Votre panier est actuellement vide !
ARRÊT DU
18 Janvier 2023
CV / NC
———————
N° RG 21/00894
N° Portalis DBVO-V- B7F-C53V
———————
[E] [G] veuve [D]
[I] [D]
[R] [D]
[T] [D]
C/
[K] [V] épouse [H]
[M] [H]
Commune d'[Localité 17]
——————
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 28-2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Madame [E] [G] veuve [D]
intervenante volontaire en qualité de conjoint survivant de M. [A] [D], décédé
née le 22 août 1934 à Sousceyrac (46190)
de nationalité française
Monsieur [I], [B], [C] [D]
né le 22 février 1975 à [Localité 22] ([Localité 22])
domiciliés tous deux : [Adresse 20]
Monsieur [R], [Z] [H]
né le 15 novembre 1953 à [Localité 17] ([Localité 17])
de nationalité française
domicilié : [Localité 19]
[Localité 17]
Madame [T], [F] [D]
née le 23 novembre 1955 à [Localité 17] ([Localité 17])
de nationalité française
domiciliée : [Adresse 16]
[Localité 14]
tous deux Intervenants volontaires en qualité d’héritiers de M. [A] [D], décédé
représentés par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, substitué à l’audience par Me Maëlle BLAZEJCZYK, avocat au barreau d’AGEN
DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION ordonné par l’arrêt rendu le 6 mai 2021 cassant et annulant partiellement un arrêt de la cour d’appel d’Agen (RG 16/01455) en date du 4 septembre 2019 sur l’appel d’un jugement du tribunal d’instance de Figeac du 03 décembre 2015
D’une part,
ET :
Madame [K] [V] épouse [H]
née le 17 février 1985 à [Localité 23] ([Localité 23])
de nationalité française, directrice artistique indépendante
domiciliée : [Adresse 13]
[Localité 18]
Monsieur [M] [O] [H], Intervenant volontaire
né le 02 avril 1983 à [Localité 25] ([Localité 25])
de nationalité française
domicilié : [Adresse 26]
II [Localité 1]
tous deux représentés par Me David LLAMAS, avocat au barreau d’AGEN
Commune d'[Localité 17] pris en la personne de son maire en exercice
[Adresse 24]
[Localité 17]
représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Nezha FROMENTEZE, membre de la SELARL FROMENTEZE, avocate plaidante au barreau du LOT
DÉFENDEURS
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 17 octobre 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Valérie SCHMIDT, Conseiller
Assesseurs : Cyril VIDALIE, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience
Hervé LECLAINCHE, Magistrat honoraire
Greffier : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
Faits et procédure :
M. [H] et Mme [V], son épouse (les époux [H]), sont propriétaires indivis de parcelles situées lieudit “[Localité 19]” sur la commune d'[Localité 17] (46), cadastrées section A n° [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], qui jouxtent à l’Est un chemin n° 13.
M. [I] [D] est propriétaire de parcelles également situées lieudit ‘[Localité 19]’, cadastrées section A n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3], qui jouxtent ce chemin à l’Ouest.
M. [I] [D] est également nu-propriétaire de parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7], dont M. [A] [D] et Mme [G], son épouse, sont usufruitiers, qui jouxtent le chemin à l’Ouest, dans le prolongement des parcelles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3].
La commune d'[Localité 17] a vainement proposé de mettre en oeuvre un bornage amiable des parcelles jouxtant le chemin.
Par acte délivré le 16 juin 2015, la commune d'[Localité 17] a fait assigner Mme [H] et les consorts [D] devant le tribunal d’instance de Figeac, afin de voir ordonner le bornage judiciaire des parcelles n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] à [Cadastre 6] et [Cadastre 8] à [Cadastre 10].
Mme [H] n’a pas comparu devant le tribunal.
Par jugement du 3 décembre 2015, le tribunal d’instance de Figeac a :
– dit que le [Adresse 21] appartient au domaine privé de la commune d'[Localité 17],
– ordonné le bornage judiciaire des parcelles jouxtant le [Adresse 21] à savoir :
* les parcelles A [Cadastre 8], A [Cadastre 9] et A [Cadastre 10] appartenant à Mme [K] [H]
* la parcelle A [Cadastre 2] et la parcelle faussement désignée A [Cadastre 11] et non A [Cadastre 3] appartenant à M. [I] [D],
* les parcelles A [Cadastre 4], A [Cadastre 5], A [Cadastre 6] et A [Cadastre 7] appartenant à l’indivision [D],
– avant-dire droit,
– ordonné une mesure d’expertise,
– commis pour y procéder M. [I] [P],
– fixé la mission de l’expert et réglementé l’expertise,
– réservé les dépens.
L’expert a déposé son rapport le 4 juillet 2016.
Les consorts [D] ont formé appel le 24 novembre 2016, désignant en qualité d’intimés la commune d'[Localité 17] et [K] [H].
Par arrêt du 4 septembre 2019, la présente cour, différemment composée, a :
– déclaré l’intervention volontaire de [M] [H] recevable,
– déclaré l’action en bornage intentée par la commune d'[Localité 17] recevable,
– confirmé le jugement,
– évoquant les points non jugés,
– ordonné le bornage du chemin rural [Adresse 21] selon les limites proposées en conclusions générales du rapport établi le 5 juillet 2016 par [I] [P],
– dit que M. [P], géomètre-expert, implantera les bornes conformément à ces limites, à l’initiative de la commune d'[Localité 17] aux frais avancés de celle-ci,
– dit que [K] et [M] [H] devront rembourser à la commune d'[Localité 17] un tiers de ces frais,
– dit que [A] [D], [I] [D] et [E] [D] devront également rembourser a la commune d'[Localité 17] un tiers de ces frais,
– dit qu’en cas d’indisponibilité de M. [P], la commune fera procéder à l’implantation des bornes selon les mêmes modalités par tout autre géomètre de son choix,
– condamné in solidum [I] [D], [A] [D] et [E] [D] à payer à [K] [H] et [M] [H], chacun, la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum [I] [D], [A] [D] et [E] [D] à payer à la commune d'[Localité 17] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné [A] [D], [I] [D] et [E] [D] aux dépens de première instance et d’appel, à l’exception du coût de l’expertise mis à la charge des parties dans la proportion d’un tiers chacune.
Les consorts [D] ont formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt.
Par arrêt du 6 mai 2021, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a :
– cassé et annulé, sauf en ce qu’il a dit que le [Adresse 21] appartient au domaine privé de la commune d'[Localité 17], l’arrêt rendu le 4 septembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen,
– remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Agen, autrement composée,
– a condamné la commune d'[Localité 17] aux dépens,
– rejeté les demandes présentées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
La cour de Cassation a jugé :
– qu’en retenant, pour ordonner le bornage, que les travaux réalisés par le technicien, qui avait analysé les titres et l’implantation des lieux, étaient précis, et qu’un pré-rapport avait été établi, afin de permettre aux parties de présenter leurs observations, avant dépôt d’un rapport définitif dont les conclusions n’étaient pas discutées par les consorts [D],
– alors que dans leurs conclusions d’appel, ces derniers soutenaient que la délimitation proposée par le géomètre-expert dans son rapport définitif ne pouvait être entérinée, puisqu’elle aboutissait à leur détriment à un élargissement du chemin litigieux de l’ordre d’un mètre, par rapport au tracé retenu dans le pré-rapport,
– la cour d’appel avait violé la règle faisant obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis.
Les consorts [D] ont établi leur déclaration de saisine le 21 septembre 2021.
Prétentions :
Par dernières conclusions du 12 octobre 2022, les consorts [D] demandent à la Cour de :
– dire recevable l’intervention volontaire de Mme [E] [G] [S] en qualité de conjoint survivant de [A] [D],
– dire recevables les interventions volontaires de M. [R] [D] et Mme [T] [D] en qualité d’héritiers de [A] [D],
– réformer le jugement du tribunal d’instance de Figeac en date du 3 décembre 2015,
– statuant à nouveau,
– à titre principal,
– dire que l’assiette du chemin rural n°13 fait l’objet d’une possession trentenaire continue par les consorts [D], exercée de façon paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire,
– dire en conséquence que l’assiette du chemin rural n°13 constitue la propriété des consorts [D],
– à titre subsidiaire,
– ordonner une mesure d’expertise à tout expert qu’il lui plaira à l’exception de M. l’expert [P] avec pour mission de rechercher la position de l’ancienne grange démolie et de vérifier la conformité de la limite Ouest du chemin par rapport aux contenances des parcelles appartenant aux consorts [D],
– en tout état de cause,
– débouter la commune d'[Localité 17], M. [M] [H] et Mme [K] [H] de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamner in solidum la commune d'[Localité 17], M. [M] [H] et Mme [K] [H] à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi issu de la clôture du chemin rural,
– condamner in solidum la commune d'[Localité 17], M. [M] [H] et Mme [K] [H] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux entiers dépens.
Les consorts [D] exposent l’argumentation suivante :
– sur la recevabilité de leurs demandes :
– l’arrêt de la cour d’appel d’Agen a confirmé le jugement en ce qu’il reconnaissait la qualité de propriétaire du chemin à la commune, compte tenu de la présomption du code rural, et les a déboutés de leur demande fondée sur la prescription trentenaire,
– la cour de Cassation a cassé l’arrêt sur le premier point, ils peuvent donc présenter leur demande sur le second point,
– sur la propriété du chemin :
– la commune l’a classé à tort en chemin rural,
– ils démontrent qu’ils ont exercé une possession acquisitive trentenaire,
– les attestations adverses sont irrecevables pour défaut de conformité à l’article 202 du code de procédure civile, et non probantes,
– à titre subsidiaire, sur le bornage :
– ordonné par évocation par la cour dans une disposition de l’arrêt cassé, il doit être ordonné,
– un autre expert doit être désigné, M. [P] ayant proposé un tracé dans son pré-rapport, puis un tracé différent dans son rapport définitif, générant un empiétement sur leurs parcelles, en limite Ouest, par une référence erronée au cadastre rénové de 1952,
– sur leur préjudice :
– la commune a clôturé le chemin en cours de procédure, il s’agit d’un chemin rural ouvert au public selon l’article L.[Cadastre 3]-1 du code rural, et qui doit permettre l’exploitation des parcelles selon son article D.[Cadastre 3]-8,
– ils sont obligés de faire un contournement pour accéder aux parcelles qu’ils exploitent,
– ils subissent un empiétement sur leurs parcelles,
– sur le préjudice de la commune :
– leurs demandes ne présentent pas un caractère abusif,
– ils n’ont pas diligenté la présente action.
Par uniques conclusions du 12 janvier 2022, la commune d'[Localité 17] demande à la Cour de :
– à titre principal,
– déclarer irrecevable la demande formée par les consorts [D] au titre de la propriété
du chemin rural n°13,
– à titre subsidiaire,
– débouter les consorts [D] de leur demande au titre de la propriété du chemin rural
n°13,
– en tout état de cause,
– confirmer le jugement du tribunal d’instance de Figeac en date du 3 décembre 2015,
– condamner in solidum [I] [D], [A] [D] et [E] [D] à payer à la commune d'[Localité 17] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
– condamner in solidum [I] [D], [A] [D] et [E] [D] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum [I] [D], [A] [D] et [E] [D] aux entiers dépens d’instance y compris ceux afférents à la décision cassée en application des articles 639 et 696 du code de procédure civile.
La commune d'[Localité 17] présente l’argumentation suivante :
– sur l’irrecevabilité de la demande de reconnaissance de propriété du chemin :
– par des termes clairs, la cour de Cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel d’Agen sauf en ce qu’elle a dit que le [Adresse 21] appartient au domaine privé de la commune d'[Localité 17],
– il ressort des articles 623 et suivants du code de procédure civile que la cour d’appel de renvoi est appelée à juger de nouveau l’affaire à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation,
– la cour d’appel d’Agen, autrement composée, désignée comme juridiction de renvoi ne peut statuer sur le chef de l’arrêt relatif à la propriété du [Adresse 21] bénéficiant de l’autorité de la chose jugée,
– à titre subsidiaire, sur la propriété du chemin :
– le chemin appartient au domaine privé communal par application de la présomption de l’article L.[Cadastre 3]-3 du code rural, corroborée par des documents d’archives notamment du cadastre, la délibération du conseil municipal du 23 avril 2015, l’utilisation d’usagers en attestant,
– la présomption n’est pas renversée par les éléments produits par les consorts [D] qui échouent à démontrer une propriété par titre, les actes postérieurs à 1952 se référant au [Adresse 21] sans mentionner de propriétaire, et par possession trentenaire paisible, non équivoque,
– sur le bornage et la demande d’expertise : une nouvelle investigation n’est pas justifiée au regard de la rigueur des opérations menées par l’expert [P], mais contraire à une bonne administration de la justice,
– sur la demande indemnitaire des consorts [D] :
– ils ont exploité abusivement le chemin,
– la propriété du chemin a été définitivement reconnue, la commune est fondée à le délimiter, la clôture ne contrevient pas aux droits des consorts [D], qui ont continué à l’exploiter après l’arrêt de la cour d’appel,
– les consorts [D] ont démontré leur mauvaise foi en contestant l’existence du chemin, puis en s’en prétendant propriétaires par prescription, puis en contestant le rapport de l’expert-géomètre,
– les consorts [D] ne sont pas fondés à critiquer la réglementation de la circulation sur le [Adresse 21], leur recours à l’encontre de l’arrêté la fondant ayant été rejeté par le tribunal administratif de Toulouse le 16 mars 2020,
– sur la demande indemnitaire de la commune d'[Localité 17] :
– l’acharnement procédural des consorts [D], qui ont engagé six procédures civiles ou administratives a exposé la commune à des frais importants dont elle doit être indemnisée.
Par dernières conclusions du 8 octobre 2022, les époux [H] demandent à la Cour de :
– déclarer irrecevables les demandes des consorts [D] tendant à dire que l’assiette du chemin rural n°13 fait l’objet d’une possession trentenaire à leur profit et de dire que ladite assiette constitue leur propriété,
– à tout le moins les en débouter, comme en toute hypothèse de leurs autres demandes,
– confirmer le jugement du tribunal d’instance de Figeac du 3 décembre 2015,
– condamner in solidum les consorts [D] à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les consorts [D] aux dépens, y compris ceux afférents à la décision cassée, en application des articles 639 et 696 du code de procédure civile.
Les époux [H] présentent l’argumentation suivante :
– sur la propriété du chemin :
– il est irrévocablement jugé que le chemin appartient à la commune,
– la cour d’appel de renvoi n’est pas saisie de cette question,
– l’arrêt cassé n’a pas statué distinctement sur la propriété du chemin et sur la demande fondée sur la possession trentenaire, mais par une unique disposition confirmative, résultant d’une motivation analysant les titres de propriété, la nature rurale du chemin emportant présomption de propriété, puis la possession trentenaire,
– l’arrêt de la cour de Cassation a écarté le moyen visant cette disposition par une décision non spécialement motivée,
– faire droit à la demande conduirait à l’adoption de deux dispositions contradictoires, l’une reconnaissant la propriété de la commune, résultant du jugement, l’autre reconnaissant la propriété des consorts [D], résultant de l’arrêt,
– subsidiairement, les appelants ne démontrent pas une possession de bonne foi depuis plus de trente ans,
– la contestation de l’expertise n’est pas fondée et ne justifie pas que la durée et le coût de la procédure soient accrus par la désignation d’un nouvel expert,
– la demande de dommages-intérêts des consorts [D] doit être rejetée, leur revendication de propriété étant vouée à l’échec, et aucun élément ne démontre une responsabilité des époux [H] que la demande ne vise pas.
La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.
L’affaire a été fixée pour être examinée le 16 mai 2022, date à laquelle elle a été reportée à l’audience du 17 octobre 2022.
Motifs
– sur l’intervention volontaire
L’intervention volontaire de M. [R] [D] et de Mme [T] [D], héritiers de [A] [D], décédé, qui ne se heurte à aucune objection, est recevable.
– Sur la propriété du [Adresse 21] :
L’arrêt prononcé le 6 mai 2021 par la 3e chambre civile de la Cour de Cassation ‘casse et annule, sauf en ce qu’il dit que le [Adresse 21] appartient au domaine privé de la commune d'[Localité 17], l’arrêt rendu le 4 septembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen… remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Agen, autrement composée’.
L’article 638 du code de procédure civile dispose que l’affaire est à nouveau jugée en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.
L’arrêt de la cour de Cassation précise expressément ce point, en informant les parties qu’elle les remet dans l’état antérieur à l’arrêt, sauf sur la question de la propriété du chemin.
Dès lors, les consorts [D] ne sont pas recevables à présenter une demande tendant à se voir reconnaître propriétaires du [Adresse 21], puisque la saisine de la présente cour de renvoi ne comporte pas ce point de litige, qui a été définitivement tranché par le jugement du tribunal d’instance de Figeac, confirmé par la disposition de l’arrêt de la cour d’appel d’Agen qui n’a pas été cassée.
Sur le bornage
Les époux [D] n’opposent pas, dans leur argumentaire subsidiaire, de moyen à la demande de bornage, qui peut être réclamée, en vertu de l’article 646 du code civil, et a été ordonnée à juste titre par la deuxième disposition du jugement.
L’expert [P], dans son rapport définitif, mentionne avoir :
– entendu contradictoirement les parties,
– examiné les lieux en leur présence, réalisé un relevé suivi d’un plan,
– examiné douze titres de propriété desquels ne résulte aucune mention utile à la délimitation du chemin,
– consulté le cadastre napoléonien qui ne mentionne pas le chemin, et le cadastre rénové en 1952 qui le mentionne.
Au terme de ses investigations, il retient l’absence d’imprécision flagrante et de distorsion importante du cadastre rénové par rapport à l’examen des lieux, l’ensemble étant homogène, et observe que ce plan peut être regardé comme relativement correct pour le secteur.
L’expert écarte la référence à la haie de lauriers des consorts [D], les documents remis par les parties ne permettant pas de connaître sa date de plantation exacte, et, par ailleurs, reporte sur la base du plan cadastral rénové de 1952, les bâtiments et les limites apparentes situés à proximité du chemin, ce qui le conduit à constater une absence d’imprécision flagrante et une homogénéité permettant de regarder le plan comme relativement cohérent pour le secteur. Il positionne en outre une ancienne chaufferie disparue.
En conclusion générale de son rapport, l’expert préconise de situer la limite, du côté Est du chemin, par référence aux murs séparant la propriété de Mme [H] du CR13, lesdits murs apparaissant privatifs et rattachés au fonds de cette dernière, suivant une ligne reliant les points A à L sur le plan constituant l’annexe E7 de son rapport.
Concernant la limite située du côté Ouest du chemin, l’expert, après superposition de l’emplacement de l’ancienne chaufferie sur le plan cadastral, a modifié dans son rapport définitif la proposition présentée dans son pré-rapport ; il a décalé la limite de 0,40 à 1,1 mètres suivant les sommets jusqu’au point S du plan, et conservé pour le reste le tracé de la partie Nord de la limite Ouest, suivant une ligne reliant les points M à U sur le plan annexé à son rapport.
Les consorts [D] contestent ce rapport, et sollicitent pour ce motif la désignation d’un nouvel expert.
Il ressort de leurs dernières conclusions, en page 15, que ‘La limite Est du chemin ne pose pas de difficultés puisqu’elle est matérialisée par un mur de soutènement situé en limite de propriété [V], cette limite n’étant pas contestée’.
Ce point de l’expertise est donc expressément approuvé par eux.
Leur contestation porte sur la détermination de la limite Ouest du chemin rapportée à l’emplacement de la chaufferie ; les consorts [D] reprochent à l’expert d’avoir omis de reporter une ancienne grange formant l’angle entre le chemin d'[Localité 19] et le [Adresse 21], dont ils déduisent l’existence d’un empiétement sur les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] telles qu’elles sont actuellement matérialisées par la haie de laurière, fait confirmé, selon eux, par le rapport du cabinet de géomètres GEA.
Ce document, constituant la pièce 37 des appelants, établi à l’en-tête de ce cabinet de géomètres-experts, n’est ni daté ni signé, n’a pas été établi dans un cadre judiciaire garantissant l’impartialité et la compétence du technicien, ainsi que le respect du contradictoire, ne repose sur aucune constatation personnelle du technicien, et contient une analyse comparative des titres de propriété, de photographies aériennes, et de plans cadastraux, tendant à démontrer que le chemin appartient aux consorts [D].
Ces derniers ne peuvent s’en prévaloir utilement pour démontrer qu’il détermine la contenance exacte de leurs parcelles incluant l’emprise du CR13, et met en lumière une inexactitude de la proposition de délimitation de l’expert [P] ; en effet, cette expertise non judiciaire se réfère à une contenance de parcelles qui n’est pas mentionnée avec précision dans les titres de propriété, et qui ne permet pas, par elle-même, de situer la limite séparative d’un fonds.
Les consorts [D] invoquent encore l’existence d’une autorisation accordée par M. [W] et Mme [U] datant du 15 décembre 1957, permettant à [A] [D] d’élargir le chemin longeant le ‘Canavale’, qui désigne selon eux la parcelle [Cadastre 4]. Cependant, [A] [D] ne s’est porté acquéreur de cette parcelle que par un acte ultérieur, du 31 mars 1960 (pièce 14 des appelants) ; l’autorisation du 15 décembre 1957 ne permet donc pas de démontrer que la proposition de l’expert serait erronée.
Les éléments recueillis contradictoirement par M. [P], en l’absence de mention utile dans les titres de propriété, à partir des déclarations des parties et des documents produits, des plans cadastraux et de ses constatations personnelles sur les lieux, justifient, en l’absence d’élément contraire probant, que les limites proposées dans son rapport définitif soient retenues pour procéder au bornage du chemin.
Il n’y a, dès lors, pas lieu d’envisager une nouvelle expertise.
Le bornage sera ordonné suivant le tracé figurant dans l’annexe E7 du rapport d’expertise.
Sur les demandes de dommages-intérêts
Les consorts [D], dont le recours n’est pas fondé, ne justifient pas subir un préjudice trouvant son origine dans un comportement fautif de la commune d'[Localité 17] ou des époux [H].
La résistance des consorts [D], si elle n’est pas fondée, ne revêt cependant pas un caractère abusif. La demande indemnitaire de la commune sera rejetée.
Sur les autres demandes :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Les dépens de première instance seront supportés par les consorts [D], partie perdante.
L’appel n’étant pas fondé, ils seront tenus d’en supporter les dépens, à l’exclusion du coût de l’expertise qui sera supporté par chaque partie à concurrence d’un tiers.
Les dépens d’appel seront supportés par les consorts [D], dont le recours n’est pas fondé.
L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Les époux [D] seront condamnés à payer à la commune d'[Localité 17] et aux époux [H] 3 000 € chacun en application de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– déclare les interventions volontaires de Mme [E] [G] [S], M. [R] [D] et Mme [T] [D] recevables,
– confirme les dispositions déférées du jugement,
– évoquant les points non jugés,
– Dit que le bornage des parcelles situées à [Localité 17], section A[Cadastre 8], A [Cadastre 12] et A [Cadastre 15], des parcelles A [Cadastre 2] et A[Cadastre 11], et des parcelles A [Cadastre 4], A [Cadastre 5], A [Cadastre 6] et A[Cadastre 7], sera établi selon les limites proposées par [I] [P] suivant la ligne reliant les points A à U figurant sur le plan constituant l’annexe E7 du rapport d’expertise,
– Dit que M. [P] implantera les bornes conformément à ces limites, à l’initiative de la commune d'[Localité 17] aux frais avancés de celle-ci,
– Dit que M. [M] [H] et Mme [K] [H] devront rembourser à la commune d'[Localité 17] un tiers de ces frais,
– Dit que Mme [E] [G] [S], M. [R] [D] et Mme [T] [D] devront rembourser à la commune d'[Localité 17] un tiers de ces frais,
– Dit qu’en cas d’indisponibilité de M. [P], la commune d'[Localité 17] fera procéder à l’implantation des bornes selon les mêmes procédés par tout autre géomètre de son choix,
– Déboute Mme [E] [G] [S], M. [R] [D] et Mme [T] [D] de leur demande de dommages-intérêts,
– Déboute la commune d'[Localité 17] de sa demande de dommages-intérêts,
– Condamne Mme [E] [G] [S], M. [R] [D] et Mme [T] [D] aux dépens de première instance et d’appel, à l’exception du coût de l’expertise qui est à charge des parties dans la proportion d’un tiers chacune,
– Condamne in solidum Mme [E] [G] [S], M. [R] [D] et Mme [T] [D] à payer à la commune d'[Localité 17] 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamne in solidum Mme [E] [G] [S], M. [R] [D] et Mme [T] [D] à payer à Mme [K] [V] épouse [H] et M. [M] [H] 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Valérie SCHMIDT, conseiller faisant fonction de présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,