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22 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/11989
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
(n° 356, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11989 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCFO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 novembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 18/01481
APPELANTE
Société ORANGE BANK
RCS Bobigny sous le numéro 572 043 800
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
INTIMÉE
Madame [C] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [T] a été embauchée par la société Finama, devenue Groupama Banque puis Orange Bank par contrat à durée indéterminée du 02 février 2009, en qualité de Directeur Commercial.
Est applicable à la relation contractuelle la convention collective de la Banque.
Par courrier du 1er novembre 2016, Mme [T] a informé la société qu’elle souhaitait faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2017.
Par courrier du 23 janvier 2017, Mme [T] a donné son accord pour un cumul emploi retraite dans le cadre d’un contrat à durée déterminée de 6 mois, du 1er février au 31 juillet 2017, sur la base d’un temps partiel à 80 %.
Le 20 juillet 2017, le contrat a été renouvelé pour la période du 1er août au 30 septembre 2017.
Par lettre du 28 août 2017, Mme [T] a demandé à la Direction des Ressources Humaines de la société le versement de son bonus, ce que l’employeur a refusé par courrier du 20 septembre 2017.
Le 30 septembre 2017, terme du contrat, l’employeur lui a remis son certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte qu’elle a refusé de signer, compte tenu du fait qu’il ne comportait pas le versement de la rémunération variable.
C’est dans ces conditions que Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny par requête en date du 17 mars 2018 aux fins de solliciter la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la condamnation de son employeur à lui régler diverses sommes.
Par jugement contradictoire du 06 novembre 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit et jugé le contrat de travail à durée déterminée de Mme [T] non conforme aux dispositions légales relatives aux cas de recours à ce type de contrat de travail ;
– requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
– dit et jugé que la rupture du contrat de travail à durée déterminée intervenue le 30 septembre 2017 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Orange Bank à verser à Mme [T] les sommes suivantes :
‘ 27.307,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 2.730,72 euros au titre des congés payés afférents,
‘ 28.567,51 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
‘ 72.819,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ 9.102,40 euros à titre d’indemnité de requalification,
‘ 33.766,67 euros à titre de rappel sur rémunération variable 2017,
‘ 1.800,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonné l’exécution provisoire pour 50 % des sommes du présent jugement, et 50 % par consignation à la Caisse des Dépôts et Consignation ;
– rappelé que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement, soit le 3 septembre 2018 et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement ;
– ordonné la remise des documents sociaux rectifiés conformes au présent jugement ;
– débouté Mme [T] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société Orange Bank de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et l’a condamné aux dépens.
Par déclaration notifiée par la voie électronique le 03 décembre 2019, la société Orange Bank a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 14 mars 2023, la société Orange Bank demande à la cour de :
1. sur les demandes relatives au contrat de travail à durée déterminée
à titre principal :
– constater que le contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er février 2017 repose bien sur un cas de recours prévu par le code du travail ;
– dire et juger que le contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er février 2017 est fondé et n’encourt pas la requalification en un contrat de travail à durée indéterminée ;
en conséquence :
– infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Bobigny ;
– débouter Mme [T] des demandes afférentes ;
à titre subsidiaire :
en cas de requalification du contrat de travail à durée déterminée du 1er février 2017 en contrat de travail à durée indéterminée :
*concernant l’indemnité de préavis :
– débouter Mme [T] au motif qu’un préavis de 3 mois a déjà été respecté lors de son départ volontaire à la retraite entre le 1er novembre 2016 et le 31 janvier 2017 ;
– à titre infiniment subsidiaire, réduire le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à celui correspondant à une ancienneté de 8 mois, soit 9.102,70 euros bruts ;
*concernant l’indemnité de licenciement :
– déduire de la somme demandée de 28.567,51 euros, la somme déjà perçue au titre de l’indemnité de départ volontaire à la retraite le 31 janvier 2017, soit la somme de 34.134 euros ;
– à titre infiniment subsidiaire, réduire le montant de l’indemnité conventionnelle à celui correspondant à une ancienneté de 8 mois, soit 1.517,12 € nets ;
*concernant le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– appliquer le barème Macron pour les salariés justifiant d’une ancienneté de 8 mois, à savoir une indemnité comprise entre 0 et 1 mois de salaire, soit en l’espèce 1 euro symbolique ;
2. sur les demandes relatives au bonus au titre de l’année 2017
à titre principal :
– constater que le principe d’une rémunération variable n’est stipulé ni par le contrat de travail à durée déterminée du 1er février 2017, ni par son avenant de renouvellement du 20 juillet 2017 ;
par conséquent :
– infirmer la décision du Conseil de Prud’hommes de Bobigny ;
– débouter Mme [T] de sa demande de rémunération variable ;
A titre subsidiaire :
– limiter le montant de la rémunération variable en prenant en compte la durée de 8 mois du contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er février 2017 et la durée du travail pendant cette période (80 %), à savoir la somme de 18.008,89 euros ;
3. sur les demandes relatives à la durée du travail et au repos quotidien
– constater que Mme [T] n’apporte aucun élément précis permettant à Orange Bank de répondre à ses arguments ;
– débouter Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts ;
en conséquence :
– confirmer la décision du Conseil de Prud’hommes de Bobigny ;
En tout état de cause :
– débouter Mme [T] de l’ensemble de ses autres demandes ;
– débouter Mme [T] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Y ajoutant :
– condamner Mme [T] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner Mme [T] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Teytaud dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 21 mars 2023, Mme [T] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Bobigny du 06 novembre 2019 en ce qu’il a :
*dit et jugé le contrat de travail à durée déterminée de Mme [T] non conforme aux dispositions légales relatives aux cas de recours à ce type de contrat de travail ;
*requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
*dit et jugé que la rupture du contrat de travail à durée déterminée intervenue le 30 septembre 2017 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*condamné la société ORANGE BANK à verser à Mme [T] les sommes suivantes :
‘ 27.307,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 2.730,72 euros au titre des congés payés afférents,
‘ 28.567,51 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
‘ 72.819,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ 9.102,40 euros à titre d’indemnité de requalification,
‘ 33.766,67 euros à titre de rappel sur rémunération variable 2017,
‘ 1.800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
*rappelé que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement, soit le 3 septembre 2018 et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement ;
*ordonné la remise des documents sociaux rectifiés conformes au présent jugement ;
*débouté la société Orange Bank de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et la condamne aux dépens ;
Il est également demandé à la Cour de :
– débouter Orange Bank de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions ;
– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil ;
– ordonner la levée de la consignation ordonnée par le jugement du Conseil de Prud’hommes de Bobigny du 6 novembre 2019 ;
– condamner Orange Bank au versement à Mme [T] de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction a été déclarée close le 29 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les dispositions du jugement ayant débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail et du repos quotidien ne sont plus discutées aux termes du dispositif de ses dernières conclusions. Elles seront en conséquence confirmées.
Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et ses conséquences
Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Selon l’article L. 1242-2 du même code, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent notamment l’accroissement temporaire d’activité de l’entreprise. Enfin, selon l’article L. 1245-1 du même code, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12 alinéa 1, L. 1243-11 alinéa 1, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4 du même code.
En cas de litige sur le motif du recours à un contrat à durée déterminée, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat. En cas de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier.
Par ailleurs, le cumul emploi- retraite suppose que le contrat de travail préexistant ait été rompu à la date de la liquidation de la pension et qu’un nouveau contrat soit conclu qui peut prendre la forme soit d’un contrat à durée indéterminée soit d’un contrat à durée déterminée répondant aux conditions posées par les articles L.1242-1 et suivants du code du travail, ce qui implique que le contrat à durée déterminée soit conclu pour un motif répondant à l’un des cas de recours y énoncés.
Mme [T] demande la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée aux motifs que :
– l’accroissement temporaire d’activité invoqué pour son embauche n’est pas établi puisqu’elle a continué à exercer les mêmes fonctions que dans le cadre du contrat de travail à durée indéterminée antérieur ;
– en tout état de cause, la définition de la nouvelle stratégie de la conquête du client visée comme motif ne peut pas constituer un accroissement temporaire d’activité au sens de la loi et de la jurisprudence.
Elle demande en conséquence l’allocation d’une indemnité de requalification, d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société Orange Bank conclut au débouté des demandes en faisant valoir qu’elle a embauché Mme [T] selon contrat de travail à durée déterminée après son départ à la retraite à raison d’un accroissement temporaire d’activité consistant à assurer la formation de son successeur à son poste et n’avait pas pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise. Elle rappelle que le contexte particulier de l’année 2017 et l’entrée d’orange Bank dans le groupe Orange étaient source de surcroît d’activité compte tenu du contexte général de réorganisation et de la mise en place de nouvelles stratégies, notamment commerciales.
En l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées que dans le cadre d’un cumul-emploi retraite la salariée a conclu avec son employeur un contrat à durée déterminée à compter du 1er février 2017 pour se terminer le 31 juillet 2017 pour faire face à un surcroît d’activité lié à la définition de la nouvelle stratégie de conquête clients. Il était convenu qu’elle exerce les fonctions de Banquier privé au sein du département de la banque privée de la direction de la distribution et de la relation client. Les parties ont convenu également que Mme [T] pourra être amenée dans le cadre de son évolution de carrière à exercer au sein de la banque d’autres fonctions compatibles avec sa qualification.
Par avenant en date du 20 juillet 2017, le contrat était renouvelé jusqu’au 30 septembre 2017.
Il ressort du courrier en date du 23 janvier 2017 adressé à son employeur par la salariée qu’elle confirmait son accord pour effectuer un cumul emploi retraite dans le cadre d’un contrat à durée déterminée afin de permettre ” la formation d’un nouveau collaborateur et lui transmettre dans les meilleurs délais le portefeuille qu’elle gère actuellement “.
Toutefois, outre que ce motif ne figure pas dans le contrat de travail, il ne ressort pas de cette lettre que Mme [T] a eu pour seule tâche d’assurer la formation de son successeur et que le surcroît d’activité serait dès lors établi.
Il n’est pas plus démontré par l’employeur, auquel cette preuve incombe, que ce motif ou celui de participation à la nouvelle stratégie clientèle répondait à la définition de surcroît d’activité, ce d’autant qu’il ne produit aucun élément de preuve pertinent ni même procède à une démonstration plus précise de la réalité du surcroît prétendu. Il sera également relevé à la lecture de l’évaluation de la salariée 2016/2017 que des objectifs lui étaient assignés comprenant notamment et non uniquement celui de former un junior et de travailler en collaboration avec lui, sans pour autant que cette passation de clientèle déjà entamée en 2016 relève d’un surcroît d’activité.
Mme [T] fait encore valoir sans être utilement contredite que l’entrée d’Orange au capital de Groupama Banque à hauteur de 65 % date du mois d’avril 2016, soit dix mois avant la conclusion du contrat à durée déterminée et que le compte-rendu de la direction du 31 août 2017 relève que la réorganisation de la banque n’a été présentée que le 31 août 2017, soit sept mois après la conclusion du contrat à durée déterminée.
Au vu de ces éléments, le contrat à durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
Mme [T] est donc fondée à solliciter le paiement de l’indemnité de requalification prévue à l’article L.1245-2, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 9102, 40 euros correspondant à un mois de salaire, ce montant n’étant pas remis en cause par la salariée qui demande la confirmation du jugement de ce chef.
Sur les conséquences juridiques et pécuniaires de la requalification
Qualifié de contrat à durée indéterminée, le contrat à durée déterminée du 1er février 2017 ne pouvait prendre fin le 30 septembre 2017 au motif de l’arrivée de son terme.
La rupture s’analyse dès lors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les parties s’opposent en premier lieu sur l’ancienneté à prendre en compte pour le calcul des indemnités de rupture.
La société Bank Orange fait en effet valoir que Mme [T] est partie à la retraite le 30 janvier 2017 avant d’être réembauchée le 1er février 2017 dans le cadre d’un cumul emploi et que son ancienneté doit être calculée à partir de cette date, alors que Mme [T] considère la relation contractuelle comme ininterrompue depuis sa date d’embauche le 2 février 2009.
Il ressort des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail, auxquelles ne déroge pas la convention collective nationale applicable à la relation contractuelle, que pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement seule compte l’ancienneté de services continus.
Il ressort des justificatifs produits aux débats que le contrat à durée indéterminée a été rompu le 31 janvier 2017, dernier jour de service avant la prise d’effet de la retraite . Il apparaît cependant que dès le lendemain Mme [T] a repris ses fonctions au sein de l’établissement dans le cadre du contrat à durée déterminée proposé à sa signature par son employeur. Il en ressort que l’ancienneté de services continus à prendre en compte pour le calcul des indemnités de rupture s’étend du 2 février 2009 au 31 septembre 2017. Il sera également relevé que la reprise de l’ancienneté a été expressément prévue par les dispositions contractuelles.
L’employeur soutient en conséquence vainement que l’accession de Mme [T] à la retraite à compter du 1er février 2017 a interrompu l’ancienneté alors que dès cette date il l’a réembauché sur le même poste et qu’elle n’a pas cessé son activité entre le 20 janvier 2009 et le 30 septembre 2017.
Eu égard à la poursuite sans interruption de son activité auprès du même employeur, Mme [T] est donc fondée à soutenir que ce dernier aurait dû retenir, pour le calcul des indemnités de rupture la totalité de l’ancienneté acquise, soit en l’espèce plus de 8 ans et 7 mois et non uniquement celle acquise à compter de la date à laquelle l’intéressée a été admise à faire valoir ses droits à la retraite.
Mme [T] a fait valoir ses droits à la retraite au 1er février 2017. A cette occasion, elle a perçu selon bulletin de salaire du mois de janvier 2017 une indemnité de départ à la retraite de 34 134 euros. Elle réclame en sus une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 28 567, 51 euros.
Il convient cependant de rappeler que les avantages ayant le même objet ou la même cause, ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d’entre eux pouvant seul être accordé. À ce titre, une indemnité conventionnelle ou légale de licenciement ne peut se cumuler avec l’ indemnité de départ à la retraite car elles ont le même objet qui est de verser une somme au salarié quittant son emploi en fonction de son ancienneté.
Or, en l’espèce, il est constant que Mme [T] a perçu dans le cadre de son départ à la retraite une indemnité. Aussi, et alors qu’il n’est pas évoqué de dispositions conventionnelles contraires, Mme [T] ne peut prétendre à percevoir, en sus de l’indemnité de départ à la retraite, l’indemnité de licenciement.
En conséquence, il convient d’infirmer la décision entreprise et de débouter Mme [T] de sa demande d’indemnité de licenciement.
L’article 30 de la convention collective prévoit que, pour les cadres, la durée du préavis est de trois mois.
La salariée, cadre, qui a travaillé pendant son préavis de départ à la retraite et n’a perçu aucune indemnisation à ce titre, a droit à une indemnité compensatrice de préavis dans le cadre de la rupture du contrat intervenue au 30 septembre 2017.
Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à Mme [T] la somme de 27 307, 20 euros à titre d’indemnité compensatrice, de prévis, outre 2730, 72 euros à titre de congés payés afférents.
Compte tenu de son ancienneté, de son âge, de la perception d’une retraite, les dommages-intérêts réparant le préjudice moral et financier né de la perte d’ emploi injustifiée seront fixés à la somme de 38.000 euros en application de l’article L.1235-3 du code de travail fixant l’indemnité pour un salarié ayant 8 ans d’ancienneté entre 3 mois et 8 mois de salaire.
L’ indemnité de précarité, dite encore de fin de contrat, prévue par l’article L.1243-8 du code du travail, reste acquise à la salariée nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée, dès lors que cette indemnité a pour objet de compenser la situation de précarité dans laquelle elle était placée du fait de son contrat à durée déterminée, situation que la requalification n’a pas eu pour effet de faire disparaître rétroactivement.
Sur la rémunération variable
Mme [T] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 33 766, 67 euros à titre de rappel sur la rémunération variable 2017. Elle soutient que le non versement de la rémunération variable contrevient à l’accord ayant présidé à son acceptation du cumul emploi retraite. Elle se fonde sur son courrier daté du 23 janvier 2017 par lequel elle confirmait sa demande pour effectuer un cumul emploi retraite et prenait note que ” les conditions financières de son ancien contrat de travail seront reconduites y compris la partie variable “. Elle se réfère également à un accord verbal qui aurait été donné par son supérieur hiérarchique.
La société Orange Bank conclut au rejet de la demande en faisant valoir que :
-le contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties ne prévoyait pas de rémunération variable ;
– en tout état de cause le versement du bonus à toujours été conditionné à la présence du salarié au 31 décembre 2016.
Il sera rappelé que lorsqu’une prime constitue une partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s’acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l’entreprise.
L’article 2 du contrat conclu le 1er février 2017 prévoit que la rémunération brute de Mme [T] s’élèvera à 136 536 euros . Celle-ci se répartira en 12 mensualités de 11 378 euros. A sa demande, Mme [T] exercera son activité à 80 % le vendredi étant le jour non travaillé. En conséquence la rémunération brute annuelle de Mme [T] est portée à 109 228,80 euros (soit 80% de son salaire à temps complet).
L’avenant portant renouvellement conclu entre les parties le 20 juillet 2017 prévoit que la rémunération actuelle brute sur la base d’un temps complet sera portée à 136 536 euros.
Il s’en évince que ce contrat ainsi que son avenant font uniquement référence à une rémunération fixe sans renvoi à une rémunération variable.
A l’analyse des pièces du dossier, la cour relève d’abord que la rémunération prévue au contrat à durée déterminée initial était exclusivement composée d’un salaire fixe. Il est établi que c’est volontairement que Mme [T] a pris l’initiative de la rupture de son contrat en faisant valoir ses droits à la retraite puis a accepté un contrat à durée déterminée emportant suppression de la rémunération variable. Elle a signé par ailleurs l’avenant reconduisant le contrat dans les mêmes termes et une rémunération fixe.
Par suite, la cour dit que la salariée ne peut fonder un droit à rémunération variable non prévue dans son contrat sur un courrier de sa part ou un engagement oral de l’employeur.
Le jugement sera infirmé et Mme [T] déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les intérêts
Les créances salariales et assimilées produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires à compter du jugement.
La capitalisation sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société Orange Bank à Pôle emploi, des indemnités de chômage qu’il a versées le cas échéant à Mme [T] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois.
Sur la remise des documents sociaux conformes
La société sera condamnée à remettre à la salariée les documents sociaux conformes à la présente décision.
Sur les autres demandes
La société Orange Bank succombant en appel, supportera les dépens, et sera déboutée de ses demandes en paiement de ses frais irrépétibles et condamné à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 2 500 euros à Mme [T]. Les dispositions du jugement sur les dépens et frai irrépétibles seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la société Orange Bank à verser à Mme [C] [T] 28 567, 51 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 72 819, 20 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 33 766, 67 euros à titre de rappel sur rémunération variable 2017 ;
L’INFIRME de ces chefs ;
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la SA Orange Bank à verser à Mme [C] [T] les sommes suivantes :
38. 0000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
ORDONNE la levée de la consignation effectuée auprès de la Caisse des dépôts et consignations ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
ORDONNE à la SA Orange Bank de remettre à Mme [C] [T] les documents sociaux conformes au présent arrêt ;
ORDONNE le remboursement par la SA Orange Bank à Pôle emploi des indemnités de chômage qu’il a versées le cas échéant à Mme [C] [T] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d’indemnités ;
CONDAMNE la SA Orange Bank aux dépens ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande.
La greffière, La présidente.