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EP/KG
MINUTE N° 23/127
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
– avocats
– délégués syndicaux
– parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 24 Janvier 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02680
N° Portalis DBVW-V-B7F-HTEW
Décision déférée à la Cour : 01 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANT :
Monsieur [L] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Pascaline WEBER, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
S.A.R.L. DAGRE
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 390 920 411 00043
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandy LICARI, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [L] [Z] a été embauché par la Sarl Dagre selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 novembre 2016 en qualité de graphiste sénior au statut cadre coefficient 3.1 de la convention collective de la publicité, pour une durée de 169 heures par mois en contrepartie d’un salaire mensuel brut de 2 758,17 euros.
Par lettre remise en mains propres le 26 mars 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 avril 2019, la Sarl Dagre lui a notifié son licenciement pour faute grave, à savoir un accrochage verbal violent avec Madame [U] [S], collaboratrice, au cours duquel il a tenu les propos ” ferme ta gueule ” ” vous ne faîtes même pas votre boulot ” et hostilité à l’égard de cette même salariée depuis le retour de cette dernière d’une période d’arrêt maladie.
Par requête du 18 avril 2019, Monsieur [L] [Z] a saisi le Conseil de prud’hommes de Strasbourg, section encadrement, d’une demande de contestation de son licenciement et aux fins d’indemnisations en conséquence, outre d’une demande d’indemnisation pour éviction brutale, et de rappels de salaire suite à une requalification de son emploi au regard de la grille des salaires minima prévue par la convention collective.
Par jugement du 1er juin 2021, ledit Conseil de prud’hommes a :
– débouté Monsieur [Z] de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son emploi,
– dit et jugé que le licenciement est intervenu à bon droit pour faute grave,
– dit que la mise à pied conservatoire ne revêt pas un caractère abusif,
– débouté Monsieur [Z] de toutes ses demandes,
– débouté la Sarl Dagre de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [Z] aux dépens.
Par déclaration du 11 juin 2021, Monsieur [L] [Z] a interjeté appel dudit jugement sans viser les chefs du jugement critiqués.
Par écritures transmises par voie électronique le 31 août 2021, Monsieur [L] [Z] sollicite l’infirmation du jugement entrepris et, que la Cour, statuant à nouveau, :
– dise et juge qu’il relève de la classification 3.3 de la convention collective des cadres de la publicité ;
– condamne la société Dagre au paiement des sommes de :
* 5 419,20 euros bruts au titre du rappel sur salaire pour la période d’emploi du 28 novembre 2016 au 26 mars 2019,
* 541,92 euros bruts au titre des congés payés y afférant,
* 1 099,75 euros bruts au titre de la mise à pied abusive,
* 109,97 euros au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire abusive,
* 2 977 euros à titre de dommages et intérêts (pour mise à pied à titre conservatoire abusive et brutale) ;
– dise et juge que son licenciement est nul et abusif ;
– condamne la Société Dagre au paiement de :
* 1 965 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 8 931,18 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
* 893,11 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis ;
*17 862 euros à titre de dommages et intérêts,
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens.
le tout avec intérêts au taux légal à compter de la condamnation.
Par écritures transmises par voie électronique le 25 novembre 2021, la Sarl Dagre sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et la condamnation de Monsieur [L] [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d’appel.
Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 2 mars 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
I. Sur la classification des fonctions exercées par le salarié
L’annexe II de la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955, définit les fonctions relevant des classifications suivantes comme suit :
NIVEAU
CARACTÉRISTIQUES
POINTS CLÉS
NIVEAU DE FORMATION
initiale ou équivalence
3.1
Cadre débutant : ce positionnement ne pourra excéder une durée de 12 mois de travail effectif ou assimilé comme tel.
Jeune diplômé dont c’est le premier emploi dans la branche qui peut avoir eu une première expérience professionnelle via des stages.
Niveau II et I de l’éducation nationale ou expérience professionnelle équivalente.
3.2
Prise en charge de missions à partir d’orientation : exigeant l’élaboration de solutions impliquant la définition de moyens à mettre en ‘uvre, mettant en jeu une responsabilité de résultat, faisant une part importante aux qualités personnelles : créativité, autorité, décision, jugement…
Les caractéristiques de ce niveau constituent la base des emplois des niveaux 3.3 et 3.4.
3.3
Pleine maîtrise de la fonction, définie par référence aux caractéristiques du deuxième niveau, et permettant de faire face à toute situation professionnelle.
La maîtrise de la fonction se mesure à la capacité d’aborder et de résoudre des missions délicates
Il appartient au salarié qui sollicite la reclassification de ses fonctions au regard des dispositions conventionnelles de rapporter la preuve que les fonctions exercées correspondent à la classification sollicitée.
Monsieur [Z] revendique la classification cadre 3.3 depuis le mois de novembre 2016, soit depuis son engagement.
Il est un fait constant que la classification 3.1, apparaissant sur les bulletins de paie, ne peut correspondre aux fonctions dernièrement exercées par Monsieur [Z], dès lors que cette classification concerne un cadre débutant, jeune diplômé, alors que le salarié a été embauché en qualité de graphiste sénior.
Monsieur [Z] prétend que la seule personne, au sein de la société, qui avait les mêmes compétences que lui est Monsieur [R] [X] qui exerçait les fonctions de directeur artistique et qui aurait été promu à son arrivée.
La société Dagre justifie, par la production du contrat de travail de l’intéressé, que Monsieur [X] a été embauché le 7 juillet 2010 en qualité de directeur artistique sénior au statut de cadre indice 3.4, les bulletins de paie également produits justifiant de cette classification attribuée.
Or, il résulte des propres écritures de Monsieur [Z] qu’il concevait toute création publicitaire à partir d’un exposé remis par le département commercial ou le directeur de création.
Les fonctions et responsabilités étaient donc différentes entre ces 2 personnes.
Pour autant, Monsieur [Z] n’invoque pas le bénéfice de l’indice 3.4.
La différence entre l’indice 3.2 et celui 3.3 est la pleine maîtrise de la fonction se définissant comme la capacité d’aborder et de résoudre des missions délicates.
Or, Monsieur [Z] ne produit aucune pièce justificative de la réalisation de missions délicates, soit des missions présentant une difficulté particulière qu’il a su gérer seul.
Si dans ses dernières écritures, il fait état de la production de plusieurs attestations de témoin, qui constitueraient ses pièces n°28, 29, 31 et 32, la Cour relève que la mention de ces attestations ne figure pas au bordereau d’indication des pièces joint aux dernières écritures, et que les pièces, produites à la juridiction, ne comportent aucune pièce supplémentaire aux 21 pièces indiquées audit bordereau.
De même, les dernières écritures de la Sarl Dagre, en réplique aux écritures de Monsieur [Z], ne font aucunement état des attestations de témoins en cause, de telle sorte que la Cour ne peut tenir compte de ces pièces non produites, et qu’il n’y a pas lieu de rouvrir les débats.
Monsieur [Z] étant défaillant dans la charge de la preuve que ses fonctions correspondaient à la classification 3.3, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de reclassification et de rappels de salaire, à ce titre, dès lors que la rémunération effectivement perçue était supérieure au minima conventionnel de la classification 3.2.
II. Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La charge de l’administration de la preuve de la faute grave repose sur l’employeur (dans le même sens, notamment, Cass. soc 20 mars 2019, n° 17-22.068).
En l’espèce, il est reproché au salarié, dans la lettre de licenciement qui fixe les débats :
– une altercation verbale du 13 mars 2019 avec Madame [U] [S], collaboratrice de l’agence, au sujet d’un dossier à traiter en urgence avec invectives violentes, puis propos injurieux ” Ferme ta gueule “, outre les propos ” vous ne faîtes même pas votre boulot ” en hurlant,
– à compter du 18 mars 2019, date du retour au travail de Madame [S], une absence d’effort d’apaisement ou de sollicitude, avec affichage d’hostilité à l’égard de l’intéressée.
a. Sur les faits d’altercation verbale du 13 mars 2019
La Sarl Dagre produit les attestations de témoin de :
– Monsieur [O] [G], chef de projet, aux termes de laquelle à la suite de la demande de Madame [S] à Monsieur [Z] d’effectuer un ” control + R ” pour retrouver une erreur, Monsieur [Z], à bout de nerfs, a commencé à crier avec violence à l’encontre de Madame [S] en lui disant ” tu te tais “, ” je n’ai pas 10 (ou 20 car difficilement lisible) ans, tu n’as pas à me dire ce que je dois faire”, ” ferme ta gueule “.
Le témoin ajoute que Madame [S] a tenté de calmer Monsieur [Z], mais ce dernier ne pouvait pas s’arrêter et continuait à ” crier sa frustration “. Madame [S] s’est alors rendue en salle de réunion pour retrouver son calme et ne pas craquer.
– Madame [E] [W], aux termes de laquelle en outre, Monsieur [Z] a également proféré des insultes lorsque Madame [S] est sortie de la salle de réunion, de telle sorte que cette dernière a dû quitter l’agence et a été mise en arrêt maladie par un médecin.
Madame [W] ajoute que Monsieur [Z] lui avait confié avoir ” pété les plombs” et ” être aller trop loin “.
b. Sur les faits au retour de l’arrêt maladie de Madame [S]
Monsieur [O] [G] précise, dans son attestation de témoin, qu’au retour de Madame [S], Monsieur [Z] a évité tout contact avec elle ce qui n’a pas permis de retrouver une bonne ambiance de travail.
Selon l’attestation de témoin de Madame [A] [H], malgré une réunion organisée avec Monsieur [Z], ce dernier n’adressera pas la parole à Madame [S] pendant plusieurs jours, laissant craindre à Madame [H], un nouvel incident.
Cette absence de relation avec Madame [S] est confirmée, également, par Madame [E] [W].
Ces attestations de témoin confirment les déclarations de Madame [U] [S] dans l’attestation de témoin, de cette dernière, produite par l’employeur, Madame [S] ajoutant que Monsieur [Z] l’a évitée, à son retour, ignorée toute la semaine en sollicitant des collègues même pour ses dossiers.
Si Monsieur [Z] prétend, dans ses écritures, qu’il était agressé verbalement par sa collègue qui lui tenait des propos négatifs et dégradants, la matérialité de ces faits n’est pas établie, alors que tant Madame [A] [H] que Monsieur [F] [M], dans leur attestation de témoin respective, ne font état d’aucun incident dont aurait été responsable précédemment Madame [S] ou de comportement déplacé de cette dernière.
Constitue une faute grave rendant impossible le maintien des relations contractuelles, l’agression verbale avec cris et injures commise par un salarié à l’égard d’un autre salarié, et la poursuite d’une hostilité à l’égard de son collègue agressé, au retour d’un arrêt maladie en lien avec l’agression, alors que lesdits salariés sont amenés à travailler régulièrement ensemble dans une entreprise de petite structure, la Sarl Dagre comptant uniquement 7 salariés.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a retenu que le licenciement est intervenu à bon droit pour faute grave, en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement, et les demandes d’indemnisation en conséquence.
III. Sur la mise à pied à titre conservatoire
Monsieur [Z] soutient que la mise à pied à titre conservatoire serait abusive, dès lors que l’employeur aurait mis 13 jours pour lui notifier une telle mesure.
Toutefois, il résulte des motifs précédents que Madame [S] a été placée en arrêt maladie du 13 mars au 18 mars 2019, et qu’à son retour, Monsieur [Z] a maintenu un comportement inadapté avec sa collègue de travail, faisant preuve d’une hostilité à l’égard de cette dernière, de telle sorte que l’employeur pouvait légitimement craindre une nouvelle agression.
En conséquence, la prise d’une mesure de mise à pied à titre conservatoire n’apparaît ni abusive, ni tardive.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaires et de congés payés y afférents correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire.
Il sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour brutalité de la mesure, alors que, d’une part, cette dernière n’est pas abusive, et que, d’autre part, Monsieur [Z] ne justifie d’aucun comportement vexatoire ou brutal de l’employeur dans la prise ou la notification de décision.
IV. Sur les demandes annexes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [Z] sera condamné aux dépens d’appel.
En application de l’article 700 du même code, Monsieur [Z] sera condamné à payer à la Sarl Dagre la somme de 2 000 euros.
Sa demande, à ce titre, sera rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 1er juin 2021 du Conseil de prud’hommes de Strasbourg ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Monsieur [L] [Z] à payer à la Sarl Dagre la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Monsieur [L] [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure ;
CONDAMNE Monsieur [L] [Z] aux dépens d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,