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5 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/04969
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 05 JUILLET 2023
(n° 2023/ , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04969 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFST
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/02512
APPELANTE
Madame [X] [I] épouse [L]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne Charlotte MALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : G603
INTIMÉE
Société CABINET DE RÉÉDUCATION LES CLOYS
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 mai 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Cabinet de rééducation les Cloys (SCM) a employé Mme [X] [I] épouse [L], née en 1965, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 octobre 2012 en qualité de secrétaire.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait en dernier lieu à la somme de 1 928,28 €.
Le 4 septembre 2018, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitud qui mentionne « l’état de santé actuel de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de l’établissement ».
Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 2 octobre 2018.
Mme [L] a ensuite été licenciée pour inaptitude par lettre notifiée le 5 octobre 2018 ; la lettre de licenciement indique :
« Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 02 octobre dernier et au cours duquel vous étiez assistée de Monsieur [G], Conseiller syndical.
Vous avez rencontré, le 04 septembre 20-18, le Docteur [C] [H], Médecin du Travail, en visite de reprise maladie, laquelle, selon avis de la même date, vous a déclarée « inapte au poste de secrétaire dans l’établissement », (article R 4624-24 du Code du travail), précisant : « l’état de santé actuel de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de l’établissement ».
Eût égard à l’avis du médecin du travail qui comporte la mention: « l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de l’établissement », et aux dispositions des articles L 1226-2-1 et L 1226-12 du Code du travail, nous sommes donc dispensés de toute recherche de reclassement.
Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement en raison de votre inaptitude au poste de secrétaire dans l’établissement, votre état de santé actuel faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de l’établissement.
Nous vous précisons que votre contrat de travail prendra fin à la date de première présentation de la présente lettre par la poste, et ce, dans la mesure où vous êtes dans l’impossibilité ci’ effectuer le préavis.
A cette date nous vous adresserons par courrier votre indemnité légale de licenciement, et les sommes vous restant dues, ainsi que les documents légaux afférents à la rupture du contrat de travail (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte). ».
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [L] avait une ancienneté de 5 ans et 11 mois.
La société Cabinet de rééducation les Cloys occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Mme [L] a saisi le 26 mars 2019 le conseil de prud’hommes de Paris pour former les demandes suivantes :
« A titre principal :
– CONSTATER que la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys n’a pas respecté les préconisations émises par la Médecine du travail concernant l’aménagement du poste de travail de Madame [X] [I] ce qui est constitutif d’une discrimination en lien avec son état de santé et son handicap ;
– CONSTATER que son licenciement pour inaptitude n’étant ni nécessaire, ni objectif ni approprié constitue une discrimination et par conséquent qu’il encourt la nullité ;
En conséquence,
– ORDONNER la réintégration de Madame [X] [I] et si la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys y fait obstacle, PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [X] [I] ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] une indemnité de licenciement à parfaire au jour du jugement (41 940,09 €) ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] la somme de 3 856,56 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] la somme de 385,65 € au titre des congés payés sur préavis ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] une indemnité de 46 820 € au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
A titre subsidiaire :
CONSTATER que la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys n’a pas respecté son obligation de reclassement.
En conséquence,
– DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [X] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] la somme de 46 280 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] la somme de 3 856,56 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] la somme de 385,65 € au titre des congés payés sur préavis ;
En tout état de cause :
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] la somme de 10.000 € à titre de réparation du préjudice moral ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys en tous les dépens ; – PRONONCER l’exécution provisoire de droit au titre de l’article R 1454-28 du Code du travail ;
– PRONONCER l’exécution provisoire sur les condamnations restantes au titre de titre de l’article 515 du Code de procédure civile. »
Par jugement du 03 juin 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :
« Déboute Madame [L] [X] de l’ensemble de ses demandes ;
Déboute la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Laisse les dépens à la charge de Madame [L] [X]. »
Mme [L] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 24 juillet 2020.
La constitution d’intimée de la société Cabinet de rééducation les Cloys a été transmise par voie électronique le 14 septembre 2020.
L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 21 mars 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 22 mai 2023.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 23 octobre 2020, Mme [L] demande à la cour de :
« INFIRMER le jugement rendu le 3 juin 2020 par le Conseil de Prud’hommes de PARIS en ce qu’il a débouté Madame [X] [I] épouse [L] de l’ensemble de ses demandes et a laissé à sa charge le montant des dépens.
Et statuant à nouveau, de bien vouloir :
A titre principal :
– CONSTATER que la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys n’a pas respecté les préconisations émises par la Médecine du travail concernant l’aménagement du poste de travail de Madame [X] [I] épouse [L] ce qui est constitutif d’une discrimination en lien avec son état de santé et son handicap ;
– CONSTATER que son licenciement pour inaptitude n’étant ni nécessaire, ni objectif ni approprié constitue une discrimination et par conséquent qu’il encourt la nullité ;
En conséquence,
– ORDONNER la réintégration de Madame [X] [I] épouse [L] et si la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys y fait obstacle, PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [X] [I] épouse [L] ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] une indemnité de licenciement à parfaire au jour du jugement ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] la somme de 3 856,56 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] la somme de 385,65 € au titre des congés payés sur préavis ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] une indemnité de 46 820 € au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
A titre subsidiaire :
CONSTATER que la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys n’a pas respecté son obligation de reclassement.
En conséquence,
– DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [X] [I] épouse [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] la somme de 46 280 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] la somme de 3 856,56 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] la somme de 385,65 € au titre des congés payés sur préavis;
En tout état de cause :
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] la somme de 10.000 € à titre de réparation du préjudice moral ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys à verser à Madame [X] [I] épouse [L] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER la SCM CABINET DE REEDUCATION les Cloys en tous les dépens ;
– PRONONCER l’exécution provisoire de droit au titre de l’article R 1454-28 du Code du travail ;
– PRONONCER l’exécution provisoire sur les condamnations restantes au titre de titre de l’article 515 du Code de procédure civile. »
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 02 août 2021, la société Cabinet de rééducation les Cloys demande à la cour de :
« Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [I] dans l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
En conséquence,
– Déclarer mal fondée et Débouter Madame [X] [I] [L] de l’ensemble de ses demandes, formulées tant à titre principal que subsidiaire, au titre de la réintégration, de la nullité du licenciement, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que les demandes de condamnations à paiement subséquentes,
– Juger le licenciement pour inaptitude notifié à Madame [I] [L] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– Condamner Madame [I] [L] au paiement d’une somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– Condamner Madame [I] [L] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner Madame [I] [L] aux entiers dépens. »
Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 5 juillet 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la discrimination et la nullité du licenciement pour inaptitude
Mme [L] soutient que la société Cabinet de rééducation les Cloys n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail concernant l’aménagement de son poste, ce qui est constitutif d’une discrimination en lien avec son état de santé et son handicap et que son licenciement pour inaptitude n’était pas nécessaire, qu’il était donc discriminatoire et par conséquent qu’il encourt la nullité.
La société Cabinet de rééducation les Cloys s’oppose à cette demande.
Il est constant que Mme [L] est reconnue comme ayant la qualité de travailleur handicapé.
L’article L.5213-6 du code du travail dispose « Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.
L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail.
Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en ‘uvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur.
Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3. »
Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, Mme [L] invoque les faits suivants :
– son poste de travail n’a pas été adapté et ce exclusivement en raison de la résistance abusive de l’employeur ;
– plutôt que de suivre les recommandations relatives à l’aménagement de son poste de travail, l’employeur a préféré faire pratiquer des « contrôle médical employeur » puis procéder à son licenciement sur la base d’un avis d’inaptitude « arraché » (sic) ;
– cette attitude fautive est d’autant plus inadmissible que l’employeur connaissait le coût des mesures à mettre en ‘uvre entre 506 € et 724 € suivant le prestataire pour les verres correcteurs adaptés et deux jours de formation, coût entièrement pris en charge par l’AGEFIPH ;
– son licenciement est exclusivement fondé sur son état de santé et plus précisément sur son handicap.
Pour étayer ses affirmations, Mme [L] produit notamment les pièces relatives à son licenciement, le dossier médical de la médecine du travail (pièce salarié n° 15) et le document des organismes CECIAA et SAMETH contenant les préconisations pour aménager son poste de travail (pièce salarié n° 14).
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d’éléments suffisants pour retenir que Mme [L] établit l’existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l’existence d’une discrimination à son encontre.
En défense, la société Cabinet de rééducation les Cloys fait valoir que :
– au vu de l’avis d’inaptitude, l’employeur n’avait pas d’autre possibilité que de déclencher la procédure de licenciement pour inaptitude ;
– Mme [L] lui reproche de ne pas avoir procédé aux aménagements de poste nécessaires, ce qui est totalement inexact ;
– il résulte de l’attestation de suivi du 22/12/2017 que le médecin du travail avait engagé des échanges avec l’employeur pour l’aménagement du poste et préconisait un mi-temps thérapeutique, accepté par l’employeur (pièce employeur n°18) ;
– l’employeur a fait l’acquisition d’un écran ordinateur plus large et d’un logiciel spécial, loupe ; cependant, le médecin du travail n’est jamais venu constater sur place les aménagements réalisés, concluant sur les seuls dires de Mme [L] ; or, il lui appartenait de se déplacer pour constater les aménagements effectués lesquels, du reste, n’ont jamais été utilisés par Mme [L] ;
– l’employeur était informé par courrier du 10 septembre 2018, qu’il ne pouvait plus bénéficier de l’aide de l’AGEFIPH (association ayant pour objet d’ouvrir l’emploi aux personnes handicapées) pour l’aménagement de son poste du fait que Mme [L] était entrée en litige avec l’employeur.
La société Cabinet de rééducation les Cloys produit notamment ses pièces :
– 19 – Facture écran ordinateur
– 17- Courrier Efficience du 10/09/2018
– 3 – Courrier de la SCM du 19/09/2018
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Cabinet de rééducation les Cloys ne démontre pas que les faits matériellement établis par Mme [L] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En effet la cour constate que la société Cabinet de rééducation les Cloys produit notamment en ce qui concerne le point litigieux relatif à l’aménagement de poste :
– une facture de matériel informatique (pièce employeur n° 19) d’un montant de 132,89 € ;
– la lettre du 10 septembre 2018 du médecin du travail à l’employeur qui mentionne notamment « En réponse à votre questionnement en date du 16 septembre 2018 par courriel en rapport avec l’inaptitude au poste de travail de secrétaire de Madame [I] [L] prononcée le 4 septembre 2018.
Madame [I] [L] aurait pu occuper ce poste a priori si celui-ci avait été aménagé suite aux préconisations de l’étude ergonomique réalisée en décembre 2017 par l’ergonome du Sameth.
Madame [I] [L] étant rentrée en litige prud’homal avec l’employeur ne peut plus bénéficier de l’aide de I’AGEFIPH pour l’aménagement de ce poste, ce qui l’empêche compte tenu de sa pathologie de l’occuper aussi bien pour elle-même que pour le fonctionnement de l’établissement. »
– la lettre du 19 septembre 2018 dont la teneur suit « Nous vous remercions et nous accusons bonne réception de votre courrier en date du 10 Septembre 2018 apportant un peu plus d’éclaircissements sur l’avis d’inaptitude de notre salariée Madame [X] [I] que vous avez rendu le 04 Septembre dernier.
Nous tenons néanmoins à faire remarquer différents points concernant le non aménagement du poste de travail cité dans votre courrier dont de toute évidence vous n’avez pas eu connaissance de la part de Madame [I]
Selon les recommandations de l’ergothérapeute du Sameth:
– 1) Nous avons fait l’achat d’un nouvel écran informatique
– 2) Nous avons fait installer un logiciel adapté à ses troubles de la vision (que Mme [I] n’utilisait pas).
– 3) Nous avons modifié l’éclairage de la salle d’attente
– 4) Nous l’avons exonéré des tâches de pointage des séances puisque c’était le travail le plus contraignant face à l’écran.
– 5) Nous avons accepté un mi-temps thérapeutique qui s’est étalé sur presque 1 an.
Le reste de l’aménagement du poste n’ayant pas été réalisé compte tenu de ce que vous avez soulevé sur le plan juridique mais surtout compte tenu des arrêts maladie itératifs de Madame [I].
Nous regrettons que l’avis que vous avez rendu concernant Madame [I] n’ait pas mérité un échange préalable un peu plus soutenu avec ses employeurs ou une visite de votre part pour constater de visu ce qui avait été réalisé. »
La cour retient que ces éléments de preuve que la société Cabinet de rééducation les Cloys produit ne permettent pas d’établir qu’elle a procédé, comme elle le soutient, aux aménagements de poste nécessaires, qui non seulement étaient préconisés par l’organisme SAMETH 75 (pièce salarié n° 14) mais en outre constituaient aussi les mesures appropriées
pour permettre à Mme [L] de conserver son emploi et de l’exercer au sens de l’article L.5213-6 du code du travail.
C’est donc en vain que la société Cabinet de rééducation les Cloys soutient qu’il résulte de l’attestation de suivi du 22/12/2017 que le médecin du travail avait engagé des échanges avec l’employeur pour l’aménagement du poste et préconisait un mi-temps thérapeutique, accepté par l’employeur (pièce employeur n°18) ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif qu’il n’est pas de nature à démontrer qu’elle a pris les mesures appropriées pour permettre à Mme [L] de conserver son emploi et de l’exercer au sens de l’article L.5213-6 du code du travail.
C’est aussi en vain que la société Cabinet de rééducation les Cloys soutient que l’employeur a fait l’acquisition d’un écran ordinateur plus large et d’un logiciel spécial, loupe, que cependant, le médecin du travail n’est jamais venu constater sur place les aménagements réalisés, concluant sur les seuls dires de Mme [L] alors qu’il lui appartenait de se déplacer pour constater les aménagements effectués lesquels, du reste, n’ont jamais été utilisés par Mme [L] ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que la société Cabinet de rééducation les Cloys ne produit qu’un seul élément de preuve relatif aux aménagements effectués qui est composé par la facture de matériel informatique (pièce employeur n° 19) d’un montant de 132,89 € ; elle ne rapporte donc pas la preuve qu’elle a pris les mesures appropriées pour permettre à Mme [L] de conserver son emploi et de l’exercer au sens de l’article L.5213-6 du code du travail.
C’est encore en vain que la société Cabinet de rééducation les Cloys soutient que l’employeur était informé par courrier du 10 septembre 2018, qu’il ne pouvait plus bénéficier de l’aide de l’AGEFIPH (association ayant pour objet d’ouvrir l’emploi aux personnes handicapées) pour l’aménagement de son poste du fait que Mme [L] était entrée en litige avec l’employeur ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif qu’il n’est pas de nature à exonérer l’employeur de son obligation de prendre les mesures appropriées pour permettre à Mme [L] de conserver son emploi et de l’exercer au sens de l’article L.5213-6 du code du travail.
La discrimination est donc établie.
En application de l’article L.1132-4 du code du travail, le licenciement intervenu dans ce contexte est nul.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme [L] de ses demandes relatives à la discrimination et à la nullité du licenciement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de Mme [L] est nul.
Sur la réintégration
Mme [L] demande par infirmation du jugement et à titre principal sa réintégration.
La société Cabinet de rééducation les Cloys s’oppose à cette demande.
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [L] est bien fondée dans sa demande de réintégration au motif que les conséquences de la nullité du licenciement dépendent du choix du salarié, qui peut soit demander la continuation de son contrat de travail, c’est-à-dire demander sa réintégration, soit renoncer à ce droit et être indemnisé au titre de la nullité de son licenciement ; en l’espèce le licenciement de Mme [L] étant nul, Mme [L] a droit à la réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent.
Et c’est en vain que la société Cabinet de rééducation les Cloys soutient que « Pour ce qui concerne la demande de réintégration formulée par Madame [L], elle est impossible : il n’y a aucun poste à proposer à Madame [L]. En tout état de cause, la SCM cabinet de rééducation les Cloys, qui refuse la réintégration, sollicite la confirmation du jugement rendu le 03 juin 2020 par le Conseil de prud’hommes de Paris, et donc, que Madame [I] [L] soit déboutée de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions. » ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif qu’il ne suffit pas de dire que la réintégration est impossible pour y faire obstacle dès lors qu’il n’est ni démontré ni même soutenu que l’entreprise n’existe plus, ou que son activité a cessé ou que Mme [L] est à la retraite ; dans ces conditions, l’employeur ne peut pas se libérer de son obligation de réintégrer Mme [L] en se limitant à soutenir que sa réintégration est impossible et qu’il n’y a aucun poste à proposer à Mme [L].
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme [L] de sa demande de réintégration, et statuant à nouveau de ce chef, la cour ordonne la réintégration de Mme [L] dans son emploi ou dans un emploi équivalent au sein de la société Cabinet de rééducation les Cloys.
Sur les demandes indemnitaires formées à titre principal, les demandes formées à titre subsidiaire et les dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [L] demande aussi à titre principal diverses sommes au titre des indemnités de rupture et des dommages et intérêts.
La société Cabinet de rééducation les Cloys s’oppose à ces demandes.
Compte tenu de ce qui précède, la cour déboute Mme [L] de toutes ses demandes relatives aux indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que sa réintégration a été ordonnée et que le cumul n’est pas possible.
Il en est de même des demandes formées à titre subsidiaire puisqu’il a été fait droit aux demandes de nullité du licenciement et de réintégration formées à titre principal.
En ce qui concerne la demande formée en tout état de cause de dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 10 000 €, la cour retient que Mme [L] est bien fondée dans sa demande à hauteur de 3 000 € au motif que les conditions de travail de Mme [L] ont été à l’origine d’une situation de souffrance au travail comme elle le soutient et comme cela ressort du dossier médical de la médecine du travail (pièce salarié n° 15).
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Cabinet de rééducation les Cloys à payer à Mme [L] la somme de 3 000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral.
Sur les autres demandes
La cour condamne la société Cabinet de rééducation les Cloys aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Cabinet de rééducation les Cloys à payer à Mme [L] la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt. Il en est de même des demandes relatives à l’exécution provisoire qui sont sans objet devant la cour d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions :
Statuant à nouveau et ajoutant,
Dit et juge que le licenciement de Mme [L] est nul ;
Ordonne la réintégration de Mme [L] dans son emploi ou dans un emploi équivalent au sein de la société Cabinet de rééducation les Cloys ;
Condamne la société Cabinet de rééducation les Cloys à payer à Mme [L] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
Condamne la société Cabinet de rééducation les Cloys aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la société Cabinet de rééducation les Cloys à verser à Mme [L] une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT