Requalification en CDI : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/16238

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Requalification en CDI : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/16238
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29 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/16238

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/ 222

Rôle N° RG 21/16238 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BINBR

[G] [Y]

C/

[E] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jérôme THIOLLIER

Me Pierre-jean LAMBERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité de Salon-de-Provence en date du 07 Septembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1120000088.

APPELANTE

Madame [G] [Y]

née le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jérôme THIOLLIER de la SCP PORTE & THIOLLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Guylaine PORTE de la SCP PORTE & THIOLLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [E] [P]

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 7], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Pierre-jean LAMBERT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 03 Mai 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 1er décembre 2017, Mme [E] [P] a donné à bail à Mme [G] [Y] un logement T2 meublé situé [Adresse 4], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 620 euros charges comprises (570 euros + 50 euros).

Le 6 novembre 2019, un état des lieux de sortie contradictoire a été établi par huissier de justice.

Par acte d’huissier du 16 juin 2020, Mme [G] [Y] a fait citer Mme [E] [P] pour voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– à titre pincipal, requalifier le contrat de location meublée en bail à usage d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989,

– prononcer la nullité du congé pour vendre,

– condamner la défenderesse à lui verser les sommes de :

* 1116 euros en remboursement de loyers indûs,

* 1150 euros en remboursement de charges non justifiées,

* 2300 euros au titre de son préjudice de jouissance,

* 890 euros en remboursement de l’installation des plaques et de la hotte dans la cuisine,

* 500 euros au titre de la violation de son domicile,

* 2000 euros au titre de la nullité du congé,

* 1500 euros au titre de son préjudice moral

* 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 7 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Salon-de-Provence a statué ainsi :

– REQUALIFIE le contrat de location en meublé conclu le 1er décembre 2017 entre madame [E] [P] et madame [G] [Y] en bail à usage d’habitation soumis à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ;

– PRONONCE la nullité du congé pour vente donné le 23 octobre 2019 ;

– CONDAMNE madame [E] [P] à payer à madame [G] [Y] la somme de 360 euros au titre des loyers indus ;

– CONDAMNE madame [E] [P] à payer à madame [G] [Y] la somme de 1 150 euros au titre des charges non justifiées et régularisées ;

– CONDAMNE madame [E] [P] à payer à madame [G] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

– DEBOUTE madame [G] [Y] de l’intégralité de ses autres demandes ;

– CONDAMNE madame [E] [P] à payer à madame [G] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– RAPPELLE que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire ;

– CONDAMNE madame [E] [P] aux entiers dépens de l’instance.

Le premier juge retient qu’aucun état des lieux d’entrée ni aucun inventaire du mobilier présent n’a été remis à la locataire ; que l’examen de l’état des lieux de sortie révèle l’absence en nombre et en quantité suffisants de mobilier pour permettre à la locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante ; qu’il n’existe pas de proposition de réévaluation du loyer écrite conforme à l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 ; que l’acceptation par la locataire d’une réévaluation de son loyer et le paiement sans observation de ce dernier ne permettent pas d’établir sa renonciation non équivoque manifestée en connaissance de cause aux dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989 ; que si le congé pour vendre est nul, il ne saurait fonder la demande de dommages-intérêts de la requérante qui a quitté les lieux après une décision unilatérale de sa part, actée dans une lettre du 24 juillet/septembre 2019.

Selon déclaration du 18 novembre 2021, Mme [G] [Y] a relevé appel de cette décision en ce qu’elle a condamné madame [E] [P] à lui payer la somme de 360 euros au titre des loyers indus, la somme de 1150 euros au titre des charges non justifiées et régularisées, la somme de 1000 euros au titre de son préjudice de jouissance, l’a déboutée de l’intégralité de ses autres demandes et a condamné madame [E] [P] à lui payer à la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2022, auquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [G] [Y] demande de voir :

– DECLARER recevable l’appel de Madame [G] [Y],

– DEBOUTER Madame [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– CONFIRMER LE JUGEMENT EN CE QU’IL A :

– Requalifié le contrat de location en meublé conclu le 1 er décembre 2017 entre Madame [E] [P] et Madame [G] [Y] en bail à usage d’habitation soumis à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989,

– Prononcé la nullité du congé pour vente,

– Condamné Madame [E] [P] à payer à Madame [G] [Y] la somme de 1150 € au titre des charges non justifiées et régularisées,

– Rappelé que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire,

– Condamné Madame [P] aux entiers dépens de l’instance,

– INFIRMER LE JUGEMENT EN CE QU’IL A :

– Débouté Madame [G] [Y] de l’intégralité de ses autres demandes,

– ET INFIRMER LE JUGEMENT SUR LE QUANTUM EN CE QU’IL A :

– Condamné Madame [E] [P] à payer à Madame [G] [Y] la somme de 360 € au titre des loyers indus,

– Condamné Madame [E] [P] à payer à Madame [G] [Y] la somme de 1 000 € au titre de son préjudice de jouissance,

– Condamné Madame [E] [P] à payer à Madame [G] [Y] la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ET EN CONSEQUENCE :

– DEBOUTER Madame [E] [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et

conclusions,

– REQUALIFIER LE CONTRAT DE LOCATION MEUBLE EN BAIL A USAGE D’HABITATION SOUMIS A LA LOI N°89-462 DU 6 JUILLET 1989,

– PRONONCER LA NULLITE du congé pour vente,

– DIRE ET JUGER que Madame [P] a commis des fautes contractuelles de nature à engager sa responsabilité,

– DIRE ET JUGER que ces fautes ont entrainé des préjudices pour Madame [Y] qu’il convient de réparer intégralement,

– CONDAMNER Madame [P] à payer à Madame [Y] :

– La somme de 1116 € en remboursement de loyers indus,

– La somme de 1150 € en remboursement de charges non justifiées et non régularisées,

– La somme de 2300 € au titre du préjudice de jouissance,

– La somme de 890 € en remboursement de l’installation des plaques et hotte aspirante dans la cuisine,

– La somme de 500 € au titre de la violation de domicile,

– La somme de 2000 € au titre de la nullité du congé,

– La somme de 1500 € au titre du préjudice moral,

– ASSORTIR LES CONDAMNATIONS DES INTERETS AU TAUX LEGAL à compter de la délivrance de l’assignation du 16 juin 2020,

– CONDAMNER Madame [P] à payer à Madame [Y] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance.

– CONDAMNER Madame [P] à payer à Madame [Y] la somme 2500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER Madame [P] aux entiers dépens,

– A TITRE SUBSIDIAIRE : SI PAR EXTRAORDINAIRE LA COUR REFUSAIT, SUR APPEL DE L’INTIMEE, DE REQUALIFIER LE CONTRAT EN BAIL A USAGE D’HABITATION SOUMIS A LA LOI N°89-462 DU 6 JUILLET 1989,

– FAIRE APPLICATION DES DISPOSITIONS EN MATIERE DE LOCATIONS MEUBLEES ET DU CONTRAT DU 1 ER DECEMBRE 2107 ET PAR CONSEQUENT :

– PRONONCER LA NULLITE du congé pour vente,

– DIRE ET JUGER que Madame [P] a commis des fautes contractuelles de nature à engager sa responsabilité,

– DIRE ET JUGER que ces fautes ont entrainé des préjudices pour Madame [Y] qu’il convient de réparer intégralement,

– CONDAMNER Madame [P] à payer à Madame [Y] :

– La somme de 1116 € en remboursement de loyers indus,

– La somme de 1150 € en remboursement de charges non justifiées et non régularisées,

– La somme de 2300 € au titre du préjudice de jouissance,

– La somme de 890 € en remboursement de l’installation des plaques et hotte aspirante

dans la cuisine,

– La somme de 500 € au titre de la violation de domicile,

– La somme de 2000 € au titre de la nullité du congé,

– La somme de 1500 € au titre du préjudice moral,

– ASSORTIR LES CONDAMNATIONS DES INTERETS AU TAUX LEGAL à compter de la délivrance de l’assignation du 16 juin 2020,

– CONDAMNER Madame [P] à payer à Madame [Y] la somme 2000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance,

– CONDAMNER Madame [P] à payer à Madame [Y] la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER Madame [P] aux entiers dépens.

Mme [Y] fait essentiellement valoir que la bailleresse a manqué à son obligation de fournir un logement décent et suffisamment équipé ; qu’aucun état des lieux d’entrée n’a été dressé, ni aucun diagnostic technique ; que le loyer a été augmenté de manière irrégulière ; que les charges ne sont pas justifiées et qu’il n’a pas été procédé à la régularisation des charges annuellement.

Elle fait également valoir que pendant son hospitalisation du 8 mai 2019 au 3 octobre 2019, la bailleresse a pénétré dans le logement à plusieurs reprises sans autorisation ; que des meubles et des éléments du logement ont été déplacés et même retirés ; que les dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 applicable en matière de congé pour vente n’ont pas été respectées ; que la locataire n’a jamais exprimé la volonté de mettre fin au contrat mais a exprimé simplement sa non-opposition formelle à la volonté de vendre de la bailleresse ; que l’appelante a été contrainte de déménager à un âge avancé et avec un état de santé impacté au moment du déménagement, suite à sa longue hospitalisation subie la même année ; qu’elle demande à voir indemniser son préjudice de jouissance à hauteur de 100 euros par mois ; qu’elle est âgée de 76 ans, est une personne vulnérable et reconnue handicapée à 80%.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [E] [P] demande de voir :

– Constater que Madame [P] s’en rapporte à justice sur :

o La qualification du contrat de location ;

o La demande de restitution des loyers indus ;

– Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la nullité d’un congé pour vente donné le 23 octobre 2019 et condamné Madame [P] à payer à Madame [Y] la somme de 1150 € au titre de charges non justifiées et régularisées ;

– Dire que le terme du bail est intervenu à l’initiative de Madame [Y] ;

– Débouter en conséquence Madame [Y] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamner Madame [Y] à payer à Madame [P] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [P] fait essentiellement valoir que c’est de manière unilatérale que la locataire a interprété la lettre du 2 septembre 2019 qui ne lui était pas adressée comme valant notification d’un congé pour vendre et a décidé de mettre fin au bail pour le 1er novembre, par lettre recommandée du 24 septembre ; que l’appelante ne peut à la fois demander la requalification du bail en bail de logement meublé et solliciter une indemnisation d’un préjudice lié à la mise en oeuvre du régime dérogatoire.

La procédure a été clôturée le 19 avril 2023.

MOTIVATION :

Liminairement, il convient de relever que le jugement déféré en ce qu’il requalifie le contrat de location meublée conclu le 1er décembre 2017 entre les parties en bail à usage d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 n’a pas fait l’objet de l’appel par Mme [Y] qui ne mentionne pas expressément cette disposition dans sa déclaration d’appel, ni n’a fait l’objet d’un appel incident de la part de Mme [P], intimée, qui dans ses dernières conclusions, s’en rapporte à justice sur la qualification du contrat de bail.

Par conséquent, la qualification du bail en bail à usage d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 doit être considérée comme définitive.

Sur la demande de restitution des loyers indus :

En vertu de l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989, lors du renouvellement du contrat, le loyer ne donne lieu à réévaluation que s’il est manifestement sous-évalué.

Dans ce cas, le bailleur peut proposer au locataire, dans le cadre d’une offre de renouvellement du bail notifiée, au moins six mois avant le terme du contrat, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par exploit d’huissier, un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables.

Il appartient au bailleur de rapporter la preuve que le loyer en cours est manifestement sous-évalué.

En l’espèce, seule la lettre du 9 juillet 2019, remis en main propre le lendemain par Mme [Y], locataire, à la bailleresse fait référence à un souhait verbal de cette dernière de réviser le loyer.

Non seulement la proposition de réévaluation n’est pas datée et ne respecte pas le délai de 6 mois avant le terme du contrat tel que prévu par les dispositions précitées mais aussi elle n’a pas été faite en la forme recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier.

Quant au nouveau montant du loyer proposé à 680 euros, charges comprises, il n’est pas justifié par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des locations similaires et Mme [P] n’établit pas que le loyer de 620 euros est manifestement sous-évalué.

De même, comme l’a justement décidé le premier juge, le fait que Mme [Y] donne son accord à cette révision du loyer avec un effet rétroactif au 1er mai 2019 et qu’elle justifie avoir réglé la somme mensuelle de 680 euros en juillet et août 2019 ne dispense pas la bailleresse de respecter l’article 17 précité qui est d’ordre public alors que l’attitude de la locataire ne saurait être interprétée comme renonçant, de façon non équivoque, en toute connaissance de cause, à l’application de cette disposition.

Or, il n’est pas contesté par l’intimée que la locataire a réglé un loyer mensuel de 680 euros depuis le mois de mai 2019 au lieu du loyer initial de 620 euros et ce jusqu’à la remise des clés, tel que cela figure dans le constat des lieux de sortie du 6 novembre 2019.

Il convient donc de condamner Mme [P] à rembourser à Mme [Y] la somme de 369 euros, soit [6X (680-620) = 360 + (133 – 620/30 X6) = 9] au titre de loyers indûment augmentés, la demande en remboursement de la somme de 1116 euros faite par l’appelante n’étant pas fondée.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation du 16 juin 2020.

Ainsi, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de remboursement des charges non justifiées :

En vertu de l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie des services rendus liés à l’usage des différents élements de la chose louée, des dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les élements d’usage commun de la chose louée et des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.

La liste des charges est fixée par décret en Conseil d’Etat.

Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l’objet d’une régularisation annuelle.

Il résulte de cette disposition qu’il incombe au bailleur de justifier de la créance de charges à l’encontre du preneur et les demandes de provisions pour charges doivent être justifiées par la communication des résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et pour le bailleur, personne morale, par le budget prévisionnel.

Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires.

Les charges locatives ne sont pas dues si elles ne sont pas justifiées mais le bailleur peut en justifier à tout moment dans la limite du délai de prescription.

En l’espèce, le contrat de bail signé le 1er décembre 2017 entre les parties prévoit une provision sur charge de 50 mois par mois pour l’électricité et l’eau, pour la première année et stipule que le bailleur procède à la régularisation une fois par an.

Il est constant que Mme [Y] occupe un logement T2 de 45 m² dans une dépendance de l’ensemble immobilier appartenant à Mme [P] et que les lieux loués ne disposent pas de compteur individuel d’eau et d’électricité.

Si la bailleresse prétend que la somme de 50 euros à titre de provisions sur charges correspond à 18% des dépenses qu’elle supporte en tant que propriétaire, elle n’en justifie par aucun élément.

Aussi, même si elle produit l’avis des taxes foncières 2020 et deux factures globales d’EDF pour la période du 22 décembre 2017 au 19 décembre 2018 et celle du 20 décembre 2018 au 14 mai 2019, elle ne justifie pas que la provision mensuelle sur charges de 50 euros correspond effectivement à la part de dépenses engagées par sa locataire sur la totalité des sommes qu’elle a payées en tant que propriétaire des lieux, au titre des fluides et de la taxe des ordures ménagères.

Par conséquent, à défaut de justification des charges demandées à Mme [Y] et à défaut d’avoir procédé à leur régularisation annuelle, Mme [P] est mal fondée à en exiger le paiement.

Il convient donc de la condamner à rembourser à l’appelante la somme globale de 1150 euros (soit 50X23 mois) qui correspond aux provisions mensuelles payées indûment du 2 décembre 2017 au 6 novembre 2019.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sur ce point tout en précisant que la somme de 1150 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 16 juin 2020.

Sur le préjudice de jouissance :

En vertu de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (…).

Il doit assurer au locataire la jouissance paisible du logment (…).

En l’espèce, aucune des partie ne produit l’état des lieux d’entrée.

Il convient donc de faire application de l’article 1731 du code civil selon lequel ‘s’il n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire’.

Il apparaît donc que les lieux loués à compter du 2 décembre 2017 étaient en bon état et qu’ils l’étaient également à la libération par la locataire, au vu du constat d’état des lieux de sortie établi contradictoiremnt entre les parties par huissier de justice le 6 novembre 2019.

En outre, il n’est produit par l’appelante aucun élément visant à établir l’indécence du logement loué pendant près de deux ans.

De plus, Mme [Y] ne saurait reprocher à Mme [P] l’absence de mobilier ou d’équipements dans la mesure où elle a obtenu, à sa demande, la requalification du contrat de bail meublé en bail d’habitation vacant soumis aux dispositions de droit commun de la loi du 6 juillet 1989.

Par conséquent, il ne peut être exigé de la propriétaire la mise à disposition du mobilier tel que prévu par l’article 25-4 de la loi du 6 juillet 1989 et le décret afférent.

De même, à l’exception de l’information donnée par lettre du 24 juillet/septembre 2019 selon laquelle Mme [Y] indique à la bailleresse qu’elle a procédé à l’aménagement de la cuisine pour un montant total de 890 euros, la locataire ne formule aucune demande particulière à l’attention de Mme [P] en terme d’aménagement du logement, ni ne se plaint d’un quelconque manquement à l’obligation de délivrance ou à l’obligation de fournir un logement décent.

Ainsi, elle n’établit pas que l’intimée a méconnu son obligation de jouissance paisible des lieux loués, ni qu’elle a subi un préjudice de ce fait.

Par conséquent, Mme [Y] sera déboutée de toute demande de dommages-intérêts faite de ce chef.

Il conviendra donc d’infirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur la demande de remboursement des aménagements réalisés par Mme [Y] :

En vertu de l’article 1353 du code civil, celui qui invoque l’exécution d’une obligation doit la prouver.

En l’espèce, Mme [Y] prétend avoir fait installer à ses frais des plaques de cuisson et une hotte aspirante pour un montant total de 890 euros.

Même s’il résulte de l’état des lieux de sortie établi contradictoirement le 6 novembre 2019 que Mme [Y] indique qu’elle laisse dans les lieux une plaque de cuisson deux feux et une hotte aspirante de marque WHIRLPOOL, sans que Mme [P] ne conteste ces affirmations devant l’huissier de justice, elle produit des factures qui ne sont pas à son nom mais à celui de M. [T] [Y], à l’exception de la facture de la société Conforama du 17 janvier 2019 pour l’achat d’une plaque à induction pour la somme de 129,99 euros TTC.

Ainsi, il convient de déduire des pièces versées aux débats par l’appelante qu’elle justifie uniquement de l’achat de la plaque de cussion qui figure dans l’état des lieux de sortie précité.

Par conséquent, il convient de condamner Mme [P] à payer à Mme [Y] la somme de 129,99 euros au titre du remboursement de l’achat de la plaque de cuisson que celle-ci a fait installer dans les lieux loués alors que cet équipement relève de la responsabilité du bailleur.

Il sera dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation du 16 juin 2020.

Aussi, le jugement déféré sera également infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de domicile :

En vertu de l’article 1353 du code civil, celui qui invoque l’exécution d’une obligation doit la prouver.

En l’espèce, Mme [Y] allègue que pendant son hospitalisation du 8 mai 2019 au 3 octobre 2019, Mme [P] aurait pénétré dans son logement sans son accord et aurait déplacé voire retiré des meubles et éléments du logement.

Cependant, elle ne prouve pas son affirmation et sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la nullité du congé pour vente et la demande de dommages-intérêts subséquente :

En vertu de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire d’une de ses obligations.

A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué.

Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée.

Il résulte des dispositions précitées que le bailleur ne peut donner congé que par lettre recomandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier en respectant un préavis de six mois.

En l’espèce, par lettre recommandée avec avis de réception du 2 septembre 2019, Mme [P] a écrit à M. [T] [Y] pour lui indiquer que le logement occupé par sa mère sera vendu si le juge des tutelles lui donne son accord de vendre, lui précise qu’elle doit passer devant le juge le 10 octobre 2019 et que la location sera maintenue jusqu’en décembre 2019.

Cependant, au contraire de ce que prétend Mme [P], il ressort de cette lettre la volonté claire et non équivoque de cette dernière de mettre fin au bail en vue de vendre les lieux loués.

Cependant, elle n’a pas été adressée personnellement à Mme [Y] et ne respecte pas les principales conditions de forme prévues par l’article 15, puisqu’elle n’indique ni le prix ni les conditions de la vente projetée. En outre, le congé ainsi donné ne respecte pas le délai de préavis de six mois.

Dans ces conditions, le congé ainsi délivré ne peut que faire grief à la locataire qui n’est pas en mesure de faire valoir son droit de préemption telle que prévu par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989.

Il en est de même de la lettre datée du 23 octobre 2019 que Mme [P] adresse à Mme [Y] par laquelle elle rappelle qu’elle doit vendre le logement loué du fait de gros problèmes financiers et que la décision du juge des tutelles lui sera communiquée en janvier 2020, en lui précisant qu’elle peut rester jusqu’à la réponse du juge ou partir avant.

C’est donc à bon doit que le premier juge a décidé d’annuler le congé ainsi délivré par Mme [P] et sa décision sera confirmée sur ce point.

Mme [Y] sollicite la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la nullité dudit congé en soutenant qu’elle n’a fait que se résigner à la volonté de la bailleresse de lui donner congé pour vendre et qu’elle n’a jamais pris l’initiative de quitter les lieux.

S’il résulte, en effet, de sa lettre du 9 juillet 2019 qu’elle prend note de l’intention de la propriétaire de vendre le logement qu’elle occupe et souhaite être informée de la date de rupture du contrat de bail afin qu’elle puisse prendre ses dispositions, elle indique, dans sa lettre du 24 septembre 2019, qu’elle quitte le logement le 1er nobembre 2019.

Il résulte également du constat d’état des lieux de sortie du 6 novembre 2019 qu’elle donne une nouvelle adresse qui est chez son fils à [Localité 6].

Ainsi, Mme [Y] n’établit pas qu’elle avait l’intention d’acheter le logement ou de s’y maintenir, ni qu’elle a été en difficulté pour déménager et trouver un nouveau lieu d’habitation suite au congé qui lui a été donné par Mme [P].

Faute d’établir la réalité d’un préjudice subi en lien avec le congé nul qui lui a été donné, l’appelante sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral :

En vertu de l’article 1353 du code civil, celui qui invoque l’exécution d’une obligation doit la prouver.

En l’espèce, Mme [Y] était âgée de 74 ans lors de la délivrance du congé litigieux et elle produit un certificat du docteur [U] [Z] qui atteste que son état de santé a nécessité au décours d’une procédure de dédomiciliation la mise en route d’un traitement pour troubles du sommeil réactionnel à un stress en lien avec son changement de domicile.

Cependant, elle ne justifie ni de sa vulnérabilité, ni de ses autres problèmes de santé.

De même, elle ne prouve pas avoir été victime de pression ou d’abus de faiblesse de la part de l’intimée, ni avoir dû être logée en urgence par son fils alors que dès le mois de septembre 2019, elle indiquant à Mme [P] qu’elle quittait le logement pour le 1er novembre.

Par conséquent, sa demande de dommages-intérêts étant insuffisamment fondée, elle en sera déboutée et le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, il convient de condamner Mme [P] aux dépens d’appel et de confirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Il convient de condamner Mme [P] à payer à Mme [Y] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.

De même, il convient de dire qu’il en sera de même des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la première instance et donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné Mme [P] à payer à Mme [Y] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

CONFIRME, dans les limites de l’appel, le jugement déféré rendu le 7 septembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Salon-de-Provence en ce qu’il a :

– prononcé la nullité du congé pour vendre donné par Mme [E] [P] à Mme [G] [Y],

– condamné Mme [E] [P] à payer à Mme [G] [Y] la somme de 1150 euros au titre des charges non justifiées et non régularisées,

– débouté Mme [G] [Y] de ses demandes en dommages-intérêts pour nullité du congé, pour violation de domicile et préjudice moral,

– condamné Mme [E] [P] à payer à Mme [G] [Y] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [E] [P] aux dépens ;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :

CONDAMNE Mme [E] [P] à payer à Mme [G] [Y] la somme de 369 euros au titre des loyers indus, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation du 16 juin 2020 ;

CONDAMNE Mme [E] [P] à payer à Mme [G] [Y] la somme de 129,99 euros en remboursement des aménagements effectués, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation du 16 juin 2020 ;

DIT que la somme précitée de 1150 euros due au titre des charges injustifiées produira intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2020 ;

DÉBOUTE Mme [G] [Y] de sa demande de dommages-intêts pour préjudice de jouissance ;

CONDAMNE Mme [E] [P] à payer à Mme [G] [Y] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;

CONDAMNE Mme [E] [P] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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