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11 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/08217
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRÊT DU 11 MAI 2023
(n° , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08217 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNIM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/04319
APPELANT
Monsieur [Z] [F]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268
INTIMÉES
S.A.S.U. UBER FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Société UBER B.V. Société de Droit Neerlandais
Meester Treublaan 7
1097 DP
AMSTERDAM – PAYS-BAS
S.A.S. UBER PARTNER SUPPORT FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Tous représentées par Me Luca DE MARIA, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 9 février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la Cour composée de Mme Marie-Paule ALZEARI, Présidente de chambre et Mme Christine LAGARDE, Conseillère.
un rapport a été présenté à l’audience par Mme Marie-Paule ALZEARI, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Olivier FOURMY, Premier président de chambre
Mme Marie-Paule ALZEARI, Présidente de chambre
Mme Christine LAGARDE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
– signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Uber est un groupe de technologie pionnier dans la mise en relation dans le domaine du transport de personnes au moyen d’une application gratuite pour téléphones portables. La société Uber B.V., société privée à responsabilité limitée de droit néerlandais, exploite cette plate-forme de fourniture de services de transport de passagers.
La société Uber B.V. est la présidente de la société Uber France SAS ainsi que de la société Uber Partner France SAS (les trois sociétés prises ensemble seront dénommées ‘le groupe Uber’ ou ‘Uber’, sauf précision contraire).
MM. [S], [C], [R], [F] et [P] ont signé avec la société Uber un « contrat dit de partenariat » dont les premières conditions générales ont été éditées le 1er juillet 2013. Le 1er février 2016, puis le 12 juillet 2020, de nouvelles conditions générales, modifiées par la société Uber, régissent l’utilisation de la plate-forme Uber et sont annexées au contrat de prestations de service signé électroniquement par le chauffeur.
M. [Z] [F] a créé la société ‘HM Transport [Localité 7] Le Service VTC’, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 16 mars 2015, pour un début d’activité au 11 mars 2015 de ‘Exploitation de véhicule de tourisme avec chauffeur VTC)’.
M. [F] a signé un formulaire d’enregistrement de partenariat avec la société Uber B.V. le 20 mai 2015 et un contrat avec la société Hinter France SAS, entrant en vigueur le 24 juin 2015 dans l’attente de l’obtention par M. [F] de sa licence de chauffeur.
M. [F] a obtenu sa carte professionnelle de conducteur de voitures de transport avec chauffeur.
M. [F] a effectué sa première course pour Uber le 28 mai 2015 et la dernière le 27 mars 2022.
Contestant la nature du contrat le liant à Uber et estimant que ce dernier devait être requalifié en un contrat de travail, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris par requête le 26 juin 2020 formée à l’encontre des sociétés Uber France SAS, Uber Management B.V. et Uber B.V.. Par requête du 6 juillet 2020, M. [F] a entendu mettre également en cause la société Uber Partner Support France SAS.
Par un jugement contradictoire rendu le 2 juin 2022, le conseil de prud’hommes de Paris, après avoir joint les deux instances :
– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris’;
– a condamné M. [F] aux dépens.
M. [F] a interjeté appel de cette décision le 20 septembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions n°2 transmises au greffe par RPVA, M. [F], appelant, demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– déclarer la juridiction prud’homale compétente pour connaître du présent litige l’opposant aux sociétés Uber France SAS, Uber B.V. et Uber Partner Support France SAS ;
– prononcer la requalification de la relation contractuelle le liant à ces trois sociétés en contrat de travail ;
– évoquer les conséquences financières consécutives à la requalification du contrat de travail ;
– condamner in solidum les sociétés Uber France SAS, Uber B.V. et Uber Partner Support France SAS au paiement des sommes suivantes :
rappel de salaires et dommages intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au salarie :
42 795 euros
rappel au titre des heures supplémentaires et dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de travail et aux heures supplémentaires :
Majoration due au titre des heures supplémentaires : 3 373,60 euros
Indemnité due au titre du chômage partiel:
7 829,45 euros
Indemnité de congés payés et dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives aux congés payés :
19 262,56 euros
Remboursement des frais professionnels et dommages intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives aux frais professionnels :
Frais de fonctionnement du véhicule:
42 817,76 euros
Sur l’indemnité repas :
9 481,56 euros
Indemnités liées au licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommages intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles relatives à la rupture du contrat de travail :
indemnité compensatrice de préavis
3 000 euros
indemnité compensatrice de congés payés afférents
300 euros
indemnité légale de licenciement
2 562,50 euros
indemnité de rupture sans cause réelle et sérieuse 10 500 euros
Dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité : 15 000 euros
Dommages et intérêts pour travail dissimulé :
40 530,70 euros
Dommages et intérêts pour fraude à la loi :
30 000 euros
Dommages et intérêts pour précarité du statut, non-inscription à l’Urssaf et perte des avantages sociaux :
65 973 euros
conséquences financières de la requalification pour 2021 50 000 euros
conséquences financières de la requalification pour 2022 20 000 euros
– ordonner la remise à M. [F] des documents suivants :
certificat de travail et bulletins de paie, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la date à laquelle la condamnation sera devenue effective
inscription Urssaf sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la date à laquelle la condamnation sera devenue effective
– condamner in solidum les sociétés Uber France SAS, Uber B.V. et Uber Partner Support France SAS à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum les sociétés Uber France SAS, Uber B.V. et Uber Partner Support France SAS aux entiers dépens de première instance et d’appel
– dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jour de l’introduction de la demande.
Par dernières conclusions transmises au greffe par RPVA, les sociétés Uber France SAS, Uber B.V. et Uber Partner Support France SAS société Uber B.V., intimées, demandent à la cour de :
« A TITRE PRINCIPAL :
– CONSTATER que l’appelant échoue à renverser la présomption de non-salariat qui lui
est applicable ;
– CONSTATER que les sociétés intimées n’ont de surcroît pas la qualité de donneur
d’ordre ;
– CONSTATER que les différentes libertés dont bénéficient les chauffeurs utilisant
l’application Uber excluent en tout état de cause l’existence d’un quelconque pouvoir de
direction, de contrôle ou de sanction et sont donc incompatibles avec la reconnaissance
d’un contrat de travail ;
En conséquence :
– CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré la juridiction prud’homale
incompétente pour connaître du litige ;
– DECLARER en tout état de cause que le Conseil de prud’hommes de Paris est
incompétent pour connaître du litige, au profit du Tribunal de commerce de Paris ;
SUBSIDIAIREMENT, SUR LE FOND
– CONSTATER que les sociétés Uber France et Uber Partner Support France n’ont aucun
lien avec le présent litige ;
– CONSTATER en tout état de cause que les demandes formulées à l’encontre des sociétés
intimées ne sont pas justifiées, ni fondées ou à tout le moins largement disproportionnées ; – CONSTATER que Monsieur [F] a reçu un trop-perçu de 59 648,94 euros de la
part d’Uber B.V. ;
En conséquence,
– PRONONCER la mise hors de cause des sociétés Uber France et Uber Partner Support
France ;
– DEBOUTER l’appelant de l’intégralité de ses prétentions ou à tout le moins EN
REDUIRE SIGNIFICATIVEMENT LE QUANTUM ;
– CONDAMNER Monsieur [F] à rembourser à Uber B.V. la somme de 59 648,94 euros en deniers ou quittance ;
– PROCEDER, s’il y a lieu, à une compensation judiciaire ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– CONDAMNER Monsieur [F] à verser à la société Uber BV la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– CONDAMNER Monsieur [F] aux éventuels dépens ».
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, M. [F] indique qu’il ne dispose pas d’un contrat écrit, celui-ci l’ayant été électroniquement et que « la seule désignation de la société ‘UBER’, sans aucune précision quant à la nationalité de la société, quant à l’appellation de la société, quant à la situation du siège social ou quant au numéro d’enregistrement à la Chambre du commerce de tel ou tel pays rendait difficile l’identification de la société cocontractante ». La société Uber B.V. est mentionnée dans le document ‘Annexe de chauffeur au contrat de prestation de services’, dont la dernière mise à jour date du 1er février 2016. La société Uber France, avec deux adresses de messagerie différentes, lui a adressé des courriels « dans le cadre de l’organisation du service de transport par la société UBER ». Enfin, la société Uber Partner Support France SAS « assure les services d’assistance et de soutien aux chauffeurs en France » et certains courriels mentionnent comme expéditeur ‘UBER SUPPORT’.
Faisant référence à une décision d’un juge anglais, M. [F] considère que la société Uber Partner Support France SAS « a directement exercé sur (lui) les pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction propres à l’employeur ». Il souligne que, dans les « documents contractuels », il est « expressément précisé que la société UBER et ses sociétés affiliées seront ‘le détenteur et en possession de tous les droits (…) Concernant le dispositif, l’application, l’application conducteur, le service l’ID conducteur et les données’ (…) ».
Les sociétés Uber France SAS, Uber B.V. et Uber Partner Support France SAS doivent donc se voir reconnaître la qualité de co-employeurs.
Sur le fond, M. [F] plaide que le conseil de prud’hommes est compétent, le critère du lien de subordination étant, en l’absence de contestation quant à une activité professionnelle et au versement d’une rémunération par la société Uber, « l’élément déterminant du contrat de travail ».
M. [F] souligne que la Commission européenne a présenté, le 9 décembre 2021, un projet de directive 2021/0414 et « décidé d’inverser la charge de la preuve pour les travailleurs de plateformes numériques, en instituant une ‘présomption de salariat’ ».
M. [F] rappelle, également, les arrêts de la Cour de cassation des 4 mars 2020 et 25 janvier 2023, ainsi que plusieurs décisions des cours et tribunaux, dont des arrêts du 16 septembre 2021 de la chambre de la cour d’appel de céans (autrement composée).
En pratique, Uber dispose, tout d’abord, du pouvoir de donner des ordres et des directives, que M. [F] présente notamment comme suit :
– des ordres et directives de nature administrative : obligation de mettre en ligne pièce d’identité, carte professionnelle d chauffeur, permis de conduire, etc… ; la voiture doit répondre à certaines spécificités de taille et de puissance et être aux normes ;
– des ordres et directives de nature comportementale : en particulier, le chauffeur reçoit un guide de ses relations avec les passagers ; les règles, qui figurent dans la ‘charte de la communauté Uber’ (ci-après, la ‘Charte’), sont multiples, qui « peuvent faire l’objet d’une sanction encas de non-respect démontrent l’arbitraire de la société UBER et la mainmise de cette société sur l’activité du chauffeur ».
D’une manière générale, le chauffeur ne choisit pas son client, ni la zone dans laquelle ce dernier doit se rendre et une fois le client dans le véhicule, Uber lui impose le trajet qui doit être accompli.
Uber dispose d’un pouvoir de contrôle et ce, avant même que le chauffeur soit connecté.
Uber exerce un contrôle formel, sur la validité des papiers des chauffeurs.
Uber exerce un contrôle relatif au client et aux données de la course. Le chauffeur ne détient pas les coordonnées complètes du client, ne le choisit pas librement, non plus que le lieu de ramassage du client ni le chemin à emprunter pour arriver à destination de la course. Le chauffeur n’a que huit secondes pour accepter une course. Quand il le fait, il ne connaît pas la destination finale. M. [F] s’appuie sur un constat d’huissier pour étayer ses explications. Il souligne que le décret 2020-1300 du 26 octobre 2020 « fixant les conditions dans lesquelles les plateformes de mobilité informent les travailleurs de la distance des courses et du prix minimal garanti pour chaque prestation n’est entrée en vigueur que » le 1er mars 2021.
Le chauffeur est également contrôlé par le biais de la géolocalisation.
« La société UBER exerce aussi un contrôle complet sur la rémunération ». « Ce contrôle vient du fait que c’est la société UBER qui perçoit directement le prix de la course, prélève (un) pourcentage, émet la facture et reverse le solde au chauffeur ». Le chauffeur est autorisé à garder tous les paiements en espèces qu’il reçoit, les frais de service Uber étant déduits directement des autres courses réglées par carte bancaire via l’application. Au demeurant, selon M. [F], « le prix des courses est quasiment systématiquement sous-estimé (…) La course étant calculée par UBER sur des bases erronées en termes de temps et de kilométrage », outre que nombre de courses sont effectuées à un prix dérisoire. Plusieurs demandes de réajustement se sont heurtées à un refus. Des erreurs de calcul ont été commises.
La société Uber exerce également un contrôle par le biais de la notation des chauffeurs, lesquels ont l’obligation de maintenir une évaluation moyenne supérieure à l’évaluation minimale moyenne acceptable fixée par Uber. Deux notes différentes sont calculées, l’une sur la moyenne des sept derniers jours et l’autre sur la moyenne des 500 dernières notes attribuées au chauffeur. L’accès à l’application peut être désactivé par Uber si la notation du chauffeur est insuffisante.
« A chacune des directives prescrites, la société UBER exerce son contrôle et en sanctionne les éventuels manquements ». Uber exerce en effet un pouvoir de connexion, un pouvoir de sanction économique, un pouvoir de déconnexion. A cet égard, Uber utilise les « menaces » de la notation en baisse ou d’un taux d’annulation élevé. C’est Uber qui décide de la durée de la déconnexion. De plus, au-delà de trois refus de courses, le chauffeur est automatiquement déconnecté du système.
L’ensemble des éléments décrits caractérisent la circonstance que le chauffeur « a intégré un service de prestation de transport crée et entièrement organisé par la société UBER ». C’est Uber qui fournit la technologie, qui a mis en place le système, qui en a la « libre gestion ». « C’est aussi la société UBER qui recrute les chauffeurs VTC, car c’est elle qui autorise ou non l’utilisation et l’accès à la plate-forme par le chauffeur », le terme chauffeur étant précisément défini par Uber. Le chauffeur est contraint de s’inscrire au registre des métiers et a d’ailleurs commencé à travailler au travers la société Hinter, présidée par la société Uber Management B.V., dans l’attente d’obtenir sa carte professionnelle VTC. De plus, Uber fixe les termes du contrat, peut en modifier les termes. En outre, Uber « régit en réalité l’absence de relations contractuelles et le passager ». « La mise en relation ne se fait qu’entre la société UBER et le passager ». « Le partenaire qu’est censé être le chauffeur ne dispose à aucun moment d’une liberté qu’est censé lui conférer son statut ». Ce n’est pas le client qui est le véritable donner d’ordre mais Uber, qui centralise les demandes de prestation. Par ailleurs, la tarification des courses est définie par Uber, le chauffeur pouvant seulement imputer un tarif inférieur au tarif utilisateur prédéfini par Uber. Le tarif utilisateur varie selon la distance, le temps, la région, l’offre ou la demande, le marché local, la catégorie de véhicule, les jours et les heures de connexion. Le pourcentage des frais de service peut varier et être ajusté « à la seule discrétion d’UBER ». L’algorithme utilisé par la société Uber « organise structurellement le maraudage alors que celui-ci est réservé aux taxis et structurellement interdit aux VTC ». Uber pratique également l’incitation financière sous forme de ‘bonus’ et a mis en place un système de chiffre d’affaires garanti, la compensation étant versée dans la limite de 25% du chiffre d’affaires réel. Les chauffeurs sont classés selon différents ‘statuts’ (Blue, Gold, Platinium ou Diamond) en fonction de critères déterminés par Uber, ce qui leur permet d’obtenir des avantages (réductions pour l’assurance automobile, remises sur l’entretien du véhicule, …).
Ainsi, de « nombreux éléments laissent à penser que l’indépendance du chauffeur qui travailler avec UBER n’est qu’apparente ». Ce n’est « qu’au prix d’une confusion entre l’obligation de se tenir à la disposition de l’employeur et celle pour l’employeur de fournir du travail à son salarié que la société UBER prétend qu’il existerait une obligation de travailler ». L’obligation de se tenir à la disposition de l’employeur est un indice du lien de subordination. Le chauffeur est à disposition dès le moment où il se connecte à l’application. Dans l’économie de plate-forme, seule la durée du travail est laissée à l’appréciation du chauffeur, mais la contrainte économique est telle que la durée du travail dépasse pour certains d’entre eux 300 heures par mois. La liberté du chauffeur, à supposer qu’elle existe, cesse au moment où il se connecte. Le chauffeur n’a désintérêt à se tenir à la disposition de la société UBER que si cette dernière est en capacité de lui proposer des courses.
Enfin, c’est à tort que la Société interprète l’ordonnance ‘Yodel’ de la Cour de justice de l’Union européenne (‘CJUE’) du 22 avril 2022, « comme un désaveu de la jurisprudence UBER », dès lors que les quatre facultés dont dispose l’entrepreneur, qui y sont mentionnées, sont cumulatives.
Par ailleurs, l’arrêt ‘Voxtur’ de la Cour de cassation (13 avril 2022, n°20-14.870) ne constitue pas un revirement de la jurisprudence Uber.
Le statut de salarié doit donc être reconnu à M. [F].
La société Uber B.V., la société Uber France SAS et la société Uber Partner Support France SAS font observer, à titre liminaire, que ces deux dernières ne sont pas concernées par le litige.
D’une manière générale, Uber considère que la compétence du conseil de prud’hommes est strictement limitée aux différends opposant les employeurs aux salariés qu’ils emploient, ce qui suppose que les parties soient liées par un contrat de travail.
En l’occurrence, il existe un présomption de non-salariat, M. [F] ayant créé sa société, étant titulaire d’une carte de chauffeur de voiture de tourisme et immatriculé au registre des exploitants de voitures de tourisme avec chauffeur. Il a signé un contrat de partenariat avec Uber B.V.
Uber B.V. n’a pas la qualité de donner d’ordre : elle n’est « pas un exploitant de transport mais un intermédiaire ». Les véritables commanditaires et bénéficiaires de la prestation de transport sont les utilisateurs passagers. La loi fait d’ailleurs la distinction entre les exploitants de voitures de transport avec chauffeur et les intermédiaires qui mettent en relation des exploitants et des clients (loi Thévenoud du 1er octobre 2014, loi Grandguillaume du 29 décembre 2016). Cette dernière impose d’ailleurs à Uber « des obligations spécifiques et distinctes de celles qui s’appliquent aux donneurs d’ordre » (souligné dans les conclusions). L’article L. 3142-3 du code des transports dispose que la centrale de réservation est responsable, de plein droit, à l’égard du client, « de la bonne exécution résultant du contrat de transport, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par la centrale elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice du droit de recours de la centrale cotre ceux-ci ».
Par ailleurs, les libertés dont bénéficient les chauffeurs utilisant l’application Uber sont incompatibles avec le salariat. La subordination juridique implique un assujettissement de la force de travail. L’obligation de travailler est « consubstantielle au contrat de travail » (en gras et souligné dans les conclusions).
Or, le chauffeur n’a aucune obligation d’utiliser la plate-forme, aucune obligation de répondre aux sollicitations de celle-ci lorsqu’il s’y connecte. La CJUE, dans son arrêt Yodel, a considéré que la qualité de salarié ne peut être reconnue à un prestataire indépendant dès lors que celui-ci dispose de la liberté d’accepter ou non les prestations proposées ou d’en fixer un nombre minimal, celle de fournir ses services à toute personne, y compris à des concurrents directs de son co-contractant, celle de fixer ses heures de travail et d’organiser son temps pour s’adapter à ses convenances personnelles plutôt qu’aux seuls intérêts de son co-contractant.
En l’espèce, les chauffeurs sont libres de se connecter quand ils le souhaitent ou de ne pas se connecter du tout, leurs horaires sont libres. Les chauffeurs n’ont aucune obligation d’accepter les courses qui leur sont proposées et ce, en toute connaissance de cause. Ils peuvent travailler concomitamment pour des plateformes concurrentes.
Les chauffeurs ne sont pas captifs d’Uber et le système de frais de services prélevés sur chaque course leur permet de conserver leur entière liberté.
Uber considère que les arguments sur lesquels M. [F] fonde sa demande de requalification sont inopérants. Outre que de nombreuses décisions de juridictions françaises ou étrangères ont confirmé que les chauffeurs utilisant l’application Uber n’étaient pas des travailleurs salariés, la décision de la Cour de cassation dans l’affaire ‘[E]’ (4 mars 2020) « procède à l’évidence d’une prise de position politique qui méconnaît délibérément les réalités factuelles et juridiques résultant du présent litige » (souligné comme dans les conclusions). Les évolutions législatives ou conventionnelles récentes n’aboutissent pas à faire des chauffeurs des salariés mais à ce que les « travailleurs des plateformes obéissent (…) à un statut d’indépendant spécifique, à part entière et articulé par la loi » (en gras dans les conclusions) autour des dispositions du code des transports, du code du travail et des accords collectifs du secteur des plateformes. Une ‘Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi’ a été créée par les pouvoirs publics français, par ordonnance, le 6 avril 2022.
Les arguments développés par M. [F] sont également spécieux. Uber n’impose pas d’ordre ou de directives aux chauffeurs utilisant son application, étant rappelé que les chauffeurs VTC exercent une activité réglementée.
Uber n’exerce aucun contrôle sur l’activité de M. [F]. En particulier, la géolocalisation n’est utilisée que pour garantir la sécurité des utilisateurs (chauffeurs et passagers). Le doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation a lui-même considéré que la « géolocalisation, inhérente à toute plate-forme numérique, est insuffisante pour caractériser un lien de subordination ». L’itinéraire proposé par le GPS Uber est recommandé mais l’application offre directement la possibilité d’utiliser un autre guidage GPS. Uber fixe un prix maximum pour harmoniser les prestations mais le chauffeur reste libre de déterminer le prix de la course dans cette limite ou de ne pas recourir à l’application Uber. Le prix maximum est ajusté en fonction des circonstances, notamment en cas de demande très forte ou très faible. En tout état de cause, la détermination unilatérale du prix par la plate-forme ne saurait constituer un indice de l’existence d’un contrat de travail. La déconnexion a pour seul objet de permettre le fonctionnement « fluide et optimisé de l’application ». La notation n’est pas le fait d’Uber mais des clients, d’une part, des chauffeurs, d’autre part.
Aussi, Uber n’exerce pas de pouvoir de sanction vis-à-vis des chauffeurs. Outre qu’un chauffeur peut se reconnecter s’il le souhaite, la déconnexion, qui ne peut intervenir que dans des cas limités, correspond à la « faculté reconnue à tout acteur économique de rompre un partenariat commercial si les termes et conditions de celui-ci ne sont pas respectés pas son cocontractant » (en gras dans les conclusions).
Uber ne met pas en place un service organisé au sein duquel elle déterminerait unilatéralement les conditions de travail des chauffeurs.
Enfin, M. [F] dispose réellement d’un statut d’indépendant. Il ne se trouve pas dans l’obligation de se tenir à la disposition d’Uber. Aucune disposition du contrat ne lui interdit de développer sa clientèle personnelle.
Sur ce,
A titre liminaire, la cour indique qu’elle n’a pas à statuer sur des demandes de ‘dire’, ‘juger’, ‘déclarer’ ou ‘constater’ qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
La cour ajoute qu’à la suite de ce qui semble une erreur typographique, la fin du dispositif des conclusions déposées pour M. [F] comporte une double demande au titre des dépens et de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’une demande d’exécution provisoire.
Aux termes de l’article L. 8221-6 du code du travail, sont présumées ne pas être liées avec le donner d’ordre par un contrat de travail, les personnes physiques dans l’exécution de l’activité donnant lieu à leur immatriculation au répertoire des métiers.
En l’occurrence, M. [F] a exercé dans le cadre d’une entreprise qu’il avait créée et il existe donc, en ce qui le concerne, dans la relation avec la société Uber, une présomption de non-salariat qu’il lui appartient de renverser s’il entend voir caractériser l’existence d’un contrat de travail.
Celle-ci peut être établie lorsque la personne physique concernée fournit directement ou par personne interposée, des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente vis-à-vis de ce dernier.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité, le contrat de travail étant caractérisé par l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination entre l’employeur et le salarié.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.
La cour relève, aussi, pour faire écho à certains développements des conclusions de la Société, qu’il n’existe pas, en droit français, de statut juridique autre que celui de salarié ou de travailleur indépendant. Comme l’a écrit le rapporteur dans l’affaire ‘Voxtur’ (Soc., 13 avril 2022, pourvoi n° 20-14.870 ; ci-après, ‘arrêt Voxtur’) : « Quand bien même le droit du travail n’offre qu’une alternative entre le travail indépendant et le travail salarié, sans statut intermédiaire au contraire des droits espagnol, italien ou encore britannique, démontrer l’absence de réelle indépendance économique ne suffit toutefois pas à caractériser l’existence d’un contrat de travail ».
Il est par ailleurs constant que l’environnement réglementaire, qu’il soit national ou européen, concernant les plateformes, évolue, ce que les décisions des cours nationales ou européenne illustrent.
Ainsi, s’il a pu être déduit de certaines décisions de la Cour de cassation que le fait d’exercer une activité dans le cadre d’un service organisé, de type plate-forme, avait pour corollaire nécessaire que cette activité devait s’interpréter comme un travail salarié, force est de constater qu’à supposer cette jurisprudence constante, elle ne saurait avoir pour effet d’anéantir la présomption d’indépendance résultant de la loi rappelée plus haut.
D’autre part, la Cour de justice de l’Union européenne, dans son ordonnance du 22 avril 2020, relative précisément à un coursier britannique déclaré comme travailleur indépendant, propriétaire de son véhicule et de son téléphone et utilisant les services d’une application fournie par une plate-forme, a jugé que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, « doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une personne engagée par son employeur présumé sur le fondement d’un accord de servie précisant qu’elle est entrepreneure indépendante soit qualifiée de ‘travailleur’ au sens de cette directive, lorsqu’elle dispose des facultés :
– de recourir à des sous-traitants ou des remplaçants pour effectuer le service qu’elle s’est engagée à fournir ;
– d’accepter ou de ne pas accepter les différentes tâches offertes par son employeur présumé ou d’en fixer unilatéralement un nombre maximal ;
– de fournir ses services à tout tiers, y compris à des concurrents directs de l’employeur présumé, et
– de fixer ses propres heures de ‘travail’ dans le cadre de certains paramètres, ainsi que d’organiser son temps pour s’adapter à sa convenance personnelle plutôt qu’aux seuls intérêts de l’employeur présumé, dès lors que, d’une part, l’indépendance de cette personne n’apparaît pas fictive et d’autre part, il n’est pas permis d’établir l’existence d’un lien de subordination entre ladite personne et son employeur présumé ».
Très récemment, l’ordonnance n° 2022-492 du 6 avril 2022 envisage expressément le recours à une application dédiée mise à disposition par la plate-forme et a créé une ‘Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi’.
Enfin, comme le conseil de M. [E] (le chauffeur dont la situation a donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2020 mentionné plus haut), cité par la défense de la Société, a pu l’indiquer : « les chauffeurs ne sont pas demandeurs à être salariés, le lien de subordination étant vécu comme une contrainte. En revanche, ils aspirent à des protections », ce que l’appelant n’a pas contesté.
Il convient donc d’analyser à la lumière de ce qui précède les faits de la cause, tels qu’ils résultent des moyens et pièces soumis par les parties.
En l’espèce, la cour doit tout d’abord observer que la décision d’une personne de rejoindre une société qui se présente comme une plate-forme de services relève du libre-arbitre de cette personne. En d’autres termes, le contrat de cette personne avec la plate-forme a été passé sans qu’aucune contrainte d’aucune sorte ne puisse être invoquée, la circonstance que la personne ait pu se trouver dans une situation économique ou financière difficile étant, aussi sensible qu’on puisse y être, indifférente.
Dans cette perspective, l’existence d’une coïncidence entre la date de création, par une personne physique, d’une entreprise, fût-elle individuelle, et la date de signature du contrat avec une plate-forme est, en elle-même, indifférente. La jurisprudence démontre, d’ailleurs, qu’il ne peut pas en être tiré de conséquence, la qualité de salarié, ou pas, d’une plate-forme ayant pu être reconnue alors que, dans certaines hypothèses, la personne concernée avait créé son entreprise bien avant de conclure avec la plate-forme.
Le fait que M. [F] ait immatriculé son entreprise juste avant la signature de son contrat avec la plate-forme Uber ne constitue pas un indice de travail salarié et d’autant moins que M. [F] laisse la cour dans l’ignorance de la ou des professions qu’il aurait exercées auparavant. En outre, M. [F] a souhaité anticipé son activité de VTC en souscrivant avec la société Hinter un contrat lui permettant d’exercer avant même d’avoir obtenu sa licence professionnelle personnelle, alors qu’il résultait de ce contrat que M. [F] devrait, à ce titre, payer une redevance de 5% du chiffre d’affaires hors taxe, comme la société Hinter le lui a rappelé le 24 juin 2015.
Celui qui contracte est réputé savoir à quoi il s’engage.
A cet égard, force est de relever que la plate-forme se montre totalement transparente dans les obligations qu’elle entend poser à son cocontractant pour lui offrir ses services. Le contrat est clair, les annexes également, notamment la charte de la communauté Uber (ci-après, la ‘Charte’).
En d’autres termes, au moment de s’engager, M. [F] ne pouvait rien ignorer de ce à quoi il s’engageait pour pouvoir bénéficier des services offerts par Uber.
Car, il importe de le souligner, l’activité que M. [F] se proposait d’exercer est celle de conducteur pour transporter un ou plusieurs passagers à bord d’un véhicule de tourisme. Or, cette activité peut s’exercer de différentes manières et notamment en qualité de taxi, que ce soit en tant que salarié d’une société de taxi ou en tant qu’artisan-taxi.
Dans la seconde hypothèse, les frais à engager pour exercer l’activité sont considérables puisque, outre l’acquisition d’un véhicule (également nécessaire pour travailler en tant que chauffeur utilisant la plate-forme Uber), il faut acquérir ou louer une licence (elle est rarement gratuite et ne l’est en tout cas pas à [Localité 7]), dont le coût est le plus élevé à [Localité 7] (la location gérance d’une licence y est évaluée à 3 500 euros par mois). De plus, il reste à conquérir une clientèle permettant d’espérer non seulement couvrir les frais engagés mais apporter une rémunération satisfaisante.
Dans la première, la rémunération dépend entièrement du choix de l’entreprise. Elle peut ne pas être considérée comme satisfaisante par le chauffeur concerné.
Le choix fait par M. [F] traduit qu’il n’a pas voulu être salarié, ce qui est légitime en soi, mais qu’il n’a pas davantage voulu exposer les frais nécessaires pour être artisan-taxi.
Autrement dit, l’engagement de M. [F] traduit la volonté de gagner sa vie en bénéficiant des services apportés par la plate-forme, lesquels ne peuvent aller sans contrepartie, notamment en termes de rémunération. Mais, en tout état de cause, M. [F] n’apporte pas d’éléments permettant de considérer que les ressources que lui ont procuré son activité de chauffeur utilisant la plate-forme Uber seraient, sinon dérisoires, du moins manifestement disproportionnées, en sa défaveur, au regard des engagements respectifs des parties. La circonstance que des discussions soient en cours entre Uber et les associations de chauffeurs pour que le prix minimal de la course soit revu à la hausse ne permet pas de conclure différemment, étant au demeurant observé que, dans le principe, rien n’interdit au contractant qui s’estimerait victime d’une position abusive de son co-contractant de saisir la juridiction compétente à cet égard, laquelle ne peut être le conseil de prud’hommes, toutes choses égales par ailleurs.
Il sera noté ici que M. [F] a pu librement choisir le véhicule qu’il entendait utiliser pour exercer son activité, à la différence de la situation d’un chauffeur travaillant pour une autre plate-forme, à l’occasion de laquelle la Cour de cassation a cassé l’arrêt qui avait qualifié l’intéressé de salarié (‘arrêt Voxtur’), alors que la cour d’appel avait, notamment, que le contrat pouvait être résilié au seul motif que le chauffeur n’aurait pas réglé le montant du loyer dû pour l’utilisation du véhicule imposé par la Société.
Il résulte directement de ce qui précède qu’en contractant avec la société Uber, M. [F] s’est, en toute connaissance de cause, engagé à respecter un certain nombre d’obligations, lesquelles lui permettent de bénéficier des services de la plate-forme, au premier rang desquels la possibilité d’exercer sa profession sans avoir à rechercher de clients.
En tout état de cause, il importe de souligner que M. [F] ne se trouve, par le contrat, dans aucune obligation de ne transporter des clients que grâce à la plate-forme. Il reste libre de ne pas se ‘connecter’ ou de se déconnecter de l’application ‘Uber’, à tout moment. Il peut donc, s’il le souhaite, développer une clientèle personnelle, sous la seule réserve de respecter les dispositions légales ou réglementaire en vigueur, lesquelles ne dépendent pas de Uber.
L’argument de M. [F] selon lequel de devoir recourir à l’application l’oblige à une forme de maraude illégale et coûteuse ne fait d’ailleurs pas de sens. Outre que, comme il vient d’être rappelé, le chauffeur ne se trouve dans aucune obligation d’aucune sorte de recourir à l’application Uber et à celle-ci exclusivement (Uber n’exige aucune exclusivité, il faut le souligner), l’utilisation de l’application a précisément pour objet et, en pratique, pour effet, de limiter au maximum le temps d’attente, que ce soit pour le passager ou pour le chauffeur.
Bien évidemment, toute la logique, bien plus, l’essence même du principe du recours à la plate-forme, au moins dans un premier temps, est non pas de développer une clientèle personnelle, par définition difficile à créer, mais d’être assuré de pouvoir, dans un délai raisonnable à partir du moment où l’on contracte et où l’on se connecte, prendre en charge des clients et donc, réaliser un chiffre d’affaires permettant une rémunération.
Dès lors, prendre l’obligation d’installer l’application Uber comme élément de sujétion ne fait aucun sens puisque le service auquel on a délibérément choisi d’adhérer ne peut pas fonctionner autrement (en fait, il n’existerait tout simplement pas).
M. [F] ne disconvient d’ailleurs pas qu’il lui était loisible de se déconnecter à tout moment.
Il reproche cependant à Uber de lui interdire, de fait, d’avoir une clientèle personnelle, au motif qu’il lui est interdit de solliciter les clients qu’il transporte pour recueillir les données personnelles qui permettraient de les recontacter.
La cour ne peut, là encore, que constater que la société Uber est légitime à vouloir protéger sa ‘ressource client/passager’ puisque, par définition là encore, si elle n’a pas de client/passager, elle n’a aucune chance de réaliser un chiffre d’affaires puisqu’aucun chauffeur de véhicule n’aura d’intérêt à contracter avec elle.
La clientèle personnelle que M. [F] peut développer ne doit donc pas, en principe, être la même que celle procurée par les facilités qu’offre la plate-forme. A supposer, ce que là encore M. [F] ne démontre pas, que Uber lui aurait reproché d’avoir frauduleusement happé une clientèle, Uber aurait été fondée, comme dans le cadre de l’exécution de tout contrat commercial, à en tirer toutes les conséquences prévues par le contrat.
Il ne s’agit pas d’un pouvoir de direction ni de contrôle ni de sanction mais du droit de tout contractant de se défendre de la mauvaise exécution du contrat par son co-contractant.
Au demeurant, Uber écrit, sans être démentie, que l’interdiction faite au chauffeur d’entrer en relation directe avec le client ne vaut que tant que le client n’a pas donné son accord pour ce faire.
S’agissant de la demande faite par Uber à M. [F] de fournir un certain nombre de documents (document d’identité, licence, carte grise), elle ne saurait en aucune manière être interprétée comme un pouvoir de direction de la part de la Société. Compte tenu des spécificités de la profession de transporteur de personne / chauffeur VTC, Uber se trouve dans l’obligation de s’assurer que le professionnel qui va conduire des passagers à bord d’un véhicule d’un point à un autre dispose des autorisations nécessaires et d’un véhicule adapté.
Il ne fait pas davantage de sens de reprocher à Uber de déconnecter de son application le chauffeur qui refuse 80% (ou plus) des courses proposées ou trois courses d’affilée.
Outre qu’il s’agit d’une politique générale, les quelques échanges de messages, que l’intéressé produit, entre M. [F] et la plate-forme démontrent que son taux d’annulation pouvait être « largement supérieur à la moyenne, et ce dans des circonstances parfois inhabituelles » (message du 24 juillet 2018). Il est d’ailleurs remarquable que, malgré les nombreux messages reçus, M. [F] n’a pas modifié sa pratique pendant l’année qui a suivi et jusqu’en février 2020 (au moins, au vu des pièces fournies), ce qui démontre qu’il agissait selon son bon vouloir.
En tout état de cause, Uber n’est pas une entreprise philanthropique et ne peut raisonnablement espérer réaliser un bénéfice si elle n’est pas assurée que les personnes qui ont recours, de leur côté, à la plate-forme, trouveront dans les meilleurs délais un véhicule pour les transporter.
L’ensemble du système étant basé sur des algorithmes de mises en relation, la plate-forme servant d’intermédiaire entre le client et le chauffeur, seul un taux raisonnable d’acceptation des courses justifie que l’on soit maintenu dans le système, sauf à ce que, mathématiquement, le temps d’attente du client s’allonge sans cesse.
Or c’est précisément l’engagement de rapidité, tant à l’égard du client qu’à l’égard du système, qui en permet l’efficience. Contrairement à ce que suggère M. [F], il ne s’agit pas pour Uber de sanctionner un chauffeur, il s’agit de permettre que continue de fonctionner un système gagnant-gagnant : pour le chauffeur (qui trouve des clients dans les délais les plus rapides), pour le client (qui obtient dans les délais les plus rapides un véhicule pour le transporter) et pour Uber (son chiffre d’affaires est directement fonction du nombre de courses réalisées).
A cela, il faut ajouter que le chauffeur qui est automatiquement ‘déconnecté’ par la plate-forme peut se reconnecter presqu’immédiatement.
La cour relève que M. [F] a été invité à respecter les principes de la Charte et, à la suite d’un nouvel incident, il lui a été proposé un ‘coaching’, auquel il s’est inscrit. Les pièces soumises par M. [F] démontrent, en effet, que sa note moyenne était de 3,33, soit très inférieure à celle convenue et dont il savait qu’elle pouvait avoir pour conséquence une déconnexion temporaire.
M. [F] est mal fondé à reprocher à Uber de le ‘menacer’ de sanctions, alors qu’une partie à un contrat commercial peut se trouver justifier à prendre des mesures à l’encontre de l’autre partie lorsque cette dernière ne respecte pas les termes du contrat.
La cour note que M. [F] a fait une « utilisation anormale de l’application » notamment aux abords des aéroports, ce qui cause indéniablement un préjudice à l’ensemble des utilisateurs de la plate-forme, qu’ils soient chauffeurs ou clients.
M. [F] considère qu’est aussi un élément de direction et de contrôle exercé par Uber, le fait qu’il doive être géolocalisé en permanence pour travailler.
Outre que, comme il a déjà été indiqué, rien dans le contrat en cause n’interdit à M. [F] d’exercer comme chauffeur sans recourir à la plate-forme, donc sans être géolocalisé par elle, l’essence même du fonctionnement de la plate-forme tient, encore une fois, à sa capacité à réagir le plus rapidement possible à la demande d’être transporté. Le seul moyen technique connu qui permette d’y aboutir est la géolocalisation, seul moyen de tendre vers un idéal en terme de délai de prise en charge d’un client potentiel par un chauffeur potentiel.
La géolocalisation par Uber n’est pas un moyen de contrôle en soi, il est un outil d’optimisation, au bénéfice, comme il a été décrit plus haut, de tous les acteurs.
En tout état de cause, M. [F] ne démontre en aucune mesure que les différentes circonstances précédemment décrites l’auraient placé dans une situation moins favorable que si elles n’avaient pas existé, étant encore une fois indiqué que c’est lui qui a choisi de contracter avec Uber.
S’agissant du chiffre d’affaires, M. [F] fait valoir qu’il n’établit pas de facture mais qu’elles le sont par Uber.
Cette présentation est quelque peu fallacieuse. En effet, en s’engageant, M. [F] a accepté qu’Uber soit directement payée par les clients et prélève une commission, lui reversant le solde.
Il n’en résulte aucunement qu’il est payé par Uber, il se trouve seulement que, comme cela est le cas dans d’autres contrats commerciaux, le paiement par le client au créancier s’effectue par l’intermédiaire d’un tiers, au demeurant et encore une fois, librement choisi.
M. [F] n’est pas davantage fondé à considérer que le taux, variable, de la commission prélevée par Uber caractérise un pouvoir de contrôle. Outre que dans l’arrêt Voxtur, le taux maximum était nettement plus élevé, dans de multiples contrats commerciaux, le montant dû au fournisseur (ici, Uber) varie en fonction de la quantité achetée (ici, M. [F]). Autrement dit, il est normal, d’aucun pourrait dire : souhaitable, que le chauffeur qui effectue moins de course subisse un taux de commission plus élevé.
Pour ce qui est du prix de la course. M. [F] ne produit aucun message dont il résulterait qu’il aurait subi des ajustements de prix. Les relevés qu’il soumet ne permettent de constater qu’un nombre très limité d’ajustements, sans que la cour puisse considérer qu’ils seraient injustifiés.
Force est de rappeler, encore une fois, que toute l’économie du système repose sur la confiance qui est faite (et la cour admet que chacun est libre de ne pas accorder cette confiance) au système pour optimiser les relations entre clients potentiels et chauffeurs potentiels. Le client recherche le meilleur chauffeur au meilleur prix dans le meilleur délai quand le chauffeur espère le meilleur client (en pratique, d’ailleurs, celui qui va lui laisser un pourboire, ce qui est une donnée qu’il n’est par essence pas possible d’anticiper) dans le meilleur temps. Tout se conjugue donc pour que les trajets doivent être optimisés. Encore une fois, cela requiert le recours à des calculs faits à une rapidité qui dépasse les capacités humaines pour identifier, en un temps record, le véhicule qui est le plus proche du client et le mieux à même de le transporter dans les meilleurs délais au lieu déterminé par ce client. Il en résulte nécessairement un itinéraire déterminé électroniquement et non humainement.
En théorie, cet itinéraire, pour étrange qu’il puisse apparaître, surtout aux yeux d’un chauffeur expérimenté, est le meilleur, en terme de rapidité. De cette rapidité dépend le prix de la course. Le chauffeur qui décide, pour une raison qui lui appartient, de suivre un autre itinéraire, doit donc légitimement s’attendre à ce que le surcoût engendré par ce choix lui soit imputé plutôt que d’être imputé au client, sauf à ce que, encore une fois, ce ne soit tout le système qui se trouve menacé.
M. [F] ne démontre pas que le choix d’un itinéraire qu’il avait fait était meilleur que celui proposé par la plate-forme. Il était donc légitime qu’il en supporte les conséquences.
En tout état de cause, ce système ne correspond en aucune manière à un tarif unilatéralement imposé puisqu’il résulte, directement et nécessairement du libre engagement par le chauffeur de recourir à la plate-forme et de ne pas respecter les règles qui en permettent le meilleur fonctionnement, dans l’intérêt des chauffeurs eux-mêmes.
M. [F] considère par ailleurs que la modification unilatérale des tarifs comme la pratique de tarifs différenciés constitue également un élément de la subordination dans le cadre de laquelle il exerce.
Il faut là encore rappeler que M. [F] ne se trouve dans aucune obligation de recourir à l’utilisation de la plate-forme.
Si la pratique qu’il invoque existe, elle ne saurait être considérée comme illégitime, dès lors que, toujours pour les raisons déjà avancées, il est de l’intérêt pour chacune des trois parties en cause, que la société cherche à ce qu’un plus grand nombre de véhicules soient disponibles à des moments déterminés de la journée ou de la semaine, du mois, de l’année (nuit, fins de semaine, départ ou retour de vacances, etc…) et de moduler les tarifs en conséquence.
Là encore, M. [F] ne démontre en aucune manière en quoi cette pratique serait assimilable à un pouvoir de contrôle de son activité, encore mois de sanction, encore moins qu’il en aurait pâti.
M. [F] fait par ailleurs valoir que la qualité de sa prestation est contrôlée par Uber qui peut le sanctionner, par déconnexion ou majoration de la commission, si cette qualité est inférieure à la normale ou si le prix de la course a été indûment majoré.
S’agissant du contrôle de la qualité proprement dite de la prestation, il peut être noté que, dans l’arrêt Voxtur, l’appréciation se faisait en temps réel et la ‘sanction’ beaucoup plus susceptible d’être subie puisque le chauffeur devait avoir à son bord un appareil informatique, fourni par la société, permettant au client de faire part de son appréciation pendant la course et que le niveau de satisfaction moyen devait être de ‘4,5’ sur 5, le contrat pouvant être résilié si deux notes ou plus étaient inférieures ou égales à ‘3’ par semaine et sur deux semaines consécutives ou si trois notes étaient inférieures ou égales à 4 par semaine sur deux semaines consécutives.
Rien de tel dans le cas de M. [F], outre qu’il peut être observé, d’une part, que le fait qu’un client particulier soit mécontent de la performance d’un artisan se résout, pour le moins fréquemment, par une diminution de la somme convenue voire la résiliation pure et simple du contrat, d’autre part que, là encore, M. [F] ne démontre pas avoir vu sa rémunération baisser du fait de la mauvaise qualité alléguée de sa prestation.
Si Uber a choisi d’élaborer une Charte, en contractant avec cette société, le chauffeur a accepté de la respecter. C’est son libre choix. Il faut ajouter que, d’une manière générale, les transporteurs de personnes sont tenues de respecter un ensemble de règles, ce que la société Uber a rappelé, sans être contestée sur ce point (voir l’arrêté réglementant la profession de ‘VTC’).
Enfin, il peut être rappelé que la pratique de l’évaluation des prestations commerciales tend à se répandre, souvent même sans être sollicitée, de telle sorte que c’est le professionnel le mieux noté qui est le plus fréquemment choisi, système qui ne peut, dans cette perspective, que lui être profitable, étant souligné que, dans le cas présent, Uber ne saurait être tenue pour responsable de l’évaluation faite puisqu’elle l’est par le passager.
La cour peut observer, enfin, que le recours à la géolocalisation est aujourd’hui systématique, la seule différence résidant dans la possibilité que peut offrir un chauffeur indépendant de proposer plusieurs trajets à son client, mais avec cette observation, fondamentale, que si le client choisit un itinéraire autre que celui déterminé par l’application utilisée par le chauffeur (le nom de certaines de ces applications vient immédiatement à l’esprit), il acquiesce par anticipation à l’éventualité du paiement d’un prix plus élevé pour la course (pour donner un exemple : un trajet utilisant le périphérique de [Localité 7] peut-être plus rapide, il est plus coûteux).
Or, encore une fois, comme il a été décrit plus haut, le système auquel M. [F] a choisi d’adhérer, repose sur l’optimisation du prix, donc, ici, du trajet.
S’agissant du chiffre d’affaires réalisé par M. [F], il peut d’ailleurs être relevé que ce dernier réclame à Uber, en tant que le salarié qu’il prétend être, des sommes assez considérables mais ne détermine en aucune manière le salaire, auquel il pourrait légitimement prétendre s’il était salarié. Il réclame, notamment, des « dommages intérêts pour non-respect des dispositions légales et réglementaires du contrat de travail », en outre des rappels au titre des heures supplémentaires, indemnités dues au titre de la contrepartie de repos, une indemnité due au titre du chômage partiel.
La cour ne peut que constater que l’ensemble des fiches produites par M. [F], tout spécialement les relevés hebdomadaires, reflètent précisément le temps de connexion réalisé et le montant reversé au chauffeur.
La cour observe que ces montants sont très variables et ne dépendent pas directement de la durée de connexion à l’application.
A titre d’exemple, dans l’ordre dans lequel les pièces ont été soumises :
– pour la période du 4 au 10 janvier 2016 (pas de résumé antérieur produit), M. [F] a effectué un total de 58 courses pour un temps total de connexion de 49h44 et des revenus totaux de 695,44 euros, soit une moyenne d’un peu plus de 13,97 euros de l’heure si on prend en compte le temps total de connexion comme du temps de travail ;
– pour la période du 29 février au 6 mars 2016 : 91 courses pour un temps de connexion de 52h38 minutes et des revenus de 1 112,50 euros, soit une moyenne de 21,15 euros ;
– pour la période du 18 au 24 juillet 2016 : 4 courses terminées pour 6h46 minutes de connexion et des revenus de 56,49 euros, soit une moyenne de 8,36 euros ; la cour observe que pour les quatre premières semaines de juillet 2016, M. [F] a très peu utilisé l’application ;
– pour la période du 3 au 9 juillet 2017 : 51 courses terminées pour un temps de connexion de 30h32 minutes et des revenus de 742,06 euros, soit une moyenne de 24,30 euros ;
– pour la période du 25 au 31 décembre 2017 : 49 courses terminées pour 24h17 minutes de connexion et des revenus de 625,74 euros, soit une moyenne de 25,75 euros ;
– pour la période du 24 au 30 décembre 2018 : 16 courses pour 12h17 minutes de connexion (ce qui correspond au demeurant à moins de trois heures par jour en moyenne mais en incluant la période de noël, il est vrai) et des revenus de 158,77 euros, soit une moyenne de 12,90 euros ;
– pour la période du 7 au 13 octobre 2019 : 50 courses pour un temps de connexion de 27h24 minutes et des revenus de 874,94 euros, soit une moyenne de 31,80 euros ; la cour note que M. [F] a été particulièrement actif au mois de juillet 2019 et du 26 août au 29 décembre 2019, avec des moyennes comparables à celle-ci ;
– la durée de connexion de M. [F] s’est ensuite réduite ; par exemple, pour la période du 10 au 17 février 2020, 14 courses pour 14h05 de connexion et 247 euros de revenus, soit une moyenne de 17,50 euros ; M. [F] a recommencé à se connecter de façon plus importante à compter de la fin août 2020 ;
– pour la période du 7 au 14 septembre 2020 : 68 courses effectuées pour une temps de connexion de 43h29 minutes et des revenus de 760,59 euros, soit une moyenne de 17,48 euros ;
– pour la période du 30 novembre au 7 décembre 2020 : 96 courses effectuées (sauf erreur involontaire de la cour, il s’agit du plus grand nombre de courses jamais réalisé par M. [F] au vu des pièces fournies), pour une temps de connexion de 60h06 minutes et des revenus de 1 205,88 euros, soit une moyenne de 20 euros.
Si l’on prend les récapitulatifs fiscaux, les revenus totaux, nets, de M. [F] ont été de :
. 22 867,77 euros pour 2015 et 13 678 kilomètres parcourus (activité débutée le 28 mai) ;
. 19 187,22 euros et 14 445 kilomètres parcourus en 2016 ;
– 19 420,97 euros et 13 330 kilomètres parcourus en 2017 ;
. 26 480,28 euros et 14 199 kilomètres parcourus en 2018 ;
. 30 118,47 euros et 15 475 kilomètres parcourus en 2019 ;
. 20 542,04 euros et 11 869 kilomètres parcourus en 2020 (dernière année pour laquelle le récapitulatif est fourni) ;
Il est assez remarquable que pour 15 475 kilomètres parcourus (2019), M. [F] ait pu avoir des revenus nets de plus de 30 000 euros, soit 2 500 euros par mois en moyenne, à comparer avec les kilométrages bien supérieurs effectués par les taxis parisiens, en général, dont M. [F] ne démontre en rien qu’ils bénéficieraient de revenus nets moyens nettement plus élevés en regard.
L’analyse détaillée des pièces produites par M. [F] démontre que ses revenus sont bien directement liés à son activité et aux choix qu’il a faits pour l’exercer, son activité étant très variable d’une semaine à l’autre et d’une année à l’autre, sans autre explication (hors crise sanitaire, naturellement) que les choix effectués par l’intéressé.
Force est donc de constater que M. [F] était libre de travailler, ou pas, dans le cadre de la plate-forme Uber ; que ses revenus ne peuvent être considérés comme dérisoires pendant ses périodes d’activité ; qu’il a au demeurant maintenu ses relations avec la plate-forme Uber pendant jusqu’au 27 mars 2022, soit pendant sept ans.
En définitive, et sans qu’il soit indispensable de suivre plus avant M. [F] dans les méandres de ses prétentions et explications qui, toutes, renvoient aux considérations qui précèdent, la cour doit considérer soit que le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction qu’il reproche à la société Uber d’exercer correspond aux mécanismes fondamentaux qui sont de nature à assurer que le système profite au mieux à chacune des parties dans le libre choix qu’elles ont fait de contracter ensemble ; soit que le pouvoir allégué de la société Uber n’est pas démontré, en tout état de cause qu’il n’est pas démontré qu’il ait entraîné pour ce chauffeur les conséquences alléguées, qui l’aurait empêché d’exercer de façon autonome sa profession de chauffeur indépendant de véhicule de transport de personnes.
C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes de Paris s’est déclaré incompétent.
Le jugement entrepris sera confirmé.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
M. [F], qui succombe à l’instance, supportera les dépens de la procédure.
Il sera condamné à payer à la société Uber la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et débouté de sa demande à cet égard.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en date du 2 juin 2022 du conseil de prud’hommes de Paris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [Z] [F] aux dépens ;
Condamne M. [Z] [F] à payer à la société Uber BV la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [Z] [F] de la demande qu’il a formée à ce titre ;
Déboute les partie de toutes leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
La greffière, Le président,