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à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 28 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/05484 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OY36
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 NOVEMBRE 2020
Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER
N° RG 20/00019
APPELANTE :
S.A.R.L. AABCG
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me François Régis VERNHET de la SELARL FRANCOIS REGIS VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMES :
Monsieur [M], [V], [Y] [X]
né le 10 Mars 1966 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Bruno GUIRAUD de la SCP SPORTOUCH BRUN, GUIRAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
Madame [J] [E] [S] [W] épouse [X]
née le 23 Septembre 1944 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Bruno GUIRAUD de la SCP SPORTOUCH BRUN, GUIRAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
Ordonnance de clôture du 23 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
[M] [N] et [J] [W], épouse [N], sont propriétaires indivis de locaux commerciaux situés [Adresse 6], donnés à bail à la société AABCG.
Par acte extra-judiciaire du 15 février 2017, les consorts [N] ont donné congé à la société AABCG, pour la date du 14 décembre 2017, avec offre de renouvellement, moyennant un loyer annuel de 20 000 euros hors taxe et hors charges.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 décembre 2017, les consorts [N] ont notifié à la société AABCG un mémoire préalable en fixation du loyer du bail renouvelé.
Aucun accord n’étant intervenu entre les parties, les consorts [N] ont saisi le juge des loyers commerciaux suivant acte d’huissier du 3 mai 2018.
Par jugement du 5 février 2019, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Montpellier a, avant dire droit sur le montant du loyer du bail renouvelé, ordonné une expertise, confiée à [R] [C], lequel a déposé son rapport le 6 mars 2020.
Le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Montpellier énonce dans son dispositif :
Déclare l’action recevable ;
Fixe le montant du loyer du bail renouvelé liant les consorts [N] à la société AABCG à la somme annuelle hors taxe et hors charges de 21 000 euros (vingt-et-un mille euros) ;
Dit que l’augmentation du loyer jusqu’au montant ainsi fixé s’opérera par paliers annuels de 10 % à compter du 15 décembre 2017, en application des dispositions de l’article L.145-34 in fine du code de commerce ;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société AABCG à payer aux consorts [N] la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société AABCG aux dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire mais pas les frais d’acte d’huissier du 15 février 2017 (congé avec offre de renouvellement) ;
Ordonne l’exécution provisoire.
Au visa des articles L.145-33 et L.133-34 du code de commerce, le juge des loyers commerciaux a retenu que le bail ayant eu une durée supérieure à 12 ans, le déplafonnement était acquis et qu’il y avait donc lieu de déterminer la valeur locative des lieux donnés à bail en fonction des éléments mentionnés au 1° au 4° de l’article L.145-33 du code de commerce.
S’agissant des caractéristiques du local, le premier juge a relevé du rapport de l’expert judiciaire que le local faisait l’angle entre la [Adresse 6], que l’accès de la clientèle se faisait par la [Adresse 6], qu’il était aisé sauf pour les personnes à mobilité réduite, que le local était en bon état.
Les points positifs relevés par l’expert étaient la visibilité commerciale, la situation en angle et la rue comportant de nombreux commerces. Les points négatifs étaient l’angle d’un plafond en mauvais état, l’état moyen de la cave servant de débarras et la forme du local, tout en longueur et étroit. L’expert notait que l’activité exercée par le preneur était en adéquation avec les types de commerces se trouvant dans la [Adresse 6].
S’agissant de l’emplacement des locaux, l’expert notait qu’ils se situaient dans une rue piétonne du centre historique de [Localité 5], affichant une commercialité secondaire à proximité d’axes commerciaux majeurs, notamment la [Adresse 7] qui comptait des enseignes haut de gamme et de nombreuses boutiques de bon standing, des restaurants, des salons de thé… contribuant à son bon dynamisme commercial. La place de la Comédie et sa station de tramway se situaient à environ dix minutes à pied. La place de la Canourgue, lieu animé du centre ville, se trouvait à quelques pas.
L’expert indiquait que sur la durée du bail, jusqu’au 15 décembre 2017, date du renouvellement, une évolution positive des acteurs locaux de commercialité était à souligner. A titre informatif, l’expert expliquait que le local loué se situait dans le périmètre du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) et dans un périmètre de protection des monuments historiques. Le quartier, héritage historique, artistique et architectural, qui possédait une attractivité commerciale et touristique importante, faisait l’objet d’un soin particulier de mise en valeur.
Concernant la pondération des surfaces, l’expert, appliquant la méthode préconisée par la charte de l’expertise en évaluation immobilière, retenait finalement une surface pondérée de 82,69 m2, arrondie à 83 m2. Ce calcul n’était pas critiqué.
S’agissant des éléments de comparaison, l’expert a retenu huit références sur des axes présentant des caractéristiques proches de celui du bien expertisé. Il en ressortait une fourchette de valeurs locatives annuelles au m2 variant de 134 euros à 429 euros et une moyenne à 265 euros/m2/an (page 39 du rapport d’expertise).
L’expert retenait au final une valeur locative de 21 995 euros/an (83 m2 x 265 euros), ramenée à 21 000 euros/an pour tenir compte des faiblesses du local, outre la destination des lieux loués, contractuellement limitée et les restrictions résultant du règlement de copropriété.
Le juge des loyers commerciaux a fait siennes les observations de l’expert judiciaire en réponse au dire du preneur concernant les références de comparaison retenues. Les objections développées par la société AABCG ont été écartées au vu des informations et analyses contenues dans le rapport, qui ont été considérées comme détaillées, complètes et argumentées.
En considération de l’ensemble de ces éléments, le premier juge a retenu la valeur unitaire locative telle que déterminée par l’expert, pour fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 21 000 euros/an, hors charges et hors taxe.
La société AABCG a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 3 décembre 2020.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 23 janvier 2023.
Les dernières écritures pour la société AABCG ont été déposées le 3 février 2021.
Les dernières écritures pour les consorts [N] ont été déposées le 30 avril 2021.
Le dispositif des écritures pour la société AABCG énonce, en ses seules prétentions :
Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le juge des loyers commerciaux près le tribunal judiciaire de Montpellier ;
Fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 5 966,64 euros ;
Subsidiairement,
Fixer le montant du loyer à 110 euros le m2 pour 83 m2 de surface pondérée, soit un loyer renouvelé de 9 130 euros ;
Confirmer dans ce cas le jugement rendu le 3 novembre 2020 en ce qu’il a ordonné le lissage conformément à l’article L.145-34 du code de commerce ;
Condamner les consorts [X] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Les condamner aux entiers dépens.
Sur le déplafonnement, la société AABCG entend rappeler que par acte du 9 juin 2008, les consorts [X] lui ont délivré un congé avec offre de renouvellement, qu’à la suite, il y a bien eu renouvellement d’un nouveau bail pour une durée de neuf ans à compter du 15 décembre 2008, qui s’est fait au prix ancien compte tenu du fait que les bailleurs ont laissé prescrire leur action en augmentation de prix, que c’est pour cela qu’ils ont fait délivrer un congé avec offre de renouvellement pour le 15 décembre 2017, soit exactement neuf ans après le début du bail renouvelé.
L’appelant en conclut que, le bail n’ayant pas duré plus de neuf ans, le plafonnement est applicable, qu’ainsi, le nouveau loyer à compter du 15 décembre 2017 doit s’établir à la somme de 5 966,64 euros, comme l’expert l’a déterminé à la page 39 de son rapport.
Sur l’évolution des facteurs locaux de commercialité, la société AABCG demande à la cour de constater qu’il n’est rapporté aucune preuve de la modification matérielle et encore moins que celle-ci aurait entraîné une variation de plus de 10% de la valeur locative.
Subsidiairement, si la cour devait estimer qu’il était établi une telle évolution, la société AABCG estime que le chiffre retenu par le premier juge n’est pas fondé, notamment parce que les bailleurs ne rapportent nullement la preuve des prix couramment pratiqués par le voisinage.
Le dispositif des écritures pour les consorts [X] énonce :
Rejeter l’appel de la société AABCG comme injuste et mal fondé ;
Débouter la société AABCG de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Condamner la société AABCG au paiement de la somme de 2 500 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ceux compris les frais d’expertise judiciaire.
Les consorts [X] n’apportent pas réplique au moyen de l’absence de déplafonnement du loyer et demandent la confirmation du jugement entrepris pour les motifs retenus par le premier juge.
MOTIFS
1. Sur le déplafonnement du loyer commercial
Les dispositions de l’article L.145-34 du code de commerce, qui organise le plafonnement, ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En l’espèce, la société AABCG justifie de ce que par acte du 9 juin 2008, les consorts [X] lui ont délivré un congé avec offre de renouvellement, pour une durée de neuf ans à compter du 15 décembre 2008, de sorte que le bail en litige n’ayant pas excédé douze ans et en l’absence de toute démonstration d’une évolution notable des facteurs locaux de commercialité, il n’y pas pas lieu à déplafonnement.
2. Sur la fixation du loyer du bail renouvelé
En page 39 de son rapport, l’expert judiciaire a indiqué qu’en considération de l’évolution théorique des révisions des loyers depuis le bail de 2001, il ressortait un loyer actualisé en 2017, de 5 960,04 euros hors taxe, ce qui est repris et non contesté par les consorts [X].
En conséquence, le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Montpellier sera infirmé en toutes ses dispositions et il sera fait droit à la demande de la société AABCG, de voir le loyer du bail renouvelé fixé à la somme de 5 966,64 euros.
3. Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera également infirmé en ce qui concerne les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [X] seront condamnés aux dépens de l’instance.
Les consorts [X] seront en outre condamnés à payer à la société AABCG la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
INFIRME le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Montpellier, en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
FIXE le loyer du bail renouvelé à la somme de 5 966,64 euros ;
CONDAMNE [M] [N] et [J] [W], épouse [N], à payer à la société AABCG la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés en appel ;
CONDAMNE [M] [N] et [J] [W], épouse [N], aux dépens de l’instance.
Le Greffier Le Président