Convention collective Syntec : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00965

·

·

Convention collective Syntec : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00965

31 janvier 2023
Cour d’appel de Metz
RG
21/00965

ARRÊT N°23/00046

31 janvier 2023

——————————

N° RG 21/00965 –

N° Portalis DBVS-V-B7F-FPH5

——————————

Conseil de Prud’hommes d’Epinal

Décision du 13 novembre 2018

Cour d’appel de Nancy

Arrêt du 07 novembre 2019

Cour de cassation

Arrêt du 08 avril 2021

————————-

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

RENVOI APRÈS CASSATION

ARRÊT DU

Trente et un janvier deux mille vingt trois

DEMANDERESSE À LA REPRISE D’INSTANCE :

S.A.S. QWANT prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

Représentée par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Laurent SALEM, avocat plaidant au barreau de PARIS

DÉFENDEUR À LA REPRISE D’INSTANCE :

Monsieur [M] [O]

[Adresse 1]

Représenté par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Isabelle JAULIN GRELLIER, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement rendu le 10 novembre 2017 le tribunal de commerce d’Epinal a arrêté le plan de cession de la SAS Xilopix, préalablement placée redressement judiciaire le 10 octobre 2017, au profit de la SAS Qwant avec faculté de substitution de cette dernière au profit d’une filiale dénommée Qwant Enterprise, et ce moyennant un prix global de 180 000 €.

La société Qwant dont le président est M. [M] [L] exerce une activité de conception et d’exploitation d’un moteur de recherche sur internet, notamment à [Localité 5] et à [Localité 4], et la société Xilopix dont les dirigeants étaient M. [M] [O], président, et M. [D] [E] directeur général, exerçait une activité similaire à [Localité 3].

L’acte de cession d’entreprise a été signé le 17 janvier 2018 entre l’administrateur judiciaire de la société Xilopix et la SAS Qwant Enterprise représentée par le président de son associé unique la société Qwant ; cet acte de cession a été enregistré le 26 janvier 2018 et a prévu l’acquisition des actifs de la société Xilopix, ainsi que le transfert des contrats de travail des salariés depuis l’entrée en jouissance fixée au 10 novembre 2017.

Le 23 février 2018 M. [M] [O] a adressé à M. [L], président de la société Qwant une lettre recommandée faisant état de ce que dès leurs premières rencontres du 17 et 24 octobre 2017 M. [L] s’était engagé à lui permettre de continuer à travailler au sein de la société Qwant et à élaborer un contrat de travail à son profit sur la base d’une rémunération égale à celle qu’il percevait au sein de la société Xilopix, avec une localisation de son poste à [Localité 3] et une dimension entrepreneuriale intégrant la possibilité de bénéficier de parts sociales.

Le 2 mars 2018 le président de la société Qwant a adressé une lettre recommandée à M. [O] pour lui indiquer que la reprise des salariés de Xilopix ne concernait pas ses mandataires sociaux et que, s’il avait été tenté de trouver un poste disponible en son sein pour M. [O] ainsi que pour M. [E], cette recherche n’avait pas permis de trouver un poste satisfaisant.

Par lettre recommandée en date du 5 avril 2018 M. [M] [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Qwant.

M. [M] [O] a saisi le conseil de prud’hommes d’Epinal par requête du 4 juillet 2018, afin de faire constater l’existence d’un contrat de travail entre lui-même et la société Qwant ainsi que des manquements graves de l’employeur rendant impossible la poursuite des relations de travail.

Par jugement rendu le 13 novembre 2018 le conseil de prud’hommes d’Epinal s’est déclaré matériellement compétent pour connaître du litige qui lui était soumis, et a fixé la date de l’audience de mise en état à défaut de recours.

Saisie suite à l’appel interjeté par la société Qwant, la chambre sociale de la cour d’appel de Nancy a par arrêt rendu le 7 novembre 2019, confirmé le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal en ce qu’il a jugé qu’il existait un contrat de travail entre M. [O] et la société Qwant, a dit que l’affaire serait évoquée devant la cour en application des dispositions de l’article 586 du code de procédure civile, et a renvoyé la procédure à une audience de mise en état.

Par arrêt rendu le 8 avril 2021 suite au pourvoi formé par la société Qwant, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 7 novembre 2019 rendu par la cour d’appel de Nancy et a renvoyé l’affaire et les parties en l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt devant la cour d’appel de Metz.

La motivation de l’arrêt de cassation est la suivante :

« Pour retenir l’existence d’un contrat de travail et dire le conseil des prud’hommes compétent, l’arrêt retient que des pourparlers ont existé en vue de la conclusion d’un contrat de travail, qu’ensuite, entre novembre 2017 et février 2018, M. [O] est intervenu en animant plusieurs réunions au sein de la société Qwant, dans les anciens locaux de la société reprise Xilopix, qu’il disposait d’un bureau au sein des locaux spinaliens de la société Xilopix, liquidée et reprise par l’appelante, était destinataire des mails adressés aux salariés de la société, et que ces activités au sein de la société Qwant, pendant une durée de quatre mois, ne peuvent s’analyser comme l’exécution d’une simple mission de transition entre les deux équipes de Xilopix et de Qwant, dans la prolongation de son ancien mandat social.

En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l’existence d’un lien de subordination, ta cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. ».

Dans ses dernières écritures datées du 10 mai 2022 la société SAS Qwant demande à la présente cour de renvoi de statuer comme suit :

 »Vu les articles 83 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8 avril 2021,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 13 novembre 2018 par lequel le Conseil de Prud’hommes d’Epinal s’est déclaré compétent pour connaître des demandes de M. [M] [O] à l’encontre de la société Qwant.

Dire que le Conseil de Prud’hommes d’Epinal est incompétent pour se prononcer sur les demandes formées par M. [M] [O] à l’encontre de la société Qwant et ce au profit du Tribunal Judiciaire d’Epinal.

Renvoyer l’affaire devant le Tribunal Judiciaire d’Epinal pour qu’il statue sur les demandes de M. [M] [O] conformément à la loi.

Condamner M. [M] [O] à payer à la société Qwant la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Le condamner en tous les dépens ».

La société Qwant relate que suite au jugement rendu par le tribunal de commerce d’Epinal le 10 novembre 2017, qui a autorisé la cession de l’entreprise Xilopix à la société Qwant, M. [O] a continué à se rendre dans les locaux de la société Xilopix qui allaient devenir ceux de la société Qwant Enterprise, filiale de la société Qwant créée pour la reprise, et ce au regard de son obligation de coopérer avec les organes de la procédure en sa qualité de président de la société en liquidation judiciaire, et afin d’accompagner le transfert des salariés de la société Xilopix au sein de la société Qwant Enterprise.

La société Qwant observe que malgré les 41 pièces produites par M. [M] [O], aucune d’elles ne laisse apparaître que l’intimé a reçu une quelconque instruction de la société Qwant, ni adressé à celle-ci un quelconque compte rendu d’activité.

Elle observe également que si M. [M] [O] indique qu’il était à son bureau qui avait été le sien au sein de la société Xilopix le matin à 8 heures 30, il ne montre en aucune manière que cela résultait d’une quelconque instruction de la société Qwant.

La société Qwant mentionne que si des échanges ont eu lieu dans le cadre de la négociation d’un futur contrat de travail, ils n’ont jamais été finalisés car les parties n’ont pas pu se mettre d’accord sur les fonctions futures de M. [O].

La société Qwant note que dans ses écritures, M. [O] ne mentionne que des réunions, mais jamais le moindre travail précis ; il s’agit toujours d’aider à la transition entre Xilopix, la société dont il était président, et toutes les prestations que M. [O] invoque sont liées à cette transition.

A titre infiniment subsidiaire, la société Qwant observe que si la cour se déclarait compétente, elle ne pourrait évoquer le fond de l’affaire qu’après avoir invité les parties à conclure sur le fond, conformément à l’article 89 du code de procédure civile.

Dans ses écritures datées du 9 août 2021 M. [M] [O] demande à la cour de statuer comme suit :

 »Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal du 13 novembre 2018 par lequel il s’est déclaré compétent pour connaître du litige qui lui est soumis.

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal en ce qu’il a considéré qu’il existait un contrat de travail à temps complet entre la société Qwant et M. [M] [O] sur la période du 10 novembre 2017 au 5 avril 2018 :

Y faisant droit,

Evoquant l’affaire,

Statuer sur l’ensemble des demandes,

En conséquence.

Déclarer que le salaire minimal brut de M. [M] [O] s’élève à :

A titre principal : 6 065 euros bruts conformément à la moyenne des douze derniers mois de salaires précédant la reprise ;

A titre subsidiaire : 5 516,10 euros bruts conformément à la classification position 3.3. de l’avenant n°44 du 30 mars 2017 de la convention collective nationale Syntec.

Condamner la société Qwant à verser à M. [M] [O] :

Au titre du rappel de salaires sur la période du 10 novembre 2017 au 5 avril 2018 :

A titre principal : la somme de 29 577,34 euros bruts, outre la somme de 2 957,73 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés afférente ;

A titre subsidiaire : la somme de 26 307,59 euros bruts, outre la somme de 2 630,75 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés afférente.

A titre de dommages et intérêts pour retard du paiement des salaires :

A titre principal : la somme de 6 065 euros nets ;

A titre subsidiaire : la somme de 5 516,10 euros nets.

A titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

A titre principal : la somme de 18 195 euros nets ;

A titre subsidiaire : la somme de 16 548,30 euros nets.

Déclarer que la Société Qwant a commis des manquements graves rendant impossible la poursuite de la relation de travail salariée ;

Déclarer que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement abusif ;

En conséquence.

Condamner la Société Qwant à verser à M. [M] [O] :

A titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents :

A titre principal : la somme de 18 195 euros bruts, outre 1 819,5 euros bruts de congés payés afférents ;

A titre subsidiaire : la somme de 16 548,30 euros bruts, outre 1 654,83 euros bruts de congés payés afférents.

A titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif :

A titre principal : la somme de 6 065 euros nets ;

A titre subsidiaire : la somme de 5 516,10 euros nets.

Déclarer que la situation constitue un délit de travail dissimulé ;

En conséquence.

Condamner la Société Qwant à verser à M. [M] [O] au titre de l’indemnité de travail dissimulé :

A titre principal : la somme de 36 390 euros nets ;

A titre subsidiaire : la somme de 33.096,60 euros nets.

Condamner la Société Qwant à remettre à M. [M] [O] les bulletins de salaires correspondants, une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte et un certificat de travail ;

En conséquence.

Fixer une astreinte de 200 euros par jour de retard dans la délivrance de ces documents.

Condamner la Société Qwant au paiement des intérêts courant au taux légal avec capitalisation jusqu’à parfait paiement sur les rappels de salaire, l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement à compter de la date de réception, par la Société Qwant, de la convocation devant le bureau de jugement et sur les dommages et intérêts, à compter du jugement prononcé par la Cour d’appel.

Condamner la Société Qwant au versement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la Société Qwant aux entiers dépens, y compris ceux en cas d’exécution forcée. »

M. [M] [O] mentionne qu’il exerçait un mandat de président de la société Xilopix aux côtés de M. [D] [O], directeur général, et que son mandat social a pris fin au moment de la cession de celle-ci.

M. [O] soutient qu’une relation de travail salariée entre les deux parties s’est déroulée sur plusieurs mois à partir du 10 novembre 2017 jusqu’à sa prise d’acte de la rupture, que des échanges ont eu lieu entre les deux parties sur ses fonctions, qu’aucun contrat de travail écrit ne lui a été soumis pour signature, ni aucune rémunération versée.

M. [O] fait état de la commune intention des parties, et soutient que M. [L] lui avait assuré de l’intégrer au sein des effectifs de la société Qwant avec une rémunération égale à celle qu’il recevait en tant que mandataire social de la société Xilopix pour un poste basé sur [Localité 3], avec la possibilité de bénéficier de parts sociales.

Sur la prestation de travail au profit de la société Qwant, M. [O] invoque la réalisation de nombreuses missions pour la société, outre la gestion quotidienne des salariés basés à [Localité 3].

Il évoque l’organisation de réunions, des entretiens téléphoniques avec les différents interlocuteurs de la société Qwant, et il soutient qu’il a ‘uvré pour la valorisation externe de la société Qwant auprès de l’ensemble de son réseau en s’appuyant sur Cinestic Cluster Innovation & Numérique de la région Grand Est. Il mentionne ses initiatives afin de permettre que la société Qwant tienne un rôle prépondérant dans la réalisation d’un audit pour le compte de la communauté d’agglomération d'[Localité 3], et qu’elle intègre le conseil d’administration de Cinestic.

Au titre de la relation de travail salariée, M. [O] fait notamment état :

– de la création par la société Qwant, d’une adresse mail à son attention le 11 décembre 2017, qui a été utilisée jusqu’à sa suppression le 2 mars 2018.

– de la demande formulée par la société Qwant, que tous les salariés, y compris M. [O], respectent les procédures internes dites « sensibles » ou de procédures relatives au partage de fichiers lourds.

– du même traitement que les autres salariés pour ce qui est de la téléphonie, soit une réponse négative apportée à son abonnement de téléphonie mobile, les autres salariés Qwant utilisant leur abonnement personnel.

– de ce qu’il avait accès aux locaux de l’entreprise par le biais d’un système de badge, et de ce qu’il bénéficiait de l’attribution d’un bureau.

Sur le lien de subordination, M. [O] soutient qu’il était intégré dans un service organisé, soumis aux ordres et directives de la société Qwant relatives à la détermination des horaires, à la gestion administrative, et à la réception des ordres et directives dans les tâches à accomplir.

M. [O] soutient qu’il s’est vu attribuer la fonction de directeur de développement correspondant à la position la plus haute de la convention collective applicable (convention des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils), et qu’il a été associé aux projets définis par la société Qwant.

Sur la demande d’évocation de l’affaire au fond et les demandes afférentes à la reconnaissance du contrat de travail, M. [O] fait état de l’ancienneté de l’affaire, de sa situation de grande difficulté dès novembre 2017, date à partir de laquelle il a été privé de revenus alors qu’il collaborait à plein temps pour la société, de ce qu’il n’a pas pu bénéficier de l’indemnisation du chômage par Pôle emploi, des multiples recours initiés par la société Qwant dans le cadre de la présente affaire, et de la situation de la société Qwant qui après avoir enregistré plus de 75 millions d’euros de pertes a fermé en 2020 son établissement situé à [Localité 3].

Sur les demandes afférentes à la reconnaissance du contrat de travail, M. [O] réclame :

– des rappels de salaires dus au titre du contrat de travail et les congés payés afférents, selon une rémunération équivalente à celle perçue au sein de la société Xilopix, outre le maintien de ses avantages en nature. A titre subsidiaire, M. [O] réclame un rappel de salaire selon le minimum conventionnel de 5 516,10 euros bruts.

– une indemnisation au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail : M. [O] considère qu’il aurait dû percevoir, outre ses salaires, une prime exceptionnelle qui aurait pu être évaluée à la somme de 14 928,60 euros brut augmentée des congés payés afférents, car dès le mois d’octobre 2017 il était envisagé un rattrapage de salaire sous forme de prime exceptionnelle.

A titre subsidiaire, il sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur la base du minimum conventionnel.

– une indemnité pour retard dans le paiement des salaires pendant une période de près de 5 mois.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, M. [O] fait état des manquements graves de la société, en soulignant qu’il a sollicité la régularisation de sa situation à six reprises entre le 10 novembre 2017 et le 5 avril 2018. Il dénonce ainsi plusieurs manquements de la part de son employeur : l’absence de régularisation de sa situation contractuelle, la dissimulation de son emploi salarié, l’absence de versement de ses salaires et de remise des bulletins de paie, et l’impossibilité dans laquelle il a été placé d’exercer ses fonctions à compter de la suppression de son adresse mail et suite à la désactivation de son badge.

Sur la dissimulation de son emploi, M. [O] fait valoir que la Société Qwant, qui n’ignorait pas le travail qu’il accomplissait, n’a rien fait pour officialiser sa situation en procédant aux formalités obligatoires.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l’existence d’un contrat de travail et sur la compétence du conseil de prud’hommes

En vertu de l’article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.

Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération ; ainsi l’existence de ce contrat implique la réunion de trois critères soit une rémunération, une prestation de travail et un lien de subordination.

Le lien de subordination, élément majeur du contrat, est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné. Il est caractérisé par trois critères, soit le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l’employeur, eux-mêmes révélés par la méthode du faisceau d’indices.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

La réalité du lien de subordination est déterminée au regard de la réunion de présomptions graves, précises et concordantes résultant de l’examen par les juges du fond d’un ensemble d’indices relatifs au statut personnel de l’intéressé, au mode de rémunération et aux conditions d’exercice de l’activité qui, isolément, ne sont pas déterminants, et qui doivent faire l’objet d’une appréciation globale, et ce sans tenir compte de la qualification voulue par les parties. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

Il incombe à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’établir les éléments de cette qualification.

Il est constant le tribunal de commerce d’Epinal a, par jugement du 10 novembre 2017, arrêté un plan de cession de la société Xilopix au profit de la société Qwant qui prévoit la faculté de substitution d’une filiale dénommée Qwant Enterprise, qui fixe l’entrée en jouissance à la date du 10 novembre 2017, et qui précise que « la gestion de l’entreprise Xilopix sera confiée au cessionnaire sous son entière responsabilité dans l’attente de l’accomplissement des actes de cession ».

Il est également constant que l’acte de cession signé le 17 janvier 2018 entre l’administrateur judiciaire de la société Xilopix et la société Qwant Enterprise en cours d’immatriculation au RCS représentée par son seul associé la société Qwant, prévoit la reprise du bail des locaux à [Localité 3] et de divers contrats et actifs mobiliers, ainsi que le transfert des contrats de travail des vingt-cinq salariés désignés selon liste jointe en annexe, avec effet depuis l’entrée en jouissance le 10 novembre 2017, date à laquelle la liquidation judiciaire de la société Xilopix a été prononcée.

A l’appui de l’existence d’un contrat de travail le liant à la société Qwant dès le 10 novembre 2017, M. [O] se prévaut d’une « intention » du président de la société Qwant, M. [L], d’intégrer les deux mandataires sociaux « au sein des effectifs de la société Qwant ». M. [O] soutient que cette intention de M. [L] s’est  »concrétisée », et se prévaut en ce sens de divers témoignages émanant d’anciens salariés de la société Xilopix ainsi que de nombreux messages électroniques. M. [O] fait également état de plusieurs courriels adressés par lui-même à Mme [T] [P], directrice des opérations de la société Qwant, notamment entre le 16 janvier 2018 et le 2 février 2018.

Comme il l’a été rappelé ci-avant, l’intention des parties est inopérante pour démontrer l’existence d’une relation de travail, car celle-ci ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du salarié.

M. [O] se prévaut de ce qu’il a effectué une prestation de travail non rémunérée au profit de la société Qwant durant plusieurs mois, dont il illustre la réalité par plusieurs  »indices », soit :

– le constat par plusieurs témoins de son intégration à la communauté de travail et de l’accomplissement par lui d’une prestation de travail ;

M. [O] mentionne qu’il a assisté à de nombreuses réunions, notamment des réunions générales concernant l’ensemble des anciens salariés de Xilopix à [Localité 3] ainsi que des réunions à [Localité 5], indique qu’il a ‘uvré pour la valorisation externe de la société Qwant auprès de l’ensemble de son réseau et qu’il a contribué à la réflexion de son développement sur le plan stratégique, en s’appuyant sur Cinestic – Cluster Innovation & Numérique de la région Grand Est, et en agissant en vue de l’intégration de la société Qwant au sein du conseil d’administration de Cinestic.

– la création, par la société Qwant, d’une adresse mail à l’attention de M. [O] le 11 décembre 2017, au même titre que les anciens salariés de la société Xilopix repris par la société, adresse qui a été largement utilisée par M. [O] et la société Qwant entre sa création, le 11 décembre 2017, et sa suppression, le 2 mars 2018 ;

– la demande par la société Qwant, que tous les salariés, y compris M. [O], respectent les procédures internes dites « sensibles », ou procédures relatives au partage de fichiers lourds.

M. [O] se prévaut à ce titre de deux courriels adressés à une liste  »teamqwant » à laquelle l’intéressé avait été inscrit.

– le traitement par la société Qwant de M. [O] comme les autres salariés pour ce qui est de la téléphonie mobile.

M. [O] fait état des courriels de M. [W] et Mme [P], représentants de la société Qwant, qui ont répondu à sa demande de ligne professionnelle en lui indiquant que les salariés Qwant utilisaient leur téléphone mobile personnel.

– l’accès aux locaux de l’entreprise par le biais d’un système de badge, et l’attribution d’un bureau :

M. [O] souligne qu’il se rendait tous les jours dans les locaux de la société Qwant à [Localité 3], et qu’il détenait un badge pour accéder au site d'[Localité 3].

M. [O] produit de nombreux documents justifiant notamment les échanges avec des représentants des sociétés Qwant et les conditions matérielles de sa présence sur le site d'[Localité 3], ainsi que plusieurs témoignages d’anciens salariés de Xilopix dont les contrats de travail ont été repris par la société Qwant Enterprise.

Ces éléments, plus particulièrement les attestations de ses anciens subordonnés, confirment certes la présence régulière de M. [O] sur le site d'[Localité 3] après l’autorisation de cession de l’entreprise, ainsi que la description donnée par l’intéressé de la teneur de son activité durant cette période sous forme de sa participation à des réunions, notamment lors de la venue de représentants des sociétés Qwant au sein des locaux spinaliens.

Ces éléments ne sont en revanche en rien probants pour démontrer la réalité d’un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction exercé par un ou des responsables de la société Qwant sur l’activité de M. [O] dès lors que la cession a été autorisée, et par là-même un changement dans la situation de ce dernier.

Les témoignages des salariés illustrent au contraire la continuité de la position hiérarchique de M. [O], et ce avant puis durant la procédure collective, et ensuite à compter du 10 novembre 2017 et au cours de la période de transition lors de laquelle plusieurs options ont été envisagées dans l’organisation de l’intégration de l’activité du site d'[Localité 3] au sein de l’activité des autres sociétés Qwant, avec dans un premier temps une seule intégration à Qwant Research ([Localité 5]) puis dans un deuxième temps une intégration partielle de l’activité du site d'[Localité 3] au site de [Localité 4].

Le témoignage Mme [Z], ancienne salariée de la société Xilopix occupant des fonctions de  »product manager », confirme cette continuité à partir du 10 novembre 2017 puisqu’elle atteste que « ce travail (de M. [O]) est la prolongation du travail précédemment effectué pour Xilopix pendant la période de redressement judiciaire’ » (pièce 15 de l’intimé).

Il ressort par ailleurs des indications données par M. [O] sur ses activités durant cette période, notamment dans un courriel du 17 janvier 2018 adressé à Mme [P] (pièce 6 de l’intimé) qu’il avait également d’autres engagements tels que « la Présidence que j’occupe au sein du Pôle Innovation & Numérique de la Région Est pressenti pour devenir très prochainement l’Opérateur French Tech  »LORn TECH »». Le témoignage de M. [J], directeur général du Cluster Innovation & Numérique Grand Est (pièce 17 de l’intimé), mentionne d’une part que M. [O] est président en exercice de Cinestic et de seconde part que « depuis la reprise de Xilopix par Quant, il (M. [O]) a ‘uvré de manière active pour promouvoir et favoriser l’intégration de Qwant et notamment Qwant Enterprise au sein de la région Grand Est. ».

Aussi le fait que M. [O] ait bénéficié de l’ouverture et de l’usage d’une adresse électronique « qwant.fr », comme le fait qu’il ait continué à accéder au site et à occuper le bureau qui était le sien comme lorsqu’il était président de la société Xilopix, et ce durant la période d’organisation de la reprise des activités de la société cédée, ne suffisent pas à caractériser l’existence d’un contrat de travail.

Au titre de la réalité du lien de subordination M. [O] soutient :

– qu’il se soumettait à des contraintes horaires et de gestion administrative, ainsi qu’aux ordres et directives dans les tâches qu’il avait à accomplir.

M. [O] se prévaut d’un document rédigé par lui-même concernant son arrivée à son bureau et d’un relevé de badgeage portes et alarmes (sa pièce 33 et sa pièce 34), mais ces éléments n’établissent nullement que l’intéressé obéissait à des directives préalables qui lui avaient été données par un supérieur hiérarchique.

Si M. [O] produit un échange de courriels entre lui-même et Mme [R] [I] (responsable administrative adjointe Quant) au soutien de ce qu’il soumettait ses congés à la « validation » (sic) par la société Qwant (sa pièce 36), cet échange en date du 1er mars 2018 entre M. [O] et Mme [I] est en réalité une demande d’une nouvelle proposition de rendez-vous pour M. [O] et M. [E] (ancien directeur général Xilopix) auprès de M. [L], président de la société Qwant, car M. [O] informe la responsable administrative adjointe qu’il souhaite prendre quelques jours de congés. Aussi l’interprétation donnée par la société Qwant au sens de cet échange, soit que M. [O] demande non pas l’autorisation de prendre des vacances, mais la fixation d’un rendez-vous prévu à une autre date parce qu’il a décidé de partir en vacances, n’est pas efficacement contredite par l’intimé.

– qu’il recevait des ordres et directives dans les tâches qu’il avait à accomplir, rendait compte à la direction de la société Qwant, s’enquérait systématiquement de l’accord de sa direction, et qu’il se soumettait aux décisions de la direction.

A ce titre M. [O] soutient dans ses écritures que par son statut d’ancien dirigeant et son niveau de responsabilités et d’autonomie, il ne pouvait attendre d’instructions précises et que son travail était de proposer des idées et de prospecter dans le respect du cadre stratégique et organisationnel défini par la société Qwant, qu’il relevait d’un service organisé, et qu’il était soumis à des contraintes professionnelles, décisionnelles et organisationnelles.

Si M. [O] évoque le témoignage de M. [U], ancien directeur technique adjoint Xilopix, le contenu de cette attestation concerne essentiellement la situation de M. [E], et le seul passage de ce témoignage repris par l’intimé dans ses écritures au soutien de sa démonstration est relatif à la venue de M. [H], directeur Qwant Research « pour présenter les différents projets sur lesquels les équipes techniques d'[Localité 3] devaient travailler ».

M. [O] produit également des courriels entre lui-même, Mme [P] directrice des opérations Qwant, et M. [F] responsable de Qwant junior, qui révèlent que des échanges ont eu lieu entre le 23 janvier et le 2 février 2018 lors desquels M. [O] a évoqué son désir de travailler au sein de cette structure, qu’un poste lui a été proposé mais qu’il a souhaité être nommé soit  »directeur adjoint Qwant Junior » soit  »directeur du développement et de la communication Qwant Junior.

La cour constate que M. [O] ne produit aucun élément probant justifiant qu’il accomplissait des tâches qui s’inscrivaient dans un service organisé, ou justifiant que des missions lui ont été confiées par le représentant ou par un responsable de la société Qwant, missions relevant d’une fonction qui aurait préalablement été convenue par les deux parties, et la cour relève que M. [O] revendique avoir occupé des fonctions de directeur de développement au sein de la société Qwant à compter du 10 novembre 2017 jusqu’au 5 avril 2018, alors même que des fonctions similaires ne lui ont pas été accordées au sein Qwant Junior lors d’échanges ultérieurs.

Comme le souligne avec pertinence la société Qwant, M. [O] ne se prévaut d’aucun document faisant état d’instructions qui lui auraient été données par la société Qwant, ni d’aucun document se rapportant à un contrôle de son activité. Les courriels auxquels M. [O] se rapporte démontrent certes la réalité des échanges entre lui-même et les représentants de la société Qwant, mais ne traduisent en effet aucun rapport hiérarchique.

M. [O] n’hésite pas à retenir dans ses écritures « qu’un contrat de travail s’est formé entre ces deux parties, dès la reprise de la Société Xilopix par cette dernière, soit le 10 novembre 2017. Ce contrat, qui est présumé à temps complet, porte sur un poste de Directeur de développement, correspondant à une position 3.3 (coefficient 270), soit, au regard de la Convention collective applicable, la position la plus haute » (sic).

Or la cour relève qu’il ressort des contenus de courriels échangés entre Mme [P] et M. [O] intervenus entre le 16 janvier 2018 et le 23 janvier 2018 (pièce 6 de l’intimé), période lors de laquelle l’acte de cession d’entreprise a été signé (précisément le 17 janvier 2018) qu’à cette date les parties étaient toujours en pourparlers, et que M. [O] avait alors dans un premier temps répondu à une sollicitation d’une proposition de poste le 17 janvier 2018 comme suit :

« 1. Mon souhait d’assumer un poste avec une dimension stratégique »’ « et de pouvoir m’impliquer pleinement dans la réussite de Qwant Junior dont le challenge me parle’ »’ « 2. Un poste basé sur [Localité 3], pour des questions d’ordre familial’. »’ « 3. Une rémunération égale à celle que je percevais au sein de Xilopix, à savoir pour 2016 un salaire net de 61 711 € ; sachant que je disposais d’une voiture de fonction, de chèques restaurant et d’un abonnement pour mon téléphone mobile . 4. Il avait été aussi évoqué la dimension entrepreneuriale qui m’anime, [M] avait à cet effet proposé lors de notre dernière rencontre sur [Localité 5] que je puisse bénéficier de parts sociales ; 5. Enfin lors de ma première rencontre avec [M] en octobre dernier, je lui avais fait part du fait que [D] et moi-même ne bénéficions plus de salaires depuis le 1er septembre et par voie de conséquence de mutuelle non plus ; je l’avais toutefois assuré de mon engagement total pour le meilleur de la réussite de cette phase délicate de reprise de l’entreprise, de transition et d’intégration des équipes’. ».

La cour relève que la « description de poste attendue » (sic) rédigée par M. [O] à l’attention de Mme [P] a été transmise par cette dernière à M. [X] [F] en sa qualité de directeur de Qwant Junior, dont le retour a été la proposition d’un poste ouvert au recrutement qui a été transmise le 30 janvier 2018 par Mme [P] à M. [O] (pièce 20 de l’intimé).

La cour note que M. [O] a répondu à cette proposition le 31 janvier 2018 comme suit :

« J’ai bien pris connaissance de la fiche du poste ouvert chez Qwant Junior et vous en remercie. Je vous confirme mon vif intérêt pour les missions qui y sont décrites et souhaiterais toutefois pouvoir en élargir le spectre. En effet, au regard des connaissances, de l’expérience et finalement des compétences que j’ai acquises, je suis convaincu et que je pourrai mettre à profit ce savoir faire au profit de Qwant, de Qwant Junior et en particulier de [X] qui peut être assuré de mon total engagement à ses côtés pour le meilleur de la réussite de cette belle entité qu’il pilote.

Dans cet esprit, il me semblerait plus approprié que le titre du poste en question, sous l’autorité hiérarchique de [X], puisse être :

– soit  »directeur adjoint Qwant Junior »

– soit  »directeur du développement et de la communication Qwant Junior ». ».

La cour constate que les souhaits d’un poste tels que formulés par M. [O] dans ce courriel du 31 janvier 2018 et dans ses précédents échanges concernant ses conditions de rémunération similaires à celles dont il bénéficiait au sein de la société Xilopix, n’ont pas été acceptés, et qu’au vu de ces données constantes M. [O] ne peut valablement considérer pour acquise son embauche à la date d’effet de la cession d’entreprise, soit à la date du 10 novembre 2017.

Aussi les explications données par la société Qwant relatives à  la situation de M. [O] et à sa présence au sein des locaux de Qwant Enterprise, soit en sa qualité d’ancien dirigeant de l’entreprise cédée de favoriser les conditions du transfert d’activité entre les deux sociétés, sont d’autant plus pertinentes que cette période de « transition » est clairement évoquée par M. [O] lui-même dans son courriel du 17 janvier 2018 (pièce 6 de l’intimé), qui fait état de « mon engagement total pour le meilleur de la réussite de cette phase délicate de reprise de l’entreprise, de transition et d’intégration des équipes » (sic).

La cour relève que dans son courrier recommandé en date du 23 février 2018 intitulé

« demande de régularisation de ma situation chez Qwant » adressé à M. [L], président de la société Qwant, M. [O] évoque leurs rencontres successives, et relate :

« Dès nos premières rencontres du 17 et du 24 octobre 2017 à [Localité 5]’. tu m’avais proposé de continuer l’aventure avec Qwant en tant que salarié et m’en avais convaincu, t’engageant notamment au cours de nos échanges qui suivirent sur les 3 points suivants :

– une rémunération égale à celle que je percevais chez Xilopix ;

– la localisation de mon poste sur [Localité 3] ;

– une dimension entreprenariale avec la possibilité de bénéficier de parts sociales.

Par ailleurs il avait été question de l’éventualité d’un rattrapage de la perte de mes revenus pour la période du 1er septembre au 10 novembre 2017′. »’ « Le 24 novembre 2017′ en présence de [D] [O] et de [T] [P] (directrice des opérations de Qwant) tu renouvelais à nouveau tes engagements, demandant alors à [T] [P] d’élaborer nos contrats de travail dans le respect des 3 points mentionnés ci-avant.

De mon côté, je t’avais assuré de mon engagement total pour le meilleur de la réussite de cette phase délicate de reprise de l’entreprise, de transition et d’intégration des équipes, ce que j’ai fait ».

Au-delà de la réalité et de la portée des engagements verbaux pris par M. [L] tels qu’évoqués par M. [O] dans son courrier recommandé du 23 février 2018 (pièce 7 de l’intimé), la description faite par l’intimé lui-même dans cette lettre de son implication durant la période de transition et de reprise par la société Qwant Enterprise de la société Xilopix dont il a été le mandataire social est en parfaite congruence avec les explications données par la société Qwant relatives à la présence et au rôle de M. [O] durant cette période de transition lors de laquelle l’intéressé est demeuré dans le bureau qu’il occupait avant et au cours de la procédure collective en sa qualité de président de la société Xilopix, afin d’accompagner le transfert des salariés en exécution de ses obligations liées à sa position de mandataire social de l’entreprise cédée.

Aussi M. [O] ne peut valablement se prévaloir d’une proposition verbale du dirigeant de la société Qwant au soutien de l’existence d’un contrat de travail le liant à cette société, en considérant comme il l’a écrit dans son courrier adressé au président de la société Qwant le 23 mars 2018 (pièce 11 de l’intimé) en réponse à un écrit de M. [L] en date du 2 mars 2018, que « si j’étais, certes, mandataire social au sein de la société Xilopix et si l’offre de reprise devant le tribunal de commerce d’Epinal concernait naturellement les salariés de cette société, tu m’avais proposé, ce que j’avais accepté, de rejoindre les effectifs de la société Qwant en qualité de salarié dès le 10 novembre pour poursuivre, aux côtés de ton équipe, le développement de celle-ci. Je travaille donc en ce sens, au quotidien, à [Localité 3], auprès d’ailleurs de tes salariés depuis le 10 novembre 2017, ce que tu n’es pas sans ignorer ».

La cour observe que le dirigeant de la société Qwant a dans un courrier de réponse adressé à M. [O] le 2 mars 2018 (pièce 10 de l’intimé), rappelé à ce dernier que l’offre de reprise présentée dans le cadre de la procédure collective était précise quant à son périmètre, soit « de reprendre l’ensemble des salariés de la société Xilopix, et de leur proposer une rémunération égale à celle qu’ils percevaient chez Xilopix’ ».

De surcroît la cour rappelle que la cession de la société Xilopix a été conclue avec la société Qwant Enterprise le 17 janvier 2018, avec reprise des 25 salariés de la société cédée et avec fixation de la jouissance rétroactivement au 10 novembre 2017.

En conséquence la cour retient que les prétentions de M. [O] au titre de l’existence d’un contrat de travail le liant à la société Qwant à compter du 10 novembre 2017 jusqu’au 5 avril 2018, date de sa prise d’acte de la rupture, ne sont pas fondées.

Le jugement déféré rendu par la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud’hommes d’Epinal sera infirmé en ce qu’il a retenu sa compétence matérielle en application des dispositions de l’article L. 1411-4 du code du travail, compétence nécessairement fondée sur la reconnaissance préalable de l’existence d’un contrat de travail entre M. [M] [O] et la société Sas Qwant.

Aux termes de l’article 86 du code de procédure civile : « la cour renvoie l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi ».

En l’espèce M. [O] ne formule des prétentions à l’encontre de la société Qwant que sur le fondement de l’existence et de l’exécution d’un contrat de travail, et il n’y a donc pas lieu de renvoyer la procédure devant le tribunal judiciaire d’Epinal.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties leurs frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel ; leurs demandes formées à ce titre seront rejetées.

M. [M] [O] qui succombe sera condamné aux dépens de premier ressort et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 13 novembre 2018 par la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud’hommes d’Epinal en ce qu’il a retenu l’existence d’un contrat de travail entre M. [M] [O] et la société Qwant et en ce qu’il a retenu sa compétence matérielle ;

Statuant à nouveau :

Dit que M. [M] [O] n’est pas lié à la société Qwant par un contrat de travail ayant couru à compter du 10 novembre 2017 jusqu’au 5 avril 2018 ;

Rejette l’intégralité des prétentions de M. [M] [O] au titre de l’existence et de l’exécution d’un contrat de travail ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi de la procédure devant le tribunal judiciaire d’Epinal ;

Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure en faveur des parties ;

Condamne M. [M] [O] aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière, La Présidente de chambre,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x