « Bonne lecture » Sujet diviser pour mieux régner
‘ 12h12: Réponse à votre email: pour contester votre décision
‘ 12h54: « Petite question» vous avez transféré à Monsieur [W], notre Directeur Commercial, votre mail du 9 octobre demandant à l’équipe ce qu’elle préférait par rapport à votre retour, pour lui demander quel était son avis
o 13h32:« la nécessité de signer un contrat de travail … »,
‘ Puis 13h47 « suite de mon précédent e-mail au sujet de mon contrat GRC réclamé mais pas que … »
-Nous vous rappelons les dispositions prévues dans votre contrat de travail qui reste d’actualité malgré ce que vous semblez croire; « Ces attributions sont exercées par M [U] sous l’autorité et dans le cadre des instructions données par ses supérieurs hiérarchiques auxquels il est tenu de rendre compte de son activité et de ses résultats ». C’est visiblement une notion que vous avez perdue en l’occurrence, vous n’avez pas autorité pour outrepasser nos directives. Vous pouviez effectivement ne pas être d’accord mais vous auriez dû nous en faire part directement et uniquement à nous. Votre attitude au cours de ce mois d’octobre 2017 a été totalement déplacée, désinvolte. Vous êtes dans un contexte professionnel et ce genre de comportement n’est pas celui attendu d’un cadre qui a une obligation de réserve, l’auriez-vous oublié, qui plus est, vous êtes sensé montrer l’exemple, un cadre responsable d’un service n’a pas à désapprouver publiquement les décisions du dirigeant.
-Cependant au regard de notre collaboration de longue date et malgré votre insubordination nous vous avons proposé de vous rencontrer le 2 novembre 2017 pour vous expliquer de vive voix à nouveau notre position, afin d’apaiser les tensions et de permettre aux équipes et à vous-même de retrouver de la sérénité le temps que nous puissions analyser complètement la situation.
-Lors de cet entretien, le 2 novembre nous vous avons rappelé et expliqué les raisons pour lesquelles nous avions acté votre fin de mission: vos départs répétés avaient démotivé les équipes qui étaient perdues et le malaise s’en ressentait au niveau des chiffres et des résultats, que malgré nos demandes répétées vous ne nous aviez toujours pas présenté une organisation avec des objectifs, des éléments de contrôle et un suivi individuel de chacun, vous avez sans cesse reporté cette mise en place, le constat au niveau de GRC en ce dernier trimestre: une structure sans objectif ni projection, une équipe démotivée qui n’était employée qu’à 30% de ses capacités, sans compter la forte dégradation de nos rapports. Pour toutes ces raisons longuement exposées nous vous avons confirmé l’arrêt définitif de votre mission sur GRC et nous vous avons demandé de vous concentrer à nouveau uniquement sur [Localité 7] Contentieux.
-A l’issue de cet entretien, il était convenu que nous formaliserions par un mail votre fin de mission auprès des équipes et des différents intervenants conjointement et que nous procéderions à la passation de vos dossiers. Il était entendu qu’au préalable nous vous transmettrions le mail pour nous mettre d’accord sur la formulation. Dans cette continuité nous vous avons fait suivre notre projet de communication concernant votre départ de GRC.
-Malgré nos échanges de la veille, le lendemain vous avez nié être d’accord avec nous, vous avez mis l’ensemble de l’équipe GRC dans la boucle de nos échanges des 3 et 4 novembre et contesté une fois de plus notre pouvoir de décision et notre autorité dans plusieurs mails. Quand bien même nous avons pris soin de ne répondre qu’à vous, systématiquement l’équipe a été en copie de votre réponse, et les autres salariés ont pu ainsi lire tous nos échanges.
-Nous vous avons contacté une nouvelle fois par téléphone pour vous demander à nouveau de vous ressaisir et de vous concentrer sur [Localité 7] Contentieux et d’observer votre devoir de réserve sur des sujets qui ne concernaient que nous.
-Contre toute attente, vous n’avez toujours pas accepté notre décision et vous avez fait preuve une nouvelle fois d’insubordination. Malgré nos entretiens téléphoniques, nos emails, notre entrevue le 2 novembre, vous avez persisté à vous opposer à notre décision de mettre un terme à votre mission au sein de GRC pour vous concentrer uniquement sur [Localité 7] Contentieux. Vous avez pris soin d’informer l’ensemble du personnel des sociétés [Localité 7] Contentieux et GRC des désaccords que nous pouvions avoir en les mettant systématiquement en copie de nos mails, bien que nous vous ayons demandé de ne pas le faire.
-Quelques jours plus tard, le 9 novembre 2017 alors que nous pensions avoir été clair, vous vous êtes présenté à une réunion à laquelle vous n’étiez pas convié déstabilisant une partie de l’équipe. Bien que cette réunion ait dû être écourtée pour une raison sans lien avec la société, vous êtes allé manger avec l’équipe, pourquoi pas. Mais, vous nous avez fait une note de frais dont le formalisme est très approximatif pour le restaurant pour un montant de 70 euros alors qu’il semblerait que chacun est payé sa part.
-Le 10 novembre, vous nous avez fait un long mail sur le respect de la vie privée, dans lequel vous nous avez demandé de ne mêler personne à nos histoires. Pour autant, en contradiction total avec vos propos vous avez mis en copie tous vos collègues que ce soit sur [Localité 7] Contentieux ou GRC. Vous avez rempli leur boîte mail de vos reproches à notre encontre, de discussions stériles sur la nécessité que vous vous déplaciez pour une réunion des cadres alors qu’il y a encore peu vous ne vouliez pas y participer.
-La semaine suivante c’était un mail sans fin sur un acompte pour votre femme et vos problèmes liés au matériel informatique et bureautique,
-Dans le cadre de vos échanges par mail, vous avez exposé la situation de Madame [B] que vous aviez assistée en entretien, à l’ensemble de vos collègues, vous avez manqué à votre obligation de confidentialité à son égard, n’arrangeant pas au passage la perception que ses collègues pouvaient avoir de son travail et de son comportement.
-Le 28 novembre, nous vous avons fait un mail pour vous signifier que les codes dont vous bénéficiez sur GRC étaient désactivés, en réponse vous avez envoyé à la Direction comme à tous les salariés de GRC et la majorité des salariés de [Localité 7] Contentieux un mail sur la rétrogradation, alors qu’il n’en était rien.
-Puis le 29 novembre, c’était un long mail pour lequel l’ensemble du personnel des sociétés était en copie sur le harcèlement moral au travail, dont la définition vous correspondait parfaitement. En effet, par votre comportement et les mails à répétition à l’ensemble de vos collègues tout comme à la Direction, vous avez participé à la dégradation de nos conditions de travail. Vos collègues se sont plaints auprès de nous de cette situation déplorable, du fait que vous exposiez ainsi nos désaccords et qu’ils étaient éc’urés.
-Sans compter que vous avez envoyé votre lettre de convocation à l’entretien au personnel de GRC et très probablement à certaines personnes de [Localité 7] Contentieux, quel était votre but sinon de nous discréditer une fois de plus.
-Bien que nous vous ayons demandé à de nombreuses reprises de cesser de mettre en copie les équipes, que ce soit vos collègues ou les personnes que vous encadriez vous avez continué nous vergogne, il vous est même arrivé de mettre en copie de vos mails le technicien informatique, prestataire de notre entreprise.
-Votre comportement de ces derniers mois est inacceptable et connu de tous par le fait, ces faits déstabilisent l’ensemble de notre management et mettent en péril notre fonctionnement garant de notre pérennité commerciale et financière.
-Lors de l’entretien du 12 décembre, vous avez admis en partie les faits mais minimisé votre responsabilité et vous nous avez remis un courrier en préambule, pour autant il ne s’agit pas d’une lettre d’excuse à aucun moment vous n’écrivez regretter vos agissements, et votre conclusion est la suivante « Je vais intégrer ces nouveaux paramètres de travail à mon niveau et n’émettrais que des doutes et incompréhension pour la suite de GRC. Espérant toujours la réussite de GRC malgré que je n’y soit plus de fait, je devrais être capable de prendre en considération ces nouveaux paramètres. Mon objectif c’est le votre » , l’emploi du conditionnel nous permet de penser que vous n’avez toujours pas accepté notre décision et n’est pas gage de sérénité .
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise” .
Le salarié a saisi le 28 mai 2018 le conseil de Prud’hommes de Cannes d’une demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamnation solidaire des sociétés au titre d’un rappel d’heures supplémentaires, les congés payés afférents, d’un rappel de salaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos, les congés payés afférents, de dommages et intérêts pour mise à disposition illicite, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, de dommages et intérêts pour préjudice distinct, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 19 juillet 2019 le conseil de prud’hommes de Cannes a :
– fixé la rémunération mensuelle de Monsieur [U] à 4.248,11 € ;
– fixé le point de départ pour le calcul de l’ancienneté au 1er Juin 2011 ;
– requalifié le licenciement de Monsieur [U] en licenciement pour cause réelle sérieuse;
-condamné la SA [Localité 7] Contentieux à payer à Monsieur [U] [OV] les sommes suivantes :
– Au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ; 12.744,33 €
– Au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 1.274,43 €
– Au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement: 6.372,17 €
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux à remettre à Monsieur [U] [OV], un bulletin de salaire complémentaire avec les sommes ci-dessus mentionnées;
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux à payer à Monsieur [U] [OV], la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du CPC.
– ordonné l’exécution provisoire de droit (art. R 1454-28 du Code du Travail).
– débouté les partie de toutes leurs autres demandes.
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux aux entiers dépens.
Le salarié a interjeté appel du jugement par acte du 22 août 2019 énonçant :
‘Objet/Portée de l’appel: [OV] [U] fait appel et sollicite l’infirmation du jugement rendu le 19 juillet 2019 par le Conseil des Prud’hommes de Cannes en ce qu’il a :
– fixé la rémunération mensuelle de Mr [U] à 4.248,11 €
– fixé le point de départ pour le calcul de l’ancienneté au 1er juin 2011
– requalifié le licenciement de Mr [U] en licenciement pour cause réelle et sérieuse
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux à payer à Mr [U] [OV] les sommes suivantes:
– au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 12.744,33 €
– au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 1.274,43
– au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement: 6.372,17 €
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux a remettre à Mr [U] [OV], un bulletin de salaire complémentaire avec les sommes ci-dessus mentionnées
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux à payer à Mr [U] [OV], la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du CPC
-débouté les parties de toutes leurs autres demandes’.
Par ordonnance de référé du 23 décembre 2019 le premier président par délégation a rejeté la demande de la société A aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire ainsi que la demande reconventionnelle du salarié en dommages et intérêts.
Par ordonnance d’incident du 17 février 2022 le magistrat de la mise en état a rejeté l’incident soulevé par la société A tendant à faire déclarer irrecevables les demandes nouvelles en appel et constater l’absence d’effet dévolutif sur certains chefs de demandes qui ne sont pas énoncés dans la déclaration d’appel au motifs que ces fins de non-recevoir relèvent de la compétence exclusive de la cour, en l’état d’un appel interjeté antérieurement à l’entrée en vigueur du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 ayant modifié l’article 789 du code de procédure civile sur la compétence exclusive du conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non recevoir.
La société B a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil le 26 février 2020 et Maître [I] a été désigné en qualité de liquidateur.
Le salarié a fait assigner l’AGS-CGEA délégation régionale Sud-Est en intervention forcée par acte du 26 mai 2021, délivré à M. [G] qui a déclaré être habilité à recevoir l’acte qui mentionne que l’intimé est tenu de constituer avocat.
L’AGS-CGEA n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 septembre 2022 M. [U] demande de:
DECLARER la société SA [Localité 7] Contentieux irrecevable et mal fondé en son incident;
CONSTATER l’effet dévolutif de l’appel formé par Monsieur [U] le 22 août 2019 ;
DECLARER les prétentions de Monsieur [U] au titre de la part variable de rémunération comme étant l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes présentées au Conseil des prud’hommes de Cannes ;
En conséquence de quoi,
Il est demandé à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de CONSTATER la recevabilité des demandes suivantes de Monsieur [U] :
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 164 040,06€
– Rappel de salaire au titre de la part variable de rémunération 17.000€
– Congés payés afférents 16.040,06€
– Rappel de salaire contrepartie obligatoire en repos 100.334,06 € bruts
– Congés payés afférents 10.033,40 € bruts
– Indemnité de travail dissimulé 68.622,52 €
– Dommages et intérêts pour préjudice distinct : 68.000,06€ nets
– Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réel et sérieuse 148.682 € nets
– Rappel des frais professionnels 2541,67 €
– Condamnation in solidum de la société [Localité 7] contentieux et la SARL GRC représentée par Maitre [I] es qualité de liquidateur à titre de dommages et intérêts pour mise à disposition illicite 68.000 € net.
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Cannes en date du 19 juillet 2019
FIXER la rémunération mensuelle de Monsieur [OV] [U] à 11.437,0875 € bruts.
FIXER le point de départ pour le calcul de l’ancienneté au 16 décembre 2002.
CONSTATER l’absence de tout manquement commis par Monsieur [U]
DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [U] est sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence de quoi,
CONDAMNER la société [Localité 7] Contentieux à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes:
– Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 164 040,06€
– Rappel de salaire au titre de la part variable de rémunération 17.000€
– Congés payés afférents 16.040,06€
– Rappel de salaires (contrepartie obligatoire en repos) 100.334,06 € bruts
– Congés payés afférents 10.033,40 € bruts
– Indemnité de travail dissimulé 68.622,52 €
– Dommages et intérêts pour préjudice distinct : 68.000,06€ nets
– Indemnité compensatrice de préavis : 34 311,26 € bruts
– Congés payés afférents : 3.431,12 € bruts
– Indemnité conventionnelle de licenciement : 76 113,82€ nets
– Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réel et sérieuse 148.682 € nets
CONDAMNER in solidum la société la [Localité 7] Contentieux et la SARL GRC à payer à Monsieur [U] la somme suivante:
– Dommages et intérêts pour mise à disposition illicite: 68.600€ nets
CONDAMNER la SA [Localité 7] Contentieux à la somme de 2.541 ,67€ au titre du rappel des frais professionnels.
DIRE ET JUGER que l’intégralité des sommes sera soumise aux intérêts au taux légal à compter de la saisine, lesdits intérêts se capitalisant par année entière.
ORDONNER la remise – sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la notification du jugement – des bulletins de paie rectifiés, du certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conforme au jugement à intervenir,
CONSTATER la mise à disposition illicite de la SA [Localité 7] Contentieux au bénéfice de la SARL GRC
CONSTATER les nombreuses irrégularités entourant la relation de travail établie entre Monsieur [U] et la SA [Localité 7] Contentieux et la SARL GRC
CONDAMNER in solidum les sociétés SA [Localité 7] Contentieux et la SARL GRC à payer à Monsieur [U] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC,
CONDAMNER in solidum les sociétés SA [Localité 7] Contentieux et la SARL GRC aux entiers
dépens,
ORDONNER l’exécution provisoire du jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 septembre 2022 la société [Localité 7] Contentieux demande de :
I ) A titre principal
1) In limine litis, il est demandé à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence de :
DECLARER la Société SA [Localité 7] Contentieux recevable et bien fondée en son incident
CONSTATER l’absence d’effet dévolutif de l’appel formé par Monsieur [U] le 22 août 2019
CONSTATER que Monsieur [U] a formulé des prétentions en cause d’appel non soumises précédemment au Conseil de prud’hommes de Cannes
En conséquence, il est demandé à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de CONSTATER
l’irrecevabilité des demandes suivantes de Monsieur [U] :
– Rappel de salaires (heures supplémentaires) 151.579,26 € brut,
– Rappel de salaires au titre de la part variable de rémunération: 17.000 €
– congés payés afférents: 15.157,92 € bruts
– rappels de salaires (contrepartie obligatoire en repos) : 100.334,06 € bruts
– congés payés afférents 10.033,40 € bruts
– indemnité de travail dissimulé: 68.622,52 €
– dommages et intérêts pour préjudice distinct 68.600 € net
– dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse: 148.682 € net
– rappel des frais professionnels: 2.541,67 €.
– la condamnation in solidum de la Société SA [Localité 7] Contentieux et la SARL GRC représentée par Maître [I] es qualité de liquidateur à titre de dommages et intérêts mise pour mise à disposition illicite: 68.000 € net
2) Il est demandé à la cour d’appel d’Aix-en Provence de CONFIRMER le jugement du
conseil de Prud’hommes de Cannes du 19 juillet 2019 en ce qu’il a :
– fixé le point de départ pour le calcul de l’ancienneté au 1er juin 2011
– fixé la rémunération mensuelle de Monsieur [U] à 4.248,11 € brut.
3) Il est demandé à la cour d’appel d’ Aix-en-Provence d’INFIRMER le jugement du conseil
de prud’hommes de Cannes en date du 19 juillet 2019 en ce qu’il a :
– Requalifié le licenciement de Monsieur [U] en licenciement pour cause réelle et sérieuse
– Condamné la SA [Localité 7] Contentieux à payer à Monsieur [U] [OV] les sommes suivantes:
* au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 12.744,33 €
* au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 1.274,43 €
* au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement: 6.372,17 €
– Condamné la SA [Localité 7] Contentieux à remettre à Monsieur [U] [OV], un bulletin de salaire complémentaire avec les sommes ci-dessus mentionnées;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Il est demandé à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de .
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [U] repose sur une faute grave.
En conséquence, il est demandé à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de:
DEBOUTER Monsieur [U] de l’intégralité de ses demandes,
DIRE ET JUGER la Sociétés [Localité 7] Contentieux recevable et bien fondée en ses demandes
reconventionnelles.
CONDAMNER Monsieur [U] à verser à la Société [Localité 7] Contentieux la somme de 3.000.€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNER Monsieur [U] aux dépens.
II) A titre subsidiaire;
1) Il est demandé à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de CONFIRMER le jugement du conseil de Prud’hommes de Cannes du 19 juillet 2019 en ce qu’il a :
– fixé le point de départ pour le calcul de l’ancienneté au 1er juin 2011
– fixé la rémunération mensuelle de Monsieur [U] à 4.248,11 € brut
– débouté Monsieur [U] de ses autres demandes
2) Il est demandé à la Cour d’appel d’ Aix-en-Provence d’INFIRMER le jugement du conseil
de prud’hommes de Cannes en date du 19 juillet 2019 en ce qu’il a :
– Requalifié le licenciement de Monsieur [U] en licenciement pour cause réelle et sérieuse
– Condamné la SA [Localité 7] Contentieux à payer à Monsieur [U] [OV] les sommes suivantes:
* au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 12.744,33 €
* au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 1.274,43 €
* au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement: 6.372,17 €
* au titre des dépens
– Condamné la SA [Localité 7] Contentieux à remettre à Monsieur [U] [OV], un bulletin de salaire complémentaire avec les sommes ci-dessus mentionnées;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Il est demandé à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de :
DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [U] repose sur une faute grave
DIRE ET JUGER que Monsieur [U] n’a effectué aucune heure supplémentaire
DIRE ET JUGER que Monsieur [U] n’a pas fait l’objet d’une mise à disposition illicite
DIRE ET JUGER que Monsieur [U] n’a subi aucun préjudice
En conséquence il est demandé à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de :
DEBOUTER Monsieur [U] de l’intégralité de ses demandes
DIRE ET JUGER la Société [Localité 7] Contentieux recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles.
CONDAMNER Monsieur [U] à verser à la Société [Localité 7] Contentieux la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNER Monsieur [U] aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 juillet 2021 Maître [I], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Gestion de Recouvrement Contentieux (GRC) demande de :
CONSTATER, DIRE et JUGER Maître [M] [J] [I], es qualité de Liquidateur de la société GRC recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONSTATER, DIRE et JUGER que Monsieur [OV] [U] est tant irrecevable que mal fondé en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence.
CONFIRMER le jugement de première instance qui a débouté Monsieur [OV] [U] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour mise à disposition illicite, au titre de l’intérêt au taux légal, au titre de l’article 700 du CPC et de dépens,
DEBOUTER Monsieur [OV] [U] de l’ensemble de ses demandes,
CONDAMNER Monsieur [OV] [U] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC au profit de Maître [M] [J] [I] es qualité de Liquidateur de la société GRC,
CONDAMNER Monsieur [OV] [U] aux dépens.
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2022.
SUR CE
Sur les fins de non recevoir
1° l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel
Selon l’article 901, 4° du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d’appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
L’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, énonce que :
« L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible »
Si l’appelant n’est pas tenu de mentionner dans la déclaration d’appel le ou les chefs de dispositif du jugement qu’il critique lorsqu’il entend se prévaloir de l’indivisibilité de l’objet du litige, il n’en doit pas moins se référer à cette indivisibilité dans sa déclaration.
En l’espèce la société soutient que la déclaration d’appel du salarié du 22 août 2019 n’opère pas dévolution des chefs de demandes rejetées par le conseil de Prud’hommes en ce que le salarié ne les a pas expressément visés dans sa déclaration d’appel, à savoir le rappel d’heures supplémentaires, les congés payés afférents, le rappel de salaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos, les congés payés afférents, l’indemnité pour travail dissimulé, les dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts pour préjudice distinct et les dommages et intérêts au titre d’une mise à disposition illicite.
Le salarié soutient au contraire qu’en reprenant dans sa déclaration d’appel, le dispositif du jugement du conseil de Prud’hommes, il a satisfait aux exigences de l’article 901 4° et 562 du code de procédure civile, sans qu’il ne soit tenu de rappeler les demandes présentées aux premiers juges qui les a rejetées par la simple mention’déboute les parties de toutes leurs autres demandes’, disposition qu’il a expressément critiquée.
Il résulte des pièces de la procédure que le salarié a saisi le conseil de Prud’hommes des demandes litigieuses, qui les a collectivement rejetées au dispositif du jugement de sorte qu’en critiquant expressément la disposition du jugement l’ayant débouté de l’ensemble de ses autres demandes, la déclaration d’appel opère dévolution de tous les chefs de demandes ainsi rejetés, dont la cour est en conséquence saisie, peu important que le salarié ne les ait pas repris individuellement.
En conséquence la cour rejette la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’effet d’évolutif de la déclaration d’appel.
2° la nouveauté des demandes
L’article 564 du code de procédure civile dispose ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.
L’article 565 du code de procédure dispose ‘Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent’.
L’article 566 du même code dispose ‘Les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément’.
La cour doit examiner, au besoin d’office, la recevabilité des demandes nouvelles au regard des articles sus-cités.
En l’espèce la société soulève l’irrecevabilité des demandes du salarié au titre du rappel de rémunération variable et du rappel de frais professionnels, en ce qu’elles sont présentées pour la première fois en appel.
Le salarié conclut à la recevabilité des demandes en faisant valoir qu’elle sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de ses autres demandes salariales présentées en première instance au titre de l’exécution du contrat de travail.
A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que le rappel de rémunération variable et le rappel de frais professionnels constituent des prétentions distinctes qui ne tendent pas aux mêmes fins que les demandes initiales qui tendent à obtenir le paiement d’heures supplémentaires avec son corollaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos qui reposent sur un litige afférent à la durée du travail. Ni leur nature salariale commune, ni le fait qu’elles portent sur l’exécution du contrat de travail ne sont à elles seules déterminantes.
Or aucun élément du dossier ne fait ressortir de lien suffisant ou de dépendance avec les premières demandes et le salarié n’explicite ni ne justifie en quoi ses demandes nouvelles sont l’accessoire, la conséquence ou le complément des demandes initiales.
Dans ces conditions la cour dit que les demandes nouvelles en appel ne répondent à aucune des exceptions prévues par les articles 564 à 566 du code de procédure civile.
En conséquence la cour déclare bien fondée la fin de non-recevoir et en conséquence irrecevables les demandes de rappel de rémunération variable et de rappel de frais professionnels présentées pour la première fois en appel par le salarié.
Sur les heures supplémentaires
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine.
Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.
En application des articles L. 3171-2 alinéa 1er et L.3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard de ces exigences légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce le salarié sollicite la somme de 164 040,06 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et celle de 16 404 euros au titre des congés payés afférents pour la période du 1er janvier 2015 au 11 janvier 2018 en faisant valoir qu’il a accompli de très nombreuses heures supplémentaires pour avoir travaillé ‘sans relâche depuis tôt le matin jusqu’à tard le soir, sans bénéficier systématiquement de son repos hebdomadaire et/ou de ses jours fériés’, compte tenu de la charge de travail nécessaire à l’étendue de ses responsabilités et attributions pour le compte de la société A, augmentée de l’adjonction de missions sensiblement équivalentes pour la société B, ne pouvant être réalisée dans le temps contractuellement fixé à 35 heures par semaine.
Il souligne que la circonstance d’un exercice en télétravail depuis son domicile de [Localité 4] lui permettant d’organiser son temps de travail ne contredit pas le nombre d’heures revendiquées mais qu’il impliquait au contraire l’obligation pour l’employeur de se conformer aux dispositions de l’article L.1222-1 du code du travail en organisant chaque année d’un entretien portant sur ses conditions d’activité et sa charge de travail, ce dont il s’est abstenu et celles résultant de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 prévoyant un contrôle du temps de travail, du respect des durées maximales et des temps de repos.
Il se prévaut des éléments suivants :
– en pièces 14 intitulée dans son bordereau de communication de pièces ‘Charge de travail/Heures supplémentaires 2016″, 15 ‘Charge de travail / Heures supplémentaires 2017 (heures avant 9h)’, 16 ‘Charge de travail / Heures supplémentaires 2017 (Heures après 17h)’, 17 ‘Charge de travail / Heures supplémentaires 2017 (travail sur jours de repos : congés, jours fériés…)’, 18 ‘Charge de travail / Heures supplémentaires 2017 (travail le samedi)’, 19 ‘Charge de travail / Heures supplémentaires (travail le dimanche)’, contenant chacune des liasses de plusieurs centaines de mails professionnels faisant apparaître date et horaire;
– en pièce 20 des ‘Tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires et rappels de salaire dus’ mentionnant pour chaque mois de janvier 2015 à janvier 2018 le nombre d’heures de travail par semaine, le nombre d’heures supplémentaires, ventilées ensuite selon la majoration de 25% ou 50%, le montant du rappel correspondant avec à un récapitulatif annuel faisant état de 617 heures supplémentaires en 2015, 1354 heures supplémentaires en 2016, 2652 heures supplémentaires en 2017, 72 heures supplémentaires en 2018;
– en pièce 11 ‘justificatifs de travail du 1er au 13 janvier 2018″ contenant une liasse de plusieurs centaines de pièces constituées de mails faisant figurer date et horaire et de tickets de carte bancaire;
– en pièce 35 un mail de Mme [N] au salarié du 9 septembre 2011 ‘[D] m’a dit que tu bossais vachement bien…mais tu bosses vachement plus d’heures aussi’ et un mail de M. [V] du dimanche 9 octobre 2011 au salarié et à une autre collaboratrice dont l’objet est ‘soyez cool les bosseurs’;
– en pièces 21 et 22 intitulées ‘moyens et conditions de travail’ afférents à la société B constituées pour l’essentiel d’une liasse de mails divers avec leurs pièces jointes, mais également de notes manuscrites, de copies de SMS, de documents de rupture concernant des collaborateurs;
– en pièce 56 intitulée ‘Liste des tâches de travail de Monsieur (le salarié)’ un document dressant sur papier libre ses attributions, à savoir ‘Mes taches de travail: GRC / [Localité 7] Contentieux – volumes GRC monstrueux – 2 postes de responsables, 2 postes de gestionnaire, 1 poste analyses fichiers – Gestion personnes: 5 sur [Localité 7] Contentieux / 7 sur GRC (dont Mme [C], Mr [W]) – 42 000 dossiers supervisés en tant que responsable – 20 000 dossiers gérés en tant que gestionnaire’ dont il liste ensuite en détail les éléments;.
– l’attestation de M. [Y], délégué commercial dans la société A de 2010 à mars 2017 en ce que celui-ci indique notamment ‘Je l’ai toujours vu agir dans l’intérêt de l’entreprise avec un soucis constant et exemplaire de rentabilité de ses actions (…) J’ai vu Monsieur (le salarié) se mettre en quatre pour atteindre ses objectifs avec abnégation et compenser par son implication et des heures de travail supplémentaires non comptabilisées’;
– l’attestation de Mme [B], assistante administrative du 2 mai 2016 au 9 janvier 2018 en ce que celle-ci déclare notamment ‘la masse de travail au Pôle civil était telle que Monsieur (le salarié) était investi à cent pour cent et cela il était toujours disponible pour répondre à mes questions sans jamais me laisser dans la difficulté (…) J’ai rarement vu un employé aussi impliqué, ne comptant pas ses heures, d’humeur égale, avec autant d’empathie et disponibilité malgré un volume à gérer d’au moins dix fois plus important que les autres gestionnaires de la société’;
– l’attestation de Mme [K], salariée de 2008 à 2016, en que celle-ci indique que le salarié ‘gérait un volume très important de dossiers et occupait d’ailleurs à lui seul plus de cinq armoires (là où les autres gestionnaires en occupaient qu’un ou deux et rarement plusieurs). Monsieur (le salarié) positionnait également ses dossiers par terre par manque de place’;
– l’attestation de Mme [H], ancienne employée, en ce que celle-ci rapporte que ‘Au vue de la distance qu’il séparait Monsieur (le salarié) et le siège [Localité 7] Contentieux à [Localité 8], tout se faisait par mail, il n’hésitait pas à faire des mails le soir tardivement ou les week-ends pour pouvoir avancer. Je pouvais avoir un minimum de 50 mails en 2 jours’;
– son relevé de carrière;
– en pièces 61 et 62 des mails houleux du dimanche 22 février 2015 appaissant porter sur une répartition de primes, échangés entre le salarié, qui en a libellé l’objet ainsi ‘Au fait mes horaires sont environ 05h00 à 23h00 donc l8X7= 126 je retire 4 pour dire que je bosse un peu moins le samedi et dimanche …sur 5 jours ouvrés cela 24h40 par jour et vous voudriez plus ”” et M. [V], ce dernier répondant à l’un d’eux ‘Je ne t’ai jamais dit que je voulais plus!!!’;
– une injonction de communiquer du conseil du salarié à la société A du 15 janvier 2020 les factures détaillées des communications de plusieurs lignes téléphoniques, des connexions/ déconnexions du salarié aux logiciels métiers;
– en pièce 66 un mail de M. [U] en faisant apparaître ni le destinataire ni la date qu’il désigne comme étant adressé à M. [V] le dimanche 21 août 2011 détaillant des actions qu’il compte réaliser, finissant par ‘Je compte m’organiser en faisant le jour l’amiable (les débiteurs/le téléphone) la nuit le judiciaire (beaucoup d’administratif et possib (phrase interrompue). Sinon ici il fait beau et je vais aller faire un petit tour à la plage’ annoté manuscritement ‘il (le patron) sait que je n’aime pas la plage et que je déconne’;
– en pièce 57 un mail adressé par le salarié le 19 mai 2015 à Mme [N] ‘ Impressionnant de petite quantité avec tout le mal que je me suis donné…. quasi 3000 courriers en 1 semaine
Bon c est vrai que quasi tous n ont pas encore servis car 800 dans mon carton affranchi hier
1297 am trust probablement partis vendredi
Et 403 hier
Et 398 aujourd hui que j’ai fait cette nuit’;
– en pièce 60 un mail adressé le 17 novembre 2016 à M. [V] avec plusieurs interlocuteurs en copie : ‘Déjà que je ne peux quasi plus bosser le jour.
Bientôt je ne pourrait plus bosser la nuit et le week-end et les fériés et les congés !!!!!
S en est où le serveur pour moi isolé …l’ordi. …Le reste etc.. ..et j en oubli plein
Faisons du chiffre avec les pieds et les mains attachés
Gardons les yeux la tête et le cul’.
Le salarié verse encore aux débats en pièces 85 à 88 des documents afférents respectivement aux années 2015, 2016, 2017 et 2018 contenant des liasses de centaines de mails professionnels ainsi que des factures détaillées de l’opérateur Free dont il surligne des listes d’appels à certaines dates et heures sans que ne puisse être déterminé le numéro appelé et des copies de tickets de carte bancaire.
A l’analyse de ces pièces, la cour relève d’abord que le contrat de travail du 25 mai 2011 stipule que le salarié est soumis à l’horaire collectif hebdomadaire de 35 heures par semaine réparties du lundi au vendredi de 9h à 17h avec une heure de pause quotidienne pour le déjeuner et que son lieu de travail est son domicile dans la région de [Localité 4]. Ses bulletins de paie de 2015 à 2018 mentionnent le paiement de 17,33 heures supplémentaires structurelles.
La cour relève ensuite qu’en dépit du grand volume des pièces produites, le seul décompte d’heures supplémentaires produit se borne à mentionner une durée hebdomadaire de travail, lequel ne peut être utilement croisé avec l’ensemble des mails horodatés. Par ailleurs aucune indication horaire ou journalière ne résulte des autres pièces, excepté dans l’intitulé de son mail à l’employeur du 22 février 2015 (pièces 61, 62) tout en se référant lui-même à une approximation et le salarié chiffre au demeurant dans ses écritures le rappel d’heures supplémentaires en se référant pour chacun des mois à un nombre heures travaillées ‘en moyenne’ chaque semaine pour déterminer identiquement pour chacune des semaines du mois le nombre d’heures dépassant la durée légale du travail.
Il s’ensuit qu’en l’état, le salarié ne produit pas d’éléments suffisamment précis quand aux heures qu’il soutient avoir effectivement réalisées pour permettre à l’employeur d’y répondre.
Quand bien même le salarié invoque le non-respect des dispositions applicables au travailleur en télétravail, cet élément n’est pas de nature à l’exonérer de sa charge initiale consistant à présenter des éléments suffisamment précis à l’appui de sa demande de rappel d’heures supplémentaires.
En conséquence la cour dit que la demande n’est pas fondée et confirme le jugement déféré en ce qu’il l’a rejetée.
Sur l’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos
Il résulte de l’article L.3121-11 du code du travail dans sa rédaction applicable jusqu’au 10 août 2016 puis de l’article L.3121-30 qu’une contrepartie obligatoire en repos est due pour toute heure supplémentaire accomplie au delà du contingent annuel d’heures supplémentaires.
Le contingent à prendre en compte est conventionnel. A défaut, le contingent annuel
est de 220 heures en application de l’article D. 3121-14-1 du code du travail .
Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos pour les heures supplémentaires effectuées au delà du contingent annuel, a droit à la réparation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si le salarié avait pris son congé et le montant des congés payés afférents.
En l’espèce le salarié sollicite la somme de 100 334,06 euros à titre d’indemnité pour la contrepartie en repos dont il n’a pas bénéficié au titre des heures supplémentaires qu’il a effectué au delà du contingent annuel pour chacune des années 2015 à 2017.
Comme il a été dit ci-dessus, il n’est pas établi que le salarié a accompli les heures supplémentaires qu’il allègue.
En conséquence la demande du salarié en indemnisation au titre de la contrepartie obligatoire en repos n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L.8821-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Il résulte de l’article L.8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L.8821-5 a droit à une indemnité forfaire égale à six mois de salaire.
Toutefois le travail dissimulé n’est caractérisé que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Il revient au salarié de rapporter la preuve de l’élément intentionnel du travail dissimulé.
En l’espèce le salarié sollicite la somme de 68 622,52 euros d’indemnité pour travail dissimulé en faisant valoir qu’il a accompli de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées dont l’employeur avait connaissance et qu’il a dès lors intentionnellement omis de déclarer.
Comme il a été dit ci-dessus, il n’est pas établi que le salarié a accompli les heures supplémentaires qu’il allègue, de sorte que l’élément matériel du travail dissimulé n’est pas établi..
En conséquence la demande du salarié au titre de l’indemnité pour travail dissimulé n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur les dommages et intérêts pour ‘préjudice distinct’
La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.
Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés; que l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L.3121-34 du code du travail dans sa rédaction applicable jusqu’au 10 août 2016 limite à 10 heures par jour la durée quotidienne de travail effectif sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.
L’article L.3121-34 dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dispose qu’il ne peut être dérogé à cette durée quotidienne maximale de 10 heures qu’en cas de dérogation accordée par l’inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret, d’urgence, dans des conditions déterminées par décret ou dans les cas prévus à l’article L.3121-19. L’article L.3121-19 prévoit qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou à défaut une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale de travail effectif en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.
L’article L.3131-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu’au 10 août 2016, dispose que tout salarié bénéfice d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives.
L’article L.3131-1 dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 l’article L.3131-1 dispose que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien de onze heures consécutives sauf dans les cas prévus aux articles L.3131-2 et L.3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret.
Aux termes de l’article L.3131-2 une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut, une convention ou un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien dans des conditions déterminées par décret, notamment pour les activités caractérisées par la nécessité d’assurer une continuité du service ou par des périodes d’intervention fractionnées.
Aux termes de l’article L.3131-3 à défaut d’accord, en cas de surcroît exceptionnel d’activité, il peut être dérogé à la durée minimale de repos quotidien dans des conditions définies par décret
Aux termes de l’article L.3121-35 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 applicable jusqu’au 10 août 2016 et de l’article L3121-20 dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, la durée de travail au cours d’une même semaine ne peut dépasser 48 heures.
L’article L3132-2 du code du travail stipule que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévues au chapitre 1er .
C’est à l’employeur qu’il appartient de prouver le respect des temps de repos et des durées maximales journalières ou hebdomadaires de travail.
En l’espèce au dispositif de ses conclusions le salarié sollicite la somme de 68 600 euros de dommages et intérêts au titre d’un préjudice distinct, cette demande s’analysent en une demande fondée sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en ce qu’au vu des heures supplémentaires accomplies, l’employeur n’a pas respecté les durées maximales de travail et les temps obligatoires de repos.
Mais comme il a été dit ci-dessus, il n’est pas établi que le salarié a accompli les heures supplémentaires qu’il allègue de sorte qu’en l’état le salarié n’apporte aucun élément au soutien des manquements invoqués et ceux-ci ne sont pas établis.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur le prêt illicite de main d’oeuvre
L’article L. 8241-1 du code du travail prohibe toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre en précisant qu’une opération de prêt de main-d’oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition’.
L’article L.8241-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable, dispose notamment:
‘Les opérations de prêt de main-d”uvre à but non lucratif sont autorisées.
Dans ce cas, les articles L. 1251-21 à L. 1251-24, L.2313-5 et L. 5221-4 du présent code ainsi que les articles L. 412-3 à L. 412-7 du code de la sécurité sociale sont applicables.
Le prêt de main-d”uvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert
1° L’accord du salarié concerné;
2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;
3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail’.
L’inobservation des prescriptions de l’article L.8241-2 du code du travail entraîne la requalification du prêt de main-d’oeuvre en prêt de main-d’oeuvre à but lucratif et l’application des sanctions qui y sont attachées lorsque le prêt de main-d’oeuvre s’opère en dehors des cas autorisés par la loi, l’opération caractérisant alors un prêt de main-d’oeuvre illicite.
En l’espèce le salarié sollicite la somme de 68 600 euros de dommages et intérêts au titre du prêt de main-d’oeuvre illicite et demande la condamnation solidaire des société A et B au paiement de cette somme.
A l’appui il fait valoir qu’à compter de fin 2015 en plus de ses fonctions au sein de la société A, il a été mis à disposition de la société B, nouvellement créée par le dirigeant de la société A pour en assurer le lancement et le développement, qu’il a ainsi travaillé pour le compte des deux sociétés sans qu’aucune des trois conditions de validité du prêt de main-d’ouvre à but non lucratif ne soient réunies, à savoir que son accord n’a pas été recueilli, qu’il n’a signé pas d’avenant à son contrat de travail et qu’aucune convention de mise à disposition n’a été formalisée entre les sociétés.
La société A conclut au rejet de la demande en faisant valoir que le salarié a donné son accord à la mission qui lui a été confiée au sein de la société B et qu’ils ont ainsi convenu d’un partage de son temps de travail entre les deux entités, sans qu’il soit besoin d’un avenant qui en l’occurrence n’a pas été fait par soucis de ‘simplification’, ce que le salarié n’a jamais contesté durant l’exécution du contrat de travail. Par ailleurs la société conteste la réalité d’une telle situation antérieurement à février 2016 dès lors que la société B n’a été créée que le 2 mars 2016 et soutient que le salarié ne démontre pas l’existence d’un préjudice.
Le liquidateur de la société B conclut au rejet de la demande de condamnation solidaire en faisant valoir que la demande est d’abord irrecevable comme étant dirigée contre une société faisant l’objet d’une procédure collective, ensuite qu’elle n’est pas fondée, en développant les mêmes éléments que la société A.
A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que la matérialité de l’accomplissement par le salarié d’une prestation de travail pour le compte de la société B n’est pas discutée, ce qui au demeurant ressort notamment des nombreux mails produits et des termes mêmes de la lettre de licenciement, étant observé l’existence de liens étroits existants entre ces deux sociétés, la seconde ayant été conçue et créée comme une émanation de la première avec une identité de direction, une même nature d’activité, des liens financiers tels qu’il résultent notamment des mail de Mme [O] [C] de la société B en date du 11 janvier 2017 qui qualifie la société A de ‘mère nourricière’ ou du 2 juillet 2017 ‘Discute avec [P] (M. [V]) 165 000 euros à rembourser à PC (salaires [Z] [T] + investissement). Mais il est prêt à attendre que les primes tombent avant de faire un plan de remboursement sur 7 ans’ et la mise à disposition de personnels dont le salarié .
Il n’est pas non plus discuté que cette mise à disposition ne s’est pas accompagnée de la signature d’un avenant au contrat de travail, ni d’une convention entre les sociétés. Le seul fait que le salarié a travaillé pour la société B sans avoir contesté la situation n’est pas de nature à remplir la condition préalable du recueil de l’accord exprès du salarié.
Il en résulte que les conditions de l’article L.8241-2 du code du travail ne sont pas remplies de sorte que le prêt de main-d’oeuvre s’analyse nécessairement comme étant à but lucratif, étant observé qu’aucun élément n’écarte le fait que l’entreprise B bénéficiaire a ainsi économisé les charges sociales et financières de son emploi.
Dans ces conditions la cour dit qu’est établi le prêt illicite de main-d’oeuvre.
Toutefois sur le préjudice, le salarié se limite à invoquer la surcharge de travail qui en est résultée l’ayant contraint à accomplir de nombreuses heures supplémentaires.
Or comme il a été dit ci-dessus, il n’est pas établi que le salarié a accompli les heures supplémentaires qu’il allègue de sorte que celui-ci n’apporte aucun élément de nature à établir le préjudice occasionné par le prêt de main-d’oeuvre illicite.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur le licenciement
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
Les motifs de faute doivent contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables.
Le licenciement pour faute grave n’implique pas nécessairement la mise en oeuvre d’une mise à pied conservatoire.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour faute grave doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
En effet, la tardiveté du prononcé du licenciement tend à démontrer que la faute alléguée ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qu’elle n’était donc pas grave.
La liberté d’expression du salarié, dans et hors de l’entreprise, trouve sa limite dans la
caractérisation d’un abus, constitué par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
En l’espèce il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié les griefs suivants:
– avoir adressé par plusieurs mails du 9 octobre 2017 des commentaires critiques sur la nouvelle organisation décidée pour la société B et demandé aux équipes leur avis sur son maintien en poste dans cette société, en dépit du fait qu’il avait après plusieurs atermoiements, annoncé sa décision ferme de quitter ses fonctions le 14 septembre 2017, choix entériné de manière définitive par la direction;
– avoir fait preuve d’insubordination en s’opposant à la décision de l’employeur de mettre un terme à sa mission au sein de la société B en dépit de l’entretien du 2 novembre 2017, des échanges de mails des 3 et 4 novembre 2017, et ce, en mettant les collaborateurs en copie pour les informer des désaccords malgré la demande contraire de l’employeur;
– avoir à plusieurs reprises, en octobre et novembre 2017 diffusé à l’ensemble des collaborateurs, y compris à un prestataire extérieur, des mails dénigrants, discréditants et désapprouvant publiquement les décisions de l’employeur au mépris de son obligation de réserve ainsi que des informations concernant des salariés et des échanges avec la direction devant rester confidentiels;
– avoir le 9 novembre 2017 établi une note de frais de restaurant injustifiée.
A l’appui du licenciement sans cause réelle et sérieuse le salarié invoque d’abord un moyen reposant sur ‘le défaut d’engagement de la procédure disciplinaire dans un délai restreint’ en faisant valoir que la notification du licenciement est intervenue tardivement, plus de deux mois après la date à laquelle l’employeur a eu connaissance des faits et alors qu’il a continué à travailler dans la société, ce dont le salarié tire à la fois que les faits reprochés ne rendaient pas impossible la poursuite de son contrat de travail pendant la durée du préavis et que l’employeur ne peut se prévaloir de ‘la moindre faute réelle et sérieuse’.
La cour relève qu’en réalité le moyen ne tend pas à soulever la prescription des faits, laquelle au demeurant n’est pas opérante, les faits reprochés s’étant déroulés aux dires mêmes du salarié entre octobre à début novembre 2017 et l’engagement de la procédure de licenciement par la convocation à l’entretien préalable, seule date à retenir, étant du 28 novembre 2017, soit moins de deux mois après les premiers faits.
L’appréciation du délai de réaction de l’employeur et de l’absence de mise à pied conservatoire n’est dès lors susceptible de porter que sur la gravité de la faute, dont il convient donc au préalable d’en vérifier le bien-fondé.
Ainsi à l’appui des griefs énoncés dans la lettre de licenciement la société produit:
– le mail adressé par le salarié aux collaborateurs de la société B le 10 août 2017 :
‘Hello la team
Ayant différents soucis familiaux grandissants et pendant qu il en est encore temps mais de façon triste.
Je vous annonce mon prochain départ de GRC et vous confirmerais prochainement lorsque ceci sera devenu officiel’;
– le mail du salarié du 16 août 2017 aux mêmes destinataires par lequel il donne diverses informations sur les résultats et conclut ‘PS : le charme de [O] a encore opéré sur moi…………je reste avec vous’;
– le mail adressé par le salarié le 14 septembre 2017 aux mêmes collaborateurs dont l’objet libellé en capitale est ‘A mon niveau c’est terminé pour de bon cette fois…. je parle de GRC pour ce qui vous concerne….mais probablement pas que’ et le message : ‘Je viens d’avoir M. [V] [D] concernant le système de prime. Bonne chance à tous’;
– le mail de M. [V] du 9 octobre 2017 à M. [S], salarié de la société B, avec copie à M. [U] et d’autres collaborateurs:
‘ [OV] bonjour,
Je pense que l’on s’était tout dis
– arrêt de TR suite ton mail
– la dernière fois que j’ai reçu un arrêt j’avais prévenu que la prochaine sera la dernière de qui que ce soit
– Suite dernière conversation ou tu m’indiquais attendre ton successeur pour la passation’;
– deux mails adressés par le salarié le 6 octobre 2017 aux collaborateurs de la société B dont l’objet est ‘Re compte rendu de nos échanges sur l’organisation’ :
*’ Bonjour La Team,
Désolé de revenir une nouvelle fois vers vous mais de l’ensemble de la lecture que j ai fait,
Je n ai sauf erreur pas vu qui faisait quoi, alors qu il me semble que s était la chose qui semblait le plus importer à [D]’
*’12ème page “A faire prochainement :” RAS
Pour la question à [D]: le judiciaire est traité chez PC ceci est car nous n avons pas les finances nécessaires c est une voie empruntée temporairement le temps que nous devenions autonomes financièrement
Pour la seconde question nous faisons depuis le début et à chaque fois des mels et sms avant que des enquêtes soient transmises ainsi que des appels grace aux téléphones que nous possédons aucune enquête n’est directe
13ème Page Je rajouterais bien d’autres choses mais cela serait peut être de le positionner ensuite, il y a déjà beaucoup à maitriser avec l’ensemble déjà posé
Bien content d avoir terminé de jeter un ‘il, n’en demeure pas moins qu’il demeure beaucoup de zones d’ombres demeurantes, je ne retrouve pas beaucoup de choses visualisées par mes soins à l’origine dans ce futur’
et retransmis par mail à M. [V] le 9 octobre 2017
– un mail adressé par le salarié le 9 octobre 2017 à l’ensemble des collaborateurs ainsi qu’à M. [V] dont l’objet est intitulé ‘Organisation Nostalgie 08/2016″ contenant seulement en pièces jointes des documents sur la méthodologie, la charte d’homologation, la liste des logiciels homologués, la charte de déontologie, l’enquête, des fiches métiers …;
– un second mail adressé par le salarié le 9 octobre 2017 à l’ensemble des collaborateurs ainsi qu’à M. [V] dont l’objet est intitulé ‘Petite question’ et le message :
‘ Hello La Team
Je ne souhaites plus partir de GRC
Mais vous que préférez vous ”
– un mail adressé par le salarié le 11 octobre 2017 à M. [V] avec en copie plusieurs collaborateurs des sociétés A et B, dont l’objet est ‘Bonne lecture’ et le message:
‘Profitant du fait que je ne vous ai pas souhaiter bon congés, je profite de la présente pour vous souhaitez de bons congés.
Selon des événements nombreux et aussi récents, je tiens à vous signaler que la définition que vous trouverez ci-dessous n a jamais été une façon de pratiquer de ma part au niveau des collègues qui m’entourent’ assorti d’une recherche internet sur ‘Diviser pour mieux régner’;
– le mail circulaire de M. [V] du 11 octobre 2017 dont l’objet est ‘Organisation’ et le message:
‘Dans la prolongation de mon dernier envoi, et de la lecture des différents documents que vous m’avez transmis, je vous informe qu’à compter de ce jour [O] prend le rôle de responsable GRC.
De ce fait et pour tout problème je vous remercie de communiquer avec elle.
Aussi et à compter de ce jour plus aucune action ne doit être faite autre que par [L].
Les actions de masse par bloc sont actuellement en court par [L] ainsi qu’un calendrier des actions qui vont être faites: une communication avant chaque action sera faite auprès des équipes. Etant en congés ce jour je reviendrai vers vous pour vous finaliser l’organisation’;
– le mail en retour du salarié du même jour adressé à M. [V] et aux collaborateurs de la société B avec copie à plusieurs salariés de la société A :
‘Ma position concernant GRC, ici répétée, et comme vous le savez est de rester sur GRC.
Nous devions en rediscuter après votre retour de congés, par votre e-mail ci-présent, expliquer moi à quoi la conversation que nous devions avoir à votre demande aura comme intérêts, car si je n interprète pas mal votre e-mail, en son contenu vous avez déjà nommé un remplaçant responsable pour me remplacer. Je vous remercie de vos explications et demeurant dans cette (pas de suite)’;
– le mail du salarié (non daté) à un collaborateur de la société A, à ceux de la société B et à M. [V] :
‘Bonjour [A],
Je ne t’ai pas posé la question à l’époque mais voyant dans un e-mail de ce jour que tu as reçu l’e-mail d emmanuel annonçant le nouveau responsable sur GRC (e-mails auquel j ai répondu, réaffirmant ma position au sujet de GRC et moi même)
par la présente je viens te poser cette même question ci dessous.
Les réponses obtenues jusqu’à lors réceptionnées par mes soins sont de 5 sur 6 que je te cites au passage pour une meilleure clarté à ton niveau
Réponse négative d [D]
Réponses positives de : [T]/[L]/[E] et [R]
Absence de réponse de [O]’;
– le mail du salarié du 11 octobre 2017 à M. [V] avec copie aux collaborateurs de la société B et à un collaborateur de la société A dont l’objet est en lettre capitale ‘La nécessité de signer un contrat de travail (GRC en l’espèce me concernant)’ avec comme message : ‘Bonjour [D], excellente lecture à vous’ suivi d’une étude de vulgarisation intitulée ‘Quels sont les risques de na pas signer de contrat de travail’;
– le mail du salarié du 11 octobre 2017 à M. [V] avec copie aux collaborateurs de la société B et à un collaborateur de la société A, dont l’objet est en lettre capitale ‘suite de mon précédent e-mail au sujet de mon contrat GRC réclamé mais pas que….’ avec comme message ‘Re-bonjour [D], bonne lecture’ suivi d’une étude de vulgarisation sur les obligations de l’employeur découlant du contrat de travail;
– le mail du salarié du 1er novembre 2017 transférant à deux salariés de la société A son échange de mails avec M. [V] des 27 octobre (ce dernier l’informant de la prise en charge par la société A de ses frais de transport pour [Localité 7] et soulignant que sa venue sera l’occasion de faire le point pour apaiser les tensions) et 1er novembre 2017 (le salarié répondant espérer avoir le temps pour apaiser les tensions d’aborder les sujets qu’il liste relatifs en particulier à sa personne et à la société B);
– des échanges de mails entre le salarié, lequel met en copie les collaborateurs, et M. [V] du 3 et 4 novembre 2017 dont le premier de l’employeur lui adresse une proposition de message à communiquer aux collaborateurs pour annoncer sa fin de mission pour la société B et s’ensuivent des échanges polémiques du salarié qui réfute tout accord en accord entre eux, affirme qu’il continue à travailler au sein la société B dans l’intérêt de celle-ci, considérant qu’il s’agit d’une ‘éviction’;
– des échanges de mails entre le salarié, lequel met en copie les collaborateurs, et M. [V] du 3 et 4 novembre 2017 traitant notamment de la rupture conventionnelle concernant une collaboratrice ([X]) et des modalités de suivi par le salarié d’une réunion des cadres à [Localité 7], que l’employeur lui demande de suivre par téléphone compte tenu de son éloignement pour une heure de réunion alors que le salarié revendique une présence physique avec prise en charge de ses frais de déplacement;
– des échanges des 10 et 13 novembre 2017
*deux mails du salarié, lequel met en copie des collaborateurs, à M. [V] dont l’objet est en lettres capitales ‘La vie privé, cela vous parle ””””’ Précher le faux pour savoir le vrai !!!!!!!!! y a des systèmes bien meilleurs comme la franchise ou l’honneté’ exposant divers griefs ‘traité ma femme de menteuse …je viens d’apprendre que vous venez de traiter [T] de menteur. Vous ne vous arrêtez jamais ….!!!! Vous êtes une fois de plus dans l’interprétation et à ce que je sache ma vie privée ne vous regarde pas….. Belle mentalité comme d’habitude. Dernièrement le jeudi 02/11/2017, en déjeunant ensemble, vous m’avez indiqué que j’avais dit à tout le monde que j’allais vous faire un prud’hommes……Me tenant à votre disposition si vous avez des questions à mon égard mais d’avance je vous remercie également de ne mêler personne à nos histoires …..vous voulez placer vos intérêts chaque fois et considérez les autres comme de la merde. Restons professionnels et adultes…. Vous tenez des propos choquants, jusqu’à rabaisser des personnes pour lesquels j’ai beaucoup d’estime …dire que mes collaborateurs de GRC sont trop payés et qu’ils en valent pas le salaire que vous leur avez vous-même octroyé….PS : il existe des moyens pour passer ses nerfs autres que sur le personnel’ outre la question de son déplacement à [Localité 7] pour la réunion des cadres,
*auxquels M. [V] répond par mail du 13 novembre 2017 au seul salarié pour lui rappeler que cette réunion se déroulera pour lui par call conférence et ajoutant ‘Aussi et pour en finir je te remercie pour tous les échanges avec moi de ne mettre en copie personne surtout ceux qui ne font pas partie de [Localité 7] Contentieux’
* et le salarié par mail du mail jour en élargissant le cercle des collaborateurs en copie, avec comme objet en lettres capitales ‘Je suis toujours sur GRC….sauf erreur aucune solution n a pu être trouvée entre nous probablement pour des raisons à caractère financier à votre niveau’ avec comme message ‘ Je reviens sur votre e-mail concernant la partie ‘Aussi et pour finir je te remercie pour tous les échanges avec moi de ne mettre en copie personne surtout ceux qui ne font pas parti de [Localité 7] Contentieux”.
Ainsi que je vous l’indiquais, lorsque quelque chose doit se terminer, il faut faire les comptes, sauf erreur ceux ci n ont pas été faits
Je vous ai demandé si cela devait s’arrêté 250000.00 euros et vous m avez proposé 2000.00 euros pour 2 ans de travail
néanmoins comme je vous l’ai indiqué à maintes reprises je suis toujours sur GRC’;
– un mail de M. [V] au salarié du 28 novembre 2017 l’informant que la désactivation de ses codes d’accès informatique compte de sa fin de mission au sein de la société B;
– le mail adressé le 28 novembre 2017 par le salarié à M. [V] avec copie aux collaborateurs de la société B et à plusieurs de la société A, ayant pour objet ‘Important je suis toujours sur GC La Rétrogradation mais bien d’autres encore’, avec comme message : ‘Vous n’avez pas mon consentement comme vous le savez et nous n’avons toujours pas pu nous mettre d’accord bien que je pense cela est nécessaire’ suivi d’une étude de vulgarisation sur la rétrogradation;
– le mail adressé le 29 novembre 2017 par le salarié à M. [V] avec copie aux collaborateurs de la société B et à plusieurs de la société A, ayant pour objet ‘Le harcèlement au travail’ avec comme message ‘Je vous sais très occupé mais peut-être que ceci pourrait vous intéresser. Vous souhaitant une excellente lecture ainsi que vous remerciant de bien vouloir m’apporter des réponses et solutions à mes différents problèmes dont je vous ai à plusieurs reprises tenu informé par différents modes de communication dont je suis certain vous avez gardé trace’ suivi d’une étude de vulgarisation sur le harcèlement moral au travail ;
– une note de frais du 10 novembre 2017 d’un montant de 129,80 euros concernant les frais de transport du salarié pour la réunion GRC des 8 au 9 novembre 2017.
A l’appui de sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié fait valoir que le seul fait d’émettre des critiques ou des revendications, qui ne sont pas dénigrantes, injurieuses ou diffamatoires, n’est pas fautif et ce, au surplus dans un contexte où non seulement en quinze ans de collaboration il n’a jamais fait l’objet d’une quelconque observation ou sanction disciplinaire mais où l’employeur a arbitrairement, unilatéralement et brutalement décidé de lui retirer ses fonctions au sein de la société B alors qu’il avait toujours fait preuve d’une implication sans faille.
S’il admet qu’à cette annonce il a pu ‘s’exprimer avec humeur et se montrer critique’ à l’égard de la décision prise et du manque de reconnaissance, son attitude ne caractérise ni la désinvolture ni l’insubordination reprochées mais seulement celle d’un salarié ‘à bout nerveusement’ dont la souffrance exprimée n’a pas été entendue par son employeur.
Le salarié conclut que la sanction est disproportionnée et donc injustifiée.
Au soutien il vise pour sa part dans ses écritures les attestations ci-dessus retranscrites de M. [F], de Mme [B], de Mme [K] et de Mme [H] relatives à son implication dans la société.
A l’analyse des pièces du dossier la cour relève qu’il est établi que le salarié, qui avait à l’origine lui-même pris l’initiative d’annoncer qu’il souhaitait mettre un terme à sa mission au sein de la société B, s’est ensuite opposé à la décision de l’employeur d’arrêter sa mission en :
– tentant de rallier les salariés de la société B par son mail du 9 octobre 2017 les invitant à se prononcer sur son départ le jour même où l’employeur a communiqué la nouvelle organisation dont il ne faisait plus partie;
– prenant à témoin ces salariés et d’autres de la société A du litige par la diffusion de l’ensemble de ses mails de protestation adressés à l’employeur, manifestant sa volonté de se maintenir au sein de la société B;
– pointant à cette occasion, en particulier par l’intitulé de l’objet de ses mails, des manquements graves de l’employeur à ses obligations, y compris pour harcèlement moral, en l’invitant à méditer, ce qu’il diffuse à un cercle étendu de collaborateurs.
Ces éléments font ressortir d’abord que le salarié a refusé de se conformer à la décision de l’employeur mettant fin à sa mission au sein de la société B, en tentant d’outrepasser celle-ci par la prise à partie des collaborateurs sur leur positionnement par rapport à son départ, étant observé que le salarié n’invoque à ce titre aucun moyen reposant sur la validité de sa mise à disposition.
Ces éléments font ressortir ensuite que le salarié a multiplié les mails polémiques sur sa situation pour, non seulement manifester son refus de la décision de l’employeur, mais aussi pour faire pression sur lui en les diffusant largement aux salariés des deux sociétés, et ce, de manière de plus en plus outrancière, y compris en l’invectivant sur sa malhonnêteté, en rapportant des propos humiliants prétendument tenus à l’égard de collaborateurs, et en le menaçant publiquement indirectement par des références explicites à des manquements graves à ses obligations et au harcèlement moral, étant observé que le salarié ne forme aucune demande à ce titre.
Ces propos excessifs et diffamatoires, publiquement adressés à son employeur par la diffusion qu’il en a fait, caractérisent un abus de la liberté d’expression dont dispose le salarié.
Il apparaît donc que la société rapporte la preuve de faits d’insubordination et d’abus de liberté d’expression qui se sont graduellement amplifiés, notamment le jour et le lendemain de l’engagement de la procédure de licenciement.
Après avoir ainsi constaté l’accélération et l’intensification des faits fin novembre 2017, la cour dit que l’employeur a bien agi dans un délai restreint et que ce dernier démontre que ces faits ont rendu impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis, sans que l’absence de mise à pied conservatoire lors de l’envoi de la lettre de convocation à un entretien préalable ne soit de nature à écarter la qualification de faute grave.
Il s’ensuit que la faute grave est établie.
Il apparaît donc que la société rapporte la preuve de faits d’insubordination et d’abus de liberté d’expression qui se sont graduellement amplifiés, notamment le jour et le lendemain de l’engagement de la procédure de licenciement, qui ont dès lors rendu impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis, sans que l’absence de mise à pied conservatoire lors de l’envoi de la lettre de convocation à un entretien préalable ne soit de nature à écarter la qualification de faute grave.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré la cour dit que le licenciement pour faute grave est justifié et rejette les demandes du salarié au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement.
La cour confirme en revanche le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs en infirmant le jugement déféré, la cour dit qu’il n’y a pas lieu à statuer sur ses demandes tendant à fixer sa rémunération mensuelle et son ancienneté au 16 décembre 2002, sur la base desquelles il chiffre ses prétentions aux indemnités de rupture, celles-ci qui ne sont que le support de ses demandes salariales et indemnitaire, étant sans objet.
Sur les intérêts
La cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes du salarié au titre des intérêts et de leur capitalisation.
Sur la remise sous astreinte des documents de fins de contrat et des bulletins de paie rectifiés
La cour infirme le jugement déféré en ce qu’il condamné la société A à remettre au salarié un bulletin de salaire complémentaire faisant figurer les sommes allouées en première instance et le confirme en ce qu’il a rejeté la demande d’astreinte et la demande du salarié au titre de la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés.
Sur l’exécution provisoire
La cour rappelle au salarié que le présent arrêt est exécutoire nonobstant pourvoi de sorte que sa demande au titre de l’exécution provisoire est sans objet.
Sur les dispositions accessoires
La cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société A aux dépens de première instance et a alloué une indemnité au salarié au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le salarié qui succombe est condamné aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité et la situation respective des parties justifient de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure pour les frais de première instance et d’appel. La cour rejette en conséquence les demandes de chacune des parties à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’effet d’évolutif de la déclaration d’appel,
Déclare bien fondée la fin de non recevoir tirée de la nouveauté des demandes en appel,
Déclare en conséquence irrecevables les demandes de rappel de rémunération variable et de rappel de frais professionnels,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– requalifié le licenciement de M. [U] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux à verser à M. [U] les sommes de 12 744,33 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de 1274,43 euros au titre des congés payés afférents et de 6372,17 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– fixé la rémunération mensuelle de M. [U] à 4248,11 euros,
– fixé le point de départ pour le calcul de l’ancienneté au 1er juin 2011,
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux à remettre à M. [U] un bulletin de paie rectifié mentionnant les sommes allouées,
– condamné la SA [Localité 7] Contentieux aux dépens de première instance et à verser à M. [U] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit que le licenciement repose sur une faute grave,
Rejette les demandes de M. [U] au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
Rejette la demande de M. [U] au titre de la remise sous astreinte des bulletins de paie rectifiés,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,
Condamne M. [U] aux dépens de première instance,
Rappelle que l’exécution provisoire est sans objet en appel,
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel,
Condamne M. [U] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT