31 janvier 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/00964
ARRÊT N°23/00045
31 janvier 2023
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N° RG 21/00964 –
N° Portalis DBVS-V-B7F-FPH4
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Conseil de Prud’hommes d’EPINAL
Jugement du 13 novembre 2018
Cour d’appel de Nancy
Arrêt du 07 novembre 2019
Cour de cassation
Arrêt du 08 avril 2021
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
RENVOI APRÈS CASSATION
ARRÊT DU
Trente et un janvier deux mille vingt trois
DEMANDERESSE À LA REPRISE D’INSTANCE :
S.A.S. QWANT prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège
[Adresse 2]
Représentée par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Laurent SALEM, avocat plaidant au barreau de PARIS
DÉFENDEUR À LA REPRISE D’INSTANCE :
Monsieur [P] [H]
[Adresse 1]
Représenté par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Isabelle JAULIN GRELLIER, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE,
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par jugement rendu le 10 novembre 2017 le tribunal de commerce d’Epinal a arrêté le plan de cession de la SAS Xilopix, préalablement placée redressement judiciaire le 10 octobre 2017, au profit de la SAS Qwant avec faculté de substitution de cette dernière au profit d’une filiale dénommée Qwant Enterprise, et ce moyennant un prix global de 180 000 €.
La société Qwant dont le président est M. [T] [U] exerce une activité de conception et d’exploitation d’un moteur de recherche sur internet, notamment à [Localité 4] et à Nice, et la société Xilopix dont les dirigeants étaient M. [T] [A], président, et M. [P] [H], directeur général, exerçait une activité similaire à [Localité 3].
L’acte de cession d’entreprise a été signé le 17 janvier 2018 entre l’administrateur judiciaire de la société Xilopix et la SAS Qwant Enterprise ; cet acte de cession a été enregistré le 26 janvier 2018 et a prévu l’acquisition des actifs de la société Xilopix, ainsi que le transfert des contrats de travail des salariés depuis l’entrée en jouissance fixée au 10 novembre 2017.
Le 23 février 2018, M. [P] [H] a adressé à la société Qwant une lettre recommandée faisant état de ce qu’il avait demandé le 24 novembre 2017 à Mme [G] [E], directrice des opérations au sein de la société Qwant, d’élaborer son contrat de travail sur la base d’une rémunération égale à celle qu’il percevait au sein de la société Xilopix, avec une localisation de son poste à [Localité 3] et une dimension entrepreneuriale intégrant la possibilité de bénéficier de parts sociales.
Mme [E] a répondu par courriel le 2 mars 2018 que M. [H] n’avait jamais été embauché ni au sein de la société Qwant ni au sein de la société Qwant Enterprise, et qu’il n’avait pas effectué le moindre travail pour ces sociétés.
Le même 2 mars 2018 le président de la société Qwant a adressé une lettre recommandée à M. [P] [H] pour lui indiquer que la reprise des salariés de Xilopix ne concernait pas ses mandataires sociaux et que, s’il avait été tenté de trouver un poste disponible en son sein pour M. [H] ainsi que pour M. [A], cette recherche n’avait pas permis de trouver un poste satisfaisant.
Par lettre recommandée en date du 5 avril 2018 M. [P] [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Qwant.
M. [P] [H] a saisi le conseil de prud’hommes d’Epinal par requête du 2 juillet 2018, afin de faire constater l’existence d’un contrat de travail entre lui-même et la société Qwant ainsi que des manquements graves de l’employeur rendant impossible la poursuite des relations de travail.
Par jugement rendu le 13 novembre 2018 le conseil de prud’hommes d’Epinal s’est déclaré matériellement compétent pour connaître du litige qui lui était soumis, et a fixé la date de l’audience de mise en état à défaut de recours.
Saisie suite à l’appel interjeté par la société Qwant, la chambre sociale de la cour d’appel de Nancy a par arrêt rendu le 7 novembre 2019, confirmé le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal en ce qu’il a jugé qu’il existait un contrat de travail entre M. [H] et la société Qwant, et a dit que l’affaire serait évoquée devant la cour en application des dispositions de l’article 586 du code de procédure civile, et a renvoyé la procédure à une audience de mise en état.
Par arrêt rendu le 8 avril 2021suite au pourvoi formé par la société Qwant, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 7 novembre 2019 rendu par la cour d’appel de Nancy et a renvoyé l’affaire et les parties en l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt devant la cour d’appel de Metz.
La motivation de l’arrêt de cassation est la suivante :
« Pour retenir l’existence d’un contrat de travail et dire le conseil des prud’hommes compétent, l’arrêt retient que des pourparlers ont existé en vue de la conclusion d’un contrat de travail, qu’ensuite, entre novembre 2017 et février 2018, M. [H] est intervenu en animant plusieurs réunions au sein de la société Qwant, dans les anciens locaux de la société reprise Xilopix, qu’il disposait d’un bureau au sein des locaux spinaliens de la société Xilopix, liquidée et reprise par l’appelante, était destinataire des mails adressés aux salariés de la société, et que ces activités au sein de la société Qwant, pendant une durée de quatre mois, ne peuvent s’analyser comme l’exécution d’une simple mission de transition entre les deux équipes de Xilopix et de Qwant, dans la prolongation de son ancien mandat social.
En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l’existence d’un lien de subordination, ta cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. ».
Dans ses dernières écritures datées du 10 mai 2022 la société SAS Qwant demande à la présente cour de renvoi de statuer comme suit :
»Vu les articles 83 et suivants du code de procédure civile,
Vu l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8 avril 2021,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 13 novembre 2018 par lequel le Conseil de Prud’hommes d’Epinal s’est déclaré compétent pour connaître des demandes de M. [P] [H] à l’encontre de la société Qwant.
Dire que le Conseil de Prud’hommes d’Epinal est incompétent pour se prononcer sur les demandes formées par M. [P] [H] à l’encontre de la société Qwant et ce au profit du tribunal judiciaire d’Epinal.
Renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire d’Epinal pour qu’il statue (sur) les demandes de M. [H] conformément à la loi.
Condamner M. [P] [H] à payer à la société Qwant la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Le condamner en tous les dépens ».
La société Qwant rappelle que M. [H] était le directeur général de la société Xilopix en liquidation judiciaire. Elle relate qu’à la suite du jugement rendu par le tribunal de commerce d’Epinal le 10 novembre 2017 qui a décidé la cession de l’entreprise à la société Qwant, M. [H] a continué à se rendre dans les locaux de la société Xilopix qui allait devenir ceux de la société Qwant Enterprise, filiale de la société Qwant qui a été créée pour la reprise.
La société Qwant observe que M. [H] avait, en sa qualité de dirigeant de la société en liquidation judiciaire, l’obligation de coopérer avec les organes de la procédure et d’accompagner le déroulement de cette procédure, et qu’il a donc accompagné le transfert des salariés de la société Xilopix au sein de la société Qwant Enterprise, raison pour laquelle il est resté sur place et a participé à des réunions avec les salariés de la société Xilopix, qui allaient devenir les salariés de la société Qwant Enterprise.
La société Qwant observe que :
– malgré les nombreuses pièces produites M. [H] ne verse pas le moindre document laissant apparaître qu’il a reçu une quelconque instruction de la part du responsable de la société Qwant.
– si M. [H] indique qu’il était installé dans le bureau qui avait été le sien au sein de la société Xilopix dès le matin à 8 heures 30, il ne montre en aucune manière que cela résultait d’une quelconque instruction de la part de la société Qwant.
– si M. [H] prétend avoir rendu compte à la société, aucun des mails produits par lui ne laisse apparaître la réception d’une quelconque instruction, ni un quelconque compte rendu d’activité. S’il a assuré une certaine transition entre Xilopix et Qwant Enterprise, il n’a en revanche reçu aucune instruction sur des tâches à accomplir et n’a jamais adressé, pendant toute la période au cours de laquelle il prétend avoir travaillé au sein de la société Qwant, un quelconque compte rendu d’exécution de taches aux dirigeants de la société Qwant. Il a assuré la transition de l’opération de cession qui permettait de sauver les emplois des salariés de sa société, et toutes les prestations que M. [H] invoque sont liées à cette transition, telles que la gestion du changement de serveur entre Xilopix et Qwant Enterprise et la remise à plat des machines Xilopix.
– si M. [H] fait état de l’obtention d’une adresse e-mail Qwant, l’usage de cette adresse ne peut établir en soi un lien de subordination d’autant plus qu’aucune instruction personnelle ne lui a été adressée et que M. [H] n’a jamais adressé un quelconque compte-rendu de son activité.
– de son propre aveu, M. [H] se trouvait dans les locaux de Xilopix à [Localité 3], alors que la direction de Qwant était au siège de cette société à [Localité 4].
A titre infiniment subsidiaire, la société Qwant observe que si la cour se déclarait compétente, elle ne pourrait évoquer le fond de l’affaire qu’après avoir invité les parties à conclure sur le fond, conformément à l’article 89 du code de procédure civile.
Dans ses écritures datées du 6 août 2021 M. [P] [H] demande à la cour de statuer comme suit :
»Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal du 13 novembre 2018 par lequel il s’est déclaré compétent pour connaître du litige qui lui est soumis.
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal en ce qu’il a considéré qu’il existait un contrat de travail à temps complet entre la Société Qwant et M. [P] [H] sur la période du 10 novembre 2017 au 5 avril 2018.
Y faisant droit,
Evoquant l’affaire,
Statuer sur l’ensemble des demandes,
En conséquence.
Déclarer que le salaire minimal brut de M. [P] [H] s’élève à :
A titre principal : 6 037,34 euros bruts conformément à la moyenne des douze derniers mois de salaires précédant la reprise de la société Xilopix ;
A titre subsidiaire : 5 516,10 euros bruts conformément à la classification position 3.3. de l’avenant n° 44 du 30 mars 2017 de la convention collective nationale Syntec.
Condamner la Société Qwant à verser à M. [P] [H]
Au titre du rappel de salaires sur la période du 10 novembre 2017 au 5 avril 2018 :
A titre principal : la somme de 29 444,09 euros bruts, outre la somme de 2 944,40 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés afférente ;
A titre subsidiaire : la somme de 26 307,59 euros bruts, outre la somme de 2 630,75 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés afférente.
Au titre des frais professionnels non remboursés : la somme de 600,49 euros nets.
A titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
A titre principal : la somme de 18 112,02 euros nets ;
A titre subsidiaire : la somme de 16 548,30 euros nets.
A titre de dommages et intérêts pour retard du paiement des salaires et des frais professionnels:
A titre principal : la somme de 6 037,34 euros nets ;
A titre subsidiaire : la somme de 5 516,10 euros nets.
Déclarer que la société Qwant a commis des manquements graves rendant impossible la poursuite de la relation de travail salariée ;
Déclarer que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement abusif ;
En conséquence.
Condamner la société Qwant à verser à M. [P] [H] :
A titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents :
A titre principal : la somme de 18 112,02 euros bruts, outre 1 811,20 euros bruts de congés payés afférents ;
A titre subsidiaire : la somme de 16 548,30 euros bruts, outre 1 654,83 euros bruts de congés payés afférents.
A titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif :
A titre principal : la somme de 6 037,34 euros nets ;
A titre subsidiaire : la somme de 5 516,10 euros nets.
Déclarer que la situation constitue un délit de travail dissimulé ;
En conséquence.
Condamner la société Qwant à verser à M. [P] [H] au titre de l’indemnité de travail dissimulé:
A titre principal : la somme de 36 224,04 euros nets ;
A titre subsidiaire : la somme de 33 096,60 euros nets.
Condamner la société Qwant à remettre à M. [P] [H] les bulletins de salaires correspondants, une attestation Pôle Emploi, un solde de tout compte et un certificat de travail ;
En conséquence.
Fixer une astreinte de 200 euros par jour de retard dans la délivrance de ces documents.
Condamner la société Qwant au paiement des intérêts courant au taux légal avec capitalisation jusqu’à parfait paiement sur les rappels de salaire, l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement à compter de la date de réception, par la société Qwant, de la convocation devant le bureau de jugement et sur les dommages et intérêts, à compter du jugement prononcé par la cour d’appel de Nancy.
Condamner la société Qwant au versement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société Qwant aux entiers dépens, y compris ceux en cas d’exécution forcée ».
M. [P] [H] mentionne qu’il occupait, outre des missions de directeur technique, un mandat de directeur général de la société Xilopix aux côtés de M. [T] [A], président, et que son mandat social a pris fin au moment de la cession de celle-ci.
M. [H] soutient qu’une relation de travail salariée entre les deux parties s’est déroulée sur plusieurs mois à partir du 10 novembre 2017 jusqu’à sa prise d’acte de la rupture le 5 avril 2018, que des échanges ont eu lieu entre les deux parties sur ses fonctions, qu’aucun contrat de travail écrit ne lui a été soumis pour signature, ni aucune rémunération versée. Il a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception le 23 février 2018, appelant la Société Qwant au respect de ses obligations à son égard, auquel le président de la société Qwant, M. [T] [U], a répondu par un courrier concluant à l’absence de lien contractuel.
M. [H] fait état de la commune intention des parties, et soutient que M. [U] lui avait assuré de l’intégrer au sein des effectifs de la société Qwant avec une rémunération égale à celle qu’il recevait en tant que mandataire social de la société Xilopix pour un poste basé sur [Localité 3], avec la possibilité de bénéficier de parts sociales.
Sur la prestation de travail au profit de la société Qwant, M. [H] invoque la réalisation de nombreuses missions pour la société, outre la gestion quotidienne des salariés basés à [Localité 3].
Il évoque l’organisation de réunions, des entretiens téléphoniques avec les différents interlocuteurs de la société Qwant, et il soutient qu’il a ‘uvré pour la réalisation de la décision stratégique de la société Qwant d’intégrer des équipes d'[Localité 3] à celles de la société Qwant Nice
Il se prévaut également de l’accomplissement de multiples tâches techniques, avec une activité prépondérante dans le domaine informatique.
Au titre de la relation de travail salariée, M. [H] fait notamment état :
– de la création par la société Qwant, d’une adresse mail à son attention le 11 décembre 2017, qui a été utilisée jusqu’à sa suppression le 2 mars 2018.
– de la demande formulée par la société Qwant, que tous les salariés, y compris M. [H], respectent les procédures internes dites « sensibles » ou de procédures relatives au partage de fichiers lourds.
– de ce qu’il avait accès aux locaux de l’entreprise par le biais d’un système de badge, et de ce qu’il bénéficiait de l’attribution d’un bureau.
Sur le lien de subordination, M. [H] soutient qu’il était intégré dans un service organisé, soumis aux ordres et directives de la société Qwant relatives à la détermination des horaires, à la gestion administrative, et à la réception des ordres et directives dans les tâches à accomplir.
M. [H] précise qu’il s’est vu attribuer la fonction de directeur technique (sous le terme DG Informatique), et qu’il a été associé aux projets définis par la société Qwant.
Il indique qu’il rendait compte à la direction de la société Qwant par des rapports d’activités, qu’il sollicitait systématiquement l’accord de sa direction, et qu’il se soumettait aux décisions de cette dernière.
Il soutient également qu’il a eu un rôle de manager des équipes à [Localité 3] jusqu’au 17 janvier 2018, et retient qu’il relevait d’un service organisé et était soumis à des contraintes professionnelles, décisionnelles et organisationnelles créant un lien de subordination vis-à-vis de la société Qwant.
Sur la demande d’évocation de l’affaire au fond et les demandes afférentes à la reconnaissance du contrat de travail, M. [H] fait état de l’ancienneté de l’affaire, de sa situation de grande difficulté dès novembre 2017, date à partir de laquelle il a été privé de revenus alors qu’il collaborait à plein temps pour la société, de ce qu’il n’a pas pu bénéficier de l’indemnisation du chômage par Pôle emploi, des multiples recours initiés par la société Qwant dans le cadre de la présente affaire, et de la situation de la société Qwant qui après avoir enregistré plus de 75 millions d’euros de pertes a fermé en 2020 son établissement situé à [Localité 3].
Sur les demandes afférentes à la reconnaissance du contrat de travail, M. [H] réclame :
– des rappels de salaires dus au titre du contrat de travail et les congés payés afférents, selon une rémunération équivalente à celle perçue au sein de la société Xilopix, outre le maintien de ses avantages en nature.A titre subsidiaire, M. [H] réclame un rappel de salaire selon le minimum conventionnel de 5 516,10 euros bruts.
– une indemnisation au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail : M. [H] considère qu’il aurait dû percevoir, outre ses salaires, une prime exceptionnelle qui aurait pu être évaluée à la somme de 18 112,02 euros bruts, outre les congés payés afférents, car dès le mois d’octobre 2017 il était envisagé un rattrapage de salaire sous forme de prime exceptionnelle. A titre subsidiaire, il sollicite la somme de 16 548,30 euros nets, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur la base du minimum conventionnel.
– une indemnité pour retard dans le paiement des salaires pendant une période de près de 5 mois.
– le remboursement des frais professionnels à hauteur de 600,49 euros.
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, M. [H] fait état des manquements graves de la société, en soulignant qu’il a sollicité la régularisation de sa situation à six reprises entre le 10 novembre 2017 et le 5 avril 2018. Il dénonce ainsi plusieurs manquements de la part de son employeur : l’absence de régularisation de sa situation contractuelle, la dissimulation de son emploi salarié, l’absence de versement de ses salaires et de remise des bulletins de paie, l’absence de remboursement de ses frais professionnels.
Sur la dissimulation de son emploi, M. [H] fait valoir que la Société Qwant, qui n’ignorait pas le travail qu’il accomplissait, n’a rien fait pour officialiser sa situation en procédant aux formalités obligatoires.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur l’existence d’un contrat de travail et sur la compétence du conseil de prud’hommes
En vertu de l’article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.
Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération ; ainsi l’existence de ce contrat implique la réunion de trois critères soit une rémunération, une prestation de travail et un lien de subordination.
Le lien de subordination, élément majeur du contrat, est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné. Il est caractérisé par trois critères, soit le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l’employeur, eux-mêmes révélés par la méthode du faisceau d’indices.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
La réalité du lien de subordination est déterminée au regard de la réunion de présomptions graves, précises et concordantes résultant de l’examen par les juges du fond d’un ensemble d’indices relatifs au statut personnel de l’intéressé, au mode de rémunération et aux conditions d’exercice de l’activité qui, isolément, ne sont pas déterminants, et qui doivent faire l’objet d’une appréciation globale, et ce sans tenir compte de la qualification voulue par les parties. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
Il incombe à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’établir les éléments de cette qualification.
Il est constant le tribunal de commerce d’Epinal a, par jugement du 10 novembre 2017, arrêté un plan de cession de la société Xilopix au profit de la société Qwant qui prévoit la faculté de substitution d’une filiale dénommée Qwant enterprise, qui fixe l’entrée en jouissance à la date du 10 novembre 2017, et qui précise que « la gestion de l’entreprise Xilopix sera confiée au cessionnaire sous son entière responsabilité dans l’attente de l’accomplissement des actes de cession ».
Il est également constant que l’acte de cession signé le 17 janvier 2018 entre l’administrateur judiciaire de la société Xilopix et la société Qwant Enterprise en cours d’immatriculation au RCS représentée par son seul associé la société Qwant, prévoit la reprise du bail des locaux à [Localité 3] et de divers contrats et actifs mobiliers, ainsi que le transfert des contrats de travail des vingt-cinq salariés désignés selon liste jointe en annexe, avec effet depuis l’entrée en jouissance le 10 novembre 2017, date à laquelle la liquidation judiciaire de la société Xilopix a été prononcée.
A l’appui de l’existence d’un contrat de travail le liant à la société Qwant dès le 10 novembre 2017, M. [H] se prévaut d’une « intention » du président de la société Qwant, M. [U], d’intégrer les deux mandataires sociaux « au sein des effectifs de la société Qwant ». M. [H] soutient que cette intention de M. [U] s’est ‘concrétisée’, et se prévaut en ce sens de divers témoignages émanant d’anciens salariés de la société Xilopix ainsi que de nombreux messages électroniques. M. [H] fait également état de cinq courriels adressés par lui-même à Mme [G] [E], directrice des opérations de la société Qwant, entre le 8 décembre 2017 et le 19 janvier 2018.
Comme il l’a été rappelé ci-avant, l’intention des parties est inopérante pour démontrer l’existence d’une relation de travail, car celle-ci ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du salarié.
M. [H] se prévaut de ce qu’il a effectué une prestation de travail non rémunérée au profit de la société Qwant durant plusieurs mois, dont il illustre la réalité par plusieurs »indices », soit :
– la réalisation de nombreuses missions pour la société, outre la gestion quotidienne des salariés basés à [Localité 3] ;
M. [H] mentionne qu’il a assisté à de nombreuses réunions, notamment des réunions générales concernant l’ensemble des anciens salariés de Xilopix à [Localité 3] ainsi que des réunions à [Localité 4], et indique qu’il a ‘uvré pour la réalisation de la décision stratégique de la société Qwant d’intégrer les membres du site d'[Localité 3] en envisageant d’abord une intégration avec Qwant Research à [Localité 4], puis avec Qwant Nice.
M. [H] fait également état de ce qu’il a accompli de multiples tâches techniques relevant notamment du domaine informatique, en supervisant la mise en place d’un serveur FTP nécessaire à l’échange de données, la gestion des backups, la gestion de la coupure par OVH, la remise à plat des anciennes machines Xilopix, la réception des nouvelles machines sur le site d'[Localité 3], et l’organisation d’une formation (« TP ») sur le « GIT », gestion de meetings Skype.
M. [H] soutient également qu’il a été amené à communiquer très régulièrement avec l’encadrement Qwant représenté par M. [X] (directeur technique Nice) et M. [M] (directeur Qwant Research).
– la création, par la société Qwant, d’une adresse mail à l’attention de M. [H] le 11 décembre 2017, au même titre que les anciens salariés de la société Xilopix repris par la société, adresse qui a été largement utilisée par M. [H] et la société Qwant entre sa création, le 11 décembre 2017, et sa suppression, le 2 mars 2018 ;
– la demande par la société Qwant, que tous les salariés, y compris M. [H], respectent les procédures internes dites « sensibles », ou procédures relatives au partage de fichiers lourds.
M. [H] se prévaut à ce titre de deux courriels adressés à une liste »teamqwant » à laquelle l’intéressé avait été inscrit.
– l’accès aux locaux de l’entreprise par le biais d’un système de badge, et l’attribution d’un bureau :
M. [H] souligne qu’il se rendait tous les jours dans les locaux de la société Qwant à [Localité 3], et qu’il détenait un badge pour accéder au site d'[Localité 3].
M. [H] produit de nombreux documents justifiant notamment les échanges avec des représentants des sociétés Qwant et les conditions matérielles de sa présence sur le site d'[Localité 3], ainsi que plusieurs témoignages d’anciens salariés de Xilopix dont les contrats de travail ont été repris par la société Qwant Enterprise.
Ces éléments, notamment les attestations de ses anciens subordonnés, confirment certes la présence M. [H] après l’autorisation de cession de l’entreprise, ainsi que la description donnée par l’intéressé de son activité durant cette période. Ils ne sont en revanche en rien probants pour démontrer la réalité d’un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction exercé par un ou des responsables de la société Qwant sur l’activité de M. [H] dès lors que la cession a été autorisée, et par là-même un changement dans la situation de ce dernier.
Les témoignages des salariés illustrent au contraire la continuité de la position hiérarchique de M. [H] avant puis au cours de la procédure collective, et ensuite à compter du 10 novembre 2017 et durant la période de transition lors de laquelle plusieurs options ont été envisagées dans l’organisation de l’intégration de l’activité du site d'[Localité 3] au sein de l’activité des autres sociétés Qwant, avec dans un premier temps une seule intégration à Qwant Research ([Localité 4]) envisagée, puis dans un deuxième temps une intégration partielle de l’activité du site d'[Localité 3] au site de Nice.
Le témoignage de l’une des anciens salariés de la société Xilopix qui occupe des fonctions de »product manager » et qui précise également être « concubine et subordonnée de [P] [H]», mentionne d’ailleurs qu’à partir du 10 novembre 2017 « ce travail (de M. [H]) est la prolongation du travail précédemment effectué pour Xilopix pendant la période de redressement judiciaire’ » (pièce 16 de l’intimé). Dans le même sens d’une continuité de la position hiérarchique de M. [H], ce dernier produit un courriel qui lui a été adressé le 3 janvier 2018 par une salariée du site d'[Localité 3], anciennement employée par la société Xilopix, aux fins d’obtenir son aval pour la prise de jours de congés (pièce 27 de l’intimé).
Aussi le fait que M. [H] ait bénéficié de l’ouverture et de l’usage d’une adresse électronique « qwant.fr », comme le fait qu’il ait continué à accéder au site et à occuper le bureau qui était le sien comme lorsqu’il était directeur général de la société Xilopix, et ce durant la période d’organisation de la reprise des activités de la société cédée, ne suffisent pas à caractériser l’existence d’un contrat de travail.
Au titre de la réalité du lien de subordination M. [H] soutient :
– qu’il se soumettait à des contraintes horaires et de gestion administrative, ainsi qu’aux ordres et directives dans les tâches qu’il avait à accomplir.
M. [H] se prévaut d’un document rédigé par lui-même concernant son arrivée à son bureau et d’un relevé de badgeage portes et alarmes (sa pièce 47 et sa pièce 48), mais ces documents n’établissent nullement que l’intéressé obéissait à des directives préalables qui lui avaient été données par un supérieur hiérarchique.
Si M. [H] produit un courriel adressé par lui-même le 4 décembre 2017 à Mme [K] [V] (responsable administrative adjointe Quant) au terme duquel il sollicite l’ouverture d’un compte pour lui-même ou pour un collaborateur du site d'[Localité 3] (« Seb »), afin d’assister à une réunion à [Localité 4] avec les membres de la société Qwant (sa pièce 26), la teneur de la réponse apportée par la responsable administrative, soit qu’elle ne pouvait pas créer de compte et qu’elle lui proposerait des billets, ne démontre pas que M. [H] a été intégré dans la gestion administratives des frais des salariés Qwant.
– qu’il recevait des ordres et directives dans les tâches qu’il avait à accomplir, rendait compte à la direction de la société Qwant, s’enquérait systématiquement de l’accord de sa direction, et qu’il se soumettait aux décisions de la direction.
A ce titre M. [H] soutient qu’il s’est vu attribuer la mission de directeur technique sous le terme DG Informatique, et se prévaut d’une attestation d’un ancien salarié Xilopix (M. [N] [F] ‘ sa pièce 17) ainsi que d’un courriel de M. [M] (directeur Qwant Research) du 24 novembre 2017 qui correspond à la déclinaison de cinq projets d’intégration du site d'[Localité 3] dans les activités des sociétés Qwant (pièce 6 de l’intimé), le cinquième projet incluant M. [H] comme »DG Informatique ».
Le témoignage de M. [F], qui précise qu’il était directeur technique adjoint Xilopix, et qui mentionne que M. [H] « est resté l’interlocuteur technique et managérial exclusif de la société Qwant à [Localité 3] » et que lui-même n’a « jamais été contacté directement par aucune personne chez Qwant », est parfaitement inopérant pour démontrer l’existence d’un pouvoir de direction exercé par la société Qwant sur M. [H].
Le caractère aléatoire des projets déclinés par M. [M], notamment celui incluant M. [H] en qualité de directeur technique dès novembre 2017, est d’autant plus avéré que l’intimé affirme par ailleurs lui-même que d’autres perspectives d’intégration ont été envisagées les jours suivants (Qwant Nice), et que M. [H] se prévaut également au soutien de sa soumission aux ordres de la »direction » qu’« il se verra ainsi retirer son rôle de manager des équipes à [Localité 3] à compter du 17 janvier 2018 ».
La cour constate que M. [H] ne produit aucun élément probant justifiant que des missions lui ont été confiées par le représentant ou par un responsable de la société Qwant, missions relevant d’une fonction qui aurait préalablement été convenue par les deux parties, et la cour relève que M. [H] soutient d’ailleurs lui-même que ses fonctions ont été celles de directeur technique à l’issue de sa rencontre avec M. [U] le 24 novembre 2017 mais qu’elles ont été également celles de »manager des équipes à [Localité 3] » jusqu’au 17 janvier 2018.
Comme le souligne avec pertinence la société Qwant, M. [H] ne se prévaut d’aucun document faisant état d’instructions qui lui auraient été données par la société Qwant, ni d’aucun document se rapportant à un contrôle de son activité. Les courriels auxquels M. [H] se rapporte démontrent certes la réalité des échanges entre lui-même et les représentants de la société Qwant, mais ne traduisent en effet aucun rapport hiérarchique.
M. [H] n’hésite pas à retenir dans ses écritures « qu’un contrat de travail s’est formé entre ces deux parties, dès la reprise de la Société Xilopix par cette dernière, soit le 10 novembre 2017, ce contrat étant présumé à temps complet, pour un poste de Directeur technique affecté à [Localité 3], correspondant à une position 3.3 (coefficient 270), soit, au regard de la Convention collective applicable, la position la plus haute » (sic).
Or la cour note que M. [H] avait, à l’issue de sa rencontre avec M. [U] le 24 novembre 2017, adressé un courriel à M. [N] [F] (ancien salarié Xilopix) rédigé comme suit : «’perso, je serais déjà DT local dans un premier temps et on verra par la suite. [T] me laisse du temps pour réfléchir à mon vrai avenir chez Q avec plus de manettes !… » (pièce 21 de l’intimé).
La cour relève que M. [H] fait état de cinq courriels adressés par lui-même à Mme [G] [E] (directrice des opérations) entre le 8 décembre 2017 et le 19 janvier 2018 ayant tous pour objet la fixation des modalités de sa collaboration au sein de Qwant, et qu’il précise lui-même qu’il n’a eu aucune réponse de Mme [E] à ses propres sollicitations.
La cour note que postérieurement à sa rencontre du 24 novembre 2017 avec le dirigeant de la société Qwant, M. [U], à l’issue de laquelle M. [H] soutient pour acquise son embauche au poste de directeur technique du site d'[Localité 3], l’intimé a écrit dans son message du 8 décembre 2017 adressé à Mme [E] (pièce 7 de l’intimé) :
« Après discussion avec [B] [M], directeur de Qwant Research vendredi soir, nous sommes tombés d’accord sur le fait que je pourrais être « son homologue à [Localité 3] ». Si tu es d’accord avec cette mission, on pourrait partir sur un titre comme »Director of Qwant enterprise ».
Concernant ma rémunération :
Chez Xilopix, j’avais : *salaire : 5 775 € *voiture : 371 €(479 ‘ 108) *ticket restaurant : 120 € soit 6 266 € brut mensuel.
Les deux [T] avait parlé d’un possible rattrapage pour les mois de salaire en carence (01/09/17 10/11/17). Est-ce toujours d’actualité ‘
Concernant l’option de rémunération sur un mode type »entreprenarial » :
On avait engagé une réflexion sur un mode de rémunération engageant et motivant plus proche de ma nature entreprenariale. Je souhaiterais faire partie de l’aventure Qwant Junior qui pourrait s’ajouter à ma mission citée plus haut.
Voilà pêle mêle la base concernant les éléments du contrat à définir entre nous.
On ne se connait pas encore et je sais pas ce que tu connais de nos échanges avec [T] ([U]). Je reste ouvert pour échanger en toute franchise avec toi. Je réitère ma motivation pour continuer à travailler avec [B] ([M]) et avec toi et la team Qwant d’une manière générale pour participer à la réussite de Qwant ! ».
La cour constate que ce message de M. [H] du 8 décembre 2017 confirme certes l’existence de pourparlers, et évoque les ambitions et attentes de M. [H] en termes de responsabilités (autres que celles de directeur technique) et de participation aux activités des sociétés Qwant mais aussi en termes de rémunération, avec des conditions similaires à celles dont M. [H] bénéficiait au sein de la société Xilopix en étant mandataire social, mais qu’aucune suite n’a été donnée à cette proposition unilatérale de M. [H]. Cette réalité est parfaitement contraire à la relation contractuelle qui est revendiquée par M. [H] à partir du 10 novembre 2018, soit dès les effets de la cession de la société dont il était le directeur général et qui repose sur un engagement verbal qu’il attribue à M. [U].
Dans le même sens la cour relève que dans un courriel adressé le 19 janvier 2018 par M. [H] à Mme [G] [E] (pièce 24 de l’intimé et pièce 4 de l’appelante), soit deux jours après la cession le 17 janvier 2018 de la société Xilopix à la société Qwant Enterprise au terme de laquelle seuls les contrats de travail des 25 salariés de l’entreprise cédée ont été repris, M. [H] a écrit :
« Depuis le 17 janvier, conformément à ton échange avec [Y], j’ai stoppé mes missions sur Enterprise, je me suis également assuré de la transition et du report d’info pour faciliter la mission à JC.
J’ai bien compris que je ne devais plus manager les équipes à [Localité 3]. Ce qui au final est sans doutes une bonne chose (pour tous).
Toutefois, vu que dans mon mail de début décembre, c’est dans cet axe que j’étais parti dans les faits avec [B] puis JC. Je veux bien te faire des propositions de missions sur d’autres projets et j’aimerais partager avec toi quelques minutes par téléphone.
Les 3 pistes sur lesquelles je pourrais me positionner sont les suivantes ;
– soit avec Nice (Crawler, Qwant Junior, API’)
– soit sur la pub
– soit sur les outils informatiques RH.
Tu aurais des dispos pour ce rapide coup de fil ‘ ».
Le contenu de ce message dont M. [H] est l’auteur exprime certes la persistance de la volonté de ce dernier d’être intégré au sein des équipes Qwant malgré l’organisation du site d'[Localité 3] sans qu’il y soit intégré, et formule en ce sens des propositions de missions en esquissant d’autres »pistes ».
Ce message de M. [H] qui n’a, en l’état des données du débat, été suivi d’aucune réponse de la société Qwant, ne traduit nullement la réalité d’un contrat de travail en cours d’exécution entre M. [H] et la société Qwant concernant un poste de directeur technique affecté à [Localité 3].
Aussi les explications données par la société Qwant à la situation de M. [H] et à sa présence au sein des locaux de Qwant Enterprise en sa qualité d’ancien dirigeant de l’entreprise cédée afin de favoriser les conditions du transfert d’activité entre les deux sociétés sont d’autant plus pertinentes que cette période de « transition » est clairement évoquée par M. [H] lui-même dans son courriel du 19 janvier 2018, soit plus de deux mois après l’autorisation de cette opération prononcée le 10 novembre 2017 par le tribunal de commerce d’Epinal qui a également fixé les effets de cette cession à la date de son prononcé, étant rappelé que l’acte de cession est intervenu le 17 janvier 2018.
La cour relève que dans son courrier recommandé en date du 23 février 2018 de « demande de régularisation de ma situation chez Qwant » adressé à M. [U], président de la société Qwant, M. [H] évoque leurs rencontres successives, et relate :
« Dès la première rencontre avec [T] [A] du 17 et notre entrevue du 24 octobre 2017 à [Localité 4]’. tu nous avais proposé de continuer l’aventure avec Qwant en tant que salarié et m’en avais convaincu, t’engageant notamment au cours de nos échanges qui suivirent sur les 3 points suivants :
– une rémunération égale à celle que je percevais chez Xilopix ;
– la localisation de mon poste sur [Localité 3] ;
– une dimension entreprenariale avec la possibilité de bénéficier de parts sociales.
Par ailleurs il avait été question de l’éventualité d’un rattrapage de la perte de mes revenus pour la période du 1er septembre au 10 novembre 2017′. »’ « le 24 novembre 2017′ en présence d'[T] [A] et de [G] [E] (directrice des opérations Qwant) tu renouvelais à nouveau tes engagements, demandant alors à [G] [E] d’élorer nos contrats de travail dans le respect des 3 points mentionnés ci-avant.
De mon côté, je t’avais assuré de mon engagement total pour le meilleur de la réussite de cette phase délicate de reprise de l’entreprise, de transition et d’intégration des équipes, ce que j’ai fait ».
Au-delà de la réalité et de la portée des engagements verbaux pris par M. [U] tels qu’évoqués par M. [H] dans son courrier recommandé du 23 février 2018, étant observé que le courriel évoqué ci-avant et adressé le 8 décembre 2017 par M. [H] à Mme [E] ne fait pas référence à des échanges antérieurs avec le dirigeant M. [U] en présence de Mme [E] mais se rapporte à des échanges avec M. [B] [M], directeur de Qwant Research, et informe Mme [E] des données de rémunération attendues par M. [H], la description faite par M. [H] lui-même dans cette lettre de son implication durant la période de transition et de reprise par la société Qwant Enterprise de la société Xilopix dont il a été le mandataire social est en parfaite congruence avec les explications données par la société Qwant à la présence et au rôle de M. [H] durant cette période de transition lors de laquelle l’intéressé est demeuré dans le bureau qu’il occupait avant et au cours de la procédure collective en sa qualité de dirigeant de la société Xilopix, afin d’accompagner le transfert des salariés en exécution de ses obligations liées à sa position de mandataire social de l’entreprise cédée.
Aussi M. [H] ne peut valablement se prévaloir d’une proposition verbale du dirigeant de la société Qwant au soutien de l’existence d’un contrat de travail le liant à cette société, en considérant comme il l’a écrit dans son courrier adressé au président de la société Qwant le 23 mars 2018 en réponse à un écrit de M. [U] en date du 2 mars 2018, que « si j’étais, certes, mandataire social au sein de la société Xilopix et si l’offre de reprise devant le tribunal de commerce d’Epinal concernait naturellement les salariés de cette société, tu m’avais proposé, ce que j’avais accepté, de rejoindre les effectifs de la société Qwant en qualité de salarié dès le 10 novembre pour poursuivre, aux côtés de ton équipe, le développement de celle-ci. Je travaille donc en ce sens, au quotidien, à [Localité 3], auprès d’ailleurs de tes salariés depuis le 10 novembre 2017, ce que tu n’es pas sans ignorer » (pièce 12 de l’intimé).
La cour observe que le dirigeant de la société Qwant a dans un courrier de réponse adressé à M. [H] le 2 mars 2018 (pièce 11 de l’intimé), rappelé à ce dernier que l’offre de reprise présentée dans le cadre de la procédure collective était précise quant à son périmètre, soit « de reprendre l’ensemble des salariés de la société Xilopix, et de leur proposer une rémunération égale à celle qu’ils percevaient chez Xilopix’ ».
De surcroît la cour rappelle que la cession de la société Xilopix a été conclue avec la société Qwant Enterprise le 17 janvier 2018, avec reprise des 25 salariés de la société cédée avec fixation de la jouissance rétroactivement au 10 novembre 2017.
En conséquence la cour retient que les prétentions de M. [H] au titre de l’existence d’un contrat de travail le liant à la société Qwant à compter du 10 novembre 2017 jusqu’au 5 avril 2018, date de sa prise d’acte de la rupture, ne sont pas fondées.
Le jugement déféré rendu par la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud’hommes d’Epinal sera infirmé en ce qu’il a retenu sa compétence matérielle en application des dispositions de l’article L. 1411-4 du code du travail, compétence nécessairement fondée sur la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail entre M. [P] [H] et la société Sas Qwant.
Aux termes de l’article 86 du code de procédure civile : « la cour renvoie l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi ».
En l’espèce M. [H] ne formule des prétentions à l’encontre de la société Qwant que sur le fondement de l’existence et de l’exécution d’un contrat de travail, et il n’y a donc pas lieu de renvoyer la procédure devant le tribunal judiciaire d’Epinal.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties leurs frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel ; leurs demandes formées à ce titre seront rejetées.
Monsieur [P] [H] qui succombe sera condamné aux dépens de premier ressort et d’appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 13 novembre 2018 par la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud’hommes d’Epinal en ce qu’il a retenu l’existence d’un contrat de travail entre M. [P] [H] et la société Qwant et en ce qu’il a retenu sa compétence matérielle ;
Statuant à nouveau :
Dit que M. [P] [H] n’est pas lié à la société Qwant par un contrat de travail ayant couru à compter du 10 novembre 2017 jusqu’au 5 avril 2018 ;
Rejette l’intégralité des prétentions de M. [P] [H] au titre de l’existence et de l’exécution d’un contrat de travail ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi de la procédure devant le tribunal judiciaire d’Epinal ;
Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure en faveur des parties ;
Condamne M. [P] [H] aux dépens de première instance et d’appel.
La Greffière, La Présidente de chambre,