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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 10 Février 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/08914 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6D2P
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/00371
APPELANTE
Société [16] venant aux droits de la Société [15]
[Adresse 9]
[Localité 12]
représentée par Me Laura GUILLOTON, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
URSSAF PARIS – ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 17]
[Localité 13]
représentée par Mme [R] [D] en vertu d’un pouvoir général
PARTIES INTERVENANTES
Monsieur [N] [A]
[Adresse 2]
[Localité 11],
comparant en personne
Monsieur [H] [B]
[Adresse 3]
[Localité 10],
non comparant, non représenté
Monsieur [C] [S]
[Adresse 4]
[Localité 13],
comparant en personne
Madame [U] [I]
[Adresse 6]
[Localité 5],
non comparante, non représentée
Madame [M] [O]
[Adresse 1]
[Localité 8],
non comparante, non représentée
Monsieur [E] [X]
[Adresse 14]
[Localité 7]
comparant en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRÊT :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 13 janvier 2023 et prorogé au 10 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la société [15] aux droits de laquelle est venue la société [16] d’un jugement rendu le 9 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l’opposant à l’Urssaf d’Ile de France.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que suite à un contrôle de vérification de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, l’Urssaf d’Ile de France (l’Urssaf) a notifié le 4 novembre 2016 à société [15] aux droits de laquelle vient la société [16] (la société) par une lettre d’observations un rappel de cotisations et contributions sociales pour la somme de 48 163 euros correspondant à 4 chefs de redressement ; que l’Urssaf a délivré le 21 novembre 2016 une mise en demeure invitant la société à régler les cotisations redressées (48161 euros), augmentées des majorations de retard provisoires ( 7 063 euros)’; qu’après avoir saisi en vain la commission de recours amiable de sa contestation des chefs de redressement n°3 «’taux réduits artistes du spectacle-voix off » et n°4 « frais professionnel – déduction forfaitaire spécifique – conditions d’accès aux artistes du spectable : voix off », la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny , lequel par jugement du 18 juin 2018 , a :
– déclaré le recours de la société recevable,
– condamné la société à payer à l’Urssaf la somme de 12 186 euros s’agissant du chef n°3 et la somme de 8 866 euros s’agissant du chef n°4,
– constaté qu’aucune demande n’était formée à l’encontre de la maison des artistes et l’a mise hors de cause.
Le jugement lui ayant été notifié le 20 juin 2018, la société [15] en a interjeté appel le 18 juillet 2018.
A l’audience du 24 mars 2022 à laquelle l’affaire a été appelée la première fois, la cour a indiqué que les travailleurs pour lesquels l’organisme de sécurité sociale contestait la mise en oeuvre du taux réduit de cotisations et contributions sociales applicables aux artistes du spectacle devaient attraits dans la cause et l’affaire a été renvoyée à cet effet au 17 novembre 2022.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société [16] qui vient aux droits de [15] demande à la cour de :
– déclarer son recours recevable et bien fondé,
– infirmer le jugement déféré,
– ordonner l’annulation du redressement notifié par l’Urssaf à la société pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 en tous ses fondements,
– condamner l’Urssaf au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par observations orales formulées à l’audience par son représentant, l’Urssaf sollicite la confirmation du jugement déféré.
M. [X], M. [A] et M. [S] mis en cause en qualité d’assuré sociaux, indiquent chacun qu’ils exercent la profession de comédien et qu’ils relèvent du régime des intermittents du spectacle. Ils exposent que le travail effectué en qualité de voix off sur des bandes annonces ou des bandes publicitaires correspond à un travail artistique puisqu’il nécessite une interprétation en fonction du média pour lequel il est exécuté. Ils soulignent que la question de leur qualité d’artiste dans le travail de voix off ne serait pas posée par l’Urssaf s’ils étaient des comédiens de plus grand renom, auxquels l’organisme de sécurité sociale ne dénierait pas cette qualité au motif qu’ils fournissent uniquement une prestation de voix off.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l’audience.
SUR CE, LA COUR
Les deux chefs de redressement critiqué sont fondés sur le refus par l’Urssaf de reconnaître la qualité d’artistes du spectacle aux salariés lorsqu’ils exécutent une prestation dans le cadre d’une voix off pour une bande annonce ou une annonce publicitaire.
1. Sur le chef de redressement n°3 relatif « taux réduit de cotisations pour les artistes du spectacle »
L’arrêté du 24 décembre 1975 modifié par l’arrêté du 12 décembre 2006 réduit les taux de cotisations applicables pour l’emploi d’artistes du spectacle. L’Urssaf a considéré l’emploi de salariés pour des prestations de voix off sur des bandes annonces ou des annonces publicitaires ne comprenait pas la création ou l’interprétation d’oeuvre d’art, en soutenant que la lecture de bandes annonces n’engendre pas une interprétation originale qui puisse être considérée comme l’expression d’un talent spécifique.
La société conteste ces affirmations et fait valoir qu’elle emploie des comédiens de profession pour exécuter ces prestations de voix off et qu’ils procèdent à cette occasion à une interprétation du message qu’ils énoncent.
Par ailleurs, entendus à l’audience, les salariés font valoir qu’ils exercent la profession de comédiens et que la prestation de voix off fait partie de leur travail artistique.
L’article L.7121-2 du code du travail dispose :
« Sont considérés comme artistes du spectacle, notamment:
1° L’artiste lyrique ;
2° L’artiste dramatique;
3° L’artiste chorégraphique;
4°L’artiste de variétés;
5°Le musicien;
6°Le chansonnier;
7° L’artiste de complément;
8°Le chef d’orchestre;
9°L’arrangeur-orchestrateur;
10° Le metteur en scène, le réalisateur et le chorégraphe, pour l’exécution matérielle de leur conception artistique;
11°L’artiste de cirque;
12° Le marionnettiste;
13°Les personnes dont l’activité est reconnue comme un métier d’artiste-interprète par les conventions collectives du spectacle vivant étendues.»
La jurisprudence est venue préciser que cette liste n’était pas exhaustive. Si l’Urssaf fait valoir que la qualité d’artiste de spectacle ne peut être retenue pour un prestation de voix off, elle procède par pétition de principe, s’appuyant semble-il sur le fait que les prestations sont exécutées dans le cadre de bande annonce ou de publicité. Mais la nature de ce type de message n’est pas exclusive d’une interprétation de la part de celui qui l’énonce, la participation artistique n’impliquant pas nécessairement l’originalité et l’intimée ne pouvant sérieusement soutenir que les intéressés ne se livraient pas, par la voix à un jeu de scène impliquant une interprétation personnelle.
Dès lors, l’organisme de sécurité sociale n’était pas fondée à refuser l’application du taux réduit de cotisations et contributions sociales. Le chef de redressement n°3 de la lettre d’observations du 4 novembre 2016 sera annulé.
2. Sur le chef de redressement n°4 relatif aux « frais professionnels -déduction forfaitaire spécifique- conditions d’accès aux artistes du spectacle – voix off »
En application de l ‘article L.242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations, à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels lorsqu’elles respectent les conditions et les limites fixées par un arrêté ministériel.
Les professions listées à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000 peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique en matière de frais professionnels et il résulte de ce texte que les rémunérations versées aux artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques ou chorégraphiques bénéficient d’un taux de déduction forfaitaire de 25%.
L’intimée fait valoir qu’elle n’a pas admis le bénéfice de la déduction forfaitaire pour frais professionnels au bénéfice de la société au motif que les salariés effectuant des prestations de voix off n’étaient pas des artistes du spectacle. La lettre d’observations renvoie explicitement aux indications relatives au chef de redressement n°3.
Dès lors que la cour a retenu que les salariés en cause exerçaient effectivement une activité artistique de spectacle lorsqu’ils interprétaient des voix off pour une bande annonce ou une publicité, l’organisme de sécurité sociale n’est pas fondé à refuser à la société appelante le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique.
Le chef de redressement n°4 de la lettre d’observations du 4 novembre 2016 sera annulé.
La décision du premier juge doit être infirmée.
3. Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’Urssaf d’Ile de France sera condamnée à payer à la société [16] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
4. Sur les dépens
L’Urssaf d’Ile de France, succombant en cette instance, devra en supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 18 juin 2018 en ce qu’il a déclaré recevable le recours de la société [15] aux droits de laquelle vient la société [16],
INFIRME pour le surplus ;
Et statuant à nouveau ;
ANNULE le chef de redressement n°3 « Taux réduit artistes du spectacle voix off » de la lettre d’observation notifiée le 4 novembre 2016 à la société [15] aux droits de laquelle vient la société [16] pour un montant de 12 186 euros,
ANNULE le chef de redressement n° 4 « Frais professionnels-déduction forfaitaire spécifique- conditions d’accès aux artistes du spectacle-voix off » de la lettre d’observation notifiée le 4 novembre 2016 à la société [15] aux droits de laquelle vient la société [16] pour un montant de 8 866 euros,
Y ajoutant ;
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,
CONDAMNE l’Urssaf d’Ile de France à payer à la société [16] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l’Urssaf d’Ile de France à payer les dépens de l’instance.
La greffière La présidente