Convention collective Syntec : 24 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01181

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Convention collective Syntec : 24 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01181

24 mai 2023
Cour d’appel de Lyon
RG
20/01181

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/01181 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M3TJ

Société TELAMON

C/

[X]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 23 Janvier 2020

RG : 18/01969

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 24 MAI 2023

APPELANTE :

Société TELAMON

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[O] [X]

né le 18 Mai 1993 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Floriane DI SALVO, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Mars 2023

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 juin 2017, à effet du 1er juin 2017, M. [O] [X] a été embauché par la société Telamon, en qualité d’ingénieur projet, au statut cadre, position 2.2, coefficient 130 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseil.

Par lettre remise en main propre le 29 mars 2018, la société a convoqué M. [X] à un entretien en vue d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

L’entretien a eu lieu le 11 avril 2018.

Le salarié n’a pas souhaité donner suite à cette procédure.

Par lettre du 18 avril 2018, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.

Le 3 mai 2018, elle lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

M. [X] a contesté la mesure, par lettre recommandée du 10 mai 2018.

Par requête du 4 juillet 2018, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de LYON en lui demandant de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser des dommages et intérêts à ce titre, ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral dont il a été victime et un reliquat de salaire.

Au dernier état de la procédure devant le conseil de prud’hommes, le salarié a ajouté une demande principale en nullité du licenciement en raison du harcèlement moral dont il avait été victime.

Par jugement du 23 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la SAS TELAMON à payer à Monsieur [O] [X] les sommes suivantes :

* 1 100 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral 

* 18 900 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement 

* 483,22 euros au titre de la prime prévue au contrat de travail 

* 48,32 euros au titre des congés payés afférents 

* 1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile 

– fixé le salaire mensuel moyen de Monsieur [O] [X] à 3 150 euros dans le cadre de l’exécution provisoire de plein droit

– débouté Monsieur [O] [X] de ses autres demandes 

– débouté la SAS TELAMON de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile 

– condamné la SAS TELAMON aux dépens.

La société TELAMON a interjeté appel de ce jugement, le 13 février 2020.

Elle demande à la cour :

– d’infirmer le jugement

statuant à nouveau,

– de débouter M. [X] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour nullité du licenciement, subsidiairement pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

à titre subsidiaire,

– de fixer les dommages et intérêts qui seraient éventuellement mis à sa charge en conformité avec les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail

en tout état de cause,

– de débouter Monsieur [X] de sa demande en paiement de prime de vacances

– de condamner Monsieur [X] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de le condamner aux entiers dépens de l’instance.

M. [X] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a limité à la somme de 1 100 euros nets le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice subi au titre du harcèlement moral

en conséquence,

– de condamner la société TELAMON à lui verser la somme de 18 900 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral 

– de confirmer le jugement pour le surplus

– de dire que les condamnations prononcées à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ainsi que pour licenciement nul et l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du 23 janvier 2020 pour leurs montants alloués par les premiers juges et à compter de l’arrêt à intervenir pour les montants supplémentaires alloués 

– de condamner la société TELAMON au versement de la somme de 3 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2023.

SUR CE :

Sur le harcèlement moral

La société fait valoir :

– que le salarié a construit habilement de toute pièce un habillage de la situation pour se présenter en victime de harcèlement moral dès lors qu’il a compris qu’elle n’était pas disposée à lui verser une indemnité supérieure au minimum légal dans le cadre de la rupture conventionnelle qui avait été envisagée 

– que les courriels adressés au salarié par M. [V] (son supérieur) les 3 et 11 avril 2018 étaient parfaitement fondés, conformes à l’exercice du pouvoir de direction par l’employeur et ne peuvent être considérés comme des agissements de harcèlement moral 

– qu’il n’y a pas eu de mise au placard concernant la nouvelle affectation qui avait été envisagée pour M. [X], mais une recherche de solution afin de pouvoir le conserver dans les effectifs 

– que le salarié a toujours travaillé dans les mêmes conditions et au même endroit et ne peut justifier d’une dégradation de ses conditions de travail

– que M. [X] n’établit ni la dégradation de son état de santé, ni l’existence avec d’un lien entre ses conditions de travail et son état de santé et que le harcèlement allégué n’est pas constitué.

Le salarié fait valoir :

– qu’il a été victime de faits de harcèlement moral

– qu’il a beaucoup souffert du fait des agissements de son ancien employeur et que son état de santé s’en est trouvé affecté

– que les lettres dont il est l’auteur, versées aux débats, sont recevables et corroborées par d’autres éléments de preuve 

– que dans les attestations produites, les anciens salariés font état de faits précis dont ils ont été témoins, tandis que la société est dans l’incapacité de remettre en cause leur contenu 

– que la société ne démontre pas qu’il a abusé du temps de pause légalement autorisé 

– que cette seconde expérience professionnelle a été particulièrement déstabilisante et de nature à lui faire perdre confiance en lui.

****

Aux termes de l’article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L1154-1 dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 dispose que, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l’obligation de rapporter la preuve d’éléments précis et concordants ; ce n’est qu’à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.

A l’appui du harcèlement, M. [X] présente les éléments de faits suivants :

1) un chantage de la part de la société pour le contraindre à accepter une rupture conventionnelle, faute de quoi il serait licencié

2) une modification unilatérale illicite de son contrat de travail le plaçant à un poste en-deçà de ses qualifications professionnelles, de sorte que, de fait, il a été volontairement mis au placard

3) la surveillance excessive et les reproches infondés dont il a fait l’objet

1) M. [X] a été convoqué par lettre du 29 mars 2018 à un entretien concernant les modalités d’une éventuelle rupture conventionnelle de son contrat de travail se référant aux différents échanges de ces derniers jours au cours desquels nous avons évoqué votre situation professionnelle au sein de notre société et aux nombreux entretiens à l’issue desquels nous sommes convenus d’avancer d’un commun accord sur l’option d’une rupture conventionnelle du contrat de travail. 

L’existence de ces pourparlers et les affirmations du salarié lui-même dans sa lettre recommandée adressée à son employeur le 11 avril 2018 selon lesquelles ‘vous m’avez engagé à signer le document présenté, arguant qu’en cas contraire, vous alliez me licencier pour faute grave ! faute que vous alliez rechercher’ ne permettent pas de démontrer la réalité du chantage invoqué.

Ce fait n’est dès lors pas matériellement établi.

2) Le salarié se fonde sur une note de service qui lui a été transmise ainsi qu’à l’équipe « support Bart » par courriel de M. [V] du 12 avril 2018, dont il ressort qu’il est important de se préparer à une charge de travail en forte hausse pour le support Bart, que le recrutement de compétences spécialisées est appelé à se poursuivre, que, nonobstant, il est recréé « un poste d’ingénieur projet pour élargir la palette des compétences techniques » et sur le témoignage de M. [K], ancien collègue, lequel atteste que, le 12 avril 2018, M. [X] a été « écarté de son poste de travail et de ses collègues ; M. [V] lui a ordonné d’occuper un nouveau poste auprès du bureau support. Ses attributions ont été sur le champ rétrogradées. Auparavant, il s’occupait de la maîtrise d »uvre ainsi que de la réalisation de l’application, maintenant, il a un simple poste d’assistant téléphonique. J’ai fourni une multi-prise à M. [X] pour l’aider à installer son nouveau poste (…) ».

Il s’appuie également sur la lettre de licenciement aux termes de laquelle l’employeur explique qu’il a tenté de l’intégrer dans une autre équipe du projet Bart mais qu’il a très mal accueilli cette proposition et a immédiatement accusé la société de chercher à le déstabiliser.

Ces éléments ne suffisent pas à rapporter la preuve d’une modification du contrat de travail de M. [X] imposée au salarié à compter du 12 avril 2018, quelques jours avant sa convocation à l’entretien préalable à une mesure de licenciement, telle que le salarié l’impute à l’employeur dans sa lettre du 17 avril 2018, quand il indique que ce dernier, hors de sa présence, a annoncé à des collègues qu’il allait lui donner un autre travail « modifiant de manière substantielle le contenu de mon poste » et qu’il l’a depuis jeudi« changé de bureau et éloigné de ses collègues ».

3) L’employeur a adressé au salarié deux courriels en l’espace de huit jours en lui reprochant:

– le 3 avril 2018, d’être allé une quinzaine de fois à la cafétéria depuis ce matin ‘ce ‘est plus un usage modéré. La journée de travail pour Télémon s’entend pour sept heures de travail par jour. Nous en sommes loin (…)’

M. [K] atteste que ce jour-là, le dirigeant a interpellé M. [X] « sur un ton désagréable et menaçant, comme quoi le café était dangereux pour la santé, c’est un excitant et qu’il était garant de sa santé en tant que chef d’entreprise (‘) que cela fait 15 fois qu’il prend un café aujourd’hui et que ce n’est pas bon pour sa santé » et a traité le salarié de menteur lorsqu’il lui a affirmé, à deux reprises, « que c’était seulement son premier café de la journée ».

– le 11 avril 2018, de s’être, immédiatement après l’entretien relatif à la rupture conventionnelle, entretenu avec ses collègues du département infrastructure et exploitation ‘dans ce qui ressemblait fort à une réunion d’information’, d’avoir refusé de reprendre son travail quand il lui a demandé de le faire sans délai et de multiplier les séjours à la cafétéria alors que la charge de travail est très substantielle.

M. [M], ingénieur projet, atteste que, le 11 avril 2018, après une réunion avec M. [V], M. [X] est parti rejoindre le bureau de ses collègues, que M. [V] n’a pas tardé à accourir auprès d’eux puis a fermement ordonné à M. [X] de ne pas tenir de conférence de presse, lui intimant par la même occasion de retourner s’asseoir à son bureau, ‘ce qu’il a fait de ce pas’.

M. [K] atteste dans le même sens que M. [V], le 11 avril 2018, a indiqué au salarié qu’il était inacceptable de faire des conférences de presse avec les équipes et qu’il devait être seulement sur sa chaise de bureau, ce qu’a fait M. [X] immédiatement.

Le père de M. [X] atteste que son fils lui a rapporté la pression exercée par son employeur et l’espionnage dont il faisait l’objet, mais ce témoignage indirect n’a pas de valeur probante quant aux faits de pression et de surveillance incessante allégués, non établis par les autres éléments apportés par le salarié.

Le salarié justifie d’une altération de sa santé au moyen des pièces suivantes :

– les ordonnances de son médecin traitant qui lui a prescrit des antidépresseurs le 16 avril 2018 et l’a orienté vers un psychologue en raison d’un « syndrome dépressif »

– ses arrêts de travail à compter du 16 avril 2018 renouvelés jusqu’au 28 mai 2018

– l’avis de prolongation d’arrêt de travail du 23 au 30 avril 2018 mentionnant un état dépressif

– le dossier médical établi par le médecin du travail contenant le compte-rendu d’une visite du 19 avril 2018 demandée par M. [X], au cours de laquelle ce dernier dénonce ses conditions de travail (‘j’ai des conditions de travail plus qu’insupportables, mon patron me dénigre en public dans mon dos, il me fait des remarques sur le nombre de fois où je me rends à la fontaine, il me dit que je bois quinze cafés par jour, que ce n’est pas normal de boire autant de café alors que je n’en prends que deux (…) je n’en dors plus, je suis épuisé, je me sens oppressé rien qu’à l’idée d’être près de l’entreprise (…) »)

Les faits matériellement établis, à savoir des reproches devant témoins à deux reprises sur un court laps de temps, et l’état de santé de M. [X], pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral dont le salarié a été la victime.

Les demandes de M. [X] au titre du harcèlement moral et de la nullité de son licenciement ne sont pas justifiées et doivent être rejetées, le jugement étant infirmé en ce qu’il les a accueillies.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est rédigée en ces termes :

(…) Vous avez été embauché ou sein de notre entreprise, par contrat de travail à durée indéterminée, en date du 1er juin 2017 en qualité d’ingénieur Projet, statut cadre, position 2.2. Coefficient 130 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques dite SYNTEC.

Vous avez été intégré au sein de nos équipes développant le projet Bart lequel constitue un véritable relais de croissance pour notre société puisque notre chiffre d’affaires a été multiplié par quatre en 2018.

Vous avez été affecté dans un premier temps au sein du département technique de ce projet.

De même, et ainsi que nous le réalisons pour l’ensemble de nos jeunes collaborateurs, vous avez bénéficié d’une formation interne pratique de 6 mois afin de vous permettre de parfaitement vous adapter à notre méthode CORIM et notre framework Bus-Data Sequelo.

Compte tenu de votre formation d’ingénieur et de votre expérience, vous deviez être, comme tous nos jeunes collaborateurs, opérationnel rapidement à l’issue de votre période d’essai et de votre formation.

Par ailleurs, l’organisation des équipes du projet Bart, et de façon générale celle de la société TELAMON, étant très collaborative, vous avez bénéficié d’un soutien important de l’ensemble de vos collègues de travail et de votre responsable afin de parfaitement vous intégrer et maîtriser en toute autonomie vos principales attributions.

Or, nous avons malheureusement été amenés à constater, dès le début de l’année 2018, que vous rencontriez de nombreuses lacunes professionnelles associées à un comportement professionnel non conforme à ce que nous sommes en droit d’attendre de nos collaborateurs.

C’est dans ce contexte qu’à l’issue du premier trimestre 2018, nous avons relevé les diverses insuffisances professionnelles suivantes :

– Niveau technique insuffisant :

Nous devons faire le constat aujourd’hui, soit 10 mois après votre arrivée, que votre niveau technique est très en deçà de ce que nous devrions être en droit d’attendre d’un collaborateur ayant votre ancienneté. Vous avez notamment encore beaucoup de mal à faire des requêtes SQL simples.

Votre responsable, [T], rencontre des difficultés grandissantes à suivre votre travail et doit systématiquement reprendre l’intégralité de votre travail ou le confier à vos coéquipiers qui ont parfois moins d’ancienneté : vous êtes également désorganisé. Vous n’avancez pas et ne savez pas dire où vous en êtes réellement !!

– Absence de réflexion dans vos attributions :

Nous devons également regretter que vous ne preniez aucun recul sur les tâches qui vous étaient confiées malgré nos instructions afin de définir une approche de résolution adaptée et que vous vous lanciez trop rapidement dans la réalisation sans réflexion ni conception préalables, ce qui est pourtant la base du métier d’ingénieur pour lequel vous avez été formé et qui est très préjudiciable à la qualité et fiabilité de votre travail.

– Incompréhension de nos méthodes de travail :

Un premier bilan sur ce sujet a eu lieu dès le 1er octobre 2017 avec [T], votre responsable et [O], votre collègue.

Vous aviez alors avancé dans un premier temps des explications abracadabrantes considérant que la méthode TELAMON est radicalement différente de celle de votre précédent employeur. Vous supposiez donc que votre responsable devait respecter ce schéma !

Vous avez finalement fini par admettre que vous n’arriviez pas à prendre du recul sur votre travail et aviez promis de changer, mais nous n’avons pourtant pas vu ce changement.

De même, le 6 décembre 2017, au cours d’une réunion de travail sur les listes de valeurs (LOV), vous avez reconnu que vous aviez de nombreuses lacunes et n’arriviez pas à assimiler nos méthodes de travail.

Vous avez donc été rapidement conscient de vos lacunes et du travail que vous deviez apporter en conséquence mais nous devons malheureusement constater aujourd’hui l’absence d’amélioration sur ce sujet.

– Manque de soin évident et de concentration dans votre méthodologie de travail.

Vos supérieurs vous ont souvent rappelé que vous pouviez poser des questions mais vous ne le faite pas. Vous pensez toujours que tout est bientôt fini, sans jamais douter de bien faire.

– Non-respect des procédures et outils de travail de la société :

L’équipe travaille à plusieurs sur certains fichiers importants comme les Bulletins de Livraison (BL). Or, des fichiers partagés ont été bloqués par vos soins volontairement alors que vous ne les aviez même pos ouverts. Le problème venait d’une procédure fautive d’arrêt de votre PC la veille.

De même, et plus grave, toute l’équipe utilise un éditeur de texte gratuit Notepad++ pour coder les écrans.

Or, vous avez choisi d’en utiliser un autre « meilleur » selon vous, avec plusieurs copier/coller qui finissaient par revenir corrompus dans un encodage différent.

Les conséquences de votre comportement immature et du non-respect de nos procédures et outils de travail sont extrêmement graves :

– elles emportent des infractions potentiellement très graves à la politique de sécurité (shadow IT) ;

– Le copier/coller portait sur un fichier Javascript du « commun » (scripts utilisés par toutes les équipes de TELAMON), avec pour conséquence de boguer tous les scripts de la version iaxx 5.1 c’est-à-dire tous les clients de TELAMON, et à l’insu de tous.

– Aucune empathie pour vos clients :

Nous devons également faire le constat que vous vous désintéressez complètement des conséquences de vos carences ce qui a commencé à poser de sérieux problèmes au Directeur commercial, en boguant gravement les démonstrations aux prospect. Mais vous n’en avez cure.

Par ailleurs, nous constatons que tous les prétextes sont bons pour ne pas investiguer : « je n’ai pas les outils » et pour stopper votre travail.

N’arrivant pas à reproduite un bogue, vous vous se résolvez très vite à abandonner : « le bogue ne vient pas de nous mais de l’ordinateur Mac ». Finalement, le bug venait bien de la qualité de votre travail.

– Aucune empathie pour votre équipe :

Vous vous tenez régulièrement à l’écart des décisions collectives ce qui désorganise votre département.

Ainsi, à titre d’exemple, l’équipe a mis au point une méthode de travail, avec une carte des tâches en cours ou en attente : vous êtes le seul à ne pas l’utiliser (1% de contribution).

Au-delà de la persistance de ces insuffisances professionnelles malgré nos efforts d’accompagnement et la formation dont vous avez pu bénéficier, nous devons constater votre manque d’assiduité et un comportement professionnel en inadéquation avec nos valeurs.

– Absence de volonté de vous améliorer sur les sujets fonctionnels et sur les questions techniques :

Ayant constaté des lacunes préjudiciables au travail, le responsable du Département vous a demandé de lire attentivement le PQT (Plan Qualité Telamon, la référence méthode/outil annexée aux contrats clients). Au bout d’un mois, vous n’aviez même pas commencé.

– Peu d’intérêt pour votre travail

Au lendemain d’une mise en production d’une nouvelle version mensuelle de Bart, vous avez été le seul du Département à ne pas vous inquiéter ni des résultats des tests, ni de la satisfaction du support’

De façon plus générale, vous ne vous intéressez pas à la perception finale de ce que vous réalisez. Vous avez notamment aucun problème pour livrer des versions inabouties : fautes grossières dans les libellés, infobulles ajoutées en dépit du bon sens…

– Manque d’assiduité dans vos fonctions :

Votre attitude révèle un manque d’attention et de dynamisme ayant des répercussions importantes sur la qualité de votre travail.

Vous abusez notamment trop souvent des pauses café (nous avons dû à ce titre vous faire un rappel écrit à ce sujet).

Or, ce comportement a des répercussions fortement préjudiciables sur le bon fonctionnement et le climat social de votre équipe et de la société de façon générale.

Vos carences professionnelles et votre comportement inadmissible désorganisent votre Département, le mettant en difficulté et créent un ressentiment latent au sein de l’équipe.

L’ensemble de ces constats vont donc à l’encontre des intérêts de notre société, nuit à son image ainsi qu’aux valeurs qu’elle entend véhiculer qui, de par sa taille humaine, demeurent très familiale.

Nous considérons pourtant avoir fait preuve d’indulgence et de patience à chaque fois que vous avez eu des difficultés mais vos collègues de travail n’ont plus à subir quasi quotidiennement vos lacunes et votre attitude non professionnelle.

C’est dans ce contexte qu’à l’issue d’un échange fin mars 2018 sur l’ensemble de vos lacunes professionnelles et comportementales que vous n’aviez d’ailleurs à aucun moment contesté, nous avons convenu, compte tenu de votre absence de perspectives professionnelles au sein de notre entreprise, d’envisager d’un commun accord la conclusion d’une rupture conventionnelle. Toutefois, vous n’avez finalement pas souhaité donner suite à cette procédure, ce que nous pouvons comprendre.

Nous avons tenté alors de vous intégrer dans une autre équipe du projet Bart au sein de laquelle vous aviez toute votre place mais vous avez très mal accueilli cette proposition et avez immédiatement accusé la société de chercher à vous déstabiliser en orchestrant des propos et faits fallacieux alors que nous cherchions pourtant une solution pour vous permettre de vous maintenir dans vos fonctions.

En conséquence, à ce jour, et eu égard de l’ensemble de ces constats, que vous n’avez pas niés lors de votre entretien, nous devons faire le bilan qu’au-delà de vos nombreuses insuffisances professionnelles, la qualité de votre travail, votre engagement et votre attitude professionnelle ne sont pas à la hauteur de ce que l’on pouvait légitimement attendre d’un ingénieur projet au sein de notre entreprise.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, compte tenu des éléments ci-dessus évoqués. ».

A l’appui des insuffisances professionnelles reprochées à M. [X], la société, outre les courriels de reproche cités ci-dessus datés des 3 et 11 avril 2018, produit deux attestations rédigées par M. [R], ingénieur, décrivant diverses erreurs et insuffisance d’activité, qui ne sont corroborées par aucun document d’évaluation, ni reproches formulés au salarié, contemporains des manquements évoqués, ni éléments de comparaison objectifs avec les autres membres de l’équipe.

Il n’est pas justifié de mise en garde écrite antérieure à l’introduction de la procédure de licenciement en ce qui concerne la mauvaise exécution par le salarié de la partie technique des tâches confiées et le non-respect des procédures, tandis que les affirmations générales de M. [R] selon lesquelles ‘les lacunes dont faisait preuve M. [X] étaient inacceptables au regard de son expérience et de la formation dont il avait bénéficié’ ne reposent sur aucun élément concret objectif.

Les autres griefs énoncés par la lettre de licenciement, à savoir manque de soin évident et de concentration dans votre méthodologie de travail, aucune empathie pour votre équipe, absence de volonté de vous améliorer sur les sujets fonctionnels et sur les questions techniques, peu d’intérêt pour votre travail, sont imprécis et non matériellement vérifiables. Aucune pièce n’est versée par l’employeur pour justifier de leur bien-fondé.

Le grief de manque d’assiduité dans vos fonctions, c’est à dire les pauses café trop nombreuses reprochées au salarié, ne s’appuie que sur les deux courriels ci-dessus mentionnés.

La preuve de l’insuffisance professionnelle reprochée n’est en conséquence pas rapportée et le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse.

M. [X] demande à la cour d’écarter les dispositions de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relatives au barème d’indemnisation.

Or, d’une part, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi, d’autre part, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée et que le barème n’est pas contraire aux dispositions de l’article 128 de la Convention internationale du travail

Par ailleurs, les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

M. [X], qui avait une ancienneté inférieure à une année complète à la date de son licenciement, peut prétendre à une indemnité maximale équivalant à un mois de salaire brut.

Il convient de condamner la société Télamon à lui payer une somme de 3 150 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt fixant la créance indemnitaire.

La demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct résultant des circonstances de la rupture du contrat de travail n’a pas été reprise au dispositif des conclusions. La cour n’en est donc pas saisie.

Sur la demande en paiement de la prime

La société fait valoir que M. [X] ayant demandé à écourter son préavis qui expirait normalement le 3 août 2018, c’est par son fait qu’ il a quitté les effectifs de l’entreprise le 28 mai 2018, qu’il était donc absent au moment du versement de la prime en juillet 2018 et ne peut donc bénéficier d’un versement au prorata de son temps de présence, cette modalité n’étant prévue ni par la convention collective, ni par la jurisprudence.

Le salarié fait valoir que, pour la première fois en cause d’appel, la société affirme qu’il s’agirait de la « prime vacances » résultant de la convention collective, alors même qu’elle n’est pas qualifiée comme telle dans son contrat de travail, qu’il s’agit donc d’une prime contractuelle et non d’origine conventionnelle et qu’il est bien fondé à en solliciter le paiement, en proportion de son temps de présence.

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La prime de vacances est un complément de salaire versé lors des congés d’été des salariés.

L’article 31 de la convention collective invoqué par l’employeur prévoit que la prime doit être répartie entre tous les salariés de l’entreprise.

En l’espèce, l’article 7 du contrat de travail relatif à la rémunération stipulant qu’« en contrepartie de son activité professionnelle, le collaborateur percevra une rémunération forfaitaire fixe annuelle brute de 3 150 euros par mois et deux primes de 500 euros brut, l’une en décembre 2017 et la seconde en juillet 2018, pour 163 heures mensuelles maximum de travail effectif » et le bulletin de salaire de décembre 2017 de M. [X] mentionnant le versement d’une prime d’un montant de 500 euros dénommée « prime contractuelle », la prime litigieuse ne peut être qualifiée de prime de vacances au sens de l’article 31 de la convention collective.

Il ne ressort pas toutefois de la clause que cette prime contractuelle, qui n’était payable que deux fois à date donnée, constituait une prime d’objectif versée au salarié en contrepartie de son activité, s’acquérant au prorata du temps de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice.

Dans ces conditions, le salarié ayant quitté l’entreprise avant le mois de juillet 2018, il n’est pas fondé à solliciter le paiement de la prime au prorata de son temps de présence entre le 1er janvier 2018 et le 31 juillet 2018 (date de versement de la seconde prime) et sa demande doit être rejetée, le jugement qui l’a accueillie étant infirmé.

Compte-tenu de la solution apportée au litige, chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel et de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure

STATUANT à nouveau,

REJETTE la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral, la demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur la nullité du licenciement et la demande en paiement de prime

DIT que le licenciement de M. [O] [X] est sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société Telamon à payer à M. [O] [X] la somme de 3 150 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel

REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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