Requalification en CDI : 21 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/03085

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Requalification en CDI : 21 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/03085
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21 juin 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/03085

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 21 JUIN 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 20/03085 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LU72

Monsieur [X] [S]

c/

S.A.R.L. HOTEL DE LAMARTINE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 juillet 2020 (R.G. n°F19/0455) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 17 août 2020,

APPELANT :

Monsieur [X] [S]

né le 09 Octobre 1982 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Monsieur [R] [C], défenseur syndical

INTIMÉE :

SARL Hôtel de Lamartine, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 321 127 987

représentée et assistée de Me Sophie DELORGE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, Conseiller, chargée d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [X] [S], né en 1982, a été engagé en qualité de directeur opérationnel adjoint par la SARL hôtel de Lamartine, par contrat de travail saisonnier à durée déterminée à compter du 1er mars 2018 pour une durée de huit mois, soit jusqu au 31 octobre 2018.

Le contrat de travail prévoyait une durée de travail de 25 heures minimum par semaine.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Le contrat de travail a pris fin le 31 octobre 2018, date à laquelle M. [S] avait une ancienneté de 7 mois, et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Par ordonnance de référé rendue le 31 janvier 2019, l’employeur a été condamné à verser à M. [S] les sommes suivantes:

– 1.974,80 euros au titre des rappels de salaire pour la période de mars à octobre 2018,

– 197,48 euros d indemnité compensatrice de congés payés afférents,

– 1.200 euros de prime exceptionnelle.

Demandant la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée depuis le 1er mars 2018, une indemnité de requalification consécutive, des rappels de salaires pour heures supplémentaires et prime de tutorat, outre des dommages et intérêts pour non-respect des pauses, des repos journaliers et hebdomadaires, pour compensation d astreinte, pour la clause de résidence et pour travail dissimulé, M. [S] a saisi le 25 mars 2019 le conseil de prud’ hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 17 juillet 2020, a :

– dit que M. [S] doit payer à la société hôtel de Lamartine la somme de 1.974,80 euros au titre d’ un trop perçu sur rappel conventionnel de mars 2018 à octobre 2018,

– confirmé en partie l’ ordonnance de référé du 31 janvier 2019 s’agissant de la prime exceptionnelle de 1.200 euros due à M. [S],

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– dit n’ y avoir lieu à application de l’ article 700 du code de procédure civile,

– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 17 août 2020, M. [S] a relevé appel de cette décision, notifiée le 20 juillet 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 novembre 2020, M. [S] demande à la cour de :

– réformer partiellement le jugement entrepris,

– déclarer non recevables les pièces n 5, 10, 12 et 13 de la société hôtel de Lamartine,

– infirmer ledit jugement et confirmer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a condamné la société hôtel de Lamartine, en la personne de M. [G], gérant, à régler à M. [S] :

* les rappels conventionnels de mars 2018 à octobre 2018 à hauteur de la somme de 1.974,80 euros,

* l’indemnité compensatrice de congés payés sur les rappels conventionnels de

mars 2018 à octobre 2018, soit 197,48 euros,

– confirmer le jugement en ce qu’il condamne la société hôtel de Lamartine en la personne de M. [G], gérant, à régler à M. [S] la prime exceptionnelle de 1.200 euros,

– l’ infirmer et condamner la société hôtel de Lamartine, en la personne de M. [G], gérant, à régler à M. [S] :

* les heures supplémentaires de mars à octobre 2018 soit la somme de 5.529,01 euros,

* les congés payés y afférents soit la somme de 552.90 euros,

*des dommages et intérêts pour travail dissimulé soit la somme de 13.481,10 euros,

– l’infirmer, requalifier le contrat à durée déterminée saisonnier du 1er mars 2018 au 31 octobre 2018 en contrat à durée indéterminée depuis le 1er mars 2018, et condamner la société hôtel de Lamartine en la personne de M. [G], gérant, à régler à M. [S] :

* l’indemnité de requalification correspondant à, 1 mois de salaire soit la somme de 2.246,85 euros,

* une indemnité compensatrice de préavis Cadre correspondant à 3 moisde salaires soit la somme de 6.740,55 euros,

– l’ infirmer et condamner la société hôtel de Lamartine en la personne de son gérant M. [G] à régler à M. [S] :

* des dommages et intérêts pour non-respect des pauses, des repos journaliers,

des repos hebdomadaires et de la durée hebdomadaire de travail soit la somme de 6.000 euros,

* la prime conventionnelle de tutorat à hauteur de la somme de 800 euros,

* des dommages et intérêts de compensation d’astreinte soit la somme de 1.200 euros,

* des dommages et intérêts de compensation de la clause de résidence soit la somme de 1.200 euros,

* la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’infirmer et condamner la société hôtel de Lamartine, en la personne de M. [G], gérant, à remettre M. [S] les bulletins de salaire de mars 2018 à octobre 2018 modifiés sous astreinte de 20 euros à partir du 5ème jour du prononcé du dit jugement,

– la condamner à régler à M. [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel la somme de 500 euros,

– la condamner à l’exécution provisoire, aux dépens et aux intérêts légaux,

– dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision, et qu’en cas d’exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 février 2021, la société hôtel de Lamartine demande à la cour de :

– débouter M. [S] de l ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement déféré en ce qu il a :

* jugé que M. [S] devait rembourser la somme de 1.974,80 euros au titre

d’un trop perçu sur rappel conventionnel de mars à octobre 2018,

* débouté M. [S] de l ensemble de ses autres demandes,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu il a confirmé en partie l ordonnance de référé du 30 janvier 2019 qui a octroyé à M. [S] le paiement de 1.200 euros à titre de prime exceptionnelle,

En tout état de cause,

– condamner M. [S] au versement de la somme de 2.500 euros au titre de l article 700 du code de procédure civile,

– prononcer l exécution provisoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 9 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-I- Sur l’irrecevabilité des pièces 5, 10,12 et 13 produites par l’employeur

Au soutien de cette demande, M. [S] expose en premier lieu que l’attestation de Mme [N] (pièce n 5) ne répond pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile en ce que sa relation des faits ne résulterait pas de ses propres constatations, qu’elle n’a pas apposé sa signature et qu’elle a menti sur son lien de subordination, étant sous contrat auto-entrepreneur avec l’employeur, en qualité de femme de chambre. En deuxième lieu, il affirme que les autres pièces, constituées de plaintes doivent être retirées, dans la mesure où d’une part, le procureur de la République n’a pas encore statué sur leur sort et d’autre part, il avait été contraint d’écarter de son dossier une pièce pour cette même raison.

L’employeur s’en défend considérant l’attestation de Mme [N] conforme aux dispositions légales tandis que les autres pièces sont recevables quand bien même le procureur de la République n’aurait pas statué sur la suite à leur réserver.

Il résulte de l’examen des pièces en cause, et contrairement à ce que soutient le salarié, que l’attestation de Mme [N] est conforme aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, sa signature et son lien de subordination avec l’employeur y figurant, sa relation des faits étant à mettre en perspective avec les autres éléments probants de la procédure. De même, sa demande tendant à déclarer irrecevables les autres pièces, constituées de plaintes, motif -erroné- pris de l’absence de décision du procureur de la République, sera rejetée.

-II- Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Sur la requalification

Pour solliciter l’allocation d’une prime de requalification ainsi que d’une indemnité compensatrice de préavis, le salarié soutient avoir occupé un poste permanent en ce qu’il a été précédé à ce poste un autre salarié, M. [V], engagé du 1er mars 2017 au 31 octobre 2017 ; il indique avoir ensuite a été remplacé par une salariée, Mme [E] occupant le poste de responsable front et back office, laquelle a ensuite été remplacée par Mme [U], engagée en contrat à durée indéterminée à compter du 11 décembre 2018.

En réplique, l’employeur affirme que son activité était, sur cette période, saisonnière car l’établissement ouvrait un peu avant et un peu après la période estivale, la fréquentation hors saison ne permettant pas l’ouverture à l’année. Il ajoute que M. [V] a été engagé en contrat à durée déterminée, que Mme [E] n’a pas occupé le même poste que celui de M. [S] et qu’ensuite, Mme [U] a été engagée en contrat à durée indéterminée, la société passant d’une activité saisonnière à une activité à temps plein

.

* * *

Il résulte des articles L 1242-1 et L 1242-2 du code du travail que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés à l’article L. 1242-2, à savoir notamment le remplacement d’un salarié en cas d’absence, l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, les emplois à caractère saisonnier et le remplacement d’un chef d’entreprise ou d’exploitation agricole.

Les emplois à caractère saisonnier, s’entendent de ceux dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L’article 14 de la convention collective applicable à la relation contractuelle énonce :

« le travailleur saisonnier est un salarié employé conformément aux dispositions légales en vigueur, notamment aux articles L. 122-1-1 (3 ), L. 122-3-4, D. 121-2, dans les établissements permanents ou saisonniers pour des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

L’emploi saisonnier peut ne pas coïncider avec la durée totale de la saison. Le contrat saisonnier ne pourra être ni inférieur à 1 mois, ni excéder 9 mois, sous réserve de la définition qui sera donnée par les commissions décentralisées lorsque celles-ci seront mises en place.

Les contrats de travail à caractère saisonnier peuvent être conclus :

a) Pour toute la durée de la saison correspondant aux dates d’ouverture et de fermeture de l’entreprise ;

b) Pour une période comprise dans le cadre d’une saison avec une durée minimum de 1 mois ;

c) Pour une période correspondant à un complément d’activité saisonnière en précisant les dates de début et de fin de la période »

En l’espèce, M. [S] a été embauché suivant contrat de travail à durée déterminée saisonnier pour la période comprise entre le 1er mars 2018 et le 31 octobre 2018 inclus, correspondant à la saison estivale et à la période au cours de laquelle l’activité touristique est la plus importante dans la région, l’hôtel étant situé à [Localité 3], se répétant chaque année à dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. En outre, le contrat est supérieur à la durée minimale d’un mois.

A la lecture du mail adressé par le gérant de l’hôtel le 13 novembre 2018 à une employée prénommée [H], pièce produite par le salarié, il apparait que l’hôtel a été ouvert pour la première fois toute l’année postérieurement à la fin du contrat de M. [S].

Il résulte dès lors de l’ensemble de ces éléments que le caractère saisonnier de l’emploi de M. [S] dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée initial est établi, la permanence de l’emploi dont il fait état ne pouvant être retenue à l’aune des explications et des pièces fournies par les parties.

Il convient donc de débouter le salarié de sa demande à ce titre et de confirmer la décision dont appel sur ce point.

Sur les indemnités dues en cas de requalification

En l’absence de  requalification du contrat à durée déterminée, le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité de ce chef de sorte que ses demandes tendant à l’octroi d’une indemnité de requalification ainsi que d’une indemnité compensatrice de préavis seront rejetées et la décision de première instance sera confirmée.

-III- Sur le rappel de salaire minimum conventionnel

Ensuite d’une ordonnance rendue le 31 janvier 2019, l’employeur a été condamné à verser à M. [S] des rappels de salaires conventionnels de mars 2018 à octobre 2018, soit la somme de 1.974,80 euros,outre les congés payés afférents.

Aux termes du jugement dont appel, le salarié a été condamné à verser à l’employeur la somme de 1 974,80 euros au titre d’un trop perçu sur rappel de salaire minimum conventionnel de mars à octobre 2018.

Pour voir infirmer cette dernière décision, M. [S] fait valoir qu’au regard des minima légaux et conventionnels, la rémunération forfaitaire de 2 000 euros pour 169 heures mensuelles de travail est désavantageuse pour lui, du fait de son statut de cadre niveau V échelon 1 qui lui permet de prétendre à un taux horaire brut de 13,16 euros pour 151h67, augmenté d’une majoration de 10% pour 17h33 au titre des heures supplémentaires.

Pour s’y opposer, l’employeur soutient que le minimum conventionnel s’entend de l’ensemble de la rémunération, brute et variable, ce qui était le cas en l’espèce, le salarié percevant un salaire mensuel forfaitaire de 2000 euros augmenté d’une partie variable mensuel de sorte qu’il avait perçu sur la période considérée un revenu mensuel moyen de 3 448,50 euros brut, largement supérieur au salaire de base conventionnel.

Aux termes de l’avenant n 25 du 9 juin 2017 à la convention collective applicable, la valeur du point des cadres est fixée pour le niveau V position 1 à 13,16 euros bruts soit un salaire mensuel brut minimal de 2. 246,85 euros.

Le contrat de travail conclu entre les parties prévoyait que la rémunération de M. [S] était constituée d’une partie forfaitaire fixe brute mensuelle de 2 000 euros et d’une partie variable : « …fonction du niveau d’atteinte des différents objectifs dans les conditions tels que définis en annexe du présent contrat ».

De principe, doivent être retenus pour vérifier le versement des minima conventionnels tous les avantages en espèces consentis en contrepartie ou à l’occasion du travail, sauf s’ils sont expressément exclus par la convention collective. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [S], les primes variables doivent être intégrées dans le calcul car elles correspondent à la contrepartie de sa prestation de travail et figurent à son contrat de travail.

L’employeur justifie avoir versé pour la période concernée outre un salaire mensuel forfaitaire brut de 2000 euros, des primes à hauteur de:

– 1 110 euros bruts pour mars 2018,

– 1 030 euros bruts en avril 2018,

– 1 165 euros bruts en mai 2018,

– 1090 euros bruts en juin 2018,

– 515 euros bruts en juillet 2018

– 910 euros bruts en août 2018,

– 825 euros bruts en septembre 2018

-1315 euros bruts en octobre 2018.

Par voie de conséquence, les montants versés à M. [S] étaient conformes aux plafonds auxquels il pouvait prétendre de sorte qu’il sera débouté de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera infirmée en ce qu’elle a condamné le salarié à rembourser à l’employeur la somme de 1 974,80 euros au titre d’un trop perçu sur rappel de salaire conventionnel, les parties ayant convenu aux termes du contrat de travail des rémunérations ainsi octroyées.

-IV- Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

M. [S] réclame le paiement d’heures supplémentaires à hauteur de 5 529,01 euros outre les congés payés afférents.

L’employeur réplique qu’en sa qualité de directeur adjoint, le salarié fixait lui-même le nombre d’heures mensuelles accomplies et l’en informait chaque mois de sorte qu’il ne pouvait solliciter le paiement d’heures supplémentaires qu’il ne lui avait jamais demandé d’effectuer.

* * *

Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Ainsi, le salarié doit apporter des éléments précis à l’appui de sa demande, l’élément déterminant étant la possibilité pour l’employeur de répondre ou non. Ensuite, s’ il estime que la demande du salarié est fondée sur des éléments suffisamment précis, le juge doit alors apprécier les éléments qui lui sont fournis par l’ une et l’ autre des parties et ne peut donc se fonder sur les éléments produits par une seule des parties.

En l’espèce, le salarié appelant se réfère à :

des feuilles d’émargement sur lesquelles figurent l’heure du début de journée et l’heure de fin de journée ainsi que la pause méridienne, sauf en ce qui concerne le mois de septembre 2018. il en ressort que le salarié a effectué 251 heures 75 de travail en mars 2018, 251h25 en avril 2018, 234 heures 50 en mai 2018, 239 heures 50 en juin 2018, 187 heures 50 en juillet 2018, 178 heures en aout 2018, 174h 50 en septembre 2018 et non totalisées pour octobre 2018, aucun décompte n’est produit au titre des heures supplémentaires,

un tableau établi par ses soins d’avril à octobre 2018 aux termes duquel il dresse un décompte hebdomadaire des heures travaillées pour un total de 253 heures 15 en avril, 232 heures 30 en mai, 296 heures en juin, 187 heures 30 en juillet, 185 heures en août, 169 heures en septembre et 180 heures en octobre.

Ces éléments sont précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L’employeur conteste la réalité de ces feuilles d’émargement en faisant valoir qu’elles ne sont signées ni par l’employeur ni par le salarié alors que les feuilles d’émargements originales contre-signées, ont fait l’objet d’un vol pour lequel il a déposé plainte en décembre 2018 dont il justifie. En revanche aucune précision n’est donnée quant à la suite réservée à cette plainte.

Il fournit des courriels adressés par M. [S] à l’expert comptable de l’entreprise comportant les horaires des salariés réalisés pour le mois au fin en cours afin d’établir les salaires, auxquels sont annexés les horaires de chacun des salariés de l’entreprise et qui ne font figurer aucune heure supplémentaire le concernant. Toutefois la cour observe que ces courriels font suite à ceux que le salarié a préalablement adressés au gérant à titre de « proposition de paie »pour validation de ce dernier avant l’envoi à l’expert comptable et ne comporte aucune précision quant à l’amplitude horaire du salarié, les indications étant globales .Ainsi à titre d’exemple, pour le mois d’août les horaires de travail de la manière suivante : « 39 heures pour la semaine 31, 39 heures pour la semaine 32, 39 heures pour la semaine 33, 39 heures pour la semaine 34, 13 heures pour la semaine 35 ». Les éléments invoqués par l’intimé sont dès lors insuffisants à justifier des horaires de travail réellement effectués par le salarié.

Cependant, au regard notamment des pics d activité saisonniers dans le secteur de l’hôtellerie sur la période en cause, la cour a la conviction que M. [S] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées mais pas à la hauteur de celles qu il réclame et, en considération des pièces et explications fournies et de l’absence de décompte

d’heures supplémentaires, la créance de M. [S] sera fixée à la somme de 2 472,19 euros bruts, outre celle de 247,21 euros bruts pour les congés payés afférents.

Par voie de conséquence, la décision entreprise sera infirmée de ce chef.

-V- Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Le salarié se prévaut d’une pratique institutionnalisée de la part de l’employeur au regard du nombre important des heures supplémentaires réalisées sur une courte période et de la saisine de la juridiction prud(homale d’autres salriées de l’entreprise pour les mêmes motifs. Il sollicite en conséquence l’allocation de la somme de 13 481,10 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

La société conteste cette demande en faisant valoir que la salariée ne démontre pas le caractère intentionnel d’une quelconque dissimulation.

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail dissimulé. Pour être constituée, l’infraction de travail dissimulé nécessite l’existence d’une intention de la part de l’auteur des agissements incriminés.

En l’espèce, il résulte des motifs précédemment exposés que M. [S] a accomplis des heures supplémentaires de de travail qui non rémunérées n’ont pas fait l’objet de déclarations aurpsè des organismes sociaux.

Pour débouter néanmoins M. [S] de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, il suffira de relever que rien ne permet de considérer que si l’employeur n’a pas mentionné les heures en cause sur le bulletin de salaire c’est par volonté de les dissimuler.

Le salarié doit être débouté de cette demande et le jugement confirmé de ce chef.

-VI- Sur les demandes au titre du non respect des temps de pause, du repos journalier et hebdomadaire

Sollicitant l’allocation d’une somme de 6 000 euros, le salarié soutient n’avoir bénéficié au cours de la période d’emploi d’aucun moment de pause, avoir travaillé à plusieurs reprises plus de six jours consécutifs et avoir travaillé quotidiennement au delà de la durée maximale. A cet effet, il produit le tableau présenté au soutien de sa demande relative aux heures supplémentaires.

L’employeur n’a pas conclu autrement sur cette demande qu’en reprenant ses développements présentées au titre de la contestation des heures supplémentaires réclamées par le salarié et en affirmant que ce dernier ne justifie d’aucun préjudice.

Ainsi que le souligne le salarié et en application de l’article L.3121-33 du code du travail, la charge de la preuve du respect des temps de pause et de la durée maximale journalière de travail du salarié incombe à l’employeur.

Ce dernier fournit à cette fin, les courriels du salarié adressés à l’expert comptable afin d’établir le salaire à revenir aux salariés à partir d’un décompte de leurs horaires réalisé par le salarié. La cour observe toutefois que ces décomptes, de par leur généralité, ne permettent pas de vérifier le respect des temps de pause, des temps de repos hebdomadaire et de la durée maximale journalière de travail du salarié.

En revanche, il ressort des pièces versées par le salarié au soutien de sa demande au titre des heures supplémentaires, à laquelle il a été fait droit, qu’il a pu travailler au moins à trois reprises plus de six jours consécutifs sans bénéficier de temps de repos hebdomadaire.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer à l’appelant une somme de 1 000 euros représentant l’indemnisation du dommage causé par l’absence de repos suffisant, lequel a nécessairement eu des conséquences sur sa vie personnelle.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

-VII- Sur la demande au titre de la prime de tutorat

L’avenant n 10 du 15 décembre 2009 relatif à la prime au tuteur accrédité précise :

« En application des dispositions de l’accord collectif national professionnel du 15 décembre 2004 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie dans les métiers de l’hôtellerie, de la restauration et des activités connexes (art. 4.2.4.c) et son avenant n 1 du 12 février 2008, les entreprises mettent en oeuvre des modalités particulières de valorisation de la fonction tutorale exercée par les salariés. La valorisation de la fonction tutorale concerne le tuteur accrédité CPNE-IH qui encadre un salarié en contrat de professionnalisation. Les collaborateurs qui exercent cette fonction de tuteur au-delà d’une durée de 1 mois bénéficient d’une prime de tutorat, dans les conditions prévues par l’avenant n 1 du 12 février 2008 à l’accord collectif national professionnel du 15 décembre 2004 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie dans les métiers de l’hôtellerie, de la restauration et des activités connexes.

Cette prime est égale à 2 % du salaire de base calculé au mois, hors avantage en nature nourriture, dans la limite de 12 mois ; elle est versée en une seule fois à l’issue du contrat de professionnalisation et au plus tard au terme du 12e mois, quelle que soit la durée du contrat. Cette valorisation de la fonction tutorale n’est pas cumulable avec les dispositions d’un accord d’entreprise visant le même objet. »

Pour solliciter l’allocation d’une somme de 800 euros, le salarié affirme avoir été tuteur de deux salariées en formation CQP durant 6 mois pour l’une et 4 mois pour l’autre. Il avance pouvoir prétendre à une telle prime, bien que non accrédité CPNE-IH, dans la mesure où d’une part l’employeur a refusé de le former tout en le désignant en qualité de tuteur et d’autre part en se référant à l’accord professionnel du 10 janvier 2011 qui autorise un tutorat hors accréditation.

L’employeur réplique que M. [S], à défaut d’une accréditation, ne peut prétendre à l’octroi de cette prime et lui oppose l’article 7 de l’accord du 16 décembre 2015 selon lequel :

« Les signataires rappellent qu’à la signature du présent accord, la formation à la fonction de tuteur est rendue obligatoire dans le cadre des contrats de professionnalisation dans trois branches du secteur (celles des HCR, de la restauration collective et des casinos).

En prolongement, elles invitent les entreprises à prendre pleinement en compte l’exercice de la fonction tutorale. Elles rappellent que le tutorat est fondé sur le volontariat, le tuteur devant être qualifié et justifier d’une expérience professionnelle d’au moins 2 ans dans une qualification en rapport avec l’objectif visé. Elles considèrent que l’entretien professionnel, visé à l’article XII du présent accord, est un espace privilégié où le salarié peut se déclarer volontaire pour suivre et accompagner un jeune ou un adulte pendant sa formation dans l’entreprise.

1. Permis de former dans la branche des HCR

Dans la branche des HCR, le tuteur doit être titulaire du permis de former. Celui-ci est assorti d’une obligation de formation qui incombe aux tuteurs et aux maîtres d’apprentissage encadrant un bénéficiaire d’un contrat de travail en alternance (contrat de professionnalisation et contrat d’apprentissage). Le permis de former se substitue à toute autre formation de tuteur, telle que mentionnée à l’article L. 6332-15 du code du travail ».

Il ressort ainsi des explications, des pièces fournies par les parties et des dispositions conventionnelles que M. [S] ne justifie ni de l’accréditation CPNE-IH ni du permis de former nécessaires à la fonction de tuteur de sorte que sa demande à ce titre sera rejetée et la décision dont appel, confirmée sur ce point.

-VIII- Sur la demande au titre de l’astreinte

M. [S] sollicite l’allocation d’une somme de 1 200 euros en faisant valoir ne pas pouvoir produire de relevé des astreintes effectuées. Il ajoute que l’employeur n’a pas mis en place de suivi, ni de compensation du paiement des heures de travail comme cela a été constaté par l’inspection du travail.

L’employeur réfute l’existence d’astreinte et lui oppose l’absence d’élément probant au soutien de son affirmation.

Aux termes de l’article L.3121-9 du code du travail, une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif et doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures d’astreinte accomplies il est fait application des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail aux termes desquellesil appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui en assure le contrôle, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l’espèce, le salarié qui ne produit aucun élément à l’appui de sa demande doit en être débouté.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

-IX- Sur la demande au titre de la clause de résidence

Le salarié soutient avoir été dans l’obligation de déménager en centre-ville d'[Localité 3] pour respecter la clause de résidence figurant au contrat de travail occasionnant un surcoût mensuel de loyer de 150 euros. Il demande un dédommagement à hauteur de 1 200 euros.

En réplique, l’employeur souligne l’absence d’élément probant au soutien de cette demande, le salarié habitant à proximité de l’établissement avant la conclusion du contrat de travail.

Il résulte en effet des pièces produites et notamment du curriculum vitae adressé par le salarié à l’employeur et du contrat de travail que le salarié a résidé [Adresse 1] avant la conclusion du contrat de travail et pendant l’exécution de celui-ci . Il ne démontre pas davantage avoir été dans l’obligation de déménager au cours de la relation contractuelle de sorte que cette demande sera rejetée.

La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

-X- Sur la prime exceptionnelle

L’intimé sollicite à titre reconventionnel la condamnation de M. [S] à lui reverser la somme de 1 200 euros au titre d’une prime exceptionnelle qui lui a été accordée ensuite de l’ordonnance de référé rendue le 31 janvier 2019. Selon lui, cette prime attribuée à tort au regard des nombreuses autres qu’il a perçues au cours de la relation contractuelle, a été calculée sur le chiffre d’affaires calculé et non sur celui encaissé comme cela avait été convenus entre les parties.

De son côté, le salarié demande la confirmation sur ce point de la décision entreprise qui a confirmé : « en partie l’ordonnance des référés du 31 janvier 2019 tel que la prime exceptionnelle de 1 200 euros est due à M.[S] » .

Il résulte de la fiche de poste jointe au contrat de travail qu’il est assigné au directeur adjoint quatre objectifs principaux, le premier étant ainsi libellé : « objectif CA encaissé » sans autre précision. L’employeur ne verse aucun document comptable permettant à la Cour d’apprécier sa demande. Par voie de conséquence cette demande sera rejetée.

-XI- Sur les autres demandes

S’agissant de la demande relative à la remise des documents de fin de contrat

En considération des condamnations prononcées, l’intimé devra délivrer au salarié un bulletin récapitulatif des sommes allouées, l’attestation destinée à Pôle emploi ainsi qu’un certificat de travail rectifiés, dans le délai de deux mois suivant la signification de celui-ci, sans besoin d’une quelconque astreinte.

S’agissant des demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles

Partie perdante à l’instance, l’employeur devra supporter les dépens et sera condamné à verser à M.[S] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme la décision déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a :

-condamné le salarié à rembourser à l’employeur la somme de 1 974,80 euros au titre d’un trop perçu sur rappel de salaire conventionnel,

– débouté M. [S] de sa demande au titre du non-respect des temps de repos hebdomadaire, de repos journalier et de pause,

– débouté M. [S] de sa demande au titre des heures supplémentaires,

– confirmé partiellement l’ordonnance des référés du 31 janvier 2019 s’agissant de la prime exceptionnelle de 1 200 euros due à M. [S],

– dit que les parties conserveraient la charge de leurs frais irrépétibles,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [S] de sa demande d’irrecevabilité des pièces 5,10,12 et 13 produites par l’employeur,

Dit n’y avoir lieu à condamner le salarié à payer à l’employeur la somme de 1 974,80 euros au titre d’un trop perçu sur rappel de salaire conventionnel,

Déboute M. [S] de sa demande de rappel de salaire au titre des salaires minima conventionnels,

Condamne la SARL hôtel de Lamartine à verser à M. [S] les sommes suivantes :

– 2 472,19 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre celle de 247,21 euros bruts pour les congés payés afférents,

– 1 000 euros au titre du non respect des temps de repos hebdomadaire, de repos journalier et de pause,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et en cause d’appel,

Dit que la SARL hôtel de Lamartine devra délivrer au salarié un bulletin récapitulatif des sommes allouées, l’attestation destinée à Pôle emploi ainsi qu’un certificat de travail rectifiés en considération du présent arrêt, dans le délai de deux mois suivant la signification de celui-ci, sans besoin d’une quelconque astreinte,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SARL hôtel de Lamartine aux dépens de première instance et d’appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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