Télétravail : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02555

·

·

Télétravail : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02555
Ce point juridique est utile ?

29 juin 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
21/02555

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 1

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 29 JUIN 2023 à

la SELEURL CABINET MAIGNAN

la SCP LE METAYER ET ASSOCIES

FCG

ARRÊT du : 29 JUIN 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 21/02555 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GOFA

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 13 Septembre 2021 – Section : COMMERCE

APPELANTE :

S.A.S. DECORS DE FERRYVILLE prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Eric MAIGNAN de la SELEURL CABINET MAIGNAN, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [K] [D]

né le 21 Mars 1960 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Agnès MENOUVRIER de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS

Ordonnance de clôture : 27 avril 2023

Audience publique du 2 mai 2023 tenue par Mme Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Mme Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 29 Juin 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Décors de Ferryville a engagé M. [K] [D] dans le cadre d’une action de formation préalable au recrutement (AFPR). Il a effectué un stage du 5 octobre au 31 décembre 2010 au sein de la SAS Décors de Ferryville en étant indemnisé par Pôle emploi.

Le 3 janvier 2011, la SAS Décors de Ferryville a engagé M. [K] [D] en qualité de conseiller clientèle SAV, niveau IV, filière commerciale de la classification de la convention collective des commerces de détail non alimentaires, équipement du foyer moyennant une rémunération brute mensuelle de 1616 €, pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

Ses fonctions étaient ainsi définies par l’article 3 du contrat de travail :

– Assistance à la clientèle,

– Conseiller,

– Gestion du S.A.V (service après-vente)

– Suivi et gestion des sinistres ou litiges,

– Collecte d’informations relatives à la qualité des produits et informations des autres services,

– Participation aux inventaires.

M. [K] [D] a demandé par courrier du 31 octobre 2014 à pouvoir exercer ses

fonctions en télétravail. Les parties sont convenues, par avenant du 24 avril 2015, qu’à compter du 4 mai 2015, M. [K] [D] travaillerait à son domicile les lundi, mardi, jeudi et vendredi et n’aurait à être présent au siège de l’entreprise que le mercredi. Il a été mis à sa disposition un téléphone portable, un ordinateur portable et une imprimante multifonctions couleurs.

Par courrier du 30 octobre 2019, la SAS Décors de Ferryville a convoqué M. [K] [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par courrier du 26 novembre 2019, la SAS Décors de Ferryville a notifié à M. [K] [D] son licenciement pour insuffisance professionnelle et faute grave.

Le 14 février 2020 , M. [K] [D] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans aux fins de contester son licenciement, le considérant comme abusif et afin de voir condamner la SAS Décors de Ferryville au paiement de diverses sommes en conséquence.

La SAS Décors de Ferryville a demandé au conseil de prud’hommes de débouter M. [K] [D] de ses demandes.

Le 13 septembre 2021, le conseil de prud’hommes d’Orléans a rendu le jugement suivant auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige :

– Dit que le licenciement de M. [D] est abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamne la société DÉCORS DE FERRYVILLE à payer à M. [D] les sommes de :

‘ 15 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

‘ 4776,45 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;

‘ 4.246 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 424,60 € au titre des congés payés afférents ;

‘ 2500 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral et perte de droits à la retraite ;

‘ 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes pour les créances salariales et que les créances indemnitaires porteront intérêts à la date du présent jugement,

– Dit que les intérêts seront capitalisés par année échue porteront eux-mêmes intérêts ;

– Ordonne le remboursement par la société DÉCORS DE FERRYVILLE à l’organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées par à M. [D] suite à son licenciement dans la limite d’un mois d’indemnités.

– Condamne la société DÉCORS DE FERRYVILLE aux entiers dépens.

Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour le 5 octobre 2021, la SAS Décors de Ferryville a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 3 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la SAS Décors de Ferryville demande à la cour de:

Voir déclarer la société DÉCORS DE FERRYVILLE recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

Voir infirmer le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes d’Orléans en ce qu’il a :

– Dit que le licenciement de M. [K] [D] est abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société DÉCORS DE FERRYVILLE à payer à M. [K] [D] les sommes de :

– 15.000,00 (quinze mille) euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

– 4.776,45 (quatre mille sept cent soixante-seize euros soixante-quinze centimes) euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

– 4.246,00 (quatre mille deux cent quarante-six) euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 424,60 (quatre cent vingt-quatre euros soixante centimes) euros au titre des congés payés afférents ;

– 2.500,00 (deux mille cinq cents) euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral et perte de droits à la retraite ;

– 1.000,00 (mille) euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes pour les créances salariales et que les créances indemnitaires porteront intérêts à la date du présent jugement,

– Dit que les intérêts seront capitalisés par année échue porteront eux-mêmes intérêts ;

– Ordonné le remboursement par la société DÉCORS DE FERRYVILLE à l’organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [D] suite à son licenciement dans la limite de un mois d’indemnités.

– Condamné la société DÉCORS DE FERRYVILLE aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

– Voir dire et juger bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [K] [D] par la société DÉCORS DE FERRYVILLE ;

– Voir Débouter en conséquence M. [K] [D] de toutes ses demandes,

Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour estimerait devoir confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [K] [D],

Vu l’appel incident formé par M. [K] [D],

Voir fixer à trois mois de salaire bruts le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Voir débouter M. [K] [D] de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral et perte de droits à la retraite,

Voir débouter M. [K] [D] de sa demande formée au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

En tout état de cause,

Voir condamner M. [K] [D] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 26 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [K] [D] , formant appel incident, demande à la cour de:

DÉCLARER l’appel principal formé par société DÉCORS DE FERRYVILLE recevable mais mal fondé, l’en DÉBOUTER,

– DÉCLARER l’appel incident formé par M. [D] recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

– ORDONNER le rejet des pièces n° 6 à n°37 produites la société DÉCORS DE FERRYVILLE au visa de l’article 16 du code de procédure civile ;

– REFORMER le jugement rendu par le Conseil du Prud’hommes d’ORLÉANS en ce qu’il a limité les condamnations de la société DÉCORS DE FERRYVILLE aux sommes de :

‘ 15.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse :

‘ 2.500 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral et perte de droits à la retraite ;

– CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes pour le surplus

Statuant à nouveau,

– CONDAMNER la société DÉCORS DE FERRYVILLE à payer à M. [D] les sommes de :

‘ 19.107 € net à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

‘ 5.000 € net à titre de dommages intérêts pour préjudice moral et perte de droits à la retraite ;

Y ajoutant,

– CONDAMNER la société DÉCORS DE FERRYVILLE à verser à M. [D] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– CONDAMNER la société DÉCORS DE FERRYVILLE aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des pièces nouvelles

L’article 15 du code de procédure civile dispose que : « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ».

Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »

M. [K] [D] fait valoir qu’alors qu’elle est appelante et a saisi la cour le 5 octobre 2021, la SAS Décors de Ferryville a produit 32 pièces nouvelles quatre jours avant la clôture et une semaine avant l’audience. Il soutient qu’il s’agit d’une violation du principe de la contradiction le mettant dans l’impossibilité d’examiner les 32 pièces et le cas échéant d’y répondre, compte tenu de la proximité des dates de clôture et d’audience de plaidoirie. Au surplus, l’ancienneté de la majorité des pièces interroge sur la raison de leur communication tardive et par suite sur leur authenticité.

Il y a lieu de retenir que le dépôt de nouvelles conclusions avec 32 pièces nouvelles quatre jours avant la clôture est de nature à compromettre les droits de M. [K] [D] et à porter atteinte au principe de la contradiction, l’intimé n’ayant pas été en mesure d’y répondre utilement avant le prononcé de l’ordonnance de clôture.

Par conséquent, il y a lieu d’écarter des débats les pièces n° 6 à 37 communiquées le dimanche 23 avril 2023 par la SAS Décors de Ferryville.

Sur le bien-fondé du licenciement

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Dans la lettre de licenciement du 26 novembre 2019, qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié une insuffisance professionnelle dans l’exercice de ses fonctions ainsi qu’une faute grave.

Sur l’insuffisance professionnelle

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective, non fautive et durable, d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail à laquelle il est tenu.

La SAS Décors de Ferryville soutient que les différents griefs reprochés au salarié au titre de l’insuffisance professionnelle sont établis.

M. [K] [D] fait valoir que l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n’est pas fondée en relevant que l’employeur ne produit aucune pièce qui en justifierait, qu’il n’a pas bénéficié d’adaptation à son poste, qu’en presque neuf années de relation de travail, rien ne lui a été reproché.

La SAS Décors de Ferryville dans la lettre de licenciement se fonde sur des messages de clients mécontents ou de commerciaux de la société se voyant également reprocher le comportement de M. [K] [D] qui serait incorrect et agressif.

La SAS Décors de Ferryville ne produit aucune pièce qui justifierait de l’existence de ces messages. En tout état de cause, la lecture de ceux figurant dans la lettre de licenciement ne permet pas de les lier à M. [K] [D], son nom n’étant jamais cité ou cité sans certitude comme dans le courriel du 17 octobre 2019 adressé à M. [U] le président de la société : « les magasins se plaignent de l’accueil de notre service en particulier de [K] à ce que j’ai compris ». En outre, M. [K] [D] produit de nombreux courriels et commentaires de clients vantant ses qualités professionnelles qui contredisent les affirmations contenues dans les messages cités par la SAS Décors de Ferryville.

Il est également reproché au salarié de traiter les dossiers clients et les réclamations sans en référer à sa hiérarchie. Cette obligation de transmission à sa hiérarchie n’est pas démontrée. En tout état de cause, le non-respect par le salarié des directives de son employeur ne relève pas de l’insuffisance professionnelle mais d’une faute disciplinaire.

Il est enfin souligné qu’aucune remarque sur son travail durant la relation contractuelle n’a été faite à M. [K] [D].

Sur la faute grave

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Le point de départ de ce délai de prescription est le jour où l’employeur a eu une « connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié » (Soc., 22 septembre 2021, pourvoi n° 19-12.767).

Les poursuites disciplinaires ont été engagées le 30 octobre 2019, date de convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le courriel litigieux adressé au président de la société est du 26 août 2019. La SAS Décors de Ferryville soutient qu’elle a réceptionné le courriel le 8 octobre 2019 sans en justifier.

Faute par l’employeur de rapporter la preuve qu’il a eu connaissance de ce courriel dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire, il sera retenu que la prescription est acquise.

Au terme de l’analyse de l’ensemble des éléments qui sont soumis à son appréciation, la cour conclut que l’ensemble des griefs de la lettre de licenciement ne sont pas caractérisés ou sont prescrits.

Par voie de confirmation du jugement, il y a donc lieu de juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de licenciement

M. [K] [D] est fondé à solliciter une indemnité de licenciement égale à 4776,75 € en application de l’article L.1234-9 du code du travail.

Le salarié peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis qu’il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait travaillé durant le préavis. Il y a lieu de lui allouer les sommes de 4246 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 424,60 euros brut au titre des congés payés afférents.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

M. [K] [D] a acquis une ancienneté de huit années complètes au moment du licenciement dans une entreprise occupant habituellement au moins 11 salariés. Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 8 mois de salaire.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à son âge, à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de fixer à 16’500 euros brut l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé de ces chefs sauf en ce qui concerne le montant de la somme allouée à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et perte de droits à la retraite

M. [K] [D] ne justifie pas d’un préjudice distinct spécifique qui n’aurait pas été réparé par l’allocation d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sa demande à ce titre est rejetée.

Le jugement du conseil de prud’hommes d’Orléans est infirmé de ce chef.

Sur les intérêts de retard et la demande de capitalisation des intérêts

Les sommes accordées par le conseil de prud’hommes au salarié produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation soit le 21 décembre 2020 s’agissant de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la somme de 15000 euros allouée à la salariée porterait intérêts au taux légal à compter de son prononcé et en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts.

Sur l’article L. 1235-4 du code du travail

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, il convient d’ordonner le remboursement par la SAS Décors de Ferryville aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [K] [D] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe;

Ecarte des débats les pièces n° 6 à 37 communiquées par la SAS Décors de Ferryville ;

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu’il a condamné la SAS Décors de Ferryville à payer à M. [K] [D] les sommes de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et perte de droits à la retraite, en ce qu’il a dit que les condamnations porteraient intérêts au taux légal à compter de la saisine

du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et en ce qu’il a ordonné le remboursement par la SAS Décors de Ferryville à l’organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées par à M. [K] [D] suite à son licenciement dans la limite d’un mois d’indemnités ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la SAS Décors de Ferryville à payer à M. [K] [D] la somme de 16’500 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les sommes accordées par le conseil de prud’hommes au titre de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis produiront intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2020 ;

Déboute M. [K] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et perte de droits à la retraite ;

Ordonne le remboursement par la SAS Décors de Ferryville aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [K] [D] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités ;

Condamne la SAS Décors de Ferryville à payer à M. [K] [D] la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la SAS Décors de Ferryville aux dépens d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x