Your cart is currently empty!
15 juin 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00672
RUL/CH
S.A.S. [Adresse 5]
C/
[L] [S]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 15 JUIN 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00672 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FZLS
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Commerce, décision attaquée en date du 08 Septembre 2021, enregistrée sous le n° F 19/00410
APPELANTE :
S.A.S. [Adresse 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Me Maïté PELEIJA, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉ :
[L] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par M. [O] [P] (Délégué syndical ouvrier), muni d’un pouvoir en date du 4 mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Mai 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société [Adresse 5] a été créée le 2 août 2019 par Mme [K] [V] afin de reprendre l’exploitation d’un fonds de commerce de café, bar, restaurant auparavant exploité par la société LE CONCORDE.
M. [L] [S] a été embauché par un contrat à durée déterminée du 3 septembre 2019 au 2 janvier 2020 en qualité de cuisinier, niveau 3, échelon 3, de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.
Le 14 octobre 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à une rupture anticipée du contrat de travail fixé au 23 suivant.
Le 26 octobre 2019, l’employeur lui a notifié la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée pour faute grave.
M. [S] a demandé des précisions sur les faits reprochés par lettre du 24 novembre 2019.
Par requête du 29 novembre 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône aux fins de contester la rupture et faire condamner l’employeur aux conséquences pécuniaires afférentes, outre l’obtention d’un remboursement de vaisselle.
Par jugement du 8 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a jugé la rupture du contrat de travail abusive et condamné l’employeur à, notamment, verser au salarié des dommages-intérêts pour rupture abusive et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 5 octobre 2021, la société [Adresse 5] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 19 mai 2022, l’appelante demande de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande de remboursement de la vente de vaisselle,
– l’infirmer en ce qu’il :
* a dit que la rupture du contrat de travail est abusive,
* l’a condamnée à lui verser les sommes suivantes :
– 8 215,40 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée,
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a déboutée de sa demande reconventionnelle pour procédure dilatoire et abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux dépens,
– débouter M. [S] de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure dilatoire et abusive et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 28 février 2022, M. [S] demande de :
– retirer la pièce n° D adverse (attestation de Mme [I]) ainsi que de la pièce n° F adverse (attestation de Mme [A]) non conforme “phrase non recopiée”,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de travail est abusive et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
à titre principal,
– condamner la société [Adresse 5] à lui payer la somme de 8 215,40 euros à titre de dommages-intérêts correspondant aux rémunérations qu’il aurait perçu jusqu’au terme de son contrat,
à titre subsidiaire,
– requalifier le contrat de travail en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 septembre 2019,
– condamner la société [Adresse 5] à lui payer les sommes suivantes :
* 2 464,63 euros à titre d’indemnité de requalification,
* 2 464,63 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 636 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 63,60 euros au titre des congés payés afférents,
* 852,19 euros au titre de la mise à pied conservatoire, outre 85,22 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société [Adresse 5] aux entiers dépens,
– juger que les condamnations produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société [Adresse 5] de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône,
– débouter la société [Adresse 5] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure dilatoire et 2 000 euros sur le fondement de l’article 700,
– l’infirmer en ce qu’il l’a débouté de sa demande de remboursement à hauteur de 1 000 euros correspondant à de la vente de vaisselle.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la mise à l’écart des pièces n° D et F produites par l’employeur :
M. [S] sollicite dans le dispositif de ses conclusions de “Demander le retrait de la pièce n° D adverse (Attestation de Madame [I] [E]) ainsi que de la pièce n° F adverse (Attestation de Madame [D] [A]) non conforme “phrase non recopiée” sans développer dans le corps de ses écritures la moindre observation ou explication de nature à justifier cette demande que les premiers juges ont rejeté au motif que “les pièces du dossier [ont] été communiquées aux parties conformément à la procédure”.
En tout état de cause, les deux attestations contestées font le récit d’événements auxquels les témoins ont directement assisté de sorte qu’elles sont recevables, même si elles ne sont pas établies avec toutes les mentions légales requises, la cour conservant un pouvoir d’appréciation sur ces témoignages.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de mise à l’écart.
II – Sur le bien fondé de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée :
Le contrat à durée déterminée sans terme précis cesse en principe le jour de la fin de l’absence du salarié remplacé ou de la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu.
Sauf accord des parties, l’article L 1243-1 du code du travail dispose que le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant son terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. En dehors de ces cas, l’initiative de la rupture intervenant du fait de l’employeur ou du salarié ouvre droit à des dommages-intérêts.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La charge de la preuve pèse sur l’employeur.
Aux termes de la lettre de rupture anticipée du contrat de travail du 26 octobre 2019, il est reproché au salarié les faits suivants :
“[…] Insubordination et négligence :
– Refus de prendre des jours de congés imposé par la loi et par l’employeur, et ce devant témoins
– Changement des plannings de l’équipe contre la volonté de l’employeur, en remplaçant les personnes légalement employées par votre épouse et d’une de ses amies
– Refus de laisser la facturation et la caisse à Madame [D] [A], à l’encontre des directives de l’employeur
– Non remise des tickets de recette de la foire de [Localité 4], empêchant tout contrôle et toute visibilité de l’employeur sur les encaissements en espèces et le détail des produits vendus
– Refus de produire des factures pour les achats de matériel (remise de duplicatas de factures et de factures au nom de la société de Mr [S] et de sa fille) : “toi et tes factures, tu veux des factures pour tout, on est pas dans la finance”
– Production de factures pour des services non rendus (location de matériel appartenant en fait à l’employeur (vaisselle, réfrigérateur, desserte, etc…) Et non mise à disposition de matériel tel que congélateurs, desserte réfrigérée, etc)
– Production de facture pour location de camion réfrigéré sans accord préalable avec l’employeur ; à noter que le camion n’était pas aux normes et qu’il faisait sauter l’électricité qui alimentait les autres commerçants, nuisant à la réputation de l’entreprise et que jamais l’employeur n’aurait validé une telle location – Refus de prendre le personnel proposé (et déclaré) par l’employeur et insistance sur l’utilisation de l’entraide familiale (votre épouse et son amie)
– demande de paiement en espèces pour l’entraide familiale, après coup, et refus d’établir des factures de sous-traitance comme cela avait pourtant été convenu avec l’employeur auparavant
– Nettoyage de la cuisine partiel et non respect des normes d’hygiène
– Intention de vendre des produits périmés aux clients (fromages blancs) sans en informer l’employeur, mettant ainsi un risque sur la réputation de l’entreprise et la santé des clients. L’employeur a dû fermer la cuisine et perdre plusieurs centaines d’euros de nourriture.
Refus d’effectuer les tâches relevant de votre qualification professionnelle, et définie dans le contrat, en particulier :
– Refus de préparer des fiches techniques pour les plats
– Refus de remplir la liste des allergènes
– Réutilisation de l’huile de friture vieille et sale des propriétaires précédents, mettant un risque sur la santé des clients et sur la réputation de l’entreprise à risque, malgré les directives de l’employeur et l’énumération des risques encourrus
– Refus de réaliser l’analyse des coûts
– Manquement au rôle de conseil sur les prix des menus et de la carte, causant un manque à gagner à l’entreprise durant les 2 premiers jours de la Foire de chalon. Ceci aurait pu être éviter car l’employeur avait suggéré un menu à 20 euros suite à une étude de marché mais Mr [S] avait insisté qu’il fallait mettre le menu à 26,50 euros basé sur son expérience
Remise de feuilles de temps avec des heures et des jours non travaillés ainsi que des pauses non déclarées
Argent prélevé dans la caisse sans autorisation pour dépenses non autorisées et sans factures au nom de l’entreprise, mettant l’entreprise en difficulté financière
Dégradation de matériel (face de tiroir de salle de bain endommagée et fuite de robinet) et sans notifier l’employeur, donnant une mauvaise image aux clients et causant des coûts à la société
Volonté de nuire à l’entreprise en enlevant les protections du matériel situé à l’arrière du bar, en particulier un réfrigérateur, et débranchement du congélateur, faisant perdre tout le contenu alimentaire à l’employeur
Menaces devant témoins “si tu ne paies pas, tu vas souffrir”, avec un couteau dans la main (mais sans geste menaçant)
Demande de paiement de factures avant 12h00 le jour même sous peine de ne pas assurer le service du midi, sachant que les factures émises ne correspondaient pas à des services rendus et que l’employeur était toujours en attente de justificatif pour le chèque de 1 000 euros donné au mois de septembre
Prise de décision au nom de l’entreprise sans la connaissance ni l’accord de l’employeur (achats, locations de matériel, embauche de personnel) […]” (pièce n° 3)
M. [S] oppose pour sa part que :
– il n’a jamais refusé de prendre des congés dans la mesure où, venant de commencer la relation de travail, il n’avait pas encore acquis de congés,
– il n’y avait pas de planning pour le personnel,
– il ne connaissait pas spécialement Mme [A] comme étant salariée ou responsable de l’entreprise donc ne peut pas lui avoir laissé la facturation et la caisse,
– les tickets étaient archivés dans une enveloppe à cet effet et remis au passage de Mme [V], tout comme les factures pour les achats de matériel, lesquelles lui étaient remises tous les soirs ou le lendemain matin,
– puisque le restaurant n’était pas encore en activité, aucun contenu alimentaire n’a pu être perdu,
– il n’a jamais menacé la gérante avec un couteau ni demandé le paiement de facture avant midi pour le jour même,
– le chèque de 1 000 euros correspondait à la vente d’un chauffe assiette 120 pièces et de la vaisselle à la société [Adresse 5], somme qui lui a indûment retirée par la suite,
– il n’a jamais pris de décision au nom de l’entreprise sans l’accord de Mme [V],
et ajoute qu’aucune précision sur les griefs qui lui sont reprochés n’a été apportée par l’employeur dans sa réponse du 7 novembre 2019.
Au titre des éléments dont la charge de la preuve lui incombe, la société [Adresse 5] produit notamment :
– une attestation de M. [R] [X] selon lequel “[L] a eu un manque certain d’hygiène pendant la foire en ne respectant aucune des règles de base du HACCP”, “L’état de la cuisine et des frigos était déplorable, frites qui traînaient dans bain-marie, sauce fleurette non rangée au frigo”, J’ai vu à plusieurs reprise [L], [J] et [G] prendre dans la caisse de la foire afin d’aller chercher de la marchandise et m’ont dit de prendre dans la caisse afin d’aller chercher des verrines pour les mousses chocolat que j’ai acheté à ACTION le premier vendredi de la foire”, « [L] faisait des desserts à base de poudre alors que [K] avait demandé du fait-maison uniquement. [L] et [J] achetaient de la viande d’origine étrangère alors que [K] avait demandé de la viande française uniquement, et c’est ce qui était affiché aux clients » (pièce n° E),
– un récépissé de main-courante du 15 octobre 2019 dans lequel Mme [V] relate divers faits qui se sont déroulés la veille alors que M. [S] et sa fille travaillaient (pièce n° B),
– un dépôt de plainte du 25 octobre 2019 (pièce n° C),
– une attestation de Mme [D] [A] indiquant que «[…] très rapidement, je me suis trouvée reléguée simplement et uniquement au service en salle, Melle [S] se chargeant des encaissements, ceci allant à l’encontre des décisions de Mme [V]” et ajoutant “M. [S], tenant un couteau à la main, a menacé verbalement Mme [V], lui précisant haut et fort que (je cite) “cela ne se passerait pas comme cela et que cela allait lui faire très mal” (pièce n° F),
– un post-it d’une somme prise dans la caisse, plusieurs tickets de caisse et trois factures PROMOCASH au nom d'[J] [S] refaites ensuite au nom de la société [Adresse 5] (pièces n° H, L et M),
– une facture de location d’un camion frigorifique émise par M. [S] (pièce n° 5),
– une attestation de M. [U] [W] indiquant que M. [S] lui a loué une camionnette frigorifique pour la foire de [Localité 4] du 27/09 au 6/10/2019 (pièce n° 6),
– une attestation de Mme [I] indiquant “M. [L] [S] vient me trouver et me demande si je suis intéressée de travailler avec lui pour la foire de [Localité 4] car c’est lui qui gérait le restaurant de la foire. Je vais à la foire, suite à un rendez-vous que m’a donné M. [S] et je fais la connaissance de Mme [V] [K], patronne du bar [Adresse 5]. Cette personne a eu l’air étonnée mais elle a dit ok lorsque M. [S] lui a expliqué que c’était pour aider et qu’il n’était pas en bonne santé à cette période. Ce jour-là, il n’a pas été question d’embauche car pour moi je dépendais de M. [S]. Il y avait déjà une autre serveuse prévue par Mme [V] mais celle-ci n’était pas le choix à [L] [S]. Il s’est avéré qu’après la fin de la foire, M. [S] ne me payait pas, il disait que Mme [V] ne l’avait pas réglé, je suis donc allée voir celle-ci qui est tombée des nues car elle avait déjà fait un chèque à M. [S] pour la sous-traitance de mes heures de travail. Ce chèque existe bien car j’ai eu l’occasion de le voir car Mme [S] [G] me l’a montré et elle m’a dit ne pas pouvoir l’encaisser car ils n’avaient plus de sociétés. J’ai donc contacté Mme [V] directement, elle a été outrée d’apprendre que je n’étais pas en sous-traitance comme moi-même je le croyais. Mme [V] a immédiatement rétabli la situation en me faisant un contrat de travail et une fiche de paie” (pièce n° D).
La cour relève que si les éléments issus de la main-courante et de la plainte déposée par l’employeur, pris en la personne de Mme [V], ne sauraient à eux seuls démontrer la réalité des griefs allégués s’agissant d’éléments qui ne reposent que sur ses propres déclarations, il ressort en revanche des attestations produites, sur le contenu desquelles M. [S] ne se prononce pas, se bornant soit à demander qu’elles soient écartées pour des raisons de forme, soit à mettre en cause la probité des témoins plus que l’authenticité de leurs déclarations, que le salarié :
– s’est affranchi des règles d’hygiène pourtant élémentaires dans son domaine d’activité comme des consignes formelles de son employeur, notamment sur les produits offerts aux clients, de sorte que ceux-ci ont été trompés sur la qualité de ce qui leur était proposé (attestation de M. [X] – pièce n° E),
– a prélevé dans la caisse des sommes soit pour procéder ou faire procéder à des achats de matériels ou de marchandises, soit à des fins non déterminées, sans l’autorisation de son employeur, procédant pour ce faire à la mise à l’écart de Mme [A] pourtant recrutée à cette fin (attestations de M. [X] et de Mme [A] – pièces n° E et F),
– a pris l’initiative de recourir aux services d’une tierce personne, Mme [I], pour travailler avec lui alors qu’il n’avait pas autorité pour le faire (attestation de Mme [I] – pièce n° D),
– a eu recours à un camion dont il s’est fait rembourser l’usage par son employeur (pièce n° 5) alors qu’il appartenait à un tiers qui n’a d’ailleurs pas été payé pour cette location (attestation de M. [W] – pièce n° 6),
– a menacé Mme [V] en lui disant, tenant un couteau à la main, que “cela ne se passerait pas comme cela et que cela allait lui faire très mal” (pièce n° F).
Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur l’ensemble des autres griefs allégués, y compris ceux pour lesquels l’employeur ne développe aucune observation dans ses écritures ni ne produit aucun élément, et peu important que M. [S] produisent trois attestations de clients dont deux affirment avoir été satisfaits de ses services, leurs déclarations étant soit sans rapport avec les griefs qui lui sont reprochés, soit trop imprécises pour être probantes (pièces n° 21, 22 et 23), il ressort des développements qui précèdent un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, justifiant ainsi la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a jugé que la rupture était abusive et alloué à M. [S] la somme de 8 215,40 euros bruts à titre de dommages-intérêts.
III – Sur la requalification du contrat de travail et les demandes afférentes à sa rupture :
A titre subsidiaire, M. [S] sollicite au visa des articles L1242-1 et 2 du code du travail la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée au motif qu’en sa qualité de seul cuisinier du restaurant, il a été embauché à titre temporaire pour pourvoir un poste lié en réalité à l’activité normale de l’entreprise.
L’employeur oppose sur ce point que :
– M. [S] n’a pas été seulement recruté pour la période du 3 septembre 2019 au 2 janvier 2020 comme cuisinier mais également comme “consultant” pour trouver le cuisinier permanent de l’entreprise, s’occuper de la restauration de la foire avec M. [X] et lancer la cuisine (établissements des menus, des méthodes de travail, des listes des allergènes…), ce qui n’est pas une tâche liée à l’activité normale et permanente de l’entreprise,
– il n’était pas le seul cuisinier de l’entreprise, M. [X] ayant été recruté en cette qualité du 1er au 6 octobre 2019 puis du 6 novembre 2019 au 11 avril 2020 (pièce n° K).
Il ressort du contrat de travail que M. [S] a été recruté au niveau 3, échelon 3 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants et que son contrat de travail dresse une liste des tâches qui lui sont confiées dont certaines dépassent la seule fonction de cuisinier (notamment la gestion de la production avec l’élaboration des menus et de la carte, la mise en place d’une organisation du travail compatible avec la production et ses aléas, la mise en place et suivi des délégations, l’organisation des postes de travail, la réalisation d’analyse des coûts, le management et animation d’équipe avec l’établissement des plannings et grilles horaires en collaboration avec le responsable d’établissement, l’évaluation des besoins en formation, l’évaluation des résultats en collaboration avec le responsable de l’établissement, la supervision de l’ensemble des activités de restauration et de leur résultat), ce qui corrobore le fait qu’il a effectivement été embauché pour assurer la mise en place de la cuisine à la suite du rachat, la veille, du fonds de commerce.
D’ailleurs M. [X] atteste que M. [S] s’est présenté à lui comme “consultant” pour aider au lancement de la restauration ainsi qu’à celui du nouveau chef et également “veiller au bon déroulement et à l’organisation de la foire” (pièce n° E).
Enfin, l’employeur produit le registre du personnel démontrant que contrairement à ce qu’il affirme M. [S] n’était pas le seul cuisinier embauché.
En conséquence, dans le contexte de la reprise du restaurant et de la foire de [Localité 4] à laquelle la société a participé, la cour considère que l’employeur démontre le surcroît d’activité visé au contrat de travail comme cause de recours à un emploi à durée déterminée.
Il s’en déduit que M. [S] n’est pas fondé à prétendre à la requalification de son contrat en un contrat à durée indéterminée ni aux conséquences indemnitaires afférentes à ladite requalification et à sa rupture.
IV – Sur la demande de remboursement
M. [S] soutient qu’une somme de 1 000 euros lui a été retirée sur son bulletin de salaire d’octobre 2019 (pièces n° 9 et 12) alors qu’elle correspondait à une vente de vaisselle et d’un chauffe-assiette à son employeur (facture du 13/09/2019 – pièce n° 6).
La société [Adresse 5] oppose que la prétendue facture produite n’est pas signée par l’employeur et conteste tout achat de cette nature. Elle ajoute que par lettre du 30 octobre 2019, elle a demandé au salarié de venir récupérer ses affaires, dont la vaisselle et un chauffe-assiette, ce qui démontre qu’il n’y avait eu aucune vente (pièce n° 10).
Il ressort des pièces produites que si une somme de 1 000 euros a effectivement été retirée sur le bulletin de paye du mois d’octobre 2019, elle est qualifiée “d’acompte” que l’employeur explique par une demande du salarié de bénéficier d’un acompte sur salaire formulée au début du mois d’octobre.
Par ailleurs, comme les premiers juges, la cour relève que la pièce n° 6 présentée par M. [S] comme une “facture à PLACE 2 B” est particulièrement douteuse en ce qu’elle comporte de multiples ratures, que la somme de 1 000 euros n’est pas celle mentionnée initialement sur le document et la signature présente sous la mention “réglé en chèque le 13/09/2019” n’est aucunement authentifié par un tampon de la société.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de remboursement.
V – Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :
Au visa des dispositions des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil, la société [Adresse 5] soutient que M. [S] a commis une faute dans son droit d’agir en justice, faisant ainsi dégénérer celui-ci en abus, dans la mesure où dans le contexte des nombreux manquements qu’il a commis ainsi que des nombreuses man’uvres dont il a usé pour tenter à plusieurs reprises de l’escroquer financièrement, venir contester la rupture de son contrat à durée déterminée serait constitutif d’un abus.
Elle sollicite en conséquence la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
M. [S] oppose qu’il n’a pas agi de manière dilatoire et abusive et ajoute que la société [Adresse 5] ne peut pas parler d’escroquerie car aucune suite n’a été donnée à la plainte déposée par Mme [V] le 25 octobre 2019.
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Toutefois, l’exercice d’une action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol.
En l’espèce, il ne résulte pas de la procédure d’éléments suffisants pour caractériser ces conditions.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
VI – Sur les demandes accessoires :
– Sur les intérêts au taux légal :
Les demandes pécuniaires de M. [S] étant rejetées, cette demande est sans objet, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
M. [S] sera condamné à payer à la société [Adresse 5] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La demande de M. [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée,
M. [S] succombant, il supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement rendu le 8 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône sauf en ce qu’il a :
– rejeté la demande de mise à l’écart des pièces n° D et n°F,
– rejeté la demande de remboursement de M. [L] [S],
– rejeté la demande de la société [Adresse 5] à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est fondée sur une faute grave,
REJETTE l’ensemble des demandes de M. [L] [S],
CONDAMNE M. [L] [S] à payer à la société [Adresse 5] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [L] [S] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président
Kheira BOURAGBA Olivier MANSION