Your cart is currently empty!
16 juin 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
21/00190
ARRET N° 23/109
R.G : N° RG 21/00190 – N° Portalis DBWA-V-B7F-CIEU
Du 16/06/2023
S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE
C/
[O]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 16 JUIN 2023
Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 06 Juillet 2021, enregistrée sous le n° 19/00507
APPELANTE :
S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent GAMET de la SELAS FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jean MACCHI, avocat au barreau de MARTINIQUE
Représentée par Me Thomas NOEL, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur [J] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Sylvette ROMER, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente,
Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre;
Mme Vanessa LEPEU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Rose-Colette GERMANY
DEBATS : A l’audience publique du 28 Avril 2023,
A l’issue des débats, le président a avisé les parties que la décision sera prononcée le 16 juin 2023 par sa mise à disposition au greffe de la Cour conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile.
ARRET : contradictoire et en dernier ressort
***********
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant contrat de professionnalisation du 15 janvier 2007, M. [J] [O] a été embauché par la société SA BNP Paribas Antilles Guyane, du 15 janvier 2007 au 31 août 2008, en qualité d’informaticien réseau.
Ensuite, la relation de travail s’est poursuivie entre les parties sous les formes contractuelles suivantes :
CDD du 1er novembre 2008 au 31 août 2009,
CDD du 19 septembre 2013 au 19 décembre 2013,
Contrat de mise à disposition du 20 décembre au 31 décembre 2013 puis autres contrats de mise à disposition sur la période ininterrompue du 1er janvier 2014 au 5 février 2014 (contrats à la semaine)
CDD du 6 février au 31 juillet 2014 prolongé jusqu’au 31 juillet 2015.
La société Data Guadeloupe a ensuite facturé à la Banque des prestations en régie, effectuées par M. [O], pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2015 puis pour la période du 1er janvier au 31 mars 2016.
M. [O] a encore été embauché par la société SA BNP Paribas au titre d’un CDD, du 1er avril au 30 septembre 2016, contrat prolongé jusqu’au 31 mars 2017, en qualité d’assistant technique informatique.
Enfin, le 31 mars 2017, le CDD de M. [O] a été transformé en CDI à compter du 1er avril 2017 en qualité de technicien support hotline (statut technicien niveau E), pour une rémunération annuelle brute de 31 000,00 euros, avec reprise d’ancienneté au 1er avril 2016.
Le 1er mars 2019, le salarié a été promu au poste de chargé d’informatique groupe niveau F, avec une augmentation de salaire de 1 340 euros par an.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 octobre 2019, M. [O] a sollicité un entretien en vue d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail, formulant des doléances (demande requalification des CDD en CDI, prise en compte ancienneté effective, non-respect grille d’embauche de la convention collective, erreur classification de poste, absence de promotion pendant 6 ans, modification unilatérale de son contrat pour lui imposer des astreintes, absence de remboursement des frais kilométriques, heures supplémentaires, absence du bénéfice du contrat esprit libre rattaché à son compte bancaire, absence d’égalité de traitement caractérisant un harcèlement moral, altération état physique et moral).
Par courrier recommandé avec avis de réception du 6 décembre 2019, le salarié a, par la voix de son conseil, adressé à son employeur une prise d’acte de rupture de son contrat de travail reprenant l’ensemble des violations ci-dessus rappelées.
Le 20 décembre 2019, la Banque a pris acte de la prise d’acte de rupture du contrat de travail par M. [O] au 10 décembre 2019 et a contesté les griefs formulés par le salarié.
L’employeur a signé, le 10 décembre 2019, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte.
Le 23 décembre 2019, M. [J] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France des demandes figurant dans le courrier de prise d’acte de rupture du contrat de travail et a sollicité que la prise d’acte de rupture du contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement contradictoire du 6 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :
dit que les demandes antérieures au 10 décembre 2016 sont prescrites (demande de requalification du CDD en CDI, indemnité de requalification),
déclaré la prise d’acte de rupture du contrat de travail de M. [J] [O] fondée et l’a requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamné la SA BNP Paribas Antilles Guyane à payer à M. [O] les sommes suivantes :
2 838,33 euros, à titre de rappel de salaire minima fixé par accord d’entreprise,
50 000,00 euros, à titre d’indemnité pour discrimination professionnelle, salariale et harcèlement moral,
15 000,00 euros, à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi, modification unilatérale et abusive du contrat de travail,
5 419,26 euros, à titre d’indemnité de frais kilométriques,
1 259,40 euros, au titre des heures supplémentaires,
15 431,64 euros, à titre de dommages-intérêts pour manquements graves à l’exécution du contrat de travail,
5 970,00 euros, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
5390,00 euros, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
539,00 euros, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
2 000,00 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté M. [O] du surplus de ses demandes,
condamné la SA BNP Paribas Antilles Guyane à remettre les documents sociaux rectifiés,
ordonné l’exécution provisoire çà hauteur de 21 415,99 euros,
condamné la SA BNP Paribas Antilles Guyane aux dépens.
Le conseil a également considéré que la relation contractuelle de travail a commencé le 19 septembre 2013 pour s’achever le 10 décembre 2019 (soit une ancienneté de 6 ans et 3 mois).
Par déclaration électronique du 6 août 2021, la SA BNP Paribas Antilles Guyane a relevé appel du jugement.
Par ordonnance du 21 octobre 2022, le conseiller chargé de la mise en état, statuant sur incident, a rejeté la demande de la SA BNP Paribas Antilles Guyane tendant à l’irrecevabilité des conclusions adverses notifiées le 23 décembre 2021 et rejeté celle tendant à l’irrecevabilité des demandes formées par M. [O] dans les mêmes conclusions.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 novembre 2022.
L’appelante a sollicité le renvoi de l’affaire en audience collégiale.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 octobre 2021, l’appelante demande à la cour l’infirmation du jugement sauf en ce qu’il a déclaré la demande de requalification des CDD en CDI et les prétentions consécutives prescrites, et :
in limine litis, se déclarer incompétente au profit du TJ sur la demande relative au contrat bancaire,
débouter M. [O] de toutes ses demandes,
ordonner à M. [O] de restituer le matériel lui appartenant (ordinateur portable, téléphone portable, carte de connexion et badge) sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par élément non-restitué,
condamner M. [O] aux dépens et à lui verser la somme de 7 500,00 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de la prétention in limine litis, l’appelante fait valoir que le contrat bancaire Esprit libre (accordant aux salariés des facilités de caisse) n’est pas soumis aux dispositions du code du travail et ne concerne pas la relation contractuelle de travail.
Ensuite, elle explique que le terme du dernier CDD de M. [O] étant le 31 mars 2017, ce dernier devait saisir le conseil de prud’hommes de la demande de requalification au plus tard le 31 mars 2019.
Elle conteste encore l’ancienneté réclamée par le salarié, d’une part du fait du jeu de la prescription, d’autre part, du fait du caractère non-continue de la relation contractuelle de travail depuis le 19 septembre 2013. Elle conteste tout abus manifeste de sa part.
S’agissant de la demande relative aux salaires minima conventionnels, elle l’estime pour partie prescrite puisque la créance salariale ne saurait être examinée que pour les trois ans précédant la rupture du contrat de travail. Elle conteste le calcul fait par le salarié. A titre subsidiaire, elle soutient que la somme qui serait due au salarié serait de 2 838,33 euros.
De même, elle indique que la demande au titre de la classification est, pour partie, prescrite (pour le même raisonnement que précédemment s’agissant d’une créance salariale), et, pour l’autre, injustifiée. A titre subsidiaire, elle souligne que la somme qui serait due au salarié serait de 4 222,33 euros.
La Banque rappelle encore que M. [O] a bénéficié d’une évolution constante de sa rémunération et de sa classification et ne peut donc se plaindre d’une absence de promotion.
Elle insiste sur le fait que les déplacements hors du département du salarié étaient ponctuels, programmés et indemnisés et qu’ils ne constituent pas une modification du contrat de travail.
Elle affirme avoir respecté ses obligations en matière d’évaluation professionnelle.
Elle en déduit n’avoir commis aucun manquement et l’inexistence de toute discrimination et tout harcèlement moral.
S’agissant des astreintes, elle assure que le salarié était parfaitement informé de la mise en place d’astreintes au sein de la banque et de leur compensation financière et rappelle que l’astreinte n’a pas à être prévue par le contrat de travail mais relève de la décision de l’employeur ou d’un accord d’entreprise.
Elle affirme encore que M. [O] a été payé de tous ses frais kilométriques.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires, elle l’estime, pour partie, prescrite et, pour le reste, elle affirme avoir payé l’ensemble des heures supplémentaires effectuées. Elle soutient que le taux de majoration demandé est faux et que les premiers juges ont appliqué une majoration de 25 % qui ne leur était pas demandée.
S’agissant de la prise d’acte de rupture du contrat de travail, elle fait valoir qu’elle n’a commis aucun manquement.
Au titre de sa demande reconventionnelle, elle précise que M. [O] n’a pas restitué le matériel appartenant à l’entreprise.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 décembre 2021, l’intimé demande à la cour l’infirmation du jugement en ce qui concerne les dispositions au titre de la requalification des CDD en CDI et dispositions conséquentes, la confirmation des condamnations prononcées dans leur principe mais leur infirmation dans le quantum obtenu et en conséquence :
ordonner la requalification des CDD en CDI,
condamner l’appelante à une indemnité de requalification de 80 000,00 euros,
déclarer qu’il a une ancienneté de 6 ans,
condamner la banque à lui verser les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :
20 000,00 euros, pour non-respect des salaires minima fixés par accord d’entreprise,
50 000,00 euros, pour inobservation de la classification des postes de la convention collective de la banque,
10 000,00 euros, du fait des prélèvements de frais bancaires causés par la banque,
80 000,00 euros, en réparation du harcèlement moral subi du fait du blocage et du retard de sa carrière,
20 000,00 euros, pour modification unilatérale et abusive du contrat de travail,
condamner la même à lui verser la somme de 15 000,00 euros, au titre des frais kilométriques impayés,
la condamner à lui verser la somme de 25 000,00 euros, au titre des heures supplémentaires incorrectement majorées depuis 2014,
juger que la prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamner en conséquence la SA BNP Paribas Antilles Guyane à lui verser les sommes suivantes :
5 970,00 euros, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
5 390,00 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
674,00 euros, à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,
dire que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt avec anatocisme,
condamner la banque à lui payer la somme de 10 000,00 euros, au titre du préjudice subi du fait du défaut de remise des documents sociaux et de la communication à Pôle Emploi d’une attestation n’indiquant pas le motif exact de la rupture du contrat de travail,
condamner la même aux dépens et à lui verser la somme de 7 000,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimé rappelle son parcours professionnel au sein de la banque, depuis 2007. Il soutient que son poste n’était pas temporaire et répondait à l’activité normale et permanente de la société. Il expose que la réalité du motif des CDD n’existe pas. Il rappelle qu’il a travaillé de manière continue auprès de l’appelante depuis le 19 septembre 2013.
Il affirme ensuite que la banque applique une grille de salaires plus avantageuse que celle issue de la Convention Collective de la Banque. Il souligne que cette grille doit s’appliquer à tous les salariés sous peine de discrimination.
S’agissant de la classification, il se fonde sur l’article 33 de la Convention Collective pour soutenir qu’il devait être au minimum classé niveau E.
Sur la demande au titre du harcèlement moral du fait du blocage et retard de carrière, il expose qu’il a attendu 6 ans et 3 mois pour obtenir une promotion effective. Il souligne que les missions en Guyane relevaient davantage de son supérieur hiérarchique et qu’en réalité il a travaillé double. Il insiste sur le fait que des primes promises oralement ne lui ont pas été versées et qu’il lui a manqué des entretiens d’évaluation professionnelle et d’évolution professionnelle.
Il fait valoir que la mise en place unilatérale d’astreintes par son employeur a consisté en une modification unilatérale de son contrat de travail.
Il affirme que le remboursement des frais kilométriques lui a été refusé car le véhicule n’était pas à son nom.
S’agissant du taux de majoration des heures supplémentaires, il insiste sur le fait que les opérations de nuit urgentes sont majorées à 150 %.
MOTIVATION
Sur l’incompétence soulevée sur la demande formée au titre des frais bancaires :
Aux termes de l’article L 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis au présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges quand la conciliation n’a pas abouti.
La demande formée par M. [O] au titre des frais bancaires qu’il a dû payer du fait de son employeur n’est pas liée à l’exécution du contrat de travail. Elle ne relève donc pas de la juridiction prud’homale, et par conséquent de la chambre sociale de la cour.
Les conseillers prud’homaux se sont donc, à juste titre, déclarés matériellement incompétents de ce chef au profit du tribunal judiciaire de Fort de France.
Sur la requalification des CDD en CDI :
Sur la prescription :
Selon les dispositions de l’article L 1471-1 alinéa 1er du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
L’action en requalification du CDD en CDI se rattache aux actions portant sur l’exécution du contrat de travail.
En cas de succession de CDD, comme en l’espèce, le point de départ du délai de prescription est le terme du dernier contrat si la régularité est contestée.
La succession des contrats de travail de M. [O] auprès de la SA BNP Paribas Antilles Guyane a été rappelée dans l’exposé des faits du présent arrêt. Le dernier CDD signé par M. [O], le 1er avril 2016 a été prolongé jusqu’au 31 mars 2017.
Cette dernière date est donc le point de départ du délai de prescription de deux ans, lequel s’achève le 31 mars 2019.
Or, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes, le 23 décembre 2019, de son action en requalification des CDD en CDI.
Son action tardive est prescrite, donc irrecevable.
Le conseil de prud’hommes a, de manière erronée, considéré que le point de départ du délai de prescription était la date de conclusion du contrat. Dès lors, les motifs de la cour se substitueront à ceux développés par les premiers juges. Le jugement, en ce qu’il a dit l’action en requalification prescrite, sera néanmoins confirmé de ce chef.
Par simple erreur matérielle, ce chef de demande ne figure pas au dispositif du jugement. La cour l’ajoutera au dispositif de l’arrêt.
Sur l’ancienneté du salarié :
Cette ancienneté du salarié se définit comme la durée de sa présence dans l’entreprise; elle est habituellement mentionnée dans le bulletin de paye.
Aux termes de l’article L 1243-11 du code du travail, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée. Le salarié conserve l’ancienneté qu’il avait acquise au terme du contrat à durée déterminée.
En l’espèce, la SA BNP Paribas Antilles Guyane a embauché M. [O] en contrat à durée indéterminée, le 31 mars 2017, à l’issue du CDD du 1er avril 2016, prolongé du 26 septembre 2016 au 31 mars 2017. La banque a repris l’ancienneté du salarié au 1er avril 2016.
Cependant, il est établi que la relation contractuelle de travail établie entre M. [O] et la société a été interrompue, entre le 31 août 2009, terme du CDD conclu le 1er novembre 2008, et le 19 septembre 2013, date d’embauche du salarié par conclusion d’un nouveau CDD. La cour ne dispose d’aucun élément d’information sur la situation professionnelle de M. [O] pendant ce laps de temps.
Pour autant, à compter du 19 septembre 2013 et jusqu’au 10 décembre 2019, date d’effet de la prise d’acte de rupture du contrat de travail de M. [O], ce dernier a travaillé au sein de la SA BNP Paribas Antilles Guyane de manière ininterrompue. En effet, si la relation de travail a pu s’effectuer sous forme de contrats de mise à disposition par la SARL Trapinter, société de travail temporaire, entre le 20 décembre 2013 et le 5 février 2014 et d’une mise à disposition pour respectivement 4 mois et 3 mois par la société Data Guadeloupe au titre de factures des 31 août et 31 décembre 2015, M. [O] a toujours été présent dans la société.
Les premiers juges ont donc, à juste titre, considéré que l’ancienneté de M. [O] au sein de la SA BNP Paribas Antilles Guyane devait être calculée à compter du 19 septembre 2013 et jusqu’au 10 décembre 2019, soit 6 ans 2 mois et 21 jours.
Cette ancienneté découle de la situation juridique du salarié dans l’entreprise. Elle est indépendante de l’action en requalification du contrat de travail et par conséquent non-soumise à la prescription de deux ans.
De manière contradictoire, l’intimé sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, que son ancienneté soit fixée à 6 ans, mais réclame dans le corps de ses écritures tantôt une ancienneté fixée au 19 septembre 2013, conformément à la décision des premiers juges, tantôt au 15 janvier 2007.
Pour les motifs ci-dessus développés, l’ancienneté de M. [O] est fixée à 6 ans, soit à compter du 19 septembre 2013.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre du non-respect des salaires minima fixés par accord d’entreprise :
Sur la prescription partielle :
Selon les dispositions de l’article L 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat.
Comme parfaitement relevé par l’appelante, M. [O] sollicite non pas le paiement d’un rappel de salaire du fait de l’inobservation des minima conventionnels de salaire, mais des dommages-intérêts en réparation du préjudice du fait du non-respect du salaire minimum. Pour autant, l’intimé a calculé son manque à gagner et a fixé le montant de son dommage principalement en fonction de ce dernier.
Dès lors, la demande formée par M. [O] s’apparente à une demande en paiement du salaire, soumise à la prescription triennale rappelée ci-dessus.
Le contrat de travail de l’intimé a été rompu, le 10 décembre 2019. Conformément aux dispositions légales sus visée, M. [O] ne peut faire porter sa demande que sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant le 10 décembre 2019, soit à compter du 10 décembre 2016.
La demande formée par M. [O] est, pour partie, prescrite, pour la période antérieure au 10 décembre 2016. Les premiers juges doivent être confirmés sur ce point.
Sur le fond :
M. [O] produit la grille de salaires annuels minima à effet au 1er janvier 2017 appliquée par la SA BNP Paribas Antilles Guyane et indique, sans être contredit par l’appelante, de ce que ces salaires conventionnels minima sont supérieurs à ceux de la Convention Collective du travail du personnel des banques de la Martinique du 17 décembre 2017, entrée en vigueur le 1er janvier 2018 et applicable au contrat de travail de M. [O]. Dès lors, la cour se base sur cette grille (pièce 35 de l’intimé) pour analyser le bien-fondé de la demande du salarié.
Au 10 décembre 2016, M. [O] a perçu un salaire annuel brut fixé à 29 229,00 euros en qualité d’assistant technique niveau D. Au regard de la grille produite, le salaire conventionnel minimum annuel était de 29 347,00 euros. La banque n’a donc pas appliqué au salarié le salaire minimal conventionnel du 10 décembre 2016 jusqu’au 31 mars 2017.
A compter du 31 mars 2017, M. [O] a perçu un salaire annuel brut de 31 000,00 euros, en qualité de technicien support hotline niveau E. La grille produite a fixé le salaire minimum annuel à 30 731,00 euros. La rémunération de M. [O] était donc un peu supérieure. L’employeur a donc respecté son engagement.
Au 1er mars 2019, M. [O] a été promu au poste de chargé d’informatique groupe niveau F avec un salaire annuel brut de 33 240,00 euros. Avec une ancienneté de plus de 5 ans, M. [O] aurait dû percevoir un salaire annuel minimum de 33 520,00 euros, au regard de la même grille. Dès lors, il n’a pas perçu le salaire conventionnel minimum du 1er mars au 10 décembre 2019.
Il est donc démontré que M. [O] a subi un manque à gagner que la banque chiffre, à titre subsidiaire, à la somme de 2 838,33 euros, sollicitant ainsi la confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Le salarié ne justifie d’aucun autre préjudice au regard de la demande en dommages-intérêts formée et se contente d’affirmer que le préjudice de ne pas être réglé est clair sans qu’il ne soit besoin de prouver son étendue. Aucune autre somme ne sera donc octroyée à M. [O].
La cour confirme donc le jugement de ce chef.
5- Sur la demande de dommages-intérêts pour inobservation de la classification de la convention collective :
. Sur la prescription :
Comme pour sa demande précédente, M. [O] forme une demande de dommages-intérêts pour inobservation de la classification des postes qui consiste principalement en la réclamation de son manquer à gagner du fait de sa sous-classification.
La prescription triennale rappelée ci-dessus trouve donc encore à s’appliquer et la demande de M. [O] est donc pour partie prescrite pour la période antérieure au 10 décembre 2016. Le conseil de prud’hommes doit encore être suivi sur cette question.
Sur le fond :
M. [O] justifie la sous-classification de son poste en se fondant sur la Convention Collective Nationale de la Banque du 10 janvier 2000. Or, ses bulletins de salaire portent la référence de la convention collective du travail du personnel des banques de la Martinique du 17 décembre 2017. D’ailleurs sa demande précédente au titre du salaire conventionnel minimum s’est basée sur cette dernière convention. L’intimé ne peut donc à juste titre se réclamer de la Convention Collective nationale dont il ne prouve pas l’application à son contrat de travail.
Après vérification, la cour constate que la convention collective du 17 décembre 2017 comporte également une classification particulière de «métiers-repères» dans son annexe IV. Le métier d’informaticien y est classé des catégories E à I. Or, ce n’est qu’à compter de son emploi en CDI, le 31 mars 2017, qu’il a atteint la catégorie E.
Ainsi, en tenant compte de la prescription partielle de la demande, M. [O] aurait dû être classé au minimum dans la catégorie E pour la période du 10 décembre 2016 au 30 mars 2017 avec une rémunération annuelle minimale de 30 731,00 euros. La cour constate néanmoins, qu’au regard de la demande précédente, la présente prétention du salarié est pour partie déjà indemnisée par l’octroi de l’indemnité au titre du salaire minimal puisque sur cette période, il a été revalorisé à la somme de 29 347,00 euros par an.
A compter de son embauche en CDI, le 31 mars 2017, M. [O] a été classé en catégorie E puis promu catégorie F. Le principe de classification du métier d’informaticien a donc été respecté. Le salarié s’en tient d’ailleurs à cette classification dans le tableau qu’il produit dans ses écritures.
La demande de l’appelant est donc pour partie fondée, sur la période du 10 décembre 2016 au 31 mars 2017, soit un peu plus de 3 mois.
Le salarié ne justifie pas avoir subi un préjudice supplémentaire à ce manque à gagner.
Le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de sa demande au motif qu’il ne prouvait pas l’existence de son préjudice. Il vient, au contraire, d’être démontré que M. [O] a subi un dommage du fait de sa sous-classification du 10 décembre 2016 au 31 mars 2017. Il en est intégralement indemnisé par l’octroi de la somme de 500,00 euros.
6- Sur la demande au titre du harcèlement moral :
En cause d’appel, l’intimé n’invoque plus la notion de discrimination et prétend avoir subi un harcèlement moral du fait du blocage et du retard de carrière. La cour n’examine donc les faits que sur le fondement du harcèlement moral.
Selon les dispositions de l’article 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.
Aux termes de l’article L 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4 (‘) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge de suivre le raisonnement suivant :
– en premier lieu, d’examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits,
– en deuxième lieu, d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail,
– en troisième lieu, et dans l’affirmative, d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [O] expose à l’appui de sa demande qu’il a attendu plus de six ans pour obtenir une promotion effective alors que la banque a exigé beaucoup de lui, l’envoyant même pour plusieurs missions en Guyane ; missions qu’il considère ressortir davantage des attributions de son supérieur hiérarchique de l’époque. Il évoque encore l’absence d’évaluations professionnelles, y compris en termes d’évolution professionnelle.
Il est effectif que la situation du salarié dans la société a été longtemps précaire, puisque celui-ci a multiplié les contrats de travail à durée déterminée. Comme vu précédemment, M. [O] a longtemps été classé à une catégorie d’emplois inférieure à celle à laquelle il pouvait prétendre.
Le salarié joint son évaluation professionnelle du 24 avril 2018 dans laquelle l’évaluateur note que «le poste de M. [O] doit être revu par la RH car il ne correspond pas au périmètre des missions qui lui ont été affectées» et son évaluation du 25 mars 2019, laquelle a suivi de peu sa promotion en qualité de chargé informatique groupe. Il se fonde sur les dispositions du code du travail et de la convention collective pour souligner que son employeur n’a pas respecté ses obligations d’évaluation régulière de son salarié.
Il est certain que la SA BNP Paribas Antilles Guyane ne produit aucune autre évaluation de son salarié pourtant présent dans ses effectifs depuis de nombreuses années. Cette absence de suivi du parcours professionnel de M. [O] s’explique par le fait qu’il faisait l’objet de CDD successifs. Cette situation dommageable ne peut néanmoins servir de fondement à la demande du salarié du fait de la prescription de la demande de requalification des CDD en CDI.
M. [O] produit différents arrêts de travail dont la cause médicale principale est indiquée comme suit : «troubles anxio-dépressifs mineurs». Ces pièces médicales concernent surtout les derniers mois de la relation de travail, soit à compter du mois d’août 2019 et jusqu’au 20 octobre 2019. Elles sont confortées par les prescriptions médicales de médicaments à visée «anti-stress». La cour constate qu’à cette période précise, le salarié avait été promu chargé d’informatique groupe et classé niveau F. Les pièces médicales produites attestent certes d’un mal-être de M. [O], mais elles sont néanmoins insuffisantes, faute d’autres éléments, à démontrer que cet état de santé mental dégradé était causé par son emploi dans la banque et par le blocage ou le retard de sa carrière.
Le salarié échoue ainsi à apporter aux débats des éléments matériels susceptibles de démontrer l’existence d’une situation de harcèlement dans son travail.
Les premiers juges ont donc, à tort, retenu que M. [O] a été victime d’une discrimination professionnelle et salariale caractérisant un harcèlement moral.
Il est encore rappelé qu’en cause d’appel, la notion de discrimination n’a pas été reprise par le salarié. Au demeurant, elle n’est justifiée par aucune pièce permettant de comparer la situation de l’intimé avec celle d’autres salariés.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef et la demande de dommages-intérêts formée par M. [O] rejetée.
7- Sur la demande de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail :
Aux termes de l’article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun (‘)
Vu les dispositions des articles L 3121-9 et suivants du code du travail, relatives aux astreintes,
M. [O] expose qu’il s’est vu imposer des astreintes par son employeur à compter du mois de septembre 2017. Il ajoute qu’il n’y a eu aucun accord d’entreprise sur ce sujet, que faute d’un tel accord d’entreprise, l’employeur aurait dû fixer les conditions de l’astreinte et de ses compensations après avis des représentants du personnel et information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail et que, lui-même n’a pas donné son accord exprès à la réalisation d’astreintes.
L’appelante ne justifie ni de l’existence d’un accord d’entreprise, ni de l’avis du comité d’entreprise, ni de l’information donnée à l’inspection du travail, ni de l’accord exprès de M. [O] quant à la réalisation d’astreintes. Or, la jurisprudence considère que la mise en place unilatérale d’astreintes par l’employeur est une modification du contrat de travail qui suppose l’accord du salarié.
Cependant, l’employeur justifie que les astreintes assurées par M. [O] lui ont été payées. Le salarié ne démontre pas en quoi la mise en place de ces astreintes lui a causé un préjudice. Il lui appartenait pourtant de justifier l’existence de ce dernier.
Les conseillers prud’homaux ont fait droit à la demande de dommages-intérêts de M. [O] sans vérifier que ce dernier apportait la preuve du préjudice subi du fait de la création des astreintes et en motivant leur décision par des considérations sans rapport avec la demande du salarié.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef et M. [O] débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Sur la demande au titre des frais kilométriques :
En cause d’appel, l’intimé ne verse aux débats qu’un document mentionnant les frais kilométriques qu’il aurait exposé au mois d’octobre 2016. La cour en déduit que les frais kilométriques réclamés ne concernent que ce mois d’octobre 2016. En toute hypothèse, ces frais ne sont justifiés pour aucune autre période.
Il apparaît que les premiers juges ont calculé le montant des frais kilométriques en se basant sur les seuls éléments fournis par le salarié pour le mois d’octobre 2016.
Comme précisé par les premiers juges, la créance que constitue le remboursement des frais kilométriques est une créance salariale soumise à la prescription triennale de l’article L 3245-1 du code du travail. Rappelant que la prescription était encourue pour les trois années précédant la rupture du contrat de travail, les premiers juges, sauf à avoir la justification des frais exposés par le salarié à compter du 10 décembre 2016, ne pouvaient faire droit à la demande.
Le jugement est infirmé de ce chef et la demande de M. [O] rejetée.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires non correctement majorées :
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
La demande de M. [O] ne porte que sur une rectification de la majoration erronée d’heures supplémentaires depuis 2014. Il ne remet donc pas en cause le paiement des heures supplémentaires mais uniquement la majoration appliquée à certaines d’entre elles.
La créance que constitue les heures supplémentaires dues au salarié est une créance salariale soumise à la prescription de 3 ans rappelée plus haut. La demande de M. [O] ne peut donc concerner que la période postérieure au 10 décembre 2016, comme valablement soulevé par l’appelante.
M. [O] produit aux débats un listing des heures supplémentaires effectuées depuis le mois de septembre 2017 et jusqu’au mois de juillet 2019.
Au regard des explications fournies par l’intimé, il estime que les heures supplémentaires effectuées après 22 heures n’ont pas été majorées de 150 % en dépit des termes de la convention collective. La cour n’a pas la certitude de l’existence de ce texte en dépit de ses recherches.
Il n’est justifié l’existence d’heures de travail effectuées après 22h qu’aux dates suivantes :
le 8 février 2019 : 15h15 ‘ 2h30, soit 4h30
le 12 avril 2019 : 15h15 ‘ 4h00, soit 6 h
le 26 avril 2019 : 15h15 ‘ 1h30, soit 3h30
le 10 mai 2019 : 15h15 ‘ 1h, soit 3 h
Or, il est établi par les bulletins de salaire de M. [O] que des heures supplémentaires au taux de 150 % lui ont été réglées en février, mars, mai, juin et août 2019. Le salarié n’a jamais contesté avoir perçu les sommes indiquées sur les fiches de paye.
Dès lors, M. [O] échoue à prouver à la cour que les heures supplémentaires effectuées après 22h n’ont pas été correctement majorées et payées.
Le jugement entrepris qui a condamné l’employeur au paiement d’heures supplémentaires alors que la demande ne visait qu’une rectification du taux de majoration doit être infirmé. M. [O] est débouté de sa demande.
10- Sur la requalification de la prise d’acte de rupture :
Aux termes de l’article L 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié ou d’un commun accord.
La prise d’acte de rupture par le salarié est un mode original de rupture consacré par la jurisprudence qui s’analyse en une décision du salarié de mettre fin à son contrat de travail à durée indéterminée en raison de fautes commises par l’employeur.
Si les faits dénoncés par le salarié justifient la rupture, celle-ci prend les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, elle a les effets d’une démission.
La cour doit d’abord vérifier l’exactitude des faits dénoncés par le salarié avant d’en examiner la gravité, seuls des manquements suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail peuvent servir de fondement à la prise d’acte.
Par courrier recommandé du 6 décembre 2019, M. [O] a, par la plume de son conseil, notifié à son employeur la prise d’acte de rupture de son contrat de travail en invoquant les manquements de la banque à son égard à l’identique des demandes formées devant la juridiction prud’homale.
S’agissant de l’action relative à la prise d’acte, la jurisprudence considère que l’ancienneté des manquements imputables à l’employeur importe peu. Dès lors, la cour ne peut écarter l’examen des griefs formés par M. [O] au regard de la prescription, totale ou partielle, des demandes examinées précédemment.
Il est démontré que la SA BNP Paribas Antilles Guyane a employé M. [O] au moyen de CDD répétés ou de contrats de mise à disposition, depuis le 19 septembre 2013, le plaçant dans une situation professionnelle précaire en dépit d’une relation contractuelle de travail ininterrompue. L’employeur n’a pas démontré que ces contrats n’avaient, ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. L’embauche de M. [O] pendant plusieurs années consécutives et à plein temps au pôle informatique de la société tend à démontrer le contraire. Au regard des conséquences personnelles et professionnelles que cette précarité fait supporter au salarié, ce manquement de l’employeur peut être qualifié de grave.
Il est ensuite démontré que contrairement à la situation réellement vécue par le salarié, la banque ne lui a fait bénéficier que d’une ancienneté au 1er avril 2016 en lui proposant un CDI, le 31 mars 2017. Or, il a été considéré précédemment que cette ancienneté pouvait être fixée au 13 septembre 2013. Cette décision a des conséquences importantes pour le salarié en termes de droits salariaux et indemnités de sorte que le manquement commis est grave.
En outre, il ressort des éléments examinés au titre des demandes relatives au salaire conventionnel minimum et de la classification du poste occupé par M. [O] que celui-ci a été sous classé pendant plusieurs années (19 septembre 2013 au 31 mars 2017) puisqu’en dépit de la grille relative aux informaticiens qui prévoit un classement en catégorie E à I, il a été classé en catégorie C et D. Comme vu précédemment, cette sous-classification a eu une incidence sur le salaire conventionnel minimum auquel M. [O] avait légitimement droit, mais qu’il n’a pas perçu. De même, il est certain que l’évolution de carrière du salarié aurait été plus favorable si la classification de son emploi avait été respectée et M. [O] aurait certainement pu bénéficier d’une promotion effective plus rapidement au regard de l’évaluation élogieuse de ses compétences professionnelles. Ce manquement qui a une conséquence financière sur le salarié peut être considéré comme grave.
M. [O] a reproché à l’employeur d’autres manquements, la mise en place unilatérale d’astreintes, le refus de remboursement d’indemnités kilométriques, l’absence de paiement d’heures supplémentaires à 100 %, une absence d’égalité de traitement caractérisant un harcèlement moral et une altération de son état de santé physique et moral. Il est évident que la mise en place des astreintes sans concertation au niveau des représentants du personnel et sans l’accord du salarié constitue un manquement de l’employeur mais faute de précisions apportées sur le nombre des astreintes et leur impact réel sur la situation personnelle de M. [O], la cour ne qualifie pas ce manquement de grave. Pour les autres griefs, ils ont été rejetés précédemment faute pour le salarié de justifier de leur véracité. S’agissant en particulier de la dégradation de l’état de santé de M. [O], aucun élément objectif ne permet de faire le lien entre les conditions de travail du salarié et sa santé physique et morale.
En conclusion, et au regard des différents manquements graves commis par la SA BNP Paribas Antilles Guyane, la prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
11- Sur les demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail :
Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement :
Selon les dispositions de l’article 28.2 de la convention collective du travail du personnel des banques de la Martinique (et non celles de la convention collective nationale comme visée abusivement par l’intimé), tout salarié, licencié en application de l’article 28 comptant au moins 1 an d’ancienneté, bénéficie d’une indemnité de licenciement.
La mensualité qui sert de base à l’assiette de calcul de cette indemnité est égale à 1/14,5 du salaire de base annuel que le salarié a ou aurait perçu au cours des 12 derniers mois civils précédant la rupture du contrat de travail.
Cette indemnité est égale à :
‘ 1/2 mensualité par semestre complet d’ancienneté acquis dans l’entreprise antérieurement au 1er janvier 2009 ;
‘ et 1/5 × (14,5/13) d’une mensualité par semestre complet d’ancienneté dans l’entreprise acquis à partir du 1er janvier 2009.
L’indemnité de licenciement des salariés ayant été occupés à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise est calculée proportionnellement aux périodes d’emploi effectuées selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis leur entrée dans l’entreprise.
Pour les salariés embauchés au plus tard le 31 décembre 2007, le total de l’indemnité est limité à 24 mensualités pour les cadres et à 18 mensualités pour les techniciens des métiers de la banque.
Pour les salariés embauchés à partir du 1er janvier 2008, le total de l’indemnité est limité à 15 × (14,5/13) mensualités quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent.
En l’espèce, le salaire de base annuel de M. [O] est de 30 299,28 euros et la mensualité de base de 2 089,60 euros.
La formule de calcul est donc la suivante :
1/5 x 14,5/13 x 2089,60 x 12 = 5 593,69 euros.
L’indemnité conventionnelle de licenciement due à M. [O] est de 5 593,69 euros.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur le préavis:
Aux termes de l’article 32-1 de la même convention, l’indemnité de préavis est de deux mois pour une ancienneté de deux ans et plus pour un technicien.
A ce titre, il est donc dû à M. [O] la somme de 2 x 2524,94 = 5 049,88 euros
L’indemnité de congés payés sur cette somme est de 504,98 euros.
Sur les intérêts sur les indemnités :
Conformément à la demande, les indemnités ci-dessus porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt. La demande au titre de la capitalisation des intérêts est rejetée.
12- Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait du défaut de remise des documents sociaux :
Cette demande de dommages-intérêt, chiffrée à 10 000 euros, n’est absolument pas justifiée dans les écritures de l’intimé. Il en est donc débouté.
Par contre, la cour confirme la condamnation des premiers juges au titre de la remise des documents de fin de contrat rectifiés.
13- Sur la demande reconventionnelle de restitution du matériel sous astreinte :
La SA BNP Paribas Antilles Guyane sollicite la restitution d’un ordinateur portable, d’un téléphone portable, d’une carte de connexion et d’un badge lui appartenant. M. [O] ne conteste pas avoir conservé ces matériels.
Ce chef de demande a été omis par les premiers juges.
La cour ordonne donc la restitution sollicitée, laquelle est parfaitement justifiée.
Par contre, l’astreinte n’est pas indispensable à l’exécution de la condamnation à restitution.
14- Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
L’appelante est condamnée aux entiers dépens et à verser à M. [O] la somme de 3 500,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme partiellement le jugement entrepris sur le quantum octroyé au titre de la classification, sur les dommages-intérêts alloués au titre du harcèlement moral, de la modification unilatérale du contrat de travail, des frais kilométriques, des heures supplémentaires, sur le quantum de l’indemnité conventionnelle de licenciement, sur le quantum de l’indemnité compensatrice de préavis et le quantum de l’indemnité de congés payés sur préavis,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société SA BNP Paribas Antilles Guyane à verser à M. [J] [O] la somme de 500,00 euros, à titre de dommages-intérêts pour inobservation de la classification applicable à l’emploi de M. [J] [O],
Déboute M. [J] [O] de sa demande en dommages-intérêts au titre du harcèlement moral,
Déboute M. [J] [O] de sa demande en dommages-intérêts en réparation de la modification unilatérale du contrat de travail,
Déboute M. [J] [O] de sa demande au titre des frais kilométriques,
Déboute M. [J] [O] de sa demande en dommages-intérêts au titre du taux erroné d’heures supplémentaires,
Condamne la société SA BNP Paribas Antilles Guyane à verser à M. [J] [O] la somme de 5 593,69 euros, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
Condamne la société SA BNP Paribas Antilles Guyane à verser à M. [J] [O] la somme de 5 049,88 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 504,98 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
Confirme le jugement entrepris, par substitution de motifs en ce qu’il a déclaré la demande de requalification des CDD en CDI prescrite,
Confirme le jugement entrepris sur les autres chefs de demande,
Y ajoutant,
Déclare la demande de requalification des CDD en CDI prescrite,
Ordonne la restitution par M. [J] [O] à la société SA BNP Paribas Antilles Guyane du matériel suivant :
ordinateur portable HP Elitebook 840 portant n° de série 5CG8436HHK,
téléphone portable Iphone XR 10 64 go,
une carte de connexion Carte Connect once 410432,
le badge permettant l’accès aux zones sécurisées,
Déboute la demande d’astreinte,
Condamne la société SA BNP Paribas Antilles Guyane aux entiers dépens,
Condamne la société SA BNP Paribas Antilles Guyane à verser à M. [J] [O] la somme de 3 500,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier
La greffière La présidente