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14 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/03127
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 14 JUIN 2023
N° 2023/ 276
N° RG 22/03127
N° Portalis DBVB-V-B7G-BI6WP
[V] [Y]
C/
[X] [Z]
[J] [W] épouse [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pierre François RANCAN
Me Olivier MEFFRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des contentieux de la protection de TARASCON en date du 28 Janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01177.
APPELANT
Monsieur [V] [Y]
né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 8] (44), demeurant [Adresse 5] – [Localité 6]
représenté par Me Pierre François RANCAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [X] [Z]
né le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 7] (BELGIQUE), demeurant [Adresse 1] [Localité 7] (BELGIQUE)
représenté par Me Olivier MEFFRE, membre de la SELAS MEFFRE AVOCATS, avocat au barreau de TARASCON
INTERVENTION VOLONTAIRE
Madame [J] [W] épouse [Y]
née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 8] (44), demeurant [Adresse 5] [Localité 6]
représentée par Me Pierre François RANCAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant contrat conclu sous signatures privées, Monsieur [X] [Z] a donné à bail d’habitation à Monsieur [V] [Y], à titre de résidence principale, une maison meublée située [Adresse 5] à [Localité 6], pour une durée d’un an commençant à courir le 1er septembre 2018, moyennant un loyer mensuel de 850 euros.
Les parties ont conclu par anticipation un second contrat aux mêmes clauses et conditions, sauf l’imputation en sus du loyer des charges d’eau et d’électricité, pour une durée d’un an commençant à courir le 1er avril 2019.
Enfin, un troisième contrat a été conclu pour une nouvelle durée d’un an commençant à courir le 1er avril 2020.
Par lettre recommandée datée du 15 septembre 2020, le bailleur a donné congé à son locataire pour l’échéance du 31 mars 2021.
Par lettre du 18 février 2021, ce dernier a fait connaître son refus de quitter les lieux, considérant que le congé était irrégulier faute d’indication d’un quelconque motif, et que dans ces conditions le bail se trouvait reconduit jusqu’au 31 mars 2022.
Par exploit d’huissier du 11 août 2021, Monsieur [Y] a fait assigner Monsieur [Z] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tarascon afin d’entendre requalifier le contrat en bail de locaux nus soumis au droit commun issu de la loi du 6 juillet 1989 et obtenir paiement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le défendeur a conclu au rejet de ces prétentions et réclamé reconventionnellement l’expulsion de l’occupant, désormais dépourvu de titre, ainsi que sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.
Par jugement rendu le 28 janvier 2022, le tribunal a débouté Monsieur [Y] de ses demandes, l’a déclaré occupant sans droit ni titre et a ordonné en conséquence son expulsion ainsi que celle de toutes personnes de son chef, le condamnant en outre au paiement d’une indemnité d’occupation de 850 euros par mois jusqu’à la date de libération effective des lieux, ainsi qu’aux dépens et à une indemnité de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Dans ses motifs, le premier juge a notamment retenu que les deux parties avaient acté la fin du bail au 31 mars 2021 dans un document annexé au contrat.
[V] [Y] a interjeté appel de cette décision le 1er mars 2022, et son épouse [J] [W] est intervenue volontairement à l’instance en qualité de cotitulaire du bail.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 17 août 2022, les époux [Y] soutiennent que les conventions signées ne reflètent pas la commune intention des parties, dans la mesure où ils avaient fait part au bailleur de leur volonté de bénéficier d’un bail de droit commun d’une durée de trois ans.
Ils réitèrent leur demande de requalification du contrat en ce sens, faisant valoir que seul le bail initial contenait un inventaire du mobilier, et que celui-ci était pour une large part hors d’usage, les contraignant à acheter de nouveaux meubles à leurs frais.
Ils font également état d’un préjudice de jouissance du fait de l’obligation qui leur était imposée par le bailleur de libérer le logement durant quinze jours au cours de la saison d’été.
Ils rappellent que le congé était dépourvu de toute motivation, et soutiennent qu’il est en outre inopposable à Madame [Y], faute de lui avoir été notifié.
Ils demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
– à titre principal, de requalifier le contrat en bail d’habitation de locaux nus soumis au droit commun, et de condamner Monsieur [Z] à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance,
– à titre subsidiaire, de juger le congé inopposable à Madame [Y],
– et en tout état de cause, de condamner l’intimé aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 1er mars 2023, Monsieur [P] [Z] intervient volontairement à l’instance en sa qualité d’ayant-cause de son père, décédé en cours de procédure le 16 février précédent, en l’état d’une donation-partage lui attribuant la pleine propriété de l’immeuble dont s’agit.
Reprenant l’argumentation précédemment développée par son auteur, il soutient que la commune intention des parties était bien de poursuivre leurs relations contractuelles sur la base d’un bail meublé, lequel était parfaitement valable pour contenir un état détaillé du mobilier mis à la disposition du locataire en début de location.
Il soutient d’autre part que le congé est régulier, qu’il ignorait l’existence de l’épouse de Monsieur [Y], et qu’en tout état de cause le bail a pris fin de plein droit le 31 mars 2021 conformément à l’article 1737 du code civil.
Il conclut principalement à la confirmation du jugement déféré.
À titre subsidiaire, il demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du bail pour défaut de jouissance paisible du preneur en application de l’article 1729 du code civil, avec les mêmes conséquences de droit.
En tout état de cause, il réclame paiement d’une somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2023.
DISCUSSION
Sur la demande de requalification du bail :
Suivant les articles 25-4 et 25-5 de la loi du 6 juillet 1989, un logement meublé est un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante. Un inventaire et un état détaillé de ce mobilier doivent être établis contradictoirement lors de la remise des clés au locataire et signés par les parties, pour être joints au contrat de location.
En l’espèce, il apparaît que ces documents ont bien été établis et signés par les parties lors de l’entrée dans les lieux du locataire au début du mois de septembre 2018, décrivant un mobilier en nombre suffisant et en état d’usage, ces mentions n’étant nullement contredites par les pièces produites aux débats.
Le bail ayant ensuite été renouvelé à deux reprises par écrit aux mêmes clauses et conditions, excepté l’ajout des charges d’eau et d’électricité, il n’était pas nécessaire de dresser un nouvel inventaire, les contrats successifs se référant expressément à l’inventaire initial.
Dans ces conditions, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de requalification du contrat formée par le locataire.
Sur la validité du congé :
En vertu de l’article 25-8 de la loi précitée, le propriétaire qui ne souhaite pas renouveler le bail d’un logement meublé destiné à l’habitation principale doit en informer son locataire en respectant un préavis de trois mois et motiver son refus soit par sa décision de reprendre ou de vendre le bien, soit par un motif légitime et sérieux, tenant notamment dans l’inexécution des obligations du preneur. Ces dispositions sont d’ordre public et dérogent à l’article 1737 du code civil.
Or en l’espèce, force est de constater que le congé notifié par Monsieur [Z] le 15 septembre 2020 n’était aucunement motivé, mais se bornait à faire état d’une décision ‘indépendante de sa volonté’.
D’autre part, contrairement à l’analyse du premier juge, le preneur ne pouvait valablement renoncer par avance à ces dispositions protectrices en actant quoiqu’il advienne la fin du bail au 31 mars 2021, dans un document non daté destiné à être annexé au contrat. Monsieur [Y] est d’ailleurs revenu sur cet accord dans son courrier du 18 février 2021, aux termes duquel il a entendu se prévaloir de l’irrégularité du congé.
Il convient en conséquence de considérer qu’à défaut de congé en bonne et due forme, le contrat de location parvenu à son terme a été reconduit tacitement pour une durée d’un an, soit jusqu’au 31 mars 2022.
Le jugement entrepris doit dès lors être infirmé en ce qu’il a ordonné l’expulsion du preneur et l’a condamné au paiement d’une indemnité d’occupation.
Sur la demande subsidiaire aux fins de résiliation judiciaire du bail :
Monsieur [Z] fonde sa demande sur les dispositions de l’article 1729 du code civil, suivant lesquelles lorsque le preneur n’use pas de la chose louée raisonnablement, ou l’emploie à un autre usage que celui auquel elle est destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.
Il revient aux juges du fond d’apprécier si la faute reprochée au preneur est suffisamment grave pour justifier une telle sanction. Or en l’espèce les griefs formulés à l’encontre du locataire ne reposent que sur des courriers émanant d’une voisine et d’un entrepreneur, faisant état de différends personnels avec Monsieur [Y]. En outre, il n’apparaît pas que les faits dénoncés aient été de nature à causer préjudice au bailleur.
Il convient en conséquence de rejeter cette demande.
Sur la demande en dommages-intérêts :
La délivrance d’un congé irrégulier constitue une faute imputable au bailleur, génératrice d’un préjudice de jouissance pour le locataire. Il en est de même de l’avenant conclu le 26 mars 2020, qui imposait à ce dernier de libérer les lieux entre le 4 et le 11 juillet pour les mettre à disposition de vacanciers, en violation flagrante de ses droits. Il sera dès lors alloué aux époux [Y] une indemnité de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de requalification du bail,
L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :
Juge que le congé est inopposable aux locataires,
Déboute Monsieur [P] [Z], venant aux droits de son défunt père [X] [Z], de l’intégralité de ses demandes,
Le condamne à payer aux époux [Y] une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne en outre l’intimé aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la partie adverse.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT