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13 juin 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/01290
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01290 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H734
EM/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ALES
05 mars 2021
RG :F20/00070
[V]
C/
[H]
Grosse délivrée le 13 JUIN 2023 à :
– Me MEISSONNIER-CAYEZ
– Me GARCIA
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALES en date du 05 Mars 2021, N°F20/00070
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [R] [V]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Sophie MEISSONNIER-CAYEZ de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [W] [H]
né le 06 Août 1991 à [Localité 1] (30)
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Guillaume GARCIA, avocat au barreau D’ALES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Février 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [W] [H] a été engagé par M. [R] [V], entrepreneur individuel, suivant contrat de travail à durée déterminée du 15 mai au 15 juin 2019, en qualité de
manoeuvre.
Le 06 juin 2019, M. [W] [H] a été victime d’un accident du travail.
Par requête en date du 28 juillet 2020, M. [W] [H] a saisi le conseil de prud’hommes d’Alès afin de solliciter la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, sa réintégration au sein de l’entreprise de M. [R] [V] et la condamnation de ce dernier à lui verser diverses sommes indemnitaires.
Suivant jugement du 05 mars 2021, le conseil de prud’hommes d’Alès a :
– débouté M. [W] [H] de sa demande de 473,92 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 47,39 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– rejeté la demande de fixation de la rémunération mensuelle de la somme de 1995,17 euros bruts,
– débouté M. [W] [H] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 11 971,02 euros nets,
– requalifié le contrat à durée déterminée de M. [W] [H] en contrat à durée indéterminée,
– condamné M. [R] [V] à verser à M. [W] [H] 1 995,17 euros nets à titre d’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– dit et jugé que la rupture intervenue le 15 juin 2019 ne peut pas s’analyser en un licenciement nul,
– ordonné la réintégration de M. [W] [H] au sein de l’entreprise de M. [R] [V],
– condamné M. [R] [V] à remettre à M. [W] [H] :
* un certificat pour la caisse des congés payés du bâtiment mentionnant la pleine acquisition de congés payés en accident du travail du 15 juin 2019 jusqu’à sa réintégration effective,
* un certificat pour la Caisse des congés payés du bâtiment pour la période travaillée du 15 mai au 15 juin 2019, et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter d’un délai de quinzaine suivant le prononcé de la décision.
* les documents sociaux et des bulletins de paie conformes à la décision, et ce, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours suivant le prononcé du dit jugement à intervenir,
– le conseil se réservant le droit de liquider les astreintes,
– ordonné l’exécution provisoire,
– n’a pas prononcé l’anatocisme,
– condamné M. [R] [V] à verser à M. [W] [H] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamné aux entiers dépens,
– débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes, fins et prétentions.
Par acte du 30 mars 2021, M. [R] [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Suivant conclusions d’incident du 28 septembre 2021, M. [W] [H] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de solliciter la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement, lequel, par ordonnance d’incident du 19 novembre 2021, a :
– débouté M. [H] de sa demande tendant à la radiation de la présente affaire,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [H] aux éventuels dépens de la présente procédure sur incident.
Par ordonnance du 30 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 14 février 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 01 mars 2023 puis déplacée à celle du 21 mars 2023 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 juin 2021, M. [R] [V] demande à la cour de :
– le recevoir en son appel et le dire bien fondé,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et ordonné la réintégration de M. [H],
– débouter M. [H] de sa demande au titre de l’indemnité de requalification,
– débouter M. [H] de sa demande de réintégration et des demandes y afférentes concernant ses documents sociaux et bulletins de salaire,
– condamner M. [H] à lui verser la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens.
Il soutient que :
– il dispose d’une très petite entreprise et emploie de manière permanente un seul salarié ; il doit faire appel ponctuellement à du personnel complémentaire lorsque son activité connaît une augmentation limitée dans le temps ; le nombre très limité de contrats et leur durée tout aussi restreinte démontre amplement qu’il recourrait aux contrats à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité conformément à la loi ; il justifie par ailleurs avoir été chargé de travaux ponctuels par la société Qualiplast en mai et juin 2019, société qui est l’un de ses principaux clients, elle-même en pleine saison pour son activité d’étanchéification de cuves viticoles entre mars et août ; le motif du contrat de travail à durée déterminée de M. [W] [H] était donc valable et la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée ne saurait être encourue,
– le contrat était valablement conclu à durée déterminée et il est venu à terme le 15 juin 2021 ; la survenue de l’accident du travail dont M. [W] [H] a été victime le 06 juin 2019 ne fait pas obstacle à l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée ; c’est donc sans fondement que le conseil de prud’hommes a ordonné la réintégration du salarié.
En l’état de ses dernières écritures en date du 28 septembre 2021, contenant appel incident, M. [W] [H] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 5 mars 2021 par la section industrie du conseil de prud’hommes d’Alès en ce qu’il a :
* requalifié son contrat à durée déterminée du 15 mai au 15 juin 2019 en une relation à durée indéterminée,
* condamné M. [R] [V] à lui verser 1 995,17 euros nets à titre d’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée,
* dit et jugé que la rupture intervenue le 15 juin 2019 par le terme du contrat à durée déterminée improprement qualifié doit s’analyser en un licenciement nul.
* ordonné sa réintégration,
* condamné M. [R] [V] à lui remettre :
° un certificat de la caisse des congés payés mentionnant la pleine acquisition de congés payés en accident du travail, du 15 juin 2019 jusqu’à sa réintégration effective, sous astreinte de 30,00 euros par jour de retard à compter d’un délai de quinzaine suivant le prononcé de la décision,
° les documents sociaux et des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter d’un délai de quinzaine suivant le prononcé de la décision,
* dit qu’il se réserve la possibilité de liquider l’astreinte,
A titre incident, Statuant à nouveau,
– condamner M. [R] [V] à lui verser la somme de 473,92 euros bruts à titre de rappels sur heures supplémentaires outre 47,39 euros bruts au titres des congés payés y afférents,
– fixer sa rémunération mensuelle brute à la somme de 1 995,17 euros,
– condamner M. [R] [V] à lui verser une indemnité à hauteur de 11 971,02 euros nets (6 x 1 995,17 euros) sur le fondement de l’article L 8223-1 du code du travail,
– condamner M. [R] [V] à lui indemniser de sa perte de revenus et de salaires du 05 mars 2021 au 05 octobre 2021, soit en l’état une somme de 13 965,49 euros bruts (7 mois x 1 995,07 euros), suite à son défaut de réintégration,
– condamner M. [R] [V] aux entiers dépens d’instance et à lui verser une indemnité à hauteur de 2 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que :
– contrairement au nombre d’heures de travail mentionné dans le contrat de travail et sur ses bulletins de paie, il a effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et son accident de travail est survenu sur un chantier juste après 20 heures ; il était par ailleurs tenu de se rendre au siège de l’entreprise avant de se rendre au chantier, or ce transport est du temps de travail effectif ; il commençait ses journées habituellement entre 07h et 08h et finissait au plus tôt à 19h mais généralement après 20h,
– M. [R] [V] a délibérément mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; l’intentionnalité du comportement de M. [R] [V] peut être caractérisée par le simple fait qu’il a été victime d’un accident de travail à 20h,
– il a exécuté des travaux dangereux notamment en utilisant un canon à béton ce qui a amené sa chute et son grave accident de travail alors que le recours à un contrat précaire pour exécuter des travaux dangereux est prohibé ; par ailleurs, en prétendant que son accroissement temporaire d’activité était de mars à août 2019, l’employeur reconnaît avoir détourné l’objet du contrat à durée déterminée qui n’était signé que du 15 mai au 15 juin 2019,
– si le contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture ne peut plus être légitimée par l’échéance du terme et elle s’analyse nécessairement en un licenciement nul,
– dans ses conclusions de première instance, il avait rappelé la nécessité avant la reprise effective de son poste dans le cadre de sa réintégration de programmer une visite devant les services de la médecine du travail ; le 30 septembre 2021, il n’a toujours pas été réintégré malgré la décision du conseil de prud’hommes, de sorte que M. [R] [V] doit être condamné à l’indemniser de la perte de revenus et de salaires au cours des 7 derniers mois.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS
Sur les demandes de requalification et de réintégration :
L’article L1242-2 du code du travail dispose que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d’un salarié en cas (…)
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
L’article D4154-1 du code du travail dispose qu’il est interdit d’employer des salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée et des salariés temporaires pour l’exécution des travaux les exposant aux agents chimiques dangereux ou aux rayonnements ionisants suivants : (…) 22° Poussières de métaux durs (…).
L’entreprise peut conclure un contrat à durée déterminée pour faire face à un accroissement temporaire d’activité qui recouvre notamment l’exécution d’une tâche précisément définie et non durable ne relevant pas de l’activité normale de l’entreprise, la survenance dans l’entreprise d’une commande exceptionnelle à l’exportation ou des travaux urgents.
La conclusion d’un contrat à durée déterminée pour surcroît temporaire d’activité ne doit pas répondre aux besoins de l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En l’espèce, M. [W] [H] et M. [R] [V] ont signé le 15 septembre 2019 un contrat à durée déterminée prenant effet à cette date, d’une durée d’un mois jusqu’au 15 juin 2019, dont l’objet est de faire face à un accroissement temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise, M. [W] [H] ayant été engagé en qualité de manoeuvre, qualification ouvrier au coefficient 150, avec une rémunération mensuelle brute de 1521,22 euros sur la base d’une durée de travail de 35 heures.
M. [W] [H] soutient que la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée s’impose, d’une part, parce que le recours à un contrat précaire est prohibé pour exécuter des travaux dangereux et que tel a été le cas le concernant puisqu’il a dû utiliser un canon pour projeter le béton qui projette également des fibres de métaux lourds comme de l’acier ou du cuivre pour éviter le rebond du produit ce qui est formellement interdit, d’autre part, parce que M. [R] [V] ne justifie pas du motif au recours du contrat.
Or, force est de constater qu’aucune pièce produite par M. [W] [H] ne permet de corroborrer ses affirmations selon lesquelles il avait été amené à utiliser un canon à béton dans le cadre de la relation contractuelle :
– le certificat médical initial du 07/06/2019 se rattachant à l’accident de travail dont il a été victime indique seulement la lésion constatée ‘luxation de l’articulation de l’épaule’,
– la décision de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie du 18 juillet 2019 ne précise pas les circonstances de l’accident,
– les documents photographiques permettent de voir l’appelant au sol vêtu partiellement d’une tenue de travail, manifestement en état de souffrance et entouré de secouristes et sans qu’aucun engin de travail ne soit visible à leur proximité,
– un document relatif à un séjour au service des urgences,
– un compte rendu de consultation aux urgences du 07/06/2019 qui indique ‘chute sur son lieu de travail avec réception sur l’épaule droite, impotence fonctionnelle majeure avec suspicion de luxation glaino humérale droite’, ‘pas de déficit sensitivo moteur au niveau du MSD’,
– une attestation de son épouse qui évoque les horaires de travail et qui ne fait pas état de l’accident de travail,
de sorte que les circonstances de l’accident du travail dont M. [W] [H] a été victime sont indéterminées au vu des seuls éléments produits et qu’il n’est pas établi que le salarié était amené dans le cadre du contrat à durée déterminée litigieux à utiliser un canon à béton qui aurait pu être considéré comme un travail prohibé au sens des dispositions réglementaires susvisées.
Sur ce point, les premiers juges ont procédé par affirmations sans référence à une quelconque pièce versée par les parties pour conclure que M. [W] [H] effectuait un travail dangereux pour un simple manoeuvre.
Par ailleurs, M. [R] [V] verse aux débats une attestation de Mme [P] [F], expert-comptable, qui certifie que l’entreprise facture principalement deux clients, la Sas Qualiplast située à [Localité 6] et la Sas Qualiplast Sud Est située à [Localité 5], spécialisées dans l’étanchéité des chaix ct cuveries et le revêtement alimentaire dans les vignobles et une attestation de M. [X] [K], dirigeant de la Sas Qualiplast qui certifie avoir fait appel aux prestations de l’entreprise de M. [R] [V] pour faire face à un surcroît d’activité sur la période de mars à août 2019.
M. [R] [V] produit par ailleurs le registre du personnel qui met en évidence la conclusion de trois contrats ponctuels, du 18 au 34 mars 2019, du 15 mai au 15 juin 2019 correspondant à celui de M. [W] [H] et du 10 septembre au 11 octobre 2019, enfin du 15 octobre 2019 au 31 août 2020 concernant l’engagement d’une secrétaire.
Le recours à trois contrats à durée déterminée pour la seule année 2019 confirme les déclarations de M. [R] [V] relatives à la nécessité de faire face à une augmentation temporaire de l’activité de l’entreprise, ce qui avait été également le cas en 2018 avec la conclusion de 3 contrats et en 2020 avec celle de 4 contrats.
Ces éléments sont suffisants pour démontrer que la réalité du motif mentionné dans le contrat à durée déterminée litigieux, peu importe que l’accroissement d’activité ait résulté d’une commande d’une des deux sociétés avec lesquelles M. [R] [V] travaillait de façon habituelle, dès lors que l’accroissement d’activité peut résulter d’accroissements ponctuels inhérents à l’organisation de l’activité de l’entreprise ou de surcharges normales dans le cadre de son activité permanente.
Il s’en déduit que contrairement à ce que soutient M. [W] [H] et à ce qu’ont retenu les premiers juges, la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne s’imposait pas tout comme la réingration du salarié au sein de l’entreprise.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.
Sur les heures supplémentaires :
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures supplémentaires de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précisées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur. Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.
En cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit être mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription quinquennale.
En l’espèce, M. [W] [H] soutient avoir réalisé un nombre d’heures supérieur à celui mentionné sur ses bulletins de salaire et a inséré dans ses conclusions un décompte horaire pour chaque semaine travaillée dans lequel il indique, pour chaque jour, le début et la fin de la journée de travail et le nombre total d’heures effectuées après déduction d’une heure ‘pour se restaurer’, à partir duquel il sollicite la rémunération de 21 heures majorées à 25% et 14 heures majorées à 50%. M. [W] [H] produit également une attestation de son épouse qui confirme les amplitudes horaires ainsi réalisées, celle-ci précisant l’avoir ‘récupéré aux alentours de 19h/20h en attendant chaque jour plus de 2h dans mon véhicule…’.
Les éléments ainsi produits par M. [W] [H] sont suffisamment précis pour pouvoir être discutés utilement par l’employeur.
Or, M. [R] [V] ne formule aucune observation ou critique sur les éléments chiffrés ainsi apportés par le salarié et il y a lieu de constater que si le salarié entendait comptabiliser en heure de travail les trajets entre le siège de l’entreprise et le chantier, il n’a manifestement pas intégré ces temps dans le décompte qu’il propose puisqu’il fait débuter sa journée de travail à 08 heures.
Par contre, pour la première semaine travaillée, M. [W] [H] a comptabilisé 50 heures de travail dont 8 heures supplémentaires majorées à 25% et 8 heures majorées à 50% alors que compte tenu de la durée du temps de travail contractuel, 35 heures, il y a lieu de retenir un total de 15 heures supplémentaires, 8 heures majorées à 25% et 7 heures majorées à 50%.
Au vu du décompte proposé par M. [W] [H], il y a lieu de faire droit à sa demande à hauteur de 263,29 euros pour 21 heures supplémentaires majorées à 25% calculées sur la base d’un taux horaire de 10,03 euros et 195,58 euros pour 13 heures majorées à 50%, soit un total de 458,87 euros, outre celle de 45,88 euros à titre d’indemnité de congés payés y afférente.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.
Sur le travail dissimulé :
Selon l’article L. 8221-5 du code du travail : est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
La remise d’un bulletin de paie mentionnant un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ne caractérise le délit de dissimulation d’emploi salarié que s’il est établi que l’employeur a agi intentionnellement
Compte tenu de l’importance du nombre d’heures supplémentaires non rémunérées réalisées par M. [W] [H], 34 heures pour un contrat d’une durée d’un mois, l’élément intentionnel de l’infraction au délit de travail dissimulé est manifeste, l’employeur ne pouvant pas ignorer l’amplitude horaire réalisée par le salarié sur les chantiers sur lesquels il était affecté.
Il sera donc fait droit à la demande de dommages et intérêts correspondant à six mois de salaire, soit la somme de 9 127,50 euros sur la base d’un salaire brut mensuel de 1 521,25 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Alès le 05 mars 2021 en ce qu’il a :
– dit et jugé que la rupture intervenue le 15 juin 2019 ne peut pas s’analyser en un licenciement nul,
– ordonné l’exécution provisoire,
– n’a pas prononcé l’anatocisme,
– condamné M. [R] [V] à verser à M. [W] [H] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamné aux entiers dépens,
Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,
Condamne M. [R] [V] à payer à M. [W] [H] les sommes suivantes:
– 458,87 euros à titre de rappel de salaire concernant les heures supplémentaires, outre celle de 45,88 euros à titre d’indemnité de congés payés y afférente,
– 9 127,50 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
Condamne M. [R] [V] à payer à M. [W] [H] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [R] [V] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,