Requalification en CDI : 23 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/00337

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Requalification en CDI : 23 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/00337
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23 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/00337

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2023

N°2023/ 124

RG 19/00337

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDS3V

SAS SERVICE INNOVATION GROUP

C/

[X] [R]

Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST

Copie exécutoire délivrée

le 23 Juin 2023 à :

– Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

V242

-Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

V335

-Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 06 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01826.

APPELANTE

SAS SERVICE INNOVATION GROUP, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame [X] [R], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Association CGEA ILE DE FRANCE OUEST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d’une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 23 Juin 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [X] [R] était engagée le 4 janvier 2007 en qualité de promotrice des ventes par la société Service Innovation Group (SIG) spécialisée dans la prestation de services en grande distribution selon contrat de travail intermittent à durée indéterminée sur la base d’une rémunération minimale mensuelle brute fixée en fonction du SMIC horaire porté à 9,53 € bruts par heure et pour une durée annuelle minimale de travail de 15h60.

La convention collective nationale applicable était celle des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Au cours de l’année 2007, les sociétés SIG et B&W Marketing ont fusionné.

De nombreux avenants au contrat étaient conclus les 17 mars, 21 avril, 19 mai, 16 juin, 21 juillet, 18 août, 22 septembre, 17 novembre , 22 décembre 2014, puis 19 janvier, 16 février, 23 mars, 20 avril 2015.

Mme [R] saisissait le 12 juin 2013 le conseil des prud’hommes de Marseille aux fins de voir requalifier le contrat à durée indéterminée intermittent en un contrat à durée indéterminée à temps complet et obtenir un rappel de salaire et la résiliation de son contrat de travail outre des indemnités

Le 7 juin 2015, la salariée prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Par jugement du 6 décembre 2018 le conseil de prud’hommes en sa formation de départage a statué comme suit :

«Prononce la requalification du contrat de travail intermittent à durée indéterminée signé le 4 janvier 2007 liant Mme [X] [R] et la SAS Service Innovation Group en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;

Dit que la prise d’acte de Mme [X] [R] intervenue le 7 juin 2015 aux torts de la SAS Service Innovation Group produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe le salaire moyen mensuel brut à la somme de 1.457,55 euros ;

Fixe au passif de la SAS Service Innovation Group les créances suivantes en faveur de Mme [X] [R] :

– 96.293,54 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période allant du mois de juin 2008 au mois de mai 2015, outre la somme de 9.629,35 euros bruts d’incidence congés payés ;

– 2.915,10 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 291,51 euros bruts d’incidence congés payés ;

– 2.477,83 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– 9.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Dit que jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels ;

Déboute Mme [X] [R] de ses demandes indemnitaires pour absence de visite médicales d’embauche et périodiques ;

Ordonne à la SAS Service Innovation Group de remettre à Mme [X] [R] un bulletin de salaire, à l’exception de tout autre, mentionnant les créances salariales et indemnitaires fixées par cette décision, une attestation Pôle emploi conforme à cette décision et de régulariser la situation de la salariée auprès des organismes de retraite sur la base d’une rémunération à temps complet;

Fixe au passif de la SAS Service Innovation Group en faveur de Pôle Emploi une créance correspondant aux indemnités de chômage perçues par Mme [X] [R] entre le 7 juin 2015 et le 6 décembre 2018 dans la limite des deux premiers mois indemnisés ;

Dit que le présent jugement sera notifié à la diligence du greffe de cette juridiction à Pôle Emploi;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision ;

Fixe au passif de la SAS Service Innovation Group en faveur de [X] [R] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Met hors de cause le CGEA comme ne devant pas garantir les créances salariales et indemnitaires susvisées conformément aux dispositions de l’article L 3253-8 du code du travail ;

Condamne la SAS Service Innovation Group aux entiers dépens de la procédure, lesquels ne peuvent comprendre le droit proportionnel tire de l’article 10 du décret du l2 décembre 1996 ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. ».

Par acte du 8 janvier 2019, le conseil de la société a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 juillet 2021 la société demande à la cour de :

« A titre principal :

Constater que la prise d’acte de Mme [R] s’analyse comme une démission ;

Constater la validité du contrat de travail intermittent conclu le 4 janvier 2007;

Constater que les avenants ultérieurs se sont substitués au contrat originel ;

Constater la parfaite régularité des avenants contractuels ;

Débouter en conséquence Mme [R] de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée à temps complet ;

Débouter Mme [R] de l’intégralité de ses demandes ;

Condamner Mme [R] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire :

Limiter les rappels de salaires sur la base des 500 heures annuelles prévues par l’accord de branche du 13/02/06 sur la période sollicitée, déduction faite des heures réalisées pour la société.

Débouter Mme [R] de ses autres demandes ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 31 janvier 2023, Mme [R] demande à la cour de :

«Dire fondée sa demande de requalification du contrat de travail intermittent du 4 janvier 2007 en un CDI,

Dire y avoir lieu à rappel de salaire à temps complet,

Dire la prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative de Mme [R] imputable à la société Service Innovation Group en raison des manquements graves de cette dernière,

Dire que cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En Conséquence,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Débouter la société Service Innovation Group de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

Condamner la société Service Innovation Group au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, en sus de la somme allouée à ce titre par le Conseil de prud’hommes.

La Condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Ordonner le remboursement par la société Service Innovation Group, des indemnités de chômage perçus par Mme [R] entre le jour de son licenciement et le jour du jugement de première instance dans la limite de 6 mois ».

Dans ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 24 août 2022, l’Unédic Délégation AGS CGEA d’Ile de France Ouest demande à la cour de :

« Prononcer la mise hors de cause de l’AGS-CGEA.

Confirmer dès lors le jugement déféré en ce qu’il a mis hors de cause l’AGS CGEA pour l’ensemble des créances susceptibles d’être allouées à Mme [R], que lesdites créances relèvent de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail.

Très subsidiairement, déclarer subsidiaire la garantie de l’AGS-CGEA.

Débouter Mme [X] [R] de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, aux dépens en tout état déclarer le montant des sommes allouées inopposables à l’AGS CGEA.

En tout état,

Constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Mme [X] [R] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafondsqui inclus les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l’article 204 A du code général des impôts.

Dire et juger que les créances fixées, seront payables sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail.

Dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 du Code de Commerce.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève qu’à la date du jugement déféré, la société qui avait été placée en redressement judiciaire le 2 juin 2008 avait exécuté le plan de continuation validé le 20 mai 2009 puisque par jugement du tribunal de commerce de Versailles du 22 novembre 2018, les opérations de la procédure collective ont été clôturées.

En conséquence, l’intervention de l’Unedic délégation AGS CGEA d’Ile de France Ouest n’était plus nécessaire et sans contestation de la part des parties sur ce point, sa mise hors de cause doit être confirmée.

Par ailleurs, aucun appel incident n’a été fait par la salariée concernant le rejet de sa demande indemnitaire pour absence de visites médicales d’embauche et périodiques, de sorte que de ce chef, elle est réputée en application de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, s’être appropriée les motifs du jugement l’ayant déboutée de sa demande.

Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet

La société reproche au jugement déféré d’avoir fait droit à la demande de requalification de la salariée en considérant à tort que les avenants contractuels au contrat de travail intermittent initial ne comportaient pas la répartition des périodes travaillées durant les missions et en ne tenant pas compte de ce que les avenants se sont successivement substitués au contrat de travail intermittent initial.

Elle précise que la société a fait l’objet d’un audit par un cabinet extérieur et indépendant, et non par la Sorap, et qu’elle a été classée à un niveau de « conformité excellente », la présentation faite par la salariée n’étant destinée qu’à la décrédibiliser et à ternir son image car ne correspondant pas à la réalité.

La société soutient qu’il n’y a pas eu de double violation des dispositions légales relatives au travail intermittent puisque :

– le contrat de travail de la salariée a été conclu le 22 décembre 2006 en application de l’accord de branche autorisant le travail intermittent, accord qui a été respecté et qui n’a jamais été remis en cause par les syndicats signataires pour des animateurs commerciaux intervenant pour le compte d’entreprises du secteur qui assurent des prestations comme celles de la société SIG;

– si les périodes de travail et la répartition des heures à l’intérieur de celle-ci n’étaient pas expressément mentionnées dans le contrat de travail de 2007 jusqu’aux avenants contractuels de 2014, cela était compensé par le fait que le salarié avait la possibilité contractuelle d’accepter ou de refuser les missions proposées;

– la durée minimale annuelle de 15,60 heures était mentionnée au contrat de travail et la salariée n’a jamais manifesté son désaccord quant à une réalisation d’une durée de travail supérieure du tiers de cette durée annuelle minimale.

La société estime qu’il n’y a pas de présomption irréfragable de requalification à temps complet en cas d’irrégularités formelles du contrat de travail en présence d’un accord collectif de branche autorisant le travail intermittent et qu’elle est recevable à apporter la preuve que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Elle indique que la salariée avait parfaitement connaissance du rythme et de ses horaires d’intervention à l’issue d’une première démarche téléphonique, mission qu’elle était libre d’accepter ou de refuser, qu’elle avait accès sur l’espace collaborateurs à ses plannings d’intervention qui étaient disponibles bien avant le début de la mission et que les extraits du logiciel Khéops permettent de justifier les horaires à temps partiel de la salariée qui n’était pas astreinte à des horaires fixes.

La société produit notamment les pièces suivantes :

– l’extrait espace collaborateurs sur le site sigeurope.com (pièce 14)

– les rapports de merchandising auprès des différents établissements, documents remplis par la salariée et mentionnant le nombre d’heures réalisées par semaine auprès des différents clients (pièce 15)

– la déclaration du 25 mai 2010 auprès de la CNIL concernant l’espace collaborateurs, l’interface permettant aux salariés de prendre connaissance des informations générales de la société des informations opérationnelles et des moyens mis en ‘uvre pour permettre le bon déroulement de leur mission commerciale pour les salariés (pièce 17)

– le témoignage de, M. [C] directeur des systèmes d’information de la société, détaillant « la possibilité pour les collaborateurs de visualiser le planning des missions, éditer les ordres de missions et renseigner les résultats de leur mission » indiquant que « suite à la fusion des sociétés BW et SIG le site Web a été adapté au logiciel Khéops et à sa base de données (…) avec des ajouts au site initial de 2005 : contrats de travail, bulletins de salaire, relevés d’activité calendriers des disponibilités, proposition de missions et postulation en ligne (…) » (pièce 16)

– le livret d’accueil animation commercial (pièce18)

– un e-mail du 20 janvier 2015 de Mme [Z], responsable service clients, adressée à [E] [U] juriste, indiquant avoir mis en place en 2014 un mail automatique avec toutes les informations de connexion et d’accueil chez SIG avec en pièce jointe un livret d’accueil sur le métier (pièce 19).

– les avenants contractuels du 24 novembre 2014 jusqu’au 20 avril 2015 (pièces 12 et 21)

– le témoignage de M. [P], responsable interface informatique de la société SIG, qui atteste du process informatique de mise à disposition des documents pour les salariés intermittents (pièce 33)

– l’audit Service Innovation Groupe 17 avril 2013 (pièce 25)

– l’audit Sorap (pièce 26)

– l’état des connexions de la salariée, adresse IP (pièce 48)

– les relevés d’heures de la salariée sur le logiciel Khéops (pièce 49).

La salariée fait valoir que le contrat initialne comporte pas les mentions obligatoires imposées par les dispositions de l’article L.3123-33 du code de travail en violation des dispositions légales et conventionnelles et que la société a trouvé avec le contrat de travail à durée indéterminée intermittent le moyen d’avoir en permanence à sa disposition des salariés occupés selon les seuls besoins de l’activité de l’entreprise, sans aucune garantie de volume hebdomadaire ou mensuel ou annuel de travail.

Elle précise que le contrat intermittent ne respecte ni les dispositions de l’article 14 de l’accord de branche du 13 février 2006 puisque le volume annuel est inférieur à la durée minimale de 500 heures garantie par cet accord à tout salarié embauché en CDI intermittent, ni la circulaire du 3 mars 2000 du ministère de l’emploi établie à l’occasion de la promulgation de la loi du 19 janvier 2000 ayant instauré le travail intermittent.

Elle indique que l’absence des mentions impératives visées par la loi, en particulier les périodes de travail ainsi que la répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes, entraînent une présomption irréfragable de requalification du contrat à durée indéterminée intermittent en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps complet et que les modalités d’organisation du temps de travail telles que la mise à disposition de planning en ligne ou la réception d’appels téléphoniques pour proposer des missions ne constituent pas des éléments du contrat de travail mais une modalité de leur exécution.

Elle souligne que si les avenants contractuels indiquent les horaires de travail, ces derniers ne mentionnent aucune période de disponibilité et d’indisponibilité de la salariée ce qui ne permet pas de soutenir que ces avenants se seraient substitués au contrat du 4 janvier 2007.

Elle fait valoir que l’employeur l’a sollicité pour « un travail à la demande » dans la mesure où elle se trouvait dans l’impossibilité de prévoir l’amplitude et la durée du travail qu’elle était chargée d’accomplir et qu’elle ne connaissait pas le montant de sa rémunération mensuelle et qu’elle ne s’est pas trouvée en situation d’astreinte.

Elle précise que la possibilité pour ellede refuser des missions différentes au constat de l’irrespect par la société des dispositions d’ordre public de l’article L.3132-33 du code du travail et souligne que la société a enfreint les dispositions de la loi informatique et libertés et que la pièce adverse 48 concernant les données de connexion des salariés constitue un moyen de preuve totalement illicite, faute pour la société de l’avoir préalablement déclaré auprès de la CNIL.

La salariée indique que la société se constitue en permanence un stock de salariés à sa disposition qu’elle sollicite de manière totalement arbitraire discrétionnaire pour répondre tout le long de l’année aux besoins des clients de l’entreprise, se garde de transmettre l’ensemble des contrats commerciaux conclus avec l’ensemble de ses clients qui permettraient la complète connaissance anticipée des prestations demandées et que la circonstance que des clients auraient des exigences ne permettant pas à la société de respecter les dispositions du code du travail ne saurait constituer une cause autorisant celle-ci à embaucher des salariés dans les conditions illicites.

Le travail intermittent a pour objet de pourvoir des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées. Cette organisation du travail permet de prendre en compte la spécificité des secteurs professionnels qui connaissent, au cours de l’année d’importantes fluctuations d’activités.

Toutefois, la mise en place d’un tel dispositif est subordonnée à deux conditions cumulatives, d’une part la conclusion d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou un accord de branche étendu et d’autre part à la conclusion d’un contrat écrit spécifique. Le champ d’application du contrat de travail intermittent est précisé par la circulaire du 3 mars 2000.

L’accord de branche du 13 février 2006 relatif à l’animation commerciale de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire prévoyant la mise en place des contrats de travail intermittent pour les animateurs est entré en vigueur le 1er mai 2007.

Le contrat de travail intermittent de Mme [R] a été signé le 4 janvier 2007 avec effet au 22 décembre 2006, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de l’accord collectif, de sorte que le contrat de travail intermittent ne pouvait pas être conclu et doit donc être considéré comme illicite.

Dans ce cas, la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet est automatique et l’employeur ne peut pas apporter la preuve que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Au surplus, la cour relève que le contrat de travail intermittent du 4 janvier 2007 ne mentionne pas les périodes travaillées et non travaillées, ni la répartition des heures de travail.

Si la répartition des heures figurent dans les avenants successifs, les mentions relatives à la durée minimale annuelle de travail et à la période travaillée n’y figurent pas en violation des dispositions de l’article L.3123-34 du Code du Travail applicable au litige (ancien L. 212-4-13) ainsi que de l’article 14 de l’accord de branche du 13 février 2016 alors applicable.

Il est en effet relevé que les avenants n’indiquaient toujours pas les périodes travaillées et ne comportaient même plus le nombre d’heures mensuelles à partir de 2015 puisqu’il est mentionné dans lesdits avenants « article 1- organisation du temps de travail – à compter de la signature de la présente, le salarié poursuivra son contrat de travail dans le cadre d’un travail à temps partiel de 0 heures mensuelles » avec en préambule « le salarié accepte expressément que la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées ne figure pas expressément au contrat de travail intermittent et qu’elle ne soit pas définie annuellement », et ce, en totale contradiction avec les dispositions légales et conventionnelles.

À cet égard, la société ne conteste pas l’absence d’indication des périodes travaillées et non travaillées mais le justifie par le fait qu’elle serait dépendante de ses clients et pas en mesure de connaître par avance le volume de travail et que la salariée avait la possibilité contractuelle d’accepter ou de refuser les missions proposées. Ces arguments ne sauraient être retenus tout comme est indifférent l’existence d’un accès à un espace collaborateurs pour les plannings d’intervention ou la réalisation de missions pour une société concurrente.

Dès lors, contrairement à ce que soutient l’appelante, les avenants ne peuvent être considérés comme réguliers et ne peuvent pas se substituer au contrat de travail intermittent initial par ailleurs totalement illicite.

Il s’ensuit que l’absence de ces mentions emporte comme conséquence que la durée du travail convenu n’est pas établie et que la salariée est en situation de mise à disposition permanente à l’égard de son employeur, ce qui justifie une requalification du contrat de travail intermittent et de ses avenants en contrat à temps complet.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris qui a ordonné la requalification du contrat intermittent en contrat à temps complet.

Sur le rappel de salaire

La société demande que la salariée justifie de sa situation professionnelle durant la période de 2008 à 2015 dans la mesure où les salaires perçus au sein de la société doivent être déduits, de même que les indemnités journalières de la sécurité sociale. Elle sollicite que la requalification soit réalisée sur la base sur la base de 500 heures annuelles telles que prévues par la convention collective.

Le rappel de salaire fondé sur la base d’une requalification en temps complet constitue la sanction du non-respect des dispositions légales en matière de travail intermittent indépendamment de tout travail effectif en contrepartie de ce rappel de salaire dès lors que les périodes d’activités comme la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire n’ont jamais été convenues entre les parties.

La société ne démontre pas par aileurs avoir rempli l’obligation de fournir un travail dont elle était débitrice du fait de la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, la salariée n’ayant pas refusé d’exécuter son travail.

La société est donc mal fondée à solliciter la remise par la salariée de ses avis d’imposition afférents à la période visée, la déduction des sommes perçues au titre de ses autres emplois ainsi que les indemnités journalières de la sécurité sociale, étant observé que dans le tableau de rappel de salaire établi par la salariée (pièce n°12), elle a déduit les salaires perçus par la société et a tenu compte des périodes d’arrêt maladie.

L’accord de branche portant dispositions spécifiques à l’animation commerciale dispose en son article 13 que le contrat de travail intermittent ne peut pas prévoir une durée inférieure à 500 heures annuelles. Pour autant, ce seuil ne constitue qu’un minimum lorsque le contrat de travail est licite et poursuit son exécution.

Or, dans la mesure où les avenants ne permettent pas de mettre le contrat initial illicite en conformité avec la loi, c’est le droit commun du contrat de travail qui lui est substitué, soit un temps complet conforme à la durée légale de 35 heures hebdomadaires.

L’argument économique et la situation précaire évoquée par la société ne peuvent être pris en considération dans la mesure où elle doit supporter les conséquences financières résultant de l’illicéité du contrat de travail intermittent et de ses avenants non conformes aux dispositions légales et conventionnelles.

En conséquence, la requalification du contrat de travail ouvre droit pour la salariée à un rappel de salaire, y compris pendant les périodes où elle n’a fourni aucune prestation de travail et donc indépendamment de tout travail effectif et peu importe qu’elle n’ait pas été à la disposition de l’employeur pour effectuer un travail, le dit rappel n’étant que la conséquence de l’illégalité constatée.

Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur la prise d’acte

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.La prise d’acte ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, la salariée adressé à la société le 7 juin 2015, un courrier en ces termes :

« Je suis contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail. En effet, j’ai été embauchée en CDI intermittent en janvier 2007. Depuis mon embauche, je travaille selon des horaires totalement fluctuants ce qui ne permet pas de connaître à l’avance mon volume mensuel de travail ni de prévoir la rémunération que je serai en mesure de percevoir. J’ai alerté le service du personnel de ce problème mais rien n’a changé. J’ai donc été contrainte de saisir les prud’hommes pour faire valoir mes droits, et une fois encore rien n’a changé de la part de votre société. Au contraire, j’ai été contrainte de signer des avenants pour pouvoir continuer à travailler puisque mon refus de signer m’aurait privé de toute mission.

Cela est d’ailleurs mentionné noir sur blanc dans les courriers que vous m’avez adressés et dans lesquels il est indiqué que la signature des avenants « déclenchera les éléments de paie ». Je trouve que ce procédé est totalement déloyal puisqu’il m’a été imposé et qu’il aboutit à une précarisation encore plus grande de mon statut. De son côté, l’entreprise n’a pas organisé de visite médicale d’embauche, ni de visite médicale périodique, même à la suite de l’envoi de mes arrêts de travail pour maladie. Dans ces conditions, je suis contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail du fait de vos agissements à mon égard. Je vous précise qu’il ne s’agit évidemment pas d’une démission mais du constat de vos manquements fautifs répétés à mon égard »

La société fait valoir que les manquements allégués par la salariée sont très anciens et ne l’ont jamais empêché de poursuivre son contrat de travail, que la salariée a réitéré systématiquement son souhait de vouloir travailler dans le cadre de son contrat de travail intermittent initial et n’est plus recevable à invoquer l’absence d’indication de la répartition des heures de travail dans le contrat initial dans la mesure où les derniers avenants contractuels de 2014 prévoient expressément cette répartition des heures selon les semaines du mois.

Elle indique que la salariée se fonde à tort sur le régime des contrats à durée indéterminée intermittent prévu par l’accord du 13 février 2006 mais que ce dispositif ne lui est pas applicable car elle n’a pas été recrutée en contrat de travail d’intervention à durée déterminée et n’aurait pas fait de mise en demeure préalable avant la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.

La salariée soutient que la société s’est abstenue de manière permanente jusqu’à la prise d’acte de régulariser le contrat de travail de la salariée, qu’il ne s’agissait donc pas de manquements anciens mais de manquements contemporains de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et que les avenants lui ont été imposés dans la mesure où les documents conditionnaient la fourniture de travail. Elle souligne que le minimum de 500 heures annuelles de travail garanti n’a pas été respecté dans l’année qui a précédé la rupture de contrat de travail en violation de l’accord de branche du 13 février 2006.

C’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que les premiers juges ont considéré que la salariée avait caractérisé des manquements graves de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail qui ont empêché la poursuite du contrat en ce que les avenants ne prévoyaient que des missions temporaires sans que la durée minimale annuelle de travail de 500 heures ne soit atteinte en 2014 et en l’absence de fourniture de travail en 2015.

Il y a lieu d’ajouter que la société ne peut se prévaloir ni de l’ancienneté des faits, ni de ce que la salariée ne s’est jamais plainte de sa situation, dans la mesure où l’illicéité de la situation contractuelle et l’absence de fourniture de travail constitue des manquements graves et continus et que la salariée a saisi la juridiction prud’homale dès l’année 2013, la société ayant poursuivi ses manquements fautifs postérieurement et jusqu’à la prise d’acte en 2015.

Dès lors, la prise d’acte était justifiée et, par voie de confirmation, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

La salariée avait au moment de la prise d’acte 33 ans et une ancienneté de 8 ans et 6 mois. Le salaire de référence sur la base d’un temps complet est fixé à 1 457,55 €.

Compte tenu de son ancienneté et en application des dispositions de la convention collective, la salariée a droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire. En conséquence, la cour confirme les sommes retenues par les premiers juges.

En application de l’article R. 1234-2 du code du travail applicable à la cause, qui prévoit que l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu la somme de 2 477, 83 € euros à titre d’indemnité de licenciement (1 457,55 euros x 1/5 x 8) + (1 457,55 euros x 1/5 x6/12), les dispositions conventionnelles étant moins favorables.

La cour confirme la somme de 9 000 euros retenue par les premiers juges au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La sanction prévue à l’article L.1235-4 du code du travail doit être appliquée comme l’a prévu le jugement entrepris.

Sur les frais et dépens

La société qui succombe doit s’acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l’article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamné à payer à la salariée la somme de 2 000€.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Confirme, dans ses seules dispositions soumises à la cour, le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la société Service Innovation Group à payer à Mme [X] [R] la somme de 2000€ au titre au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Service Innovation Group aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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