Droits des artistes : 1 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/00635

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Droits des artistes : 1 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/00635
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MINUTE N° 73/23

Copie exécutoire à

– Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA

– Me Thierry CAHN

Le 01.02.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 01 Février 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00635 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HPUN

Décision déférée à la Cour : 30 Novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG – 1ère chambre civile

APPELANTES – INTIMEES INCIDEMMENT :

Société ADAM’S CONSULTING SPRL

prise en la personne de son représentant légal

Houtemsestraat 42

BE-1980 ZEMST (BELGIQUE)

Société HELIADIS BELGIUM SPRL

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2] (BELGIQUE)

Représentées par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me UNGERER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.S. DADIS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me CREHANGE, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. LAETHIER, Vice-Président placé, un rapport de l’affaire ayant été présenté à l’audience.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société HELIADIS est une société de droit belge, créée en 2005, qui a pour principale activité la fabrication de condiments et d’assaisonnements Halal à destination des professionnels de la restauration rapide et des magasins spécialisés.

La société HELIADIS a déposé le 25 mai 2009, la marque de l’Union Européenne ‘NAWHAL’S’ ainsi que la marque internationale ‘NAWHAL’S’.

La société HELIADIS a développé une large gamme de sauces Halal, dont la sauce ‘BIGGY BURGER’.

La société ADAM’S CONSULTING est une société de droit belge, spécialisée dans le conseil et le soutien aux entreprises. Cette société a été fondée en 2009 et a déposé, le 7 décembre 2015, la marque internationale semi-figurative ‘BIGGY BURGER’.

La société DADIS, société de droit français immatriculée le 21 juillet 2015, fabrique des condiments et des sauces Halal à destination des professionnels de la restauration et des grandes surfaces. Ses produits sont commercialisés sous les marques verbales ‘sauces-mixo’ et semi-figurative ‘MIXO’ respectivement déposées les 26 mars 2015 et 6 mars 2016 par MM. [U] et [N].

La société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING ont fait réaliser un PV de constat d’internet le 22 juin 2016 par Me [L], faisant valoir que la société DADIS commercialiserait des produits identiques aux leurs dans des bouteilles contrefaisant le modèle créé par elles.

Le 5 janvier 2017, la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING ont saisi le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG d’une demande tendant à ce que la société DADIS soit condamnée à cesser ses agissements. Ils ont, à la même date, saisi le juge du fond en contrefaçon de marque et de droit d’auteur.

Par décision en date du 20 juillet 2017, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG a rejeté les prétentions de la société HELIADIS et de la société ADAM’S CONSULTING au motif que ces deux entreprises ne justifiaient pas d’une atteinte imminente à leurs droits.

Saisi par une assignation délivrée le 05 Janvier 2017, par une décision en date du 30 novembre 2020, le Tribunal judiciaire de STRASBOURG a :

Constaté que la société DADIS renonce à solliciter un sursis à statuer.

Déclaré irrecevables les exceptions de procédure soulevées par la société DADIS.

– Statuant sur les demandes relatives au droit d’auteur :

*Déclaré la société HELIADIS recevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur.

*Déclaré la société ADAM’S CONSULTING irrecevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur.

*Débouté la société HELIADIS des demandes formées par elle au titre du droit d’auteur.

– Statuant sur les demandes en contrefaçon de marque :

*Déclaré la société ADAM’S CONSULTING recevable à agir en contrefaçon de sa marque ‘BIGGY BURGER’.

*Prononcé la nullité, pour absence de distinctivité, de la marque internationale semi-figurative ‘BIGGY BURGER’ désignant la FRANCE, N° 1284540, déposée le 7 décembre 2015, par la société ADAM’S CONSULTING, pour les produits de la classe 30.

*Ordonné la transcription de la présente décision sur les registres de l’INPI, aux frais de la société ADAM’S CONSULTING.

*Interdit à la société ADAM’S CONSULTING de faire usage ou de concéder tous droits d’usage de la dénomination ‘BIGGY BURGER’, à titre de marque, pour des produits de la classe 30, sous astreinte provisoire de 500 € par infraction, à l’issue d’un délai de 15 jours suivant la signification du jugement.

*S’est réservé le contentieux de l’astreinte.

– Statuant sur les demandes subsidiaires en concurrence déloyale :

*Dit que la société HELIADIS a intérêt à agir en concurrence déloyale mais que la société ADAM’S CONSULTING n’a pas intérêt à agir en concurrence déloyale.

– Dit que la société DADIS a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société HELIADIS.

– Débouté la société HELIADIS de sa demande tendant à voir déclarer la société DADIS coupable de parasitisme.

– Ordonné à la société DADIS de cesser les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard, à l’issue d’un délai de 2 mois suivant la signification du jugement.

– Débouté la société HELIADIS de sa demande tendant à voir ordonner la confiscation et la destruction, aux frais de la société DADIS, de tout élément reproduisant la bouteille ‘TUBBIES’, ainsi que de sa demande tendant à la communication par la société DADIS de données relatives à sa comptabilité.

– Condamné la société DADIS à verser à la société HELIADIS une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier causé à celle-ci par les actes de concurrence déloyale dont elle a été victime.

– Ordonné la publication du dispositif du présent jugement, pendant une durée de 2 mois sur le site internet de la société DADIS et aux frais de celle-ci, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard, à l’issue d’un délai de 15 jours suivant la signification de la décision.

– Débouté la société DADIS de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts.

– Condamné la société DADIS à verser à la seule la société HELIADIS une indemnité de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du CPC.

– Partagé les dépens par moitié entre la société DADIS et la société ADAM’S CONSULTING.

– Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Aux motifs que, sur les exceptions de procédure soulevées par la société DADIS, le Tribunal déclare que ces exceptions sont irrecevables faute d’avoir été soumises, en temps utile, devant le Juge de la mise en état, seul compétent pour en connaître.

Sur les demandes relatives au droit d’auteur, le Tribunal a estimé que seule la société HELIADIS justifie de documents commerciaux et de factures de la commercialisation de sauces Halal dans les bouteilles dites ‘TUBBIES’, qu’elle est ainsi seule recevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur. Mais, les premiers juges ont estimé que les bouteilles ‘TUBBIES’ sont dénuées de toute originalité, et que la société HELIADIS ne peut pas bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur.

Sur les demandes en contrefaçon de marque, le Tribunal affirme que la société ADAM’S CONSULTING est recevable à agir, car elle a produit en cours d’instance le certificat d’enregistrement de la marque ‘BIGGY BURGER’. Les premiers juges ajoutent que peu importe ensuite que ces produits soient commercialisés sous le nom de ‘NAWHALS’ ou ‘BIGGY BURGER’.

Mais, le Tribunal a indiqué que la marque ‘BIGGY BURGER’ ne peut pas être considérée comme étant distinctive, qu’ainsi la société ADAM’S CONSULTING ne peut plus continuer à exploiter cette marque, car elle ferait obstacle à l’activité concurrente des opérateurs économiques sur le marché des sauces, les privant d’un terme nécessaire à leurs activités économiques.

Sur les demandes en concurrence déloyale, les premiers juges indiquent que seule la société HELIADIS est recevable à agir en concurrence déloyale. Les premiers juges ont estimé que la société DADIS est coupable d’actes de concurrence déloyale au préjudice de la société HELIADIS car elle a emprunté les formes, étiquettes, couleurs et autres éléments de la bouteille ‘TUBBIES’ pour ses propres bouteilles, les premiers juges estimant que cela peut porter à confusion dans l’esprit du public d’attention moyenne. Mais le Tribunal n’a pas qualifié l’acte de parasitisme car la société HELIADIS ne démontre pas que la bouteille ‘TUBBIES’ résulterait d’un travail intellectuel et d’investissements importants.

Sur le préjudice financier dont la société HELIADIS demande la réparation, les premiers juges ont estimé que la demande de 100.000 € basée sur le chiffre d’affaires de la société DADIS réalisé grâce à ces sauces ne peut être accordé faute de preuves et que la demande d’accès aux documents confidentiels de la société DADIS par la société HELIADIS n’est pas justifiée.

Sur les demandes reconventionnelles, les premiers juges ont débouté la société DADIS de sa demande de réparation de son préjudice en raison de la mauvaise foi de la société ADAM’S CONSULTING dans le dépôt de sa marque, dès lors que rien ne démontre cette mauvaise foi et cette intention de nuire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale présentée par la société DADIS, selon le Tribunal, la société DADIS ne démontre pas les faits qu’elle expose au soutien de sa demande, d’où son rejet.

Par une déclaration faite au greffe en date du 21 janvier 2021, la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS ont interjeté appel de cette décision.

Par une déclaration faite au greffe en date du 24 février 2021, la société DADIS s’est constituée intimée.

Par leurs dernières conclusions en date du 19 septembre 2022, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS demandent à la cour de :

– Déclarer la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING recevables et bien fondées en leur appel.

– Infirmer le jugement rendu le 30 novembre 2020 sauf en ce qu’il a :

*Déclaré irrecevables les exceptions de procédures soulevées par la société DADIS.

*Déclaré la société HELIADIS recevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur.

*Déclaré la société ADAM’S CONSULTING recevable à agir en contrefaçon de sa marque ‘BIGGY BURGER’.

*Dit que la société HELIADIS a intérêt à agir en concurrence déloyale.

*Dit que la société DADIS a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société HELIADIS.

*Débouté la société DADIS de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts.

Statuant à nouveau :

Sur les demandes relatives au droit d’auteur de :

– Déclarer la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS recevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur.

– Dire et juger que la société DADIS a commis des actes de contrefaçons des droits d’auteur dont la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING sont titulaires sur la physionomie de la bouteille ‘TUBBIES’.

Sur les demandes en contrefaçon de marque de :

– Déclarer recevable l’action en contrefaçon de marque de la société ADAM’S CONSULTING.

– Dire et juger que la société DADIS a commis des actes de contrefaçon de la marque internationale ‘BIGGY BURGER’.

Sur les mesures sollicitées en réparation des actes de contrefaçon de :

– Ordonner à la société DADIS la cessation des actes litigieux sous astreinte, la confiscation et la destruction de tout élément contrefaisant les droits d’auteur ou le droit de marque de la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING et la communication d’une série de documents commerciaux et de factures de la société DADIS.

– Condamner la société DADIS à verser à la société HELIADIS et à la société ADAM’S CONSULTING 100.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel résultant de la contrefaçon augmentés des intérêts au taux légal, ainsi que de 20.000,00 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant de cette contrefaçon.

– Réserver aux sociétés HELIADIS et ADAM’S CONSULTING le droit de parfaire leur demande en réparation après communication des documents comptables requis.

– Ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir pendant 3 mois sur le site internet de la société DADIS sous astreinte de 1.000,00€ par jour de retard et par infraction à compter de la signification de la décision à venir.

Sur les demandes subsidiaires en concurrence déloyale de :

– Dire que la société ADAM’S CONSULTING a intérêt à agir en concurrence déloyale et que la société DADIS a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

– Ordonner et de condamner la société DADIS aux mêmes sanctions et obligations que celles prévues en réparation des actes de contrefaçon.

Sur l’appel incident de :

– Déclarer la société DADIS mal fondée en son appel incident et de le rejeter.

– Débouter la société DADIS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause de :

– Débouter la société DADIS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– Condamner la société DADIS à verser à la société HELIADIS et à la société ADAM’S CONSULTING la somme de 20.000,00 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Au soutien de leurs prétentions, sur la qualité à agir en contrefaçon de droits d’auteur, la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING affirment qu’elles exploitent toutes les deux et de manière non équivoque la bouteille TUBBIES, elles invoquent toutes les deux la présomption prétorienne à leurs égards et estiment pouvoir se prévaloir ensemble de droits d’auteur sur la bouteille ‘TUBBIES’.

Sur la qualité à agir en contrefaçon de marque, la société ADAM’S CONSULTING énonce qu’elle a produit dès la première instance le certificat d’enregistrement de la marque ‘BIGGY BURGER’ auprès de l’INPI, elle est donc titulaire de la marque et a qualité et intérêt pour agir en contrefaçon de marque.

Sur la qualité à agir en concurrence déloyale, la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS affirment que bien que la marque ‘BIGGY BURGER’ ait été récemment transférée par la société ADAM’S CONSULTING à la société HELIADIS, c’est bien la société ADAM’S CONSULTING qui a fondé la marque, cette entreprise ajoute qu’elle était titulaire de la marque lors des actes de concurrence déloyale qui sont portés devant la juridiction, elle s’estime donc titulaire du droit d’agir en concurrence déloyale aux côtés de la société HELIADIS.

Sur la contrefaçon du droit d’auteur, la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS affirment que leurs bouteilles de sauces ‘TUBBIES’ sont une création originale pour se différencier de la concurrence, que le choix de la couleur est réfléchi tout comme les formes, le cintrage et l’étiquette. Que ces choix sont esthétiques et non seulement pratiques, ce qui fait l’originalité de la bouteille qui doit bénéficier de la protection du droit d’auteur contrairement à ce qu’ont indiqué les premiers juges. La société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS produisent une série de photos comparatives de leur gamme de sauces et de celle de la société DADIS et affirment que la bouteille utilisée par la société DADIS pour vendre ses sauces est une copie identique de la bouteille ‘TUBBIES’.

Sur la contrefaçon de marque, la société ADAM’S CONSULTING affirme avoir créé la marque ‘BIGGY BURGER’ et l’avoir déposée, c’est une marque semi-figurative qui a été cédée à la société HELIADIS. La société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS indiquent que la société DADIS fait figurer ‘BIGGY’ en lettres à côté d’une image de burger sur ses bouteilles de sauce, ce qui relève selon elles d’une contrefaçon de marque. Quant au caractère distinctif de la marque ‘BIGGY BURGER’, la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS énoncent une série de jurisprudences ayant conclu à la distinctivité de ladite marque. Que de plus, d’autres marques de sauce ont reconnu l’antériorité de la désignation ‘BIGGY BURGER’ détenue par la société ADAM’S CONSULTING qui affirme que sa marque n’est ni générique, ni usuelle pour désigner une sauce. Quant au fait que la marque ‘BIGGY BURGER’ soit apposée sur la bouteille commercialisée par la société DADIS à côté de sa propre marque, à savoir ‘MIXO’ ou ‘SAUCES MIXO’ est sans emport pour la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS qui estiment que le terme ‘BIGGY’ sur les bouteilles de la société DADIS est bien utilisé à titre de marque ce qui peut porter à confusion dans l’esprit des consommateurs.

Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire, la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS soutiennent que les actes de la société DADIS causent un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs du fait de l’usage des mêmes bouteilles, mêmes nom de sauce, mêmes étiquettes et codes couleurs, la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS estiment que la société DADIS se rend coupable de parasitisme en profitant des innovations et des recherches menées pour arriver à ces produits.

Sur la demande d’expertise de fichiers appartenant à la société DADIS, la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS estiment que le secret professionnel ne peut leur être opposé car c’est la seule manière de connaître le véritable montant du préjudice financier que les actes de la société DADIS ont causé.

Par ses dernières conclusions en date du 2 septembre 2022, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la société DADIS demande à la Cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG le 30 novembre 2020 sauf en ce qu’il a :

*Déclaré la société HELIADIS recevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur et déclaré la société ADAM’S CONSULTING recevable à agir en contrefaçon de sa marque ‘BIGGY BURGER’.

*Dit que la société HELIADIS a intérêt à agir en concurrence déloyale et que la société DADIS a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société HELIADIS.

*Ordonné à la société DADIS de cesser ses actes de concurrence déloyale et ce sous astreinte.

*Condamné la société DADIS à verser 30.000,00€ de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier causé par les actes de concurrence déloyale.

*Ordonné la publication sur le site de la société DADIS pendant 2 mois du dispositif de la décision.

*Débouté la société DADIS de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts.

*Condamné la société DADIS à payer 3.000,00€ au titre de l’article 700 du CPC.

* Partagé les dépens entre la société DADIS et la société ADAM’S CONSULTING.

Sur l’irrecevabilité des demandes de :

– Juger l’absence de titularités de droits d’auteurs des appelantes sur la bouteille ‘TUBBIES’, l’absence de production par la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING des certificats d’enregistrement des marques ainsi que l’absence d’intérêt et de qualité à agir en concurrence déloyale de la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING.

– Juger irrecevables l’ensemble des demandes présentées par la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING.

– Débouter la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING de l’ensemble de leurs demandes.

Sur les demandes présentées au titre du droit des marques de :

– Juger que la marque ‘BIGGY BURGER’ est générique, usuelle et descriptive.

– Prononcer la nullité de la marque ‘BIGGY BURGER’ et la déchéance de ladite marque en désignation de sauces car ces termes sont devenus usuels pour désigner une sauce.

– Ordonner la transcription du jugement sur les registres de l’INPI.

– Interdire à la société ADAM’S CONSULTING de faire usage ou de concéder tous droits d’usage de la dénomination BIGGY BURGER.

– Juger que la juridiction restera compétente pour connaître de la liquidation éventuelle des astreintes.

– Juger que l’utilisation de la dénomination générique ‘sauce BIGGY’ sous la marque ‘MIXO’ ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque ‘BIGGY BURGER’ et de juger de l’absence de contrefaçon à l’identique de la marque ainsi que de tout risque de confusion pour le consommateur d’attention moyenne.

– Rejeter l’ensemble des demandes de la société ADAM’S CONSULTING et de la société HELIADIS.

Sur les mesures de réparation sollicitées de :

– Débouter la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING de l’ensemble de leurs demandes présentées au titre des droits d’auteur et des marques.

Sur l’absence d’actes de concurrence déloyale commis par la société DADIS de :

– Juger de l’absence de tout acte de concurrence déloyale et de risque de confusion entre les bouteilles de sauces des parties et entre les signes BIGGY BURGER et SAUCES BIGGY ainsi que de l’absence de parasitisme.

A titre reconventionnel de :

– Juger de l’utilisation frauduleuse de la marque ‘BIGGY BURGER’ au préjudice de la société DADIS et que la société ADAM’S CONSULTING a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société DADIS.

– Condamner la société ADAM’S CONSULTING à payer la somme de 150.000 € de dommages et intérêts en réparation des préjudices de l’usage frauduleux de la marque ‘BIGGY BURGER’ et de 150.000 € en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale réalisée par elle.

En tout état de cause de :

– Débouter la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING de l’ensemble de leurs demandes.

– Condamner solidairement la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING à verser à la société DADIS la somme de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC outre les entiers frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, sur l’absence de qualité et d’intérêt à agir des appelantes en contrefaçon de droits d’auteur, la société DADIS soutient qu’à défaut de prouver qu’elles sont titulaires de droits d’auteur sur les bouteilles de sauce, ni la société ADAM’S CONSULTING, ni la société HELIADIS n’ont qualité ou intérêt à agir en contrefaçon. En effet, la société DADIS affirme qu’aucune preuve d’exploitation non-équivoque n’est produite par les appelantes.

Sur l’absence de qualité et d’intérêt à agir en contrefaçon de marque, la société DADIS soutient que la société ADAM’S CONSULTING n’avait pas intérêt et qualité pour agir au moment de l’introduction de l’instance car elle n’a produit qu’ensuite le certificat d’enregistrement de la marque ‘BIGGY BURGER’ à l’INPI, que de plus la société ADAM’S CONSULTING n’exploite pas la marque personnellement, et que c’est bien la société HELIADIS qui l’a toujours exploitée depuis sa création.

Sur l’absence d’intérêt à agir au titre d’actes de concurrence déloyale, la société DADIS affirme qu’aucune des deux sociétés n’a intérêt à agir car aucune des deux sociétés ne démontre qui est l’acteur économique opérant sur le marché concurrentiel et donc laquelle des deux sociétés a un intérêt personnel et direct à agir en concurrence déloyale. La société DADIS affirme que la société HELIADIS ne rapporte pas non plus de preuves de commercialisation des produits litigieux.

Sur l’absence d’originalité de la bouteille ‘TUBBIES’, la société DADIS explique que les bouteilles commercialisées par la société HELIADIS et la société ADAM’S CONSULTING ne sont pas originales, le code couleur serait banal et très répandu parmi toutes les marques de sauces que la société DADIS produit aux débats, il en est de même, selon la société DADIS, de la forme de la bouteille et de son cintrage, produisant des preuves de bouteilles de ce type antérieures à celles des appelantes. Quant au terme ‘TUBBIES’ il n’a rien d’original et ne signifie rien de plus, selon la société DADIS, que la forme en tube, cylindrique, de la bouteille de sauce.

Sur l’absence d’actes de contrefaçon de droits d’auteur, la société DADIS soutient qu’en plus de leur défaut d’originalité, les bouteilles de sauce des appelantes ne sont absolument plus les mêmes actuellement que celles présentées aux débats, le packaging a été changé. La société DADIS ajoute également que ses bouteilles ont des particularités différentes.

Sur les demandes relatives au droit des marques, la société DADIS estime que la marque ‘BIGGY BURGER’ utilisée est nulle car descriptive et non distinctive. La société DADIS ajoute que le terme BIGGY BURGER sert juste à désigner la recette de sauce, comme le ketchup par exemple, la marque est donc générique et usuelle, que de plus, le terme ‘BIGGY BURGER’ est utilisé par de nombreuses autres sociétés et dans des contextes multiples et depuis de nombreuses années.

Sur la demande de dégénérescence de la marque, la société DADIS affirme que la société ADAM’S CONSULTING n’a jamais mis en ‘uvre d’actions pour que l’ensemble des intervenants et utilisateurs des termes ‘BIGGY BURGER’ soient condamnés et cessent cette utilisation, ce qui provoque inévitablement une dégénérescence.

Sur l’absence d’utilisation de la marque par la société DADIS, la société DADIS soutient que l’utilisation du terme BIGGY sur ses bouteilles n’est pas un signe contrefacteur car il n’est pas utilisé en tant que marque mais bien en tant que nom de sauce. Ainsi la société DADIS affirme que le consommateur d’attention moyenne ne pourra pas confondre les produits des deux sociétés puisque le nom de leurs marques respectives sont apposés sur leurs bouteilles.

Sur l’absence de contrefaçon à l’identique ou par imitation, la société DADIS nie toute contrefaçon à l’identique en énonçant que le terme ‘sauce BIGGY’ n’est pas le même que ‘BIGGY BURGER’. La société DADIS ajoute qu’il n’y a pas non plus d’imitation car les signes se différencient tant visuellement, phonétiquement et conceptuellement et que la marque ‘BIGGY BURGER’ ne bénéficie d’aucune notoriété particulière selon la société DADIS.

Sur les demandes de réparation, la société DADIS estime que la société ADAM’S CONSULTING et la société HELIADIS ne produisent aucun élément chiffré de leur préjudice ni absolument aucune preuve de commercialisation et que l’accès aux documents de la société DADIS n’est pas justifié.

Sur les demandes sur la concurrence déloyale, la société DADIS affirme qu’il n’y a aucune confusion possible entre les bouteilles des parties et donc aucun risque de confusion, qu’Il n’y a pas non plus de parasitisme car les appelantes ne prouvent pas d’investissements particuliers réalisés pour la conception de leurs bouteilles et marque, que de plus leur packaging a récemment été modifié.

Sur les demandes reconventionnelles de la société DADIS, la société DADIS estime que le dépôt de la marque ‘BIGGY BURGER’ est un dépôt de mauvaise foi, la société DADIS estime que la société ADAM’S CONSULTING ne peut s’attribuer le monopole de ce terme générique et usuel pour évincer tous ses concurrents. La société DADIS affirme que la société ADAM’S CONSULTING ne pouvait ignorer l’usage du terme BIGGY BURGER sur le marché des sauces par tous les concurrents. La société DADIS prétend que ce dépôt est frauduleux et lui a causé un préjudice.

Enfin, la société DADIS accuse la société ADAM’S CONSULTING de faits de concurrence déloyale, la société DADIS affirme que la société ADAM’S CONSULTING a contacté les fournisseurs des SAUCES MIXO en les menaçant de saisir pour contrefaçon lesdites sauces en arguant de la présente procédure et en affirmant avoir eu gain de cause. Ainsi, la société DADIS demande réparation de ces deux préjudices par des dommages et intérêts.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et de leurs prétentions.

Par une ordonnance en date du 26 octobre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et a renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 23 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

I. Sur les fins de non-recevoir :

La société DADIS conteste la recevabilité de l’action de la société HELIADIS et de la société ADAM’S CONSULTING, arguant qu’elles sont dépourvues de qualité à agir. Il convient de distinguer selon que les actions sont introduites sur le fondement de la contrefaçon de marque ou sur celui de la contrefaçon de droit d’auteur.

– En matière de droit d’auteur :

La société DADIS soutient que les bouteilles litigieuses (dites ‘tubbies’) ne peuvent pas être protégées au titre des droits d’auteur, leur déniant toute originalité. Toutefois, il convient de souligner que l’examen d’un tel moyen relève de l’étude de l’affaire au fond et ne saurait être envisagé au stade de l’examen de la recevabilité de la demande.

Pour justifier de leur qualité à agir et répondre à leurs adversaires qui avancent qu’une personne morale ne peut être titulaire de droits d’auteur, les sociétés HELIADIS et ADAM’S CONSULTING rappellent pertinemment qu’en vertu d’une présomption prétorienne, en l’absence de revendication de l’auteur, l’exploitation d’une ‘uvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l’égard des tiers, qu’elle est titulaire sur cette ‘uvre du droit de propriété incorporelle d’auteur. Elles prétendent ainsi démontrer une exploitation non équivoque des bouteilles sous les marques ‘Nawhal’s’ et ‘Biggy Burger’, qui leur appartiennent. Elles produisent à l’appui des factures établies au nom de la société HELIADIS qui illustrent la commercialisation des produits sur lesquelles elles revendiquent des droits.

La partie intimée réplique que les pièces censées démontrer cette exploitation non équivoque ne concernent que la société HELIADIS, et non la société ADAM’S CONSULTING. Elles rappellent que la jurisprudence exige une démonstration rigoureuse de l’exploitation non équivoque.

Il convient en effet de constater que les factures et courriels produits par les intimées (pièces n°31 et 32) ne font aucune référence à la société ADAM’S CONSULTING. Ces éléments ne concernent que la société HELIADIS, pour laquelle ils permettent d’établir qu’elle exploitait les bouteilles ‘tubbies’ pour vendre ses sauces, ainsi qu’il ressort des factures établies pour des clients et des échanges relatifs à de la documentation commerciale. Concernant la société ADAM’S CONSULTING en revanche, aucune preuve d’exploitation n’est apportée. Le fait que les bouteilles aient été vendues sous la marque ‘Biggy Burger’ ne saurait être suffisant, dès lors que le dépôt de cette marque par la société ADAM’S CONSULTING n’est démontré qu’à partir du 14 septembre 2015 (marque Bénélux) et du 7 décembre 2015 (marque internationale), alors que les factures produites sont antérieures comme datant des années 2006, 2013, 2014 et 2015.

Le fait que les deux sociétés soient gérées par les mêmes personnes est sans emport, dès lors que chaque société à une personnalité morale distincte de l’autre.

Si les affiches promotionnelles produites aux débats et portant une reproduction de la bouteille ‘tubbies’ portent bien la mention de la référence 56376 avec la mention ‘BIGGY BURGER’, ces affiches précisent que ‘Nawhal’s s’engage à être à votre écoute’, alors que Nawhal ‘s est une marque de la société HELIADIS qui a développé selon ses dernières écritures (page 3), trente recettes de sauce dont la sauce ‘BIGGY BURGER’.

Ainsi, ces affiches ne démontrent pas l’exploitation paisible et non équivoque par ADAM’S.

En conséquence, la Cour retiendra que la société HELIADIS a qualité à agir pour solliciter la protection des bouteilles ‘tubbies’ au titre du droit d’auteur, mais qu’il n’en va pas de même pour la société ADAM’S CONSULTING, qui devra être déclarée irrecevable à agir sur ce fondement.

La décision entreprise sera confirmée de ce chef.

– En matière de droit des marques :

C’est par des motifs pertinents que la Cour adopte, que les premiers juges ont retenu la recevabilité de la demande de ADAM’S au titre du droit des marques, dès lors que le certificat d’enregistrement de la marque ‘BIGGY BURGER’ a été produit en cours d’instance devant les premiers juges.

Alors qu’il ne peut pas être contesté que ce document n’avait pas été produit au moment de l’introduction de l’instance, d’autres pièces avaient été produites qui justifiaient le titre et sa validité.

– Sur la qualité à agir de la société HELIADIS et ADAM’S en concurrence déloyale :

C’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont estimé que seule l’action en concurrence déloyale introduite par la société HELIADIS était recevable.

La décision entreprise sera confirmée de ce chef.

II. Sur le fond :

– Sur la contrefaçon de droit d’auteur :

Le Tribunal Judiciaire de Strasbourg a considéré dans son jugement qu”en l’absence de toute originalité, les bouteilles ‘TUBBIES’ de la société HELIADIS ne pouvaient bénéficier d’aucune protection au titre du droit d’auteur’.

La société HELIADIS soutient que les caractéristiques originales de cette bouteille relèvent, en effet, d’un pur choix esthétique et artistique et ne sont aucunement dictées par des considérations d’ordre pratique.

L’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose : ‘L’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous’.

Les dispositions du Code de la propriété intellectuelle protègent les droits des auteurs sur toutes les ‘uvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

L’article L. 112-2 du même Code énumère une liste non limitative d”uvres susceptibles d’être considérées comme des ‘uvres de l’esprit et par conséquent pouvant bénéficier de la protection par le droit d’auteur.

Aux termes de l’article L. 112-2 10° du Code de la propriété intellectuelle, sont considérées notamment comme ‘uvres de l’esprit : ’10° Les ‘uvres des arts appliqués’.

Pour être protégée par le droit d’auteur, une ‘uvre doit être originale et emprunte de la personnalité de son auteur.

Peuvent accéder à la protection par le droit d’auteur ‘toute forme d’expression des arts appliqués’ dès lors qu’ils sont originaux et emprunts de la personnalité de leur auteur. La jurisprudence estime en effet que ‘même les objets les plus simples sont des ‘uvres de l’esprit’.

Sur les droits d’auteur que seule la société HELIADIS peut invoquer, la cour considère que c’est à bon droit, par des motifs pertinents, que les premiers juges ont retenu que les bouteilles ‘tubbies’ ne reflètent pas une création originale, mais sont comparables, tant pour la forme que pour la couleur, à de nombreux autres modèles de bouteilles de sauce.

À ceci, il convient seulement d’ajouter que les éléments versés à la procédure, s’ils permettent certes d’observer que de nombreux contenants différents existent, établissent cependant sans ambiguïté le constat d’une banalité de la forme ‘tubbie’. L’absence de cintrage sur certaines de ces bouteilles ne permet pas de déduire que cet élément constituerait une création originale de la société HELIADIS, d’autres modèles se révélant en être dotés. La société HELIADIS est ainsi défaillante à démontrer la création d’une ‘uvre originale.

La société HELIADIS sera déboutée de ce chef de demande et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

– Sur la demande en nullité de marque présentée par ADAM’S :

Le caractère distinctif d’un signe susceptible de constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits désignés. Ainsi, il s’agit d’apprécier la distinctivité du signe au regard non pas d’un hamburger mais bien d’une sauce.

La société DADIS se prévaut à ce sujet de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que sont dépourvus de caractère distinctif ‘[‘] des signes ou dénomination pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur […]’.

La cour retiendra que le terme ‘Biggy’, associé à celui de ‘burger’, est distinctif et ne peut être considéré comme purement descriptif de sa destination. Outre le fait qu’il est un dérivé familier de ‘big’ et n’existe pas en tant que tel dans le dictionnaire anglais, son utilisation pour désigner des sauces à burger n’est pas simplement explicative de sa destination, mais apparaît au contraire suffisamment arbitraire.

La Cour relèvera par ailleurs que les termes ‘BIGGY BURGER’ ne sont pas d’usage courant et qu’en matière de droit des marques, à la différence du droit d’auteur, l’antériorité n’a aucune incidence, seule est prise en considération la date de l’enregistrement de la marque et si l’expression ‘BIGGY BURGER’ a pu faire l’objet d’une utilisation antérieure, celle-ci est sans emport sur la validité de la marque concernée.

La preuve de la dégénérescence de la marque n’est pas rapportée par la société DADIS, dès lors que des procédures ont été engagées soit amiablement soit judiciairement par les parties appelantes pour s’opposer à l’utilisation de la marque ‘BIGGY BURGER’.

En conséquence, la demande en nullité de la marque ‘BIGGY BURGER’ présentée par la société DADIS sera rejetée.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

– Sur la demande en contrefaçon de marque dirigée contre la société DADIS :

La société HELIADIS soutient que la société DADIS a contrefait la marque ‘BIGGY BURGER’ en utilisant le signe ‘BIGGY’.

La cour rappelle que l’examen de la contrefaçon par imitation implique de rechercher si un risque de confusion peut exister, dans l’esprit du consommateur, entre le signe protégé à titre de marque et le signe litigieux, amenant le public à croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

Les premiers juges ont pertinemment relever que la marque utilisée par la société DADIS était ‘SAUCE MIXO’ et que la société DADIS n’utilisait pas le terme ‘BIGGY’ à titre de marque.

En effet, la société DADIS utilise le terme ‘BIGGY’ uniquement pour désigner la sauce mayonnaise sucrée à base de cornichons qu’elle vend sous sa marque ‘SAUCES MIXO’ et la distinguer des autres sauces de sa gamme et non pour identifier l’origine de ses produits, à savoir l’entreprise qui les fabrique ou les commercialise.

Dans ces conditions, il ne peut pas être reproché à la société DADIS un acte de contrefaçon de marque et les sociétés appelantes seront déboutées de leurs demandes en dommages et intérêts présentées de ce chef.

– Sur la demande en concurrence déloyale présentée par les parties appelantes :

La concurrence déloyale sanctionne un comportement contraire aux usages du commerce mais doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce.

La cour a estimé que la société HELIADIS ne disposait pas de la protection des droits d’auteur sur la bouteille ‘tubbies’.

L’utilisation par la société DADIS de bouteilles ‘tubbies’ ne constitue pas un fait fautif à lui seul, car la forme de ces bouteilles comme cela a été précédemment rappelé est banale et que tous les acteurs économiques sur le marché des sauces utilisent des bouteilles semblables, sur lesquelles les étiquettes ne peuvent être collées qu’au même endroit et présentées de façon similaire, comme l’établissent les pièces communiquées par la société DADIS.

Le cintrage de ces bouteilles date de 1987, date à laquelle ce modèle de bouteille a été déposée à l’INPI par la société SAN CARLO GRUPPO ALIMENTAIRE SPA.

La couleur jaune utilisée pour ces bouteilles est aussi une couleur banale et utilisée par d’autres marques vendant des sauces, comme l’attestent les annexes 28, 29, et 42 à 45 déposées par la partie intimée.

Dans ces conditions, aucun acte de concurrence déloyale ne peut être reproché à la société DADIS et la décision entreprise sera infirmée de ce chef.

La société HELIADIS ne justifie pas d’investissements importants dont profiterait la société DADIS en s’inscrivant dans son sillage et dès lors que la cour a retenu le caractère banal de la forme et de la couleur des bouteilles utilisées par la société HELIADIS pour commercialiser ses sauces et que la contrefaçon de marque n’a pas été retenue, les demandes présentées par la société HELIADIS et fondées sur le parasitisme seront rejetées.

– Sur les demandes reconventionnelles de la société DADIS :

Il convient de rappeler que la Cour d’Appel a admis la validité de la marque ‘BIGGY BURGER’ et que la recherche d’antériorité en matière de marque ne concerne que les signes et caractères antérieurement utilisés et déposés en tant que marque et les marques notoires connues du grand public mais non déposées.

L’utilisation antérieure des termes ‘BIGGY BURGER’ ne peut pas caractériser l’inscription frauduleuse de la marque.

C’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que la société DADIS a été déboutée de sa demande en concurrence déloyale dirigée à l’encontre de la société ADAM’S.

– Sur le surplus des demandes :

Les parties ayant succombé respectivement dans leurs demandes, il sera fait masse des dépens qui seront partagés et supportés par tiers par chacune d’entre elles, pour la première instance et à hauteur de Cour.

L’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des parties, en première instance et à charge d’appel.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG en ce qu’il a :

– prononcé la nullité, pour absence de distinctivité, de la marque internationale semi-figurative ‘BIGGY BURGER’ déposée le 7 décembre 2015 par la société ADAM’S CONSULTING.

– ordonné la transcription de la présente décision sur les registres de l’INPI, aux frais de la société ADAM’S CONSULTING.

– interdit à la société ADAM’S CONSULTING de faire usage ou de concéder tous droits d’usage de la dénomination ‘BIGGY BURGER’, à titre de marque, sous astreinte.

– S’est réservé le contentieux de l’astreinte.

– dit que la société DADIS a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société HELIADIS.

– ordonné à la société DADIS de cesser les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés, sous astreinte.

– condamné la société DADIS à verser à la société HELIADIS une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier causé à celle-ci par les actes de concurrence déloyale dont elle a été victime.

– ordonné la publication du dispositif du présent jugement, pendant une durée de 2 mois sur le site internet de la société DADIS et aux frais de celle-ci, sous astreinte.

– condamné la société DADIS à verser à la seule société HELIADIS une indemnité de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du CPC.

– partagé les dépens par moitié entre la société DADIS et la société ADAM’S CONSULTING.

Confirme la décision entreprise pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et Y Ajoutant,

Déclare valable la marque ‘BIGGY BURGER’ dont est titulaire la société ADAM’S CONSULTING,

Déboute la société HELIADIS de sa demande en concurrence déloyale présentée à l’encontre de la société DADIS et de ses demandes en dommages et intérêts liées à cette prétention,

Fait masse des dépens qui seront partagés et supportés par tiers par chacune d’entre elles, pour la première instance et à hauteur de Cour,

Rejette les demandes présentées par les parties et fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :

 


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