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Droit moral de l’Auteur : 8 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/06996

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Droit moral de l’Auteur : 8 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/06996

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 08 JUIN 2022

(n° 100/2022, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :19/06996 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7UGY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 17/03071

APPELANTS

Monsieur [B] [N]

Né le 12 juillet 1957 à [Localité 6]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Assisté de Me Sacha NAPARSTEK de la SELARL CIRCLE LAW, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [J] [K]

Né le 19 Octobre 1974 à [Localité 5]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

SUISSE

Représenté par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

Assisté de Me Damien de LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS LES EDITIONS DU GRIFFON

Immatriculée sous le numéro CHE 107 .77 8.934

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

SUISSE

Représentée par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

Assistée de Me Damien de LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

PARTIE INTERVENANTE :

Maître [P] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Es qualités de liquidateur de la société LATORCA

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 752 134 288

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de BOBIGNY du 24 mars 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Réputé contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et par Mme Karine ABELKALON, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE

La société LATORCA, créée le 15 juin 2012, se présente comme spécialisée dans l’achat, la vente et le conseil dans le domaine de l’art. Elle a été constitué par [V] [N] – fils de [B] [N] – et [J] [K].

La société de droit suisse LES EDITIONS DU GRIFFON se présente comme une maison d’édition créée en 1944 qui a d’abord eu une vocation scientifique et universitaire avant de se consacrer à l’art contemporain en éditant de nombreuses monographies d’artistes dont celles de l’artiste peintre et plasticien [D] [H] dit [O], qui lui a par ailleurs confié la réalisation de 19 portfolios et de 36 modèles de cartes postales.

[J] [K] est devenu directeur de la publication des EDITIONS DU GRIFFON en 2013.

Aux termes d’un protocole d’accord transactionnel signé le 16 janvier 2015, M. [K] a cédé l’ensemble de ses parts dans la société LATORCA à M. [V] [N].

Aux termes de ce même protocole, M. [B] [N], médecin et père de M. [V] [N], a accepté de renoncer à la créance de 180.000 euros qu’il détenait contre M. [J] [K], objet d’une reconnaissance de dette du 28 juillet 2013, en contrepartie, outre la cession de ses actions, de la transmission à son profit du stock de 737.526 planches de [D] [H], éditées par la société des EDITIONS DU GRIFFON, dont un inventaire avait été établi par Mme [X] [R], expert, le 24 juin 2014. L’exploitation et la vente de ces planches a été confiée à la société LATORCA par M. [B] [N].

Au cours du mois de novembre 2016 [I] [H], légataire universel de [D] [H] et titulaire du droit moral sur son oeuvre, a découvert que la société LATORCA commercialisait des reproductions sous la forme de posters ou héliogravures auprès de différents distributeurs professionnels et notamment de la société ROCHE BOBOIS INTERNATIONAL, qu’il a fait assigner le 20 juillet 2016 pour des faits de contrefaçon du fait de l’exploitation par celle-ci de tirages acquis auprès de la société LATORCA, avec laquelle un contrat de «distribution d’accessoires» prévoyant la distribution de reproductions d’oeuvres de [D] [O] au sein des 250 magasins à l’enseigne « ROCHE BOBOIS » avait été conclu.

La société ROCHE BOBOIS a appelé en garantie la société LATORCA en qualité de revendeur des reproductions litigieuses et M. [B] [N] est intervenu volontairement dans la cause. Ces derniers ont fait assigner en intervention forcée et en appel en garantie M. [J] [K] et LES EDITIONS DU GRIFFON en leurs qualités de vendeur des produits et de titulaire déclaré des droits de reproduction sur les reproductions litigieuses, l’ensemble de ces procédures ayant été jointes.

Par jugement du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment retenu l’illécéité des reproductions litigieuses et a condamné les sociétés LA ROCHE BOBOIS et LATORCA à payer diverses sommes à [I] [H], et a jugé que , «faute de pouvoir justifier de l’origine exacte de ce stock, il en résulte l’absence de concession réelle résultant de la renonciation par M. [K] à ce stock, M. [K] sera donc condamné à rembourser à M. [N] la somme de 180.000 euros.»

La société LES EDITIONS DU GRIFFON et M. [J] [K] ont interjeté appel de ce jugement uniquement sur les chefs les concernant.

La procédure enrôlée sous le N° de RG 20/5933 à la chambre 5-2 de la cour d’appel de Paris a été plaidée le 16 mars 2022 et mise en délibéré au 20 mai 2022.

Par lettre du 5 décembre 2016, [I] [H] a, par ailleurs, vainement mis en demeure la société LATORCA d’une part, de lui justifier des droits sur les oeuvres ainsi que des contrats conclus avec des tiers par lesquels elle aurait concédé le droit d’exploiter les droits patrimoniaux afférents aux reproductions concernées, et d’autre part, d’en cesser toute commercialisation.

C’est dans ce contexte que, par acte délivré le 3 février 2017, [I] [H] et [T] [H] ont fait assigner la société LATORCA devant le tribunal de grande instance de Paris à jour fixe aux fins notamment de faire interdire à cette dernière de distribuer, commercialiser ou diffuser des héliogravures ainsi que tout autre produit reproduisant des oeuvres de [D] [O].

Ayant déclaré dans le cadre de cette instance avoir régulièrement acquis le stock d’héliogravures litigieuses auprès de [J] [K] qui l’aurait ensuite cédé à [B] [N] en contrepartie de l’aide financière apportée par celui-ci en vue de cette acquisition auprès de la société LES EDITIONS DU GRIFFON, qui aurait attesté être titulaire de l’intégralité des droits afférents, la société LATORCA a fait assigner en intervention forcée et a appelé en garantie cette dernière ainsi que [J] [K] afin qu’un débat complet puisse avoir lieu sur l’origine des 737.526 tirages litigieux et les conditions de leur autorisation.

Lors de l’audience du 2 mars 2017, le tribunal a refusé de joindre les deux procédures dont la seconde n’avait pas fait l’objet d’une autorisation d’assigner à jour fixe.

Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris a rendu deux décisions:

– la première, en date du 31 mars 2017, dans la cause opposant les consorts [H] à la société LATORCA. Le jugement retient que la société LATORCA a porté atteinte aux droits d’auteur de [D] [H] et lui a interdit la commercialisation, la distribution et la diffusion de ses ‘uvres, cette interdiction portant sur les 737.526 héliogravures litigieuses, sous astreinte. La société LATORCA a relevé appel de ce jugement suivant déclaration au greffe en date du 18 mai 2017 devant la cour d’appel de Paris, mais cette procédure a fait l’objet d’une radiation par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 septembre 2020, à raison de la liquidation judiciaire de la société LATORCA.

– la seconde, relative à l’appel en garantie, en date du 22 mars 2019, dans l’instance opposant la société LATORCA à la société LES EDITIONS DU GRIFFON et à [J] [K], objet de la présente procédure d’appel.

Par du jugement du 22 mars 2019 dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a rendu la décision suivante :

– DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes de [B] [N] à l’encontre de [J] [K] ;

– DEBOUTE la société LATORCA de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société LES EDITIONS DU GRIFFON et [J] [K] des condamnations prononcées dans le jugement du tribunal de grande instance de Paris le 31 mars 2017 et de toutes les condamnations susceptibles d’être prononcées ultérieurement en raison de l’exploitation des 737.526 reproductions, notamment par la cour d’appe1 de Paris ;

– DEBOUTE [J] [K] et la société LES EDITIONS DU GRIFFON de leur demande au titre de la procédure abusive ;

– CONDAMNE in solidum la société LATORCA et [B] [N] à verser à [J] [K] et à la société LES EDITIONS DU GRIFFON ensemble, une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE in solidum la société LATORCA et [B] [N] aux dépens.

La société LATORCA et M. [B] [N] ont interjeté appel de ce jugement le 29 mars 2019.

La société LATORCA a fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire prononcé par le tribunal de commerce de Bobigny le 24 juin 2020 ayant désigné Maître [P] [W] en qualité de liquidateur judiciaire.

M. [J] [K] et LES EDITIONS DU GRIFFON ont fait assigner en intervention forcée Maître [P] [W], es qualités de liquidateur judiciaire de la société LATORCA, suivant acte d’huissier de justice du 23 novembre 2020, qui ne s’est pas constitué dans le cadre de la présente instance.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 mars 2022 par M. [B] [N], appelant et intimé incident, qui demande à la cour, de:

– INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 22 mars 2019 dans toutes ses dispositions ;

– JUGER que le Protocole d’accord transactionnel en date du 16 janvier 2015 ne fait pas obstacle à une action de M. [B] [N] d’appel en garantie à l’encontre de M. [J] [K] dans le cadre de la vente des 737 526 reproductions litigieuses ;

– CONDAMNER M. [J] [K] et LES EDITIONS DU GRIFFON à garantir et relever indemne M. [B] [N] de toute condamnation relative à la propriété matérielle des 737 526 reproductions remises dans le cadre de la dation en paiement du 16 janvier 2015, faisant obstacle à leur commercialisation.

– JUGER que l’action menée par M. [N] à l’encontre de M. [K] et des EDITIONS DU GRIFFON n’est pas constitutive d’une procédure abusive ;

– DECLARER IRRECEVABLE l’appel incident de M. [K] et des EDITIONS DU GRIFFON ;

– DEBOUTER M. [K] et des EDITIONS DU GRIFFON de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

– CONDAMNER les EDITIONS DU GRIFFON et M. [J] [K] solidairement à payer à M. [B] [N] la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– CONDAMNER solidairement les EDITIONS DU GRIFFON et M. [J] [K] aux dépens dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 mars 2022 par M. [J] [K] et la société LES EDITIONS DU GRIFFON, intimés et appelants incidents, qui demandent à la cour de:

A titre principal,

– DECLARER recevable et bien fondé l’appel incident de Mr [J] [K] et de la Société LES EDITIONS DU GRIFFON

-REFORMER la décision entreprise en ce qu’elle a débouté Mr [J] [K] et la Société LES EDITIONS DU GRIFFON de leur demande de condamnation de la SAS LATORCA et de Mr [B] [N] au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Par conséquent, statuant à nouveau,

– CONDAMNER solidairement Mr [B] [N] et la SAS LATORCA à payer à M. [J] [K] et la Société LES EDITIONS DU GRIFFON la somme de 20.000€ pour procédure abusive,

– CONFIRMER pour le surplus

En conséquence,

– DIRE ET JUGER irrecevable et mal fondé l’appel en garantie formé par la SAS LATORCA et Mr [B] [N] à l’encontre de la Société LES EDITIONS DU GRIFFON et Mr [J] [K],

-DIRE ET JUGER irrecevable et mal fondée la demande d’annulation du protocole transactionnel du 16 janvier 2015 formée par M. [B] [N] à l’encontre de Mr [J] [K], de même que la demande de remboursement de la somme de 180.000€,

– DEBOUTER Mr [B] [N] et la Société LATORCA de leurs demandes de dommages et intérêts à hauteur de 360.000€,

– CONDAMNER au titre des frais et dépens de première instance, M. [B] [N], solidairement avec la SAS LATORCA à verser à Mr [J] [K] et à la Société LES EDITIONS DU GRIFFON la somme de 5.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

– CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions

A titre infiniment subsidiaire

– DEMEURANT l’absence de demande précise et chiffrée d’un préjudice direct, certain et existant, débouter en tout état de cause Mr [N] de l’ensemble de ses demandes.

En tout état de cause,

– CONDAMNER solidairement Mr [B] [N] et la SAS LATORCA à verser à Mr [J] [K] et à la société LES EDITIONS DU GRIFFON la somme de 5.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– CONDAMNER solidairement Mr [B] [N] et la SAS LATORCA aux entiers dépens en ce compris ceux de l’article A 444-32 du code de commerce en cas de recours à l’exécution forcée,

– INSCRIRE au passif de la liquidation de la société LATORCA toutes les sommes mises à sa charge.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2022.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Puis, il convient de préciser que la présente décision sera rendue par arrêt réputé contradictoire, Maître [P] [W], es qualités de liquidateur judiciaire de la société LATORCA n’ayant pas constitué avocat et ne formulant aucune demande en son nom.

– Sur les fins de non recevoir :

– Au titre du défaut de qualité à agir de la société LATORCA

Les intimés soutiennent que la société LATORCA, qui n’est liée à eux par aucun contrat, n’est pas fondée à agir leur encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle et doit donc être déclarée irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir.

Mais, dans la mesure où Maître [P] [W], es qualités de liquidateur judiciaire de la société LATORCA, n’a pas constitué avocat et ne formule aucune demande en son nom, il convient de dire que la fin de non recevoir ainsi soulevée est sans objet.

– Au titre de l’autorité de la chose jugée attachée au protocole de 2015

L’appelant rappelle qu’il a donné son consentement pour renoncer à sa créance de 180.000 Euros due par M. [J] [K] en contrepartie de la remise par ce dernier des 737 526 reproductions de [O] et constate qu’il a été jugé à deux reprises, les 31 mars 2017 et 6 février 2020, que la preuve de la licéité du stock litigieux n’était pas apportée. Il soutient en conséquence que, du fait de leur illicéité, les reproductions sont inexploitables car interdites de commercialisation, ce qui leur fait perdre toute valeur, la concession de M. [J] [K] ayant disparu. Il en déduit qu’en l’absence de concessions réelles, effectives et réciproques des parties, la transaction en cause est nulle.

Il ajoute également que du fait de l’illicéité de ces reproductions, il y a erreur sur la chose objet de la transaction, qui vicie le consentement et constitue une cause de nullité du contrat, de sorte que l’autorité de la chose jugée attachée à celle-ci ne peut lui être opposée et que sa demande de garantie doit être jugée recevable.

M. [K] rappelle qu’en application du protocole signé en janvier 2015, M. [N] a renoncé à toute action ou instance en lien avec la reconnaissance de dette, et est privé de tout droit d’agir à son encontre. Dans ce cadre, il soutient que l’appelant ne peut se prévaloir d’une quelconque difficulté affectant le stock remis en paiement de sa dette, puisque M. [N] a naturellement exigé la certification par un expert de l’authenticité du stock dont la remise lui était proposée et a pu, valablement, se convaincre de l’authenticité des oeuvres en cause, qui n’a jamais été remise en cause sauf par les consorts [O] et qu’il y a donc bien eu des concessions réciproques. L’intimé en déduit alors que, puisque les parties sont convenues des conditions d’extinction de la dette et s’y sont tenues, le protocole est parfait, de sorte que la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée qui en découle doit être confirmée.

La cour rappelle qu’en vertu de l’article 122 du code de procédure civile, «Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.»

En outre, en vertu de l’article 2052 dans sa version en vigueur avant la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 applicable aux faits de l’espèce, «les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion».

Et, selon l’article 2044 du code civil dans sa rédaction applicable, «la transaction est un contrat par lequel les parties, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.»

En droit, la validité d’une transaction est conditionnée par l’existence de concessions réciproques qui doivent être réelles et non dérisoires, et s’apprécient en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l’acte.

Sur ce, il doit au préalable être constaté que si les parties discutent de la validité de la transaction en invoquant son éventuelle nullité, aucune demande n’est formulée sur ce point à la cour.

Par ailleurs, il ressort du protocole d’accord en date du 16 janvier 2015 que :

– le 2 septembre 2011 M. [B] [N] a consenti un prêt de 180.000 euros à M. [J] [K] en vue de permettre à ce dernier de se porter acquéreur d’un stock de planches de [D] [O] édité par LES EDITIONS DU GRIFFON dans les années 1970,

– ce prêt consenti sans intérêt devait être remboursé par M. [J] [K] au plus tard le 31 mars 2013, conformément aux dispositions de la reconnaissance de dette signée entre eux le 28 juillet 2013,

– les planches ont été acquises par M. [J] [K] le 16 septembre 2013,

– par acte sous seing privé en date du 23 janvier 2012, M. [V] [N] et M. [J] [K] ont constitué la société LATORCA ayant pour objet l’import, export de marchandises et l’activité de conseils, chacun détenant la moitié du capital (50 actions),

– M. [J] [K] s’est trouvé dans l’impossibilité au 31 décembre 2013 de rembourser sa dette de 180.000 euros et a proposé à M. [B] [N] de le payer par la remise d’une partie du stock de ces planches de [D] [O] éditées par LES EDITIONS DU GRIFFON, selon inventaire réalisé par Mme [R] le 24 juin 2014,

– après avoir eu communication dudit rapport, M. [B] [N] a accepté que la créance qu’il détient sur M. [J] [K] lui soit remboursée par ce dernier au moyen de la remise de ce stock de 737.526 planches ayant fait l’objet dudit rapport d’évaluation.

L’objet de la transaction est ainsi défini comme suit dans l’article 1 du protocole d’accord transactionnel: « la présente transaction a pour objet de mettre fin aux litiges nés ou à naître existant entre toutes les parties en prévoyant des concessions réciproques et notamment en organisant le paiement de la somme de 180.000 euros par M. [J] [K] à M. [B] [N] par la remise d’un stock de 737.526 planches de [D] [O] et la cession de 50 actions de la société LATORCA détenues par M. M. [J] [K] à M. [V] [N]». L’article 2 stipule qu’en paiement de la somme de 180.000 euros, M. [J] [K] remet ce jour à M. [B] [N], qui l’accepte expressément, le stock de planches de l’artiste [D] [O] expertisé par Mme [X] [R] tel que décrit en préambule des présentes, lequel fait référence à «un stock de planches de [D] [O] édité par les EDITIONS DU GRIFON dans les années 1970», pour lequel M. [J] [K] a sollicité l’avis de l’expert ci-dessus mentionné qui a rendu son rapport d’évaluation le 24 juin 2014.

Toujours dans le cadre de cet article, il est mentionné que «M. [B] [N] reconnaît que la remise de ce stock emporte extinction pure et simple de la créance de 180.000€ qu’il détenait sur M. [J] [K] en vertu de la reconnaissance de dette ci-annexée, laquelle devient sans cause ni objet. M. [J] [K] a conservé en vue de sa commercialisation un stock de planches de [D] [O] ayant la même consistance en nature en quantité et en valeur que celui remis en paiement aux termes des présentes à M. [B] [N].»

L’article 4 de ce protocole d’accord intitulé «concessions réciproques» prévoit notamment que «M. [B] [N] renonce à toute action et instance contre M. [J] [K] ayant pour origine ou pour objet la reconnaissance de dette en date du 28 juillet 2013. A cet effet, M. [B] [N] se désiste de toutes instances et actions à l’encontre de M. [K]».

Le rapport de Mme [R] du 24 juin 2014, expert en art, joint au protocole, intitulé «Inventaire valorisé des planches de [D] [O] éditées par les éditions du Griffon dans les années 70», est un rapport d’évaluation d’un stock composé de différents produits (planches à l’unité, portfolios composés de plusieurs planches, etc…). Ce rapport ne se prononce pas sur l’origine des planches, mais sur leur valeur calculée à partir des quantités inventoriées, au prix catalogue de la société Les Editions du Griffon, vendues non encadrées et par modules ou par planches de 8 exemplaires, l’experte ne remettant cependant pas en cause qu’il s’agit de planches qui ont été reproduites avec l’accord de l’auteur et évalue le stock à la somme de 5.133.087 euros.

Il ressort de l’ensemble des stipulations ainsi rappelées que la contrepartie à l’abandon par M. [B] [N] de sa créance de 180.000 euros due par M. [J] [K], était la remise d’un stock de 737.526 planches de l’artiste [D] [O] éditées par LES EDITIONS DU GRIFFON en 1970 et expertisé comme tel par Mme [X] [R], soit un stock de planches authentiques dont l’origine est connue et dont la commercialisation est possible, et non, uniquement, par la seule remise matérielle du stock.

Or, la cour constate qu’il a déjà été jugé dans deux décisions non remises en cause à ce jour, l’appelant et les intimés étant parties à l’une d’entre elles, que ce stock de gravures, dont la commercialisation a été confiée à la société LATORCA, ne peut être exploité, faute d’établir que ces tirages ont tous été réalisés par LES EDITIONS DU GRIFFON en vertu d’un contrat d’édition conclu avec l’artiste dans les années 1970 et 1980 pour lesquels l’artiste aurait été payé de ses droits et dont il aurait autorisé l’exploitation, faisant en conséquence interdiction aux détenteurs de ces planches de les exploiter de quelques manières.

En conséquence, il convient de retenir, en l’absence de concessions réciproques entre les parties, la seule cession du support matériel des planches ne constituant qu’une contrepartie dérisoire au regard des stipulations même de l’accord, et devant être considérée comme une absence de concession, que le protocole ainsi opposé à M. [B] [N] n’est pas valable et ne peut constituer une fin de non recevoir valable et opposable aux demandes qu’il formule contre M. [J] [K].

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non recevoir soulevée sur ce point par M. [J] [K] et d’infirmer le jugement dont appel de ce chef.

– Sur le bien fondé de l’appel en garantie

Les intimés soutiennent que l’appel en garantie ne saurait aboutir car les condamnations prononcées ou susceptibles d’être prononcées du fait de la commercialisation des reproductions litigieuses ne sont liées qu’aux conditions dans lesquelles la société LATORCA les a commercialisées et non à une illicéité des reproductions. Ils retiennent en tout état de cause que l’illécéité du stock n’émane que des affirmation des ayants-droits de [D] [H] dans une procédure à laquelle ils n’étaient pas parties et contestent l’analyse retenue par le tribunal dans son jugement de mars 2017 estimant disposer d’éléments qui démentent son analyse. Ils ajoutent que la demande de garantie telle que formulée est irrecevable comme étant une demande indéterminée en l’absence de précision quant aux condamnations visées.

L’appelant fait valoir que c’est l’illicéité des reproductions litigieuses par les ayants-droits de [D] [H] qui l’a privé de toute exploitation possible des reproductions. Il s’appuie notamment sur les précédentes décisions judiciaires rendues qui ont toutes retenues qu’il n’était pas justifié de ce que l’auteur avait autorisé la commercialisation et l’exploitation des tirages en cause. Il en déduit être bien fondé à solliciter que les intimés le garantissent des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en conséquence et soutient que sa demande doit être déclarée recevable.

Sur ce, comme déjà mentionné et au vu des décisions déjà rendues, il a été jugé que l’ensemble du stock, objet du protocole d’accord transactionnel, commercialisé par la société LATORCA, à la demande de M. [B] [N], a fait l’objet d’une mesure d’interdiction de distribution, commercialisation et de diffusion sous quelque forme que ce soit, de sorte que l’ensemble des moyens soulevés par les intimés pour justifier de son authenticité ou mettre en cause les conditions de sa commercialisation est inopérants inopérant, la licéité même de ces planches étant en cause.

En conséquence, dans la mesure où il a déjà été jugé que M. [J] [K] n’a pu justifier de l’origine de ce stock de planches données en paiement et, en particulier, n’a pas démontré qu’il est bien issu d’oeuvres éditées par LES EDITIONS DU GRIFFON, reproduites avec l’autorisation de l’auteur et après paiement des droits qui lui étaient dus, M. [B] [N] est bien fondé à solliciter sa garantie en sa qualité de vendeur.

Cependant, les demandes en garantie dirigées contre la société LES EDITIONS DU GRIFFON, qui n’est pas intervenue dans le cadre de la vente des oeuvres litigieuses à M. [B] [N], doivent être rejetées.

Il y a seulement lieu pour la cour de circonscrire la demande de garantie formulée sans mentionner précisément les condamnations concernées, en condamnant M. [J] [K] à garantir M. [B] [N] de toutes les condamnations susceptibles d’être mises à sa charge relatives à l’exploitation des 737 526 reproductions remises dans le cadre de la dation en paiement du 16 janvier 2015, suite aux jugements rendus par le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, les 31 mars 2017 et 6 février 2020.

– Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :

Les intimés dénoncent être victimes d’une procédure abusive de la part de M. [B] [N] qui a déjà été débouté par le tribunal alors qu’il sait pertinemment que M. [J] [K] n’a fait qu’acheter des reproductions auprès de l’éditeur et qu’il lui en a cédé une partie en toute bonne foi.

L’appelant conteste toute procédure abusive, dès lors qu’il a seulement usé de son droit à la défense de manière parfaitement proportionnée, en mettant en cause les personnes qui l’ont garanti à plusieurs reprises que les reproductions litigieuses étaient licites pour avoir été fabriquées par les EDITIONS DU GRIFFON, avec l’autorisation de [D] [O].

Sur ce, dans la mesure où d’une part M. [B] [N] prospère en ses demandes formulées à l’encontre de M. [J] [K] et que LES EDITIONS DU GRIFFON ne démontrent pas la faute commise par l’appelant qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, l’intéressé ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits, ni en outre l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

– Sur les autres demandes :

M. [J] [K], succombant, sera condamné aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner d’une part M. [J] [K] à verser à M. [B] [N], une somme de 5.000 euros et, d’autre part, M. [B] [N] à verser à la société LES EDITIONS DU GRIFFON, une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a:

– Débouté la société LATORCA de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société LES EDITIONS DU GRIFFON et [J] [K] des condamnations prononcées dans le jugement du tribunal de grande instance de Paris le 31 mars 2017 et de toutes les condamnations susceptibles d’être prononcées ultérieurement en raison de l’exploitation des 737.526 reproductions, notamment par la cour d’appel de Paris ;

– Débouté [J] [K] et la société LES EDITIONS DU GRIFFON de leur demande au titre de la procédure abusive ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

– Déclare sans objet la fin de non recevoir soulevée par M. [J] [K] et la société LES EDITIONS DU GRIFFON à l’encontre de Maître [P] [W], es qualité de liquidateur judiciaire de la société LATORCA,

– Déclare recevable la demande en garantie formulée par M. [B] [N] à l’encontre de M. [J] [K],

– Condamne M. [J] [K] à garantir M. [B] [N] de toutes les condamnations susceptibles d’être mises à sa charge et relatives à l’exploitation des 735 526 reproductions remises dans le cadre de la dation en paiement du 16 janvier 2015, suite aux jugements rendus par le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, les 31 mars 2017 et 6 février 2020,

– Déboute M. [B] [N] de ses demandes formulées contre la société LES EDITIONS DU GRIFFON,

– Condamne M. [J] [K] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– Condamne M. [J] [K] à verser à M. [B] [N] une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne M. [B] [N] à verser à la société LES EDITIONS DU GRIFFON une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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