Droits des artistes : 8 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01102

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Droits des artistes : 8 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01102
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 FEVRIER 2023

N° RG 21/01102

N° Portalis DBV3-V-B7F-UOA3

AFFAIRE :

[J] [U]

C/

S.N.C. PRISMA MEDIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 18/02025

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP PECHENARD & Associés

la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [J] [U]

née le 05 Décembre 1956 à USA

de nationalité Américaine

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Emmanuelle SAPENE de la SCP PECHENARD & Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R047

APPELANTE

****************

S.N.C. PRISMA MEDIA

N° SIRET : 318 826 187

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Laurent KASPEREIT de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

Le 18 février 2009, Mme [U] a conclu un contrat dit de prestations de services, à effet au 1er mars suivant, ayant pour objet général des ‘missions de conseil au profit du magazine Gala’ avec la société PRISMA MEDIA, éditrice de nombreux magazines et ayant le statut d’entreprise de presse.

Ce contrat a prévu notamment le paiement à Mme [U] ‘d’honoraires forfaitaires mensuels’ à hauteur de 1 ‘000 euros hors-taxes et l’inscription de Mme [U] dans l’ours du magazine ‘Gala’ en tant que ‘directrice mode’.

Par avenant à effet au 1er mars 2015, la société PRISMA MEDIA et Mme [U] ont notamment modifié le montant des sommes versées à cette dernière en exécution du contrat du 18 février 2009, en les abaissant à 10’500 euros hors-taxes mensuels et en prévoyant une somme complémentaire de 2 000 euros hors-taxes mensuels ‘en contrepartie de la cession des droits de propriété matérielle et/ou intellectuelle’.

Par lettre du 25 août 2017, la société PRISMA MEDIA a annoncé à Mme [U] la ‘fin de notre collaboration à l’issue d’une période de préavis de six mois, soit le 28 février 2018″.

Le 28 février 2018, la relation contractuelle a pris fin.

Le 30 juillet 2018, Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour demander la requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail, en invoquant notamment la présomption de contrat de travail des journalistes professionnels, et la condamnation de la société PRISMA MEDIA à lui payer notamment un rappel de treizième mois, une indemnité pour travail dissimulé, des indemnités de rupture et la régularisation par la société PRISMA MEDIA des cotisations auprès des organismes sociaux.

Par jugement du 26 février 2021, le conseil de prud’hommes (section encadrement) a :

– dit que Mme [U] n’a pas le statut de journaliste professionnel ;

– dit que Mme [U] et la société PRISMA MEDIA ne sont pas liées par un contrat de travail et que la rupture notifiée par courrier le 25 août 2017 ne peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la société PRISMA MEDIA de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

– dit que chacune des parties supportera les éventuels dépens pour ce qui les concerne.

Le 12 avril 2021, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 27 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, Mme [U] demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et statuant à nouveau, de :

– dire qu’elle était liée avec la société PRISMA MEDIA par un contrat de travail ayant pris effet le 1er mars 2009 ;

– dire que la rupture de la relation contractuelle notifiée par courrier du 25 août 2017 doit être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société PRISMA MEDIA à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes :

* 39 583,33 euros brut à titre de rappel de treizième mois pour la période de 2015 à 2018 et 3 958,33 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 25 000 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 2 500 euros brut au titre des congés payés afférents ou subsidiairement 37 500 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 3 750 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 121 875,03 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, ou subsidiairement 69 937,60 euros à ce titre ;

* 203 125 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 101 562 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

– condamner la société PRISMA MEDIA à la remise de bulletins de salaire pour la période du 1er mars 2009 au 28 février 2018 et à procéder à la régularisation des cotisations auprès des organismes sociaux dont notamment les caisses de retraite et Pôle emploi, le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du délai de 30 jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

– condamner la société PRISMA MEDIA à lui remettre un certificat de travail, des bulletins de salaire et une attestation pour Pôle emploi conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du délai de 30 jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

– ordonner la capitalisation des intérêts ;

– condamner la société PRISMA MEDIA à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 4 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société PRISMA MEDIA demande à la cour de :

1°) à titre principal, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] de ses demandes et pour le surplus, statuant à nouveau, condamner la société PRISMA MEDIA à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

2°) à titre subsidiaire et dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande de requalification de son contrat de prestations de service en contrat de travail,

– Sur la rémunération moyenne mensuelle brute de Mme [U] :

* retenir une rémunération mensuelle brute moyenne maximale de 10 500 euros,

– Sur la demande de rappel de salaire (13 ème mois) :

* constater, sur le fondement de l’article L. 3242-1 du code du travail, la prescription de cette demande pour la période antérieure au 31 juillet 2015,

* débouter Mme [U] de cette demande au titre de l’année 2018 en raison de son absence à la date de son versement,

* limiter en conséquence toute éventuelle condamnation à ce titre à la somme totale de 26 250 euros brut, outre 2 625 euros au titre des congés payés afférents ;

– Sur le préavis :

* constater que Mme [U] a déjà bénéficié d’une période de préavis payée de 6 mois jusqu’au 28 février 2018,

* la débouter en conséquence et en toute hypothèse de l’intégralité de cette demande infondée,

* sur le fondement de l’article L. 1234-1 du code du travail et, le cas échéant, de l’article 46 de la Convention collective des journalistes, qui ne prévoient une durée de préavis que de 2 mois pour un salarié de plus de 2 ans d’ancienneté, condamner Mme [U] à rembourser la somme de 42 000 euros indûment perçue ;

– Sur l’indemnité de licenciement :

* dire et juger en toute hypothèse que Mme [U] n’avait pas le statut de journaliste professionnel et que la convention collective des journalistes ne trouvait pas à s’appliquer,

* limiter en conséquence et par application de l’article R. 1234-2 du code du travail, la condamnation à ce titre à la somme maximale brute de 23 625 euros,

* le cas échéant et en cas d’application de la convention collective des journalistes, limiter la condamnation à ce titre à la somme maximale brute de 102 375 euros ;

– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

* en l’absence de tout préjudice justifié, limiter en tout état de cause toute condamnation à ce titre à la somme de 62 000 euros représentant 6 mois de salaire ;

– Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

* débouter Mme [U] de cette demande en l’absence de toute intention de dissimulation,

* le cas échéant, limiter toute condamnation à ce titre à hauteur de 6 mois de salaire, conformément aux dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail ;

– Sur la demande de régularisation de cotisations auprès des organismes sociaux :

* vues les dispositions de l’article 901 du code de procédure civile et la déclaration d’appel de Mme [U], constater que cette demande est irrecevable en l’absence d’appel à l’encontre du jugement du 26 février 2021 sur ce point,

* constater à titre subsidiaire que cette demande est irrecevable pour la période antérieure au 31 juillet 2015 car prescrite sur le fondement de l’article L. 3245-1 du code du travail,

* dire et juger le cas échéant que les cotisations sociales salariales devront être précomptées des sommes brutes déjà versées et être, par conséquent, mises à la charge de Mme [U].

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 29 novembre 2022.

SUR CE :

Sur la présomption de salariat de journaliste professionnel :

Considérant que Mme [U] soutient à titre principal qu’elle doit bénéficier de la présomption de salariat des journalistes professionnels aux motifs qu’elle accomplissait essentiellement au sein de la rédaction du magazine ‘Gala’, sous le titre de ‘directrice mode’, des tâches de coordination hebdomadaire des activités de création et de production des pages consacrées à la mode, ce qui l’amenait à réaliser elle-même la majorité des reportages de mode publiés dans ce magazine ; qu’elle fait valoir qu’elle apportait ainsi une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs, et ce sous l’autorité du rédacteur en chef ; qu’elle ajoute qu’elle en tirait l’essentiel de ses revenus et les tâches de conseil et de représentation du magazine prévues par le contrat de prestation de services et son avenant n’étaient qu’accessoires ;

Que la société PRISMA MEDIA soutient que l’activité de Mme [U] consistait essentiellement en du conseil et de la représentation du service mode du magazine Gala ; qu’elle ajoute que les autres missions de Mme [U] consistaient à coordonner les activités de création et de production des pages mode et beauté du magazine Gala, à superviser les productions, à vérifier l’aspect visuel rédactionnel, à identifier les tendances et les nouveaux talents, à organiser des réunions pour déterminer le ton des pages mode et en préparer le contenu ; que c’est dans le cadre de cette mission de coordination des activités de création et de production des pages mode et beauté, qui se distingue de tout travail rédactionnel ou informatif, que Mme [U] était amenée à apparaître, dans les publications, comme ‘réalisatrice’ des sujets modes du magazine ; qu’il s’agissait là d’une mission parmi d’autres de Mme [U] et certainement pas la principale ; qu’elle conclut que Mme [U] n’avait pas une activité journalistique en l’absence de collaboration intellectuelle et personnelle en vue de l’information des lecteurs ; qu’elle ajoute que Mme [U] ne démontre pas qu’elle tirait le principal de ses ressources de l’activité journalistique revendiquée ; qu’elle ne peut donc invoquer la présomption de salariat des journalistes professionnels ;

Considérant en premier lieu qu’aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; qu’aux termes de l’article L. 7112-1 du même code, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail et cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ; que sont considérés comme journalistes professionnels ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs, peu important qu’une carte professionnelle leur ait été remise ;

Qu’en l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées par Mme [U], et notamment des nombreux numéros du magazine hebdomadaire ‘Gala’, d’attestations précises et détaillées d’anciens salariés de la rédaction du magazine et d’échanges de courriels, que Mme [U] avait pour tâche essentielle de réaliser chaque semaine les reportages relatifs à la mode publiés dans ce magazine en choisissant, sous la direction du rédacteur en chef, les thèmes du reportage et les vêtements présentés, les photographes, les mannequins et les différents intervenants ainsi que les lieux de tournage, en dirigeant les prises de vue, en sélectionnant les photographies à publier et en procédant à leur mise en page, en écrivant des articles et en vérifiant les bons à tirer avant publication ; qu’elle dirigeait et supervisait également l’activité de journalistes réalisant des reportages dans ce domaine de la mode ; qu’elle était à ce titre désignée comme ‘directrice mode’ dans l’ours du magazine ; que Mme [U] apportait ainsi une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs ;

Que par ailleurs, il ressort des déclarations de revenus versées par Mme [U] sur la période en cause qu’elle tirait le principal de ses ressources des sommes versées à un rythme mensuel par la société PRISMA MEDIA ;

Qu’en conséquence, Mme [U] est fondée à invoquer le statut de journaliste professionnel vis-à-vis de la société PRISMA MEDIA et la présomption subséquente de salariat dans la relation contractuelle ;

Que pour sa part, la société PRISMA MEDIA se borne à se référer aux termes du contrat conclu le 18 février 2009 et son avenant ainsi qu’à une attestation du rédacteur en chef du magazine Gala indiquant de manière très imprécise que le rôle de Mme [U] consistait surtout ‘en des missions de représentation, de shooting photo et de conseil à la direction artistique du magazine’ ; que ce faisant, elle ne renverse pas la présomption de salariat mentionnée ci-dessus ;

Qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de requalifier la relation contractuelle entre Mme [U] et la société PRISMA MEDIA en un contrat de travail ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur le rappel de treizième mois pour la période de 2015 au 28 février 2018 :

Considérant qu’aux termes de l’article 25 de la convention collective national des journalistes : ‘A la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre. /Pour les collaborateurs employés à titre occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra à 1/12 des salaires perçus au cours de l’année civile ; il sera versé dans le courant du mois de janvier de l’année suivante. / En cas de licenciement ou de démission en cours d’année, il sera versé au titre de ce salaire, dit ” mois double ” ou ” treizième mois “, un nombre de 1/12 égal au nombre de mois passés dans l’entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu. (…)’ ;

Qu’aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail : ‘L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat’ ;

Qu’aux termes de l’article L. 7113-3 du même code : ‘Lorsque le travail du journaliste professionnel donne lieu à publication dans les conditions définies à l’article L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle, la rémunération qu’il perçoit est un salaire’ ;

Qu’en l’espèce, il y a lieu tout d’abord lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société PRISMA MEDIA pour le rappel de treizième mois afférent à l’année 2015, puisque, ainsi que le prévoit l’article 25 de la convention collective mentionné ci-dessus, le treizième mois est calculé sur le salaire du mois de décembre de l’année en cours et que la créance salariale en litige est donc née postérieurement au 30 juillet 2015 ;

Que s’agissant ensuite du montant du rappel de salaire, il ressort de l’avenant à effet au 1er mars 2015 que la rémunération mensuelle de Mme [U] a été abaissée à 10 500 euros hors-taxes et qu’une somme de 2 000 euros hors-taxe mensuels a été par ailleurs prévue, sur présentation de factures, comme paiement de droits d’auteurs ; qu’eu égard toutefois à la reconnaissance du statut de journaliste professionnel salarié, ainsi que mentionné ci-dessus, ces droits d’auteurs doivent être considérés comme un salaire ; que Mme [U] est ainsi fondée à invoquer un salaire mensuel de 12 500 euros brut sur la période en cause ;

Que dans ces conditions, il y a lieu d’allouer à Mme [U] une somme de 39 583,33 euros brut à titre de rappel de treizième mois, outre 3 958,33 euros brut au titre des congés payés afférents ;

Que le jugement attaqué sera infirmé sur ce point ;

Sur la rupture du contrat et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Considérant en l’espèce, que la lettre de rupture de la relation contractuelle en date du 25 août 2017 notifiée par la société PRISMA MEDIA qui est fondée de manière erronée, eu égard à la requalification en contrat de travail mentionnée ci-dessus, sur la résiliation d’un contrat de prestation de services s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcé à cette date ;

Que Mme [U] est donc fondée à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ; qu’eu égard à son âge (né en 1956), à sa rémunération mensuelle de 12 500 euros brut, à son ancienneté de huit années au moment du licenciement, à l’absence d’éléments sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement, il y a lieu d’allouer à Mme [U] une somme de 95 000 euros ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement :

Considérant qu’eu égard à la rémunération moyenne mensuelle de Mme [U] qui s’élève à 12 500 euros brut et à son statut de journaliste professionnel, ainsi qu’il est dit ci-dessus, il y a lieu d’allouer une somme de 121 875,03 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 7112-2 du code du travail : ‘Dans les entreprises de journaux et périodiques, en cas de rupture par l’une ou l’autre des parties du contrat de travail à durée indéterminée d’un journaliste professionnel, la durée du préavis, sous réserve du 3° de l’article L. 7112-5, est fixée à :

1° Un mois pour une ancienneté inférieure ou égale à trois ans ;

2° Deux mois pour une ancienneté supérieure à trois ans’ ;

Qu’aux termes de l’article 1302 du code civil : ‘Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. / La restitution n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées’ ;

Qu’en l’espèce, eu égard à la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, ainsi qu’il est dit ci-dessus, et eu égard à son ancienneté supérieure à trois ans, Mme [U] est fondée à invoquer le bénéfice d’un préavis de deux mois ;

Que toutefois, il ressort de la lettre de rupture du 22 novembre 2017, que Mme [U] invoque à titre de lettre de licenciement, ainsi que des débats, qu’un préavis de rupture de six mois a été octroyé par la société PRISMA MEDIA et lui a été payé ;

Que Mme [U] n’est donc pas fondée à réclamer une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, ayant déjà été rempli de ses droits à ce titre ; que le débouté de cette demande sera confirmé ;

Que par ailleurs, la société PRISMA MEDIA est fondée à réclamer une erreur dans la durée de préavis et le remboursement par Mme [U] des sommes versées au titre d’un préavis supérieur à deux mois, en invoquant la restitution d’un indu ; que Mme [U] sera ainsi condamnée à rembourser une somme de 42 000 euros à ce titre ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

Considérant qu’aux termes de l’article L.8221-5 du code du travail, ‘est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ‘;

Qu’en l’espèce, Mme [U] n’établit ni même n’allègue un élément intentionnel dans la soustraction de la société intimée aux obligations énumérées à l’article L. 8221-5 du code du travail mentionné ci-dessus ;

Que le débouté de cette demande sera donc confirmé ;

Sur la régularisation par la société PRISMA MEDIA des cotisations auprès des organismes sociaux :

Considérant qu’en premier lieu, sur les conséquences de l’absence de demande d’infirmation dans la déclaration d’appel du débouté de la demande de régularisation des cotisations, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 562, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; que cette demande de régularisation est la conséquence du chef du jugement relatif à la reconnaissance de la qualité de salariée, dont Mme [U] demande l’infirmation ; qu’aucune ‘irrecevabilité’ ne peut donc être soulevée par la société PRISMA MEDIA à ce titre ;

Qu’en deuxième lieu, la société PRISMA MEDIA ne peut utilement invoquer la prescription de la demande en invoquant les dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail relatives aux demandes salariales, lesquelles ne sont pas applicables à cette demande de paiement par l’employeur de cotisations sociales ;

Qu’en troisième lieu, eu égard à la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, il y a lieu d’ordonner à la société PRISMA MEDIA de payer aux organismes sociaux les cotisations sur les salaires versés à Mme [U] depuis le 1er mars 2009, étant précisé que ces sommes s’analysent en des sommes exprimées en brut, sur lesquelles seront effectuées les précomptes, ainsi que cette dernière l’admet elle-même dans ses conclusions en page 20 ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Que toutefois, une astreinte n’étant pas nécessaire à ce titre, le débouté de cette demande sera confirmé ;

Sur la remise de bulletins de salaire et de documents sociaux :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’ordonner à la société PRISMA MEDIA de remettre à Mme [U] des bulletins de salaire, une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Que toutefois, une astreinte n’étant pas nécessaire à ce titre, le débouté de cette demande sera confirmé ;

Sur les intérêts légaux et la capitalisation :

Considérant qu’il y lieu de rappeler que les sommes allouées ci-dessus à Mme [U] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du jugement en ce qui concerne la créance de nature indemnitaire ;

Que la capitalisation des intérêts légaux sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il statue sur ces deux points ; que la société PRISMA MEDIA sera condamnée à payer à Mme [U] une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il statue sur les demandes d’astreinte et déboute Mme [J] [U] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société PRISMA MEDIA,

Dit que Mme [J] [U] a le statut de journaliste professionnel,

Dit que Mme [J] [U] a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la société PRISMA MEDIA à compter du 1er mars 2009,

Dit que le licenciement de Mme [J] [U] par la société PRISMA MEDIA prononcé le 25 août 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société PRISMA MEDIA à payer à Mme [J] [U] les sommes suivantes :

– 39 583,33 euros brut à titre de rappel de treizième mois pour la période de 2015 à 2018 et 3 958,33 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– 121 875,03 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 95 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les sommes allouées ci-dessus à Mme [J] [U] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par la société PRISMA MEDIA de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du jugement en ce qui concerne la créance de nature indemnitaire,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société PRISMA MEDIA de remettre à Mme [J] [U] des bulletins de salaire, une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt,

Ordonne à la société PRISMA MEDIA de payer aux organismes sociaux les cotisations sur les salaires versés en brut à Mme [J] [U] depuis le 1er mars 2009,

Condamne Mme [J] [U] à payer à la société PRISMA MEDIA une somme de 42 000 euros à titre de restitution d’un indu d’indemnité compensatrice de préavis,

Condamne la société PRISMA MEDIA à payer à Mme [J] [U] une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société PRISMA MEDIA aux dépens de première instance et d’appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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