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5 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/08573
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 5 JUILLET 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08573 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2Z7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – Section Encadrement chambre 1 – RG n° F 16/00687
APPELANTE
Madame [L] [M]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Virginie RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1066
INTIMÉE
SARL MOHG HOTEL PARIS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Amandine RAVEL, avocat au barreau de CHARTRES, toque : 000049
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.
– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er mars 2011, Mme [L] [M] a été engagée par la société Mohg Hôtel exploitant l’hôtel le Mandarin Oriental à [Localité 3] en qualité de contrôleur des coûts statut Agent de Maîtrise, niveau 4 échelon 2 de la convention collective nationale des hôtels et cafés, restaurants.
Dans le dernier état des relations contractuelles entre les parties, Mme [M] occupait les fonctions de responsable des achats, statut cadre.
La société emploie habituellement au moins 11 salariés.
Mme [M] a été placée en arrêt de travail à compter de mars 2015 pour grossesse pathologique.
Mme [M] a repris le travail le 16 novembre 2015 à l’issue de son congé maternité et prise de congés payés.
Elle a de nouveau été placée en arrêt de travail le 27 novembre 2015.
Invoquant des manquements de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en janvier 2016, afin qu’il prononce la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur avec les conséquences indemnitaires de droit.
À l’issue d’une visite de reprise du 2 mars 2016, Mme [M] a été déclarée temporairement inapte à son poste de travail dans les termes suivants :
« Inapte temporaire : contre indication temporaire au poste de travail. Adressée au médecin traitant. À revoir à la reprise. »
À l’issue d’une seconde visite le 18 avril 2016, Mme [M] a été déclarée inapte à son poste de travail dans les termes suivants :
« Inapte au poste, à un autre poste :
inapte au poste de responsable achats. Apte au poste de travail hors du service financier. »
Par courrier du 6 mai 2016, la société a soumis à Mme [M] quatre propositions de reclassement que Mme [M] a refusées par courrier du 17 mai 2016.
Après avoir été convoqué le 19 mai 2016 à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé au 27 mai 2016, Mme [M] a été licenciée pour inaptitude d’origine non professionnelle avec impossibilité de reclassement, par courrier du 3 juin 2016.
Dans le dernier état de la procédure devant le conseil de prud’hommes, Mme [M] sollicitait, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire,
– la requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
-l’annulation de la sanction du 9 juillet 2015,
– la condamnation de la société à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :
° 41 161 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
°10 290,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
°1 029,03 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférents,
° 20 600 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
° 3 430 euros pour sanction abusive,
° 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Mohg Hôtel a conclu au débouté de Mme [M] et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 12 novembre 2020, le conseil de Prud’hommes de Paris, statuant en formation de départage, a :
– Prononcé la nullité de l’avertissement du 9 juillet 2015,
– Condamné la société Mohg Hôtel à verser à Mme [M] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,
– Rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [M] et la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, ainsi que la demande subsidiaire tendant à dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [M] et les demandes financières y afférentes,
– Ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– Fixé à la somme de 3 291,76 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire brut de Mme [M] au titre de son contrat de travail conclu avec la société Mohg Hôtel.
– Condamné la société Mohg Hôtel à verser à Mme [M] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rejeté le surplus des demandes.
Mme [M] a interjeté appel du jugement le 10 décembre 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 mars 2023, elle demande à la cour de :
– Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a prononcé la nullité de l’avertissement du 9 juillet 2015, en ce qu’il a condamné la société au versement de dommages et intérêts pour sanction abusive et en ce qui concerne le montant alloué sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
à titre principal,
– Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur,
à titre subsidiaire,
– Requalifier le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
– Fixer la moyenne de ses salaires bruts à la somme de 3 409,78 euros,
– Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
° 41 161 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
° 10 290,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
° 1 029,03 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférents,
° 20 600 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
° 3 430 euros pour sanction abusive,
° 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure suivie devant le conseil de prud’hommes,
° 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure suivie devant la cour d’appel,
– Débouter la société de l’intégralité de ses demandes,
– Ordonner l’application des intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales, et à compter de la décision pour les dommages et intérêts.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 février 2023, la société Mohg Hôtel demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire brut de Mme [M] à 3 291,76 euros, condamné la société à verser à Mme [M] les sommes de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction abusive et de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société aux dépens,
– Fixer à la somme de 3 099,39 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire brut de Mme [M],
– Débouter cette dernière de sa demande de dommages-intérêts pour sanction abusive, et de la condamner à lui verser les sommes suivantes :
° 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure suivie devant le conseil de prud’hommes,
° 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure suivie devant la cour d’appel.
L’instruction a été clôturée le 7 mars 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 12 avril 2023.
MOTIFS
Sur le salaire de référence
En application de l’article R. 1234-4 du code du travail, lorsque le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie, le salaire à prendre en considération est, selon la formule la plus avantageuse par le salarié, celui des 12 ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie.
C’est donc à juste titre que Mme [M] sollicite la fixation de son salaire de référence sur les salaires perçus de mars 2014 à février 2015, période des 12 derniers mois plus avantageuse que la période des 3 derniers mois précédant son congé pour grossesse pathologique, pour un montant de 3 409,78 euros.
Sur l’avertissement du 9 juillet 2015
Selon l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour employeur ne connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
C’est donc également à juste titre que Mme [M] fait valoir que les faits qui lui sont reprochés dans l’avertissement du 9 juillet 2015 sont prescrits dès lors que, d’une part, elle était en congé pour grossesse pathologique à compter du 16 mars 2015 et donc que les faits sont nécessairement antérieurs à cette date, et que, d’autre part, l’employeur ne démontre pas qu’il aurait pris connaissance de ceux-ci moins de deux mois avant l’avertissement du 9 juillet 2015.
En conséquence, les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits de la cause et une exacte application de la loi, en premier lieu, en annulant l’avertissement au motif que les faits étaient prescrits et, en second lieu, en allouant à Mme [M] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral après avoir constaté que la notification pendant son congé maternité d’une sanction disciplinaire injustifiée a causé à la salariée un préjudice moral qu’il convient d’indemniser à hauteur de la somme accordée.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Sur le fondement de l’article 1184 du code civil devenu 1217, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier si l’inexécution de certaines des dispositions résultant d’un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. Si l’employeur, qui dispose du droit de résilier unilatéralement le contrat de travail par la voie du licenciement en respectant les garanties légales, est irrecevable à demander la résiliation du contrat de travail, tout salarié est recevable à demander devant la juridiction prud’homale la résiliation de son contrat de travail en raison de manquements de l’employeur suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de relations contractuelles de travail.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
Pour infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, Mme [M] fait valoir que la société Mohg Hôtel l’a contrainte à assumer des tâches liées aux fonctions de deux de ses collaborateurs ainsi que celles d’une de ses collègues au mois de février et mars 2015 sans tenir compte de son état de grossesse, lui a notifié un avertissement totalement injustifié reçu le 13 juillet 2015, jour de son accouchement, lui a imposé de prendre ses congés payés à la suite de son congé maternité trois semaines avant sa reprise programmée la pénalisant alors qu’elle s’était organisée pour reprendre son travail à la date initialement convenue du 7 octobre 2015 et ne l’a pas réintégrée à son poste à la suite de son congé maternité puisqu’elle a vu ses responsabilités diminuer au niveau de celles qu’elle avait en tant que Cost controller au profit de sa collègue qui a repris la majorité de ses tâches, cette situation ayant créé des tensions entre elles ainsi qu’avec deux autres de ses collègues qui la faisaient surveiller et cherchaient à la surprendre afin de monter un dossier à son encontre.
Pour confirmation du jugement entrepris, la société Mohg Hôtel se prévaut de l’absence de toute surcharge de travail de Mme [M] avant son départ en congé maternité, de l’absence de toute rétrogradation au retour de la salariée, les changements dénoncés par celle-ci s’inscrivant dans une réorganisation nécessitée par les besoins du service avec maintien de la salariée dans ses fonctions et de l’absence de toute politique de déstabilisation menée à l’encontre de l’intéressée.
Cela étant, en ce qui concerne la surcharge de travail invoquée par Mme [M], spécialement durant son état de grossesse et plus particulièrement sur la période des mois de février et mars 2015 durant laquelle la salariée se serait retrouvée détachée sur les quais de livraison afin de contrôler les livraisons, les distribuer, les ranger mais aussi effectuer les distributions des commandes des services internes demandant beaucoup de manutention, l’intéressée produit l’attestation d’un salarié de la société, responsable du Bellservice, indiquant : « Je certifie avoir vu Mme [M] durant le mois de mars 2015 le matin tôt aux alentours de 7 ou 8 heures sur le quai de livraison pour accueillir les livreurs et man’uvrer les cartons et colis, » et celle d’un autre salarié de la société responsable économat indiquant : « (‘) Je déclare enfin et pour preuve supplémentaire de la motivation de Mme [M] dans son travail que, durant la période d’arrêt maladie de Mme P… en février 2015, Mme [M] a exécuté les tâches de Costcontroller en plus de celles qui incombent à sa fonction de responsable des achats. Les inventaires de février 2015 en sont un exemple ».
Mme [M] ajoute que la société Mohg Hôtel n’a pas pris en compte son état de grossesse lorsqu’elle lui a demandé en plus de ses fonctions de parer aux absences de ses collaborateurs et collègues, conformément à l’attitude de l’employeur qui, de manière générale, ne prend pas en considération les besoins de ses salariées durant leur grossesse comme le démontre le refus opposé à la directrice du service informatique de la mise en place du télétravail alors que l’intéressée était enceinte et que sa charge de travail présentait un risque pour son état de santé.
Cependant, les mails produits par Mme [M] (pièce 34 de la salariée) ne permettent pas de constater que celle-ci a remplacé sa collègue durant l’absence de cette dernière du 16 février au 10 mars 2015, autrement que par des interventions ponctuelles sur des sujets précis et urgents impliquant certes une charge supplémentaire mais ne pouvant s’analyser, en l’absence d’autres pièces comme une surcharge de travail.
En outre, la société Mohg Hôtel produit des plannings qui démontrent que l’équipe de réceptionnaires de quai était toujours composée de trois personnes pour, qu’en tenant compte des congés et autres absences, il y ait toujours au moins deux personnes sur les journées principales de livraison, à savoir du mardi au vendredi, et qu’à l’exception de la journée du 11 mars 2015, cet effectif était présent sur le quai entre le 1er février et le 15 mars 2015. Il apparaît également que s’il manquait une personne sur la journée du 11 mars 2015, aucune pièce du dossier n’atteste d’une quelconque instruction donnée par l’employeur à la salariée pour réaliser la tâche physique de manutention qui, au surplus pouvait être réalisée par d’autres personnes de l’entreprise présentes ce jour-là.
Par ailleurs, la société Mohg Hôtel établit que, sur la période dénoncée par Mme [M], l’hôtel devait faire face à un nouveau projet Capex (Lourds travaux d’amélioration dont le budget, fixé par le siège du Groupe, doit être minutieusement suivi par les services financiers de l’Hôtel), que les services financiers devaient mettre en place de multiples actions au regard des résultats de l’audit externe réalisé a relevé un certain nombre de non-conformités à corriger et qui a préconisé des actions de management afin d’améliorer le contrôle lié aux revenus, aux achats et aux inventaires de la restauration et enfin que l’établissement devait répondre aux nouvelles exigences « Safe & Sound », que c’est dans un tel contexte que l’employeur procédé à une réorganisation des services financiers qui a entraîné une redistribution des tâches entre Mme [M] et Mme [D], ces deux salariées s’étant vu retirer certaines de leurs fonctions au profit de l’ajout d’autres tâches sans changement de leur qualification, de leurs compétences et de leur rémunération. Une telle situation caractérise un simple changement des conditions de travail entrant dans le pouvoir d’organisation et de direction de l’employeur qui, dans le cas de Mme [M], s’est exercé en conformité avec les exigences de l’article L. 1225-25 du code du travail selon lequel à l’issue de son congé maternité la salariée doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.
Le seul fait d’avoir notifié à la salariée un avertissement sans tenir compte des règles de la prescription de l’article L.1332-4 du code du travail pour des faits qui, au vu des pièces produites par l’employeur, pouvaient légitimement alerter celui-ci, ne saurait être considéré comme une faute de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail même en constatant que l’avertissement a été notifié le jour de l’accouchement de la salariée dès lors que, par courrier du 21 janvier 2015, celle-ci avait informé la société Mohg Hôtel de la date prévisible de son accouchement qui se situait 15 jours plus tard que celle où la salariée a effectivement accouché.
En ce qui concerne sa mise sous surveillance par l’employeur, Mme [M] produit l’attestation de Mme [I], comptable de la société, qui indique :
« [A] [J] [R] et [U] [G] m’ont informée lors d’une réunion fin 2014 des nouveaux procédés entre la comptabilité fournisseur et Madame [L] [M], Responsable des Achats. Ils m’ont évoqué clairement leurs stratégies pour monter un dossier contre Madame [M], pour cela j’avais pour consigne d’envoyer un mail à Madame [G] en énumérant tous les écarts de prix que je constatais avant la mise en paiement des factures, choquée par cette décision je n’ai pas eu de réaction.
(‘)
Un matin, [W] [D] se plaint des fautes de [L] dans l’open space, [U] lui répond à haute voix qu’il fallait les conserver, qu’ils avaient besoin de preuves pour son dossier.
Autres faits : [W] [D] reçoit un appel d'[J] [E] étonné de son changement de poste [‘] en tant que « Purchasing Manager », elle répond que c’est son poste actuel, raccroche et fait part de la discussion à [U], qui répond ben oui qu’elle avait raison que c’était son job désormais. J’ai interrogé les collègues et m’ont confirmé que Madame [G], Monsieur [R] et Madame [D] voulaient mettre Madame [M] à la porte. »
M.[K] indique que Mme [W] [D], acheteuse au Mandarin Oriental, lui a fermement conseillé de choisir son camp fin mars et début avril 2015 en lui signifiant que s’il était du côté de Mme [M] alors il serait intrinsèquement contre Mme [D] ainsi que contre l’économe et le directeur financier de la société.
Toutefois, il doit être relevé que Mme [I] fait référence à une réunion fin 2014 et évoque une discussion survenue « un matin » alors que, selon les pièces de la société Mohg Hôtel, elle a été en période de suspension du contrat de travail du 17 novembre 2014 au 5 mai 2015 et a quitté la société le 1er août 2015 soit plus de trois mois avant le retour de Mme [M].
M. [K] évoque des propos qui auraient été tenus alors que la salariée était en congé pour grossesse pathologique et n’est revenue dans l’entreprise qu’en novembre 2015, soit sept mois plus tard.
Il apparaît ainsi que les discussions rapportées par les témoins sont anciennes car se situant avant l’absence ou en tout début d’absence de la salariée, donc en tout état de cause antérieurement de plusieurs mois à son retour dans l’entreprise. Or, aucune surveillance de la salariée n’aurait pu être mise en place durant ses congés pour grossesse pathologique, maternité et congés payés. L’attestation de Mme [S] selon laquelle il lui a été demandé de rapporter les erreurs que Mme [M] pourrait éventuellement commettre dans le cadre de Cost Control, travail en amont du sien, qu’il devrait prendre des notes, en faire part à sa supérieure afin que celle-ci puisse elle-même en faire part au directeur financier et qu’il lui a été précisé que Mme [M] ayant déjà occupé ce poste, ne pouvait pas faire d’erreur que ce serait de sa part inacceptable, ne suffit pas, en dehors de tout autre élément de fait, pour constater qu’une mise sous surveillance de Mme [M] dépassant le cadre du pouvoir de contrôle de l’employeur a été organisée de façon effective à son retour en novembre 2015.
En ce qui concerne les conditions de travail à la reprise de Mme [M], Mme [S] atteste : « Mlle [G] a également indiqué que la situation était tendue avec Mme [M]. Je n’ai pour ma part pas remarqué d’attitude hostile de la part de Mlle [M], impression d’ailleurs confirmée par ma collègue présente à cet entretien et qui a précisé à Mlle [G] qu’elle ne ressentait pas de tension entre elle-même et Mme [M] » et M. [Y] témoigne : « Ce retour en arrière par rapport aux tâches attribué à Mlle [M] et le changement de sa position dans notre équipe et notre entreprise a contribué à dégrader l’ambiance sur notre lieu de travail car son retour n’a pas semblé être le bienvenu ».
Mais, la simple référence par ces témoins à une situation tendue et à la dégradation de l’ambiance sur le lieu de travail ne peuvent, en l’absence de tout élément factuel, caractériser une dégradation des conditions de travail de la salariée du fait de l’employeur.
Il ne peut être reproché à l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction et pour répondre à son obligation légale de permettre à ses salariés de bénéficier de façon effective de leur droit au repos, d’avoir demandé à Mme [M] de prendre ses congés acquis sur la période précédente 2013-2014 à l’issue de son congé maternité.
Enfin, s’il apparaît que les contestations de Mme [M] sur son bulletin de paie du mois de mai 2016 étaient fondées, il résulte des échanges de lettres entre la salariée et l’employeur que l’erreur a été immédiatement reconnue et corrigée par la société Mohg Hôtel.
C’est donc par une juste appréciation des faits de la cause et une application exacte de la loi que les premiers juges ont débouté Mme [M] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et de ses demandes subséquentes en paiement d’indemnités et de dommages et intérêts de rupture.
Sur la contestation du licenciement
Aux termes de l’article L. 1226-2 du code du travail,Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
« Madame,
Suite à l’entretien préalable en date du 27 mai dernier, nous vous informons que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement en raison de votre inaptitude constatée par le médecin du travail et à la suite de laquelle votre reclassement dans l’entreprise et son groupe s’est révélé impossible.
Vous avez été engagée au sein de notre établissement le 1er mars 2011 et occupez en dernier lieu le poste de Responsable des Achats.
Vous avez été en arrêt de travail ininterrompu d’origine non professionnelle du 27 novembre 2015 au 30 mars 2016, depuis le 2 mars 2016 vous êtes nouveau en arrêt de travail ininterrompu d’origine non professionnelle, votre dernier jour travaillé étant le 1er mars dernier.
Par avis rendu le 18 avril 2016, le médecin du travail vous a déclarée inapte au poste de Responsable des Achats – Apte à un autre poste de travail hors du service financier à l’issue de la seconde visite médicale de reprise, en application des dispositions de l’article R.4624-31 du Code du travail.
Conformément à notre obligation légale de reclassement, nous avons mené une recherche en interne afin de vous proposer un autre poste susceptible de correspondre à votre profil et compatible avec les recommandations du médecin du travail.
Nous avons également sollicité l’ensemble des hôtels du groupe auquel notre hôtel appartient afin qu’ils examinent les éventuels postes disponibles en leur sein qui pourraient correspondre à vitre profil et respectant les restrictions émises par le médecin du travail.
Après avoir fait valider ces postes par le médecin du travail qui nous a répondu positivement par e-mail du 4 mai 2016, nous vous adressions par courrier recommandé avec avis de réception du 6 mai 2016 (reçu le 10 mai dernier) quatre propositions de reclassements sur les postes suivants :
– un poste de Duty Manager au sein de notre hôtel ;
– un poste de Gouvernante au sein de notre hôtel ;
– un poste de Maître d’Hôtel Banquets au sein de notre hôtel ;
– un poste de Superviseur Standardiste au sein de notre hôtel.
Par courrier recommandé du 17 mai 2016 reçu le 18 mai 2016, vous nous indiquiez avoir bien pris connaissance de ces propositions mais ne pas être en mesure de les accepter du fait de vos impératifs familiaux liés à l’éducation de vos deux enfants en bas âge et des engagements professionnels de votre conjoint.
Nous tenons simplement à vous préciser pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce point que l’acceptation d’une proposition de reclassement peut entraîner une diminution de rémunération ou de responsabilités, que vous êtes naturellement en droit de refuser.
Dans ces conditions, nous prenons acte de votre refus des quatre propositions de reclassement pour des raisons liées à votre vie personnelle que nous pouvons comprendre.
Malheureusement, comme nous vous l’indiquions au cours de l’entretien préalable du 27 mai dernier lors duquel vous nous avez confirmé votre refus, nous ne sommes pas en mesure de vous proposer d’autres postes de reclassement.
En conséquence, à l’issue de notre démarche de reclassement et compte tenu des restrictions apportées par le médecin du travail, nous ne pouvons que retenir un motif de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement au sein de notre société et du Groupe.
De ce fait, vous n’effectuerez pas de préavis et votre contrat de travail prend fin à la date d’envoi de la présente notification, soit le 3 juin 2016.
(‘)
Pour infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à faire déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [M] soutient, d’une part, que l’inaptitude à l’origine de son licenciement trouve directement sa cause dans les agissements de l’employeur, et d’autre part, que la société Mohg Hôtel n’a pas respecté son obligation de reclassement.
Mais, les manquements invoqués par Mme [M] à l’égard de la société Mohg Hôtel à l’appui de la résiliation judiciaire de son contrat de travail n’ayant pas été retenus pour les motifs exposés ci-dessus, il ne peut être constaté que l’inaptitude de la salariée résulte d’un comportement fautif de son employeur.
En ce qui concerne la contestation d’une recherche loyale et sérieuse de reclassement, Mme [M] fait valoir que la société Mohg Hôtel ne lui a proposé que quatre postes incompatibles avec les contraintes liées à sa vie privée et familiale et qui impliquaient une diminution de sa rémunération et de sa qualification alors que la société Mohg Hôtel est une société importante ayant 399 salariés permanents et qui, de plus, appartient à un groupe d’une taille conséquente composé de nombreuses sociétés et établissements situés dans le monde entier.
Mais, la société Mohg Hôtel démontre, par les pièces versées à son dossier, que les quatre postes proposés à Mme [M] étaient les seuls disponibles dans l’entreprise correspondant aux qualifications de la salariée, (registre unique du personnel sur la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017), étaient compatibles avec les préconisations du médecin du travail (échange de mails entre l’employeur et le médecin du travail des 3 et 4 mai 2016), qu’elle a, par ailleurs, étendu ses recherches au sein du groupe et que les entités interrogées lui ont répondu, majoritairement de façon circonstanciée, notamment qu’il n’y avait pas de poste disponible en raison d’une période d’activité très faible interdisant tout nouveau recrutement et remettant systématiquement en question le remplacement d’un collègue quittant l’entreprise ou que l’hôtel était toujours en cours de construction ou que le poste exigeait la maîtrise d’une langue (espagnol, japonais…) que la salariée, d’après son CV, ne possédait pas.
Il doit être noté que si, dans sa lettre de réponse aux offres de reclassement du 17 mai 2016 la salariée a refusé les postes de gouvernante et de superviseur standardiste impliquant un changement de statut et une baisse de salaire constituant des modifications de son contrat de travail, elle s’est montré intéressée par les postes de duty manager et maître d’hôtel banquets auxquels étaient attachés un statut cadre et une rémunération mensuelle brute de base (3 264 euros pour le poste de duty manager et 3 090 euros pour le poste de maître d’hôtel banquets) au moins équivalente à celle qu’elle percevait dans son poste (3 090 euros) mais qu’elle a refusé ces propositions pour des raisons familiales (« Concernant les postes de duty manager et de maître d’hôtel banquet, malgré l’intérêt que je porte aux responsabilités afférentes à ces deux postes, les engagements sur des horaires variables et des jours de repos fluctuants ne sont pas compatibles, à la fois avec mes impératifs familiaux liés à l’éducation de mes deux enfants en bas âge mais également avec les engagements professionnels de mon conjoint qui prévoient des déplacements sur l’ensemble du territoire français. »)
Le motif familial avancé par Mme [M] pour refuser ces postes est certes légitime mais ne saurait à lui seul occulter le fait qu’au regard des éléments évoqués ci-dessus, la société Mohg Hôtel a respecté son obligation de recherche sérieuse et loyale de reclassement, en conformité avec les préconisations du médecin du travail, de sa salariée déclarée inapte et qu’ainsi le licenciement de Mme [M] pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [M] de sa demande tendant à faire déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes financières subséquentes.
Sur les frais non compris dans les dépens
Mme [M] ayant été accueillie partiellement en ses demandes en première instance, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a condamné la société Mohg Hôtel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Toutefois, conformément aux dispositions du même texte, Mme [M], qui succombe au principal de son appel, sera condamnée à verser à la société Mohg Hôtel la somme de 1 000 euros au titre des frais qui ne sont pas compris dans les dépens exposés par l’intimée devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le montant du salaire de référence de Mme [M],
Statuant à nouveau sur ce seul point,
FIXE le salaire mensuel de référence de la somme de 3 409,78 euros,
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [M] à verser à la société Mohg Hôtel la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,
CONDAMNE Mme [M] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT