21 avril 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/04524
21/04/2023
ARRÊT N°202/2023
N° RG 21/04524 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OOZS
AB/AR
Décision déférée du 29 Septembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/01520)
MAYET J.
S.A.S. TRIGO QUALITAIRE
C/
[X] [C]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 21/04/2023
à Me JAZOTTES
Me ASTE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. TRIGO QUALITAIRE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Madame [X] [C]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Laurent ASTE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [X] [C] a été embauchée selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet le 23 février 2012 par la SAS Trigo Qualitaire en qualité de technicienne qualité, ETAM.
La convention collective nationale des bureaux d’études techniques, dite Syntec, est applicable.
La société Trigo Qualitaire emploie plus de 10 salariés.
Mme [C] a été placée en arrêt de travail, avec suivi psychologique pour dépression réactionnelle, du 23 au 27 juillet 2018, puis du 20 août 2018 au 12 mai 2019.
Les parties ont signé une rupture conventionnelle à l’issue d’un entretien le 3 avril 2019, avec une date de rupture fixée au 13 mai suivant.
A l’issue du délai de rétractation, soit le 18 avril 2019, la société Trigo Qualitaire envoyait la convention de rupture conventionnelle à la Direccte pour homologation.
Le 13 mai 2019, l’employeur procédait à la rupture du contrat de travail, en remettant le solde le tout compte et les documents sociaux.
Par courrier du 27 juin 2019, la Direccte informait Mme [C] et son employeur du refus d’homologuer la convention, en raison de la réception de la convention postérieurement à la date de rupture, le 21 juin 2019.
Au terme d’une démarche entreprise avec la Direccte de manière unilatérale, la société Trigo Qualitaire a obtenu l’homologation d’une nouvelle convention de rupture fixant au 12 août 2019 la date de sortie des effectifs de Mme [C].
La société Trigo Qualitaire a ainsi proposé à la salariée de réintégrer les effectifs à compter du 1er août 2019 jusqu’à la date de fin de contrat.
Mme [C], estimant que son contrat était rompu depuis le 13 mai 2019, a fait valoir qu’elle était déjà indemnisée par pôle emploi et qu’elle n’avait pas donné son accord à la révision de la convention de rupture conventionnelle initiale.
Par une requête en date du 27 septembre 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins d’obtenir la réparation de son préjudice.
Par jugement du 29 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a:
– jugé que la rupture du contrat de travail intervenue le 13 mai 2019 ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse en l’absence d’homologation de la convention de rupture conventionnelle,
En conséquence :
– condamné la société Trigo Qualitaire à payer les sommes suivantes :
* 4 480 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 448 euros bruts au titre des congés payés y afférent,
* 4563,43 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 6 720 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonné une compensation entre l’indemnité légale de licenciement susvisée et l’indemnité de rupture réglée lors du solde de tout compte,
– condamné la société Trigo Qualitaire à payer à Mme [C] 1 200 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– débouté Mme [C] du surplus de ses demandes.
La société Trigo Qualitaire a relevé appel de ce jugement le 9 novembre 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Trigo Qualitaire demande à la cour de:
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
Et statuant à nouveau :
– débouter la salariée de l’intégralité de ses demandes,
En conséquence :
– condamner Mme [C] à payer à la société Trigo Qualitaire la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2023, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [C] demande à la cour de :
À titre principal :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 29 septembre 2021
uniquement en ce qu’il a fixé le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 6 720 euros,
– le confirmer pour le surplus.
Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé susvisé :
– condamner la société Trigo Qualitaire à payer à Mme [X] [C] la somme de 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Y ajoutant :
– condamner la société Trigo Qualitaire à payer à Mme [C] la somme de 3500 euros nets sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.
A titre subsidiaire :
– condamner la société Trigo Qualitaire à payer à Mme [C] les sommes suivantes :
* 6 720 euros bruts à titre de rappel de salaires (période du 13 mai au 12 août 2019),
* 672 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– confirmer la condamnation aux dépens et frais irrépétibles de première instance,
– condamner la société Trigo Qualitaire à payer à Mme [C] la somme de 3500 euros nets au titre des frais irrépétibles d’appel.
MOTIFS :
Sur la rupture des relations contractuelles :
Il est constant entre les parties qu’une rupture conventionnelle a été signée le 3 avril 2019, avec une date de rupture fixée au 13 mai suivant ; qu’à l’issue du délai de rétractation le 18 avril 2019, la SAS Trigo Qualitaire a adressé la convention pour homologation par la Direccte.
Sans attendre de recevoir l’avis de réception par la Direccte, l’employeur a procédé à l’envoi des documents de rupture à la salariée le 13 mai 2019 en considérant celle-ci comme définitivement sortie de ses effectifs à cette date.
Or il s’est avéré que la Direccte n’a reçu la demande d’homologation que le 21 juin 2019 soit postérieurement à la rupture, de sorte qu’elle a refusé d’homologuer la convention.
Ladite rupture se trouve donc dénuée de cause réelle et sérieuse au 13 mai 2019, comme l’ont retenu à bon droit les premiers juges.
En effet, l’employeur ne pouvait, unilatéralement, adresser une nouvelle convention modifiée par ses soins à la Direccte pour obtenir l’homologation d’une rupture à effet au 12 août 2019, alors que le contrat était irrévocablement rompu depuis trois mois et que Mme [C] était inscrite à Pôle emploi.
Seul un accord des parties aurait pu permettre à l’employeur de donner effet à cette nouvelle convention homologuée, et tel n’a pas été le cas.
Ainsi, Mme [C] est fondée à obtenir les indemnités de rupture suivantes, dont le calcul n’est pas remis en cause par l’employeur :
-4 480 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 448 euros bruts au titre des congés payés y afférent,
-4563,43 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, étant précisé que cette dernière somme a été perçue à titre d’indemnité de rupture conventionnelle.
Par ailleurs, en vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable aux licenciements survenus à compter du 24 septembre 2017, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si l’une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau. Selon le tableau, pour une salariée tel que Mme [C], ayant 7 ans d’ancienneté dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, cette indemnité est comprise entre 3 et 8 mois de salaire brut.
Mme [C] percevait en dernier lieu un salaire moyen de 2240 €, et justifie de son inscription à Pôle emploi jusqu’au 16 juillet 2021.
C’est par une exacte appréciation du préjudice de Mme [C] que les premiers juges lui ont alloué la somme de 6 720 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la cour entrera en voie de confirmation sur ce point.
Sur le surplus des demandes :
La SAS Trigo Qualitaire, échouant en son recours, sera condamnée à en supporter les dépens, ainsi que les dépens de première instance par confirmation du jugement entrepris.
Il sera alloué à Mme [C] la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel, cette somme s’ajoutant à celle allouée sur le même fondement à Mme [C] en première instance.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Trigo Qualitaire à payer à Mme [C] la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Trigo Qualitaire aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
A.RAVEANE C.BRISSET.