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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUIN 2023
N° RG 22/00370
N° Portalis DBV3-V-B7G-U7WR
AFFAIRE :
[W] [E]
C/
Association L’ECOLE DE DANSE DU [Localité 3]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES
N° Section : AD
N° RG : F 20/00077
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la SELARL LMC PARTENAIRES
la SELEURL KERVERN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [W] [E]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Gildas LE FRIEC de la SELARL LMC PARTENAIRES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 220 – N° du dossier 22.08072
Représentant : Me Tarek KORAITEM, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 305 substitué par Me Caroline TUONG
APPELANT
****************
Association L’ECOLE DE DANSE DU [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Sabine KERVERN de la SELEURL KERVERN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1078 substitué par Me JAFFRE Marion avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,
EXPOSE DU LITIGE
[W] [E] a été engagé par l’association Ecole de danse du [Localité 3], qui emploie habituellement moins de onze salariés, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs à temps partiel à compter du 4 décembre 2017 en qualité de professeur de Lyrical Dance et de Modern Jazz, puis par un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 12 septembre 2018 en qualité de professeur de Lyrical Dance, statut technicien et agent de maîtrise, niveau II, coefficient 255, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des métiers de l’éducation, de la culture, des loisirs et de l’animation agissant pour l’utilité sociale et environnementale sur les territoires.
Par lettre datée du 23 février 2019, l’employeur a notifié un avertissement au salarié, que celui-ci a contesté par lettre de son conseil datée du 28 mars 2019.
Par courriel daté du 7 juin 2019, le salarié a informé l’employeur avoir été victime d’une chute lors de son cours de danse de la veille vers 20 heures 30 et a été placé en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 7 juin 2019. A la suite de la visite de reprise le 30 juillet 2019, le médecin du travail a rendu un avis d’aptitude du salarié.
Par lettre datée du 4 juillet 2019, l’employeur a proposé au salarié une modification de son contrat de travail pour motif économique, en invoquant une baisse de 65 % des inscriptions en cours de Lyrical Jazz pour la saison à venir par rapport à la saison précédente.
Par lettre recommandée datée du 19 août 2019 présentée le 20 août 2019, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire, fixé au 29 août suivant, puis par lettre datée du 2 septembre 2019, lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Par lettre datée du 16 septembre 2019, le salarié a contesté son licenciement. Par lettre du 3 octobre 2019, l’association lui a répondu maintenir sa décision.
Le 20 janvier 2020, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles afin de contester le licenciement et d’obtenir la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et la condamnation de l’employeur à lui verser diverses indemnités et rappel de salaire tant au titre de l’exécution du contrat de travail, en invoquant notamment un harcèlement moral, qu’au titre de sa rupture.
Par jugement mis à disposition le 10 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont débouté [W] [E] de l’ensemble de ses demandes, ont condamné celui-ci aux dépens et ont débouté l’Association Ecole de danse du [Localité 3] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 8 février 2022, [W] [E] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 13 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, [W] [E] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes, et statuant à nouveau, de :
– requalifier les contrats à durée déterminée en un seul contrat à durée indéterminée et condamner l’association à lui verser les sommes suivantes :
* 3 003 euros au titre de l’indemnité de requalification,
* 8 908,90 euros au titre des rappels de salaire sur la période du 20 décembre 2017 au 7 janvier 2018 et du 1er juillet 2018 au 11 septembre 2018,
* 890,89 euros à titre d’indemnité de congés payés,
– juger que les reproches sont prescrits, subsidiairement mal fondés, que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et qu’il a été victime de harcèlement moral, et condamner l’association à lui verser les sommes suivantes :
* 3 003 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 6 006 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 376,37 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 6 006 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 600,60 euros au titre des congés payés afférents,
* 36 036 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et caractère vexatoire du licenciement,
* 36 036 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice lié à la perte d’emploi en début de saison artistique,
– ordonner à l’association de lui remettre un solde de tout compte, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, le dernier bulletin de paie, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, par document, à compter du mois suivant la signification de l’arrêt, la cour se réservant le droit de liquider l’astreinte sur simple requête,
– condamner l’association à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 23 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, l’association Ecole de danse du [Localité 3] demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter l’appelant de toutes ses demandes, à titre subsidiaire de limiter sa condamnation à 1 072,50 euros au titre de l’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, 2 598,75 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période du 1er juillet 2018 au 11 septembre 2018 à raison de 7h30 par semaine, et 259,97 euros au titre des congés payés afférents, en tout état de cause de condamner l’appelant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 18 avril 2023.
MOTIVATION
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée
Le salarié fait valoir que d’une part, le motif de conclusion des contrats à durée déterminée à compter du 4 décembre 2017 n’est justifié par aucune pièce et que par ailleurs, le motif de la prolongation du contrat à durée déterminée du 14 mars 2018 au 30 juin 2018 n’est pas valable ; que par conséquent, la requalification des contrats à dyrée déterminée en un contrat à durée indéterminée doit être ordonnée. Il réclame une indemnité de requalification et un rappel de salaire sur la période du 20 décembre au 7 janvier 2018 et du 1er juillet au 11 septembre 2018.
L’association fait valoir qu’elle justifie des motifs du recours aux contrats à durée déterminée à compter du 4 décembre 2017, qu’elle a uniquement commis une erreur matérielle quant au motif du renouvellement du troisième contrat à durée déterminée pour la période du 14 mars 2018 au 30 juin 2018, que le salarié doit être débouté de ses demandes ou qu’à tout le moins, celles-ci doivent être limitées en leurs montants.
Selon l’article L. 1242-2 du code du travail, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent notamment le remplacement d’un salarié absent.
Selon l’article L. 1242-12 du même code en son premier alinéa : ‘Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée’.
Selon l’article L. 1245-1 du même code, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.
En cas de requalification d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier.
En l’espèce, les contrats à durée déterminée conclus respectivement pour la période du 4 au 19 décembre 2017 inclus, pour celle du 8 au 9 janvier 2018, pour celle du 15 au 31 janvier 2018 inclus et pour celle du 1er mars au 13 mars 2018 inclus, ont chacun été conclus au motif du remplacement d’un salarié absent en arrêt maladie, ce dont il s’ensuit qu’ils comportent donc bien un motif prévu par les dispositions de l’article L. 1242-2 du code du travail. L’association produit des arrêts de travail pour maladie de M. [V] [X] justifiant ainsi du motif de recours à ces contrats à durée déterminée. Par ailleurs, le contrat à durée déterminée conclu pour la période du 19 janvier au 30 juin 2018 au motif du remplacement de Mme [K] [D] en congé de maternité comporte un motif prévu par les dispositions de l’article L. 1242-2 sus-cité et l’association justifie par la déclaration de grossesse et les arrêts de travail de Mme [K] [D] du motif de recours à ce contrat à durée déterminée.
En revanche, le contrat de prolongation du contrat à durée déterminée pour une nouvelle période du 14 mars au 30 juin 2018 mentionne comme motif : ‘suite au départ du professeur titulaire’, ce qui ne constitue pas un des motifs limitativement énumérés par l’article L. 1242-2 sus-cité de recours à un contrat à durée déterminée. Il s’ensuit que ce contrat à durée déterminée encourt sa requalification en un contrat à durée indéterminée à compter du 14 mars 2018.
Le salarié a par conséquent droit à une indemnité de requalification sur le fondement de l’article L. 1245-2 du code du travail qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, celui-ci s’élevant à 3 003 euros.
L’association sera condamnée à payer au salarié la somme de 3 003 euros à titre d’indemnité de requalification.
Eu égard à la requalification en un contrat à durée indéterminée retenue, le salarié est par ailleurs fondé en sa demande de rappel de salaire sur la période comprise entre le 1er juillet 2018 et le 11 septembre 2018 pendant laquelle il s’est tenu à disposition de l’association. Cette dernière sera condamnée à lui payer les sommes de 2 598,75 euros à titre de rappel de salaire et de 259,87 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents. Le jugement sera infirmé sur ces points.
Sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement pour faute grave notifié au salarié, longue de cinq pages, signée par [U] [M], présidente de l’association, pour le conseil d’administration, mentionne en substance les faits suivants :
1°- des méthodes pédagogiques mettant en danger le bien-être physique et psychique des élèves, en se référant à un mail d’une mère d’élève reçu le 5 juillet 2018 informant l’école de pressions physiques et d’un harcèlement psychologique subi par sa fille avec le reste du groupe de la part du salarié, comportement ayant perduré malgré l’avertissement notifié le 23 février 2019, à l’origine d’une baisse des inscriptions pour l’année 2019-2020 ;
2°- une insubordination, en n’effectuant pas ses tâches ou en les réalisant après de nombreuses relances et sans respect des délais fixés, comportement ayant perduré après l’avertissement du 23 février 2019, avec des constats posés lors du conseil d’administration du 22 juin 2019 ;
3°- un dénigrement de la direction et de l’école auprès d’adhérents, en se référant notamment à un courriel d’une adhérente du 12 juillet 2019 et à des plaintes d’adhérents après le gala.
Sur la prescription des faits
Le salarié fait valoir que les faits sont prescrits.
L’association ne répond pas à ce moyen dans ses écritures.
Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
S’agissant des faits mentionnés en 1°, la lettre de licenciement se réfère explicitement à une alerte reçue le 5 juillet 2019 d’une mère d’élève dénonçant une pression psychologique et un harcèlement psychologique subie par sa fille avec le reste du groupe de la part du salarié, et indique avoir pris le temps de vérifier ces dires auprès d’autres personnes. Il s’ensuit que ces faits portés à la connaissance de l’association pour la première fois moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement le 19 août 2019, ne sont pas prescrits.
S’agissant des faits mentionnés au 2°, la lettre de licenciement reproche au salarié d’avoir continué de refuser de prendre en charge une partie des missions qui lui incombaient, en se référant à l’organisation et la préparation du gala de fin d’année, en particulier aux constats exposés lors du conseil d’administration de l’association du 22 juin 2019. Il s’ensuit que les faits portés à la connaissance de l’association dans toute leur ampleur le 22 juin 2019, soit moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement le 19 août 2019 ne sont pas prescrits.
S’agissant des faits mentionnés au 3°, la lettre de licenciement se réfère expressément à un mail d’une des adhérentes du 12 juillet 2019 alertant l’association du comportement qualifié de ‘déloyauté’ de la part du salarié, ce dont il s’ensuit que ces faits portés à la connaissance de l’association pour la première fois moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement le 19 août 2019 ne sont pas prescrits.
Le moyen tiré de la prescription n’est pas fondé.
Sur le bien-fondé du licenciement
Contestant l’ensemble des faits qui lui sont reprochés, le salarié fait valoir que les faits ne sont pas établis et que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
L’association conclut au bien-fondé du licenciement pour faute grave.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La charge de la preuve de cette faute incombe à l’employeur qui l’invoque.
La cour relève en premier lieu que l’avertissement notifié au salarié le 23 février 2019 a sanctionné des faits qualifiés d’insubordination en se référant à un refus de remplir une partie de ses fonctions concernant en particulier l’organisation et la préparation du gala de fin d’année et la réception et la vérification des costumes et en visant notamment le fait de remettre en cause la direction de l’école de danse durant un de ses cours, ainsi qu’à des alertes de certains parents de ses élèves relatives à l’exercice de pressions physiques sur les élèves n’arrivant pas à effectuer la position de grand écart et à la tenue de propos désobligeants voire humiliants en comparant et opposant les élèves.
S’agissant des faits mentionnés au 1°
Au soutien de ce grief, l’association produit un écrit dactylographié signé par [J] [G], daté du 4 juillet 2019, mettant en cause le comportement du salarié dans le cadre des cours qu’il dispense, estimant que sa fille [B] ‘et le reste du groupe’ ont subi ‘une pression psychologique et un harcèlement psychologique’ en indiquant notamment que le professeur s’assiérait sur le corps des enfants lors des étirements de type grand écart, qui est rédigé en des termes vagues et généraux sans se référer à aucun fait précis et daté imputable au salarié, ainsi que deux clichés photographiques non datés sans aucune précision sur les circonstances de leurs prises. Ces pièces sont insuffisantes à établir et imputer au salarié les griefs qui lui sont reprochés.
Les autres pièces produites par l’association sont en lien avec les faits sanctionnés par l’avertissement du 23 février 2019.
L’association ne produit pas d’élément de fait concret permettant d’imputer de manière certaine au salarié la baisse des inscriptions pour l’année 2019-2020 aux cours de Lyrical Jazz, de nombreux autres facteurs étant susceptibles d’entrer en considération pour expliquer cette baisse.
La matérialité des faits visés au 1° n’est pas établie.
S’agissant des faits mentionnés au 2°
Force est de constater qu’aucune directive ou relance écrites du salarié relatives à des tâches qu’il n’aurait pas accomplies ou réalisées avec retard ne sont produites aux débats.
Par ailleurs, au regard en particulier de l’accident du travail dont le salarié a été victime le 6 juin 2019 et de l’arrêt de travail qui s’en est suivi jusqu’à la visite de reprise du 30 juillet 2019 ayant entraîné la suspension de l’exécution du contrat de travail ayant pour origine l’accident du travail, les reproches en lien avec l’organisation et la préparation du gala de fin d’année, qui s’est tenu le 15 juin 2019, ne sont pas fondés.
En outre, le reproche tiré du refus de prendre en charge la gestion des costumes du gala se rapporte à certains faits déjà sanctionnés dans le cadre de l’avertissement et pour les autres faits, n’est pas matériellement établi par des pièces se référant à des agissements du salarié précis et datés, les circonstances dans lesquelles des costumes ont été commandés en nombre trop important n’étant pas clairement imputables à un acte délibéré du salarié.
La matérialité des faits mentionnés au 2° n’est pas établie.
S’agissant des faits mentionnés au 3°
Au soutien de ce grief est produit un courriel adressé par [S] [R] le 12 juillet 2019 aux termes duquel celle-ci s’étonne auprès de [U] [M] de ce que le salarié a proposé de donner des cours gratuits à ‘[L] et à ses camarades de classe concours’, en dehors de l’école de danse, sur [Localité 4], au cours de mois de juillet puis n’en a plus parlé depuis ses arrêts de travail. Si cette proposition peut être soumise à critique au regard de l’obligation de loyauté vis-à-vis de l’employeur à laquelle le salarié était astreint, force est cependant de constater que celle-ci ne s’est pas concrétisée et que ces cours auraient concerné la période estivale pendant laquelle l’école de danse du [Localité 3] était fermée. Ce grief doit donc être relativisé dans son importance et ne constitue en tout état de cause pas un motif sérieux de licenciement.
S’agissant des critiques émises par le salarié auprès de plusieurs adhérents quant à l’organisation du gala et des difficultés qu’il rencontrait avec la direction et quant à la gestion des costumes du gala, l’association produit plusieurs écrits datés de plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, soit postérieurement au licenciement en mars 2020, rédigés en des termes vagues et généraux ne rapportant aucun propos précis et daté attribué au salarié. La matérialité de ce fait n’est pas établie.
Il résulte de tout ce qui précède que le licenciement n’est fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse.
L’association sera par conséquent condamnée à payer au salarié les sommes suivantes :
– une indemnité légale de licenciement qui sera fixée à 1 376,37 euros, somme non contestée dans son montant par l’association,
– une indemnité compensatrice de préavis qui sera fixée à 6 006 euros, et une indemnité compensatrice de congés payés afférents, demandée à hauteur d’appel, de 600,60 euros, sommes non contestées dans leurs montants par l’association.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, eu égard au salaire moyen de 3 003 euros bruts, à l’ancienneté du salarié et à l’effectif de moins de onze salariés de l’entreprise, l’association sera condamnée à payer au salarié la somme de 6 006 euros, soit deux mois de salaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suivant les termes de la demande.
Le jugement sera infirmé sur tous ces points.
Le salarié sera débouté de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement eu égard au caractère dénué de cause réelle et sérieuse du licenciement et en tout état de cause, à l’absence de démonstration d’un préjudice distinct de celui causé par la rupture du contrat de travail déjà réparé. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le harcèlement moral et le caractère vexatoire du licenciement
Le salarié expose qu’il a été victime d’agissements répétés de harcèlement moral qui ont dégradé ses conditions de travail et sollicite la condamnation de l’association au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 36 036 euros pour harcèlement moral et caractère vexatoire du licenciement.
L’association conclut au débouté de la demande du salarié en faisant valoir que celui-ci ne démontre pas la réalité des faits qu’il invoque au soutien du harcèlement moral.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Aux termes de l’article L. 1154-1 du même code : ‘Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement./ Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.
A l’appui du harcèlement moral, le salarié invoque les faits suivants :
1°- des accusations calomnieuses de vol de carte bleue de l’école au milieu d’un cours en présence des élèves avec fouille de ses affaires et un dénigrement de la part de la présidente de l’association et de sa soeur ;
2°- une scène qui s’est déroulée le 18 février 2019 au cours de laquelle la soeur de la présidente l’a attrapé violemment par le bras et l’a tenu pour lui parler ;
3°- une remise en cause de son accident du travail du 6 juin 2019.
S’agissant des faits visés au 1°, le salarié produit les témoignages directs de Mme [O] [T], mère d’une élève, de sa fille [O] [T] et de [Z] [Y], élèves du salarié, dont il ressort que le mardi 5 février 2019, [U] [M], directrice de l’école de danse, a fait irruption au milieu du cours de danse dispensé par le salarié à la recherche d’une carte bancaire et a fouillé devant les élèves dans ses affaires en l’accusant de l’avoir dérobée, celle-ci ayant finalement été retrouvée dans le bureau. Ce fait est matériellement établi.
En revanche, les pièces produites par le salarié n’établissent pas les faits de dénigrement allégué de la part de la directrice et de sa soeur, les attestations produites étant rédigées en des termes vagues et généraux en ne citant aucun propos qui aurait été tenu par la directrice et sa soeur et ne se référant à aucun fait précis et daté.
S’agissant des faits visés au 2°, [F] [H] relate avoir vu le salarié sortir de l’école en pleurs le 18 février 2019 à 16 heures alors qu’elle l’attendait dans sa voiture et avoir vu [A] [M], soeur de la directrice, l’attraper par le bras violemment et lui parler pendant dix minutes puis avoir reçu les confidences du salarié qui s’était senti agressé. Toutefois, dans sa déclaration de main-courante auprès des services de police de [Localité 5] le 19 février 2019, le salarié indique seulement que la soeur de la directrice s’est positionnée devant la porte pour l’empêcher de sortir et ne l’a pas laissé passer malgré ses demandes, sans indiquer que celle-ci l’aurait attrapé le bras. Compte-tenu des divergences existants entre les versions du salarié et du témoin, il ne peut être retenu la matérialité de ces faits.
S’agissant des faits visés au 3°, le courrier de l’association adressé à la Cpam des Yvelines le 11 juin 2019 se borne, dans le cadre de la procédure d’accident du travail du 6 juin 2019, à émettre des réserves sur l’accident du travail déclaré par le salarié eu égard au contexte de dégradation des relations de travail depuis l’avertissement notifié au mois de février 2019 et ne caractérise pas une remise en cause injustifiée de l’accident du travail.
Le seul fait établi au 1° ne suffit pas, en l’absence d’agissements répétés, à laisser supposer un harcèlement moral.
Il convient de débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral et de confirmer le jugement sur ce point.
Sur la perte d’emploi en début de saison artistique
Le salarié forme une demande de dommages et intérêts au titre de la perte d’emploi en début de saison artistique à hauteur de 36 036 euros.
Toutefois, il ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct de celui subi du fait de la perte d’emploi consécutive au licenciement injustifié, déjà réparé.
Il sera débouté de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la remise de documents
Le salarié demande en cause d’appel la condamnation de l’association à lui remettre les documents de fin de contrat sous astreinte.
Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’ordonner à l’association la remise au salarié d’une attestation destinée à Pôle emploi, d’un solde de tout compte, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire, conformes aux dispositions du présent arrêt.
Le salarié sera débouté de sa demande d’astreinte qui n’est pas nécessaire.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Eu égard à la solution du litige, le jugement sera infirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles de la procédure.
L’association sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer au salarié la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement en ce qu’il juge le licenciement fondé sur une faute grave et en ce qu’il déboute [W] [E] de ses demandes de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, d’indemnité de requalification, de rappel de salaire sur la période du 1er juillet 2018 au 11 septembre 2018, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
REQUALIFIE les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mars 2018,
DIT que le licenciement pour faute grave n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE l’association Ecole de danse du [Localité 3] à payer à [W] [E] les sommes suivantes :
* 3 003 euros à titre d’indemnité de requalification,
* 2 598,75 euros à titre de rappel de salaire sur la période comprise entre le 1er juillet 2018 et le 11 septembre 2018,
* 259,87 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,
* 1 376,37 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 6 006 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 600,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,
* 6 006 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ORDONNE à l’association Ecole de danse du [Localité 3] la remise à [W] [E] d’une attestation destinée à Pôle emploi, d’un solde de tout compte, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire, conformes aux dispositions du présent arrêt,
CONDAMNE l’association Ecole de danse du [Localité 3] aux entiers dépens,
CONDAMNE l’association Ecole de danse du [Localité 3] à payer à [W] [E] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties des autres demandes,
CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,