25 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02095
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 21/02095 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UTMR
AFFAIRE :
S.A.S. VENEDIM, anciennement dénommée VENEDIM INFRASTRUCTURES
…
C/
[M] [Z]
Décision déférée à la cour :
Arrêt rendu le 27 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 17/01329
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sophie DECHAUMET de la SELARL HOCHE AVOCATS
Me Olivier KHATCHIKIAN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant initialment prévu le 11 mai 2023 prorogé au 25 mai 2023 dans l’affaire entre :
S.A.S. VENEDIM anciennement dénommée VENEDIM INFRASTRUCTURES
N° SIRET : 518 480 413
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par : Me Sophie DECHAUMET de la SELARL HOCHE AVOCATS, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0108 Représentée par : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
S.A.S. ALTEA ASSET ALTEA ASSET, anciennement dénommée VENEDIM
N° SIRET : 480 763 085
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par : Me Sophie DECHAUMET de la SELARL HOCHE AVOCATS, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0108 Représentée par : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 625
APPELANTES
****************
Madame [M] [Z]
née le 05 Janvier 1978 à [Localité 6] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par : Me Olivier KHATCHIKIAN, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0619 – Représentée par : Me Jean-claude CHEVILLER avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0945 –
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Mars 2023, Monsieur Thomas LE MONNYER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Mme Odile CRIQ, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [M] [Z] a été engagée, par contrat à durée indéterminée, en date du 21 juin 2010, en qualité de consultante maîtrise d’ouvrage par la société Venedim Consulting SAS, représentée par son président, M. [C] [K], inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 442 731 105.
Selon avenant en date du 13 septembre 2010, la salariée et la société Venedim Management Sarl, représentée par M. [C] [K] (présenté à l’acte comme ‘directeur administratif et financier’) – inscrite au RCS de Paris sous le numéro 517 701 512 – convenaient que la prise de fonctions au sein de la société Venedim Consulting (sic !) serait reportée au 27 septembre 2010.
La société Venedim Consulting était spécialisée dans l’architecture fonctionnelle métier et technique ainsi que dans la maîtrise d’ouvrage informatique. La relation de travail était soumise à la convention collective des bureaux d’études techniques (Syntec).
Par avenant en date du 1er avril 2011, la société Venedim Consulting a convenu avec la salariée du transfert de son contrat de travail au visa de l’article L. 1224-1 du code du travail au profit de la société Venedim Management.
Selon la société appelante Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures SAS), représentée par son président, M. [N] [K] – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413 – la société Venedim Consulting SAS a fusionné avec elle en décembre 2012.
Suivant un nouvel avenant prenant effet au 1er janvier 2012, la société Venedim Management et Mme [Z] ont convenu de transférer son contrat de travail, au visa de l’article L. 1224-1 du code du travail, au profit de la société Venedim Solutions, Sarl inscrite au RCS de Paris sous le numéro 539 591 701, qui changera de dénomination pour ‘JDM’ et fera l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 30 septembre 2015.
Un projet d’avenant daté du 1er avril 2015 était établi au nom de la société Venedim Solutions prévoyant le transfert du contrat de travail au profit de la société ITRH, au visa de l’article L. 1224-1 du code du travail, lequel n’était pas signé par Mme [Z] .
A compter du 10 avril 2015, Mme [Z] a été placée en arrêt maladie de façon continue.
Par jugement, en date du 19 avril 2017, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société IT RH et désigné Maître [G], en qualité de mandataire judiciaire.
Convoquée le 26 avril 2017 à un entretien préalable fixé au 3 mai suivant, Mme [Z] a été licenciée par le mandataire liquidateur de cette société par lettre datée du 4 mai 2017 énonçant un motif économique. Ce courrier lui proposait d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, proposition à laquelle la salariée n’a pas donné suite.
Le 9 octobre 2017, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins notamment de voir juger frauduleux le transfert de son contrat vers la société IT RH, déclarer son licenciement privé d’effet, reconnaître l’existence d’un co-emploi, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamner les sociétés défenderesses au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Les sociétés Venedim – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 480 763 085 – représentée par son président, M. [N] [K] (désormais dénommée société Altea Asset), et Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413 – représentée par son président, M. [N] [K] (désormais dénommée Venedim) ont demandé au conseil des prud’hommes de constater la prescription de la requérante dans sa demande de contestation du bien-fondé des transferts de son contrat de travail, ainsi que dans sa demande de reconnaissance d’une situation de co-emploi entre les sociétés Venedim, Venedim Consulting, Venedim Management et Venedim Infrastructures, et enfin dans sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Les sociétés se sont opposées à l’intégralité des demandes de la requérante et ont sollicité sa condamnation au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés ILC (anciennement dénommée Venedim Management) et JDM (anciennement dénommée Venedim Solutions) n’ont pas comparu.
L’ Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5] et Maître [G], ès qualités de mandataire liquidateur de la société IT RH, ont demandé au conseil des prud’hommes de débouter la requérante de toutes ses demandes dirigées contre la liquidation judiciaire de la société IT RH et de l’AGS CGEA.
Par jugement rendu le 27 mai 2021, notifié le 4 juin 2021, le conseil a statué comme suit :
Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par les sociétés défenderesses concernant la contestation des transferts du contrat de travail, la reconnaissance d’une situation de co-emploi et la demande de résiliation judiciaire;
Dit et juge Mme [Z] irrecevable en ses demandes de condamnation de Maître [G] ès qualités de mandataire liquidateur de la société IT RH et de l’AGS CGEA ;
Dit et juge que le licenciement de Mme [Z] prononcé par la société IT RH est privé d’effet ;
Dit et juge qu’il existe une situation de co-emploi entre la société Venedim, devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management, devenue la société ILC et la société Venedim Solutions, devenue la société JDM ;
Dit et juge que la société Venedim, devenue la société Altea Asset, doit être considérée comme l’employeur de Mme [Z] ;
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Z] aux torts exclusifs de la société Venedim, devenue la société Altea Asset ;
Condamne solidairement la société Venedim, devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solutions, devenue la société JDM à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :
– 47 333 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 17 750 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 775 euros à titre de congés payés afférents;
– 8 875 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement:
– 272 166,36 euros à titre de rappels de salaire pour la période entre le licenciement prononcé par la société IT RH et la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur prononcée par le conseil ;
– 12 450 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat et légèreté blâmable
– 16 303 euros au titre des indemnités non versées par la prévoyance, en raison des manquements de l’employeur ;
Dit que les créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la date de convocation en bureau de conciliation et d’orientation ;
Ordonne la remise par la société Venedim devenue la société Altea Asset, des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes aux termes du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société Venedim devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solutions, devenue la société JDM solidairement à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déclare le jugement opposable aux AGS-CGEA ;
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;
Fixe les créances salariales et indemnitaires résultant des condamnations au passif des sociétés défenderesses liquidées, à l’exception de la société ITRH ;
Condamne solidairement la société Venedim devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solutions, devenue la société JDM aux entiers dépens.
Suivant déclaration du 30 juin 2021, réitérée le 24 septembre suivant, les sociétés Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – 518 480 413) et Altea Asset (anciennement dénommée Venedim – 480 763 085) ont relevé appel de cette décision par voie électronique. Par ordonnance de jonction en date du 31 mars 2022, les deux affaires ont été jointes sous le numéro RG 21/2095.
Par ordonnance rendue le 1er février 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 14 mars 2023.
‘ Selon leurs dernières conclusions, remises au greffe le 10 janvier 2023, les sociétés Venedim et Altea Asset demandent à la cour de déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté et, y faisant droit de :
Infirmer le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a :
Déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par elles concernant la contestation des transferts du contrat de travail, reconnaissance d’une situation de co-emploi et la demande de résiliation judiciaire ;
Dit et jugé que le licenciement de Mme [Z] prononcé par la société IT RH est privé d ‘effet ;
Dit et jugé qu’il existe une situation de co-emploi entre la société Venedim devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solutions, devenue la société JDM ;
Dit et jugé que la société Venedim, devenue la société Altea Asset, doit être considérée comme l’employeur de Mme [Z] ;
Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Z] aux torts exclusifs de la société Venedim, devenue la société Altea Asset ;
Condamné solidairement la société Venedim devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solutions, devenue la société JDM à payer à Mme [Z] les sommes de 47 333 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 17 750 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 775 euros à titre de congés payés afférents ; 8 875 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ; 272 166,36 euros à titre de rappels de salaire pour la période entre le licenciement prononcé par la société IT RH et la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur prononcée par le conseil ; 12 450 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat et légèreté blâmable et 16 303 euros au titre des indemnités non versées par la prévoyance en raison des manquements de l’employeur ;
[…]
L’infirmer en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires et en ce qu’il a :
Condamné solidairement la société Venedim devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solutions, devenue la société JDM à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
A titre principal,
Déclarer les demandes de Mme [Z] irrecevables et prescrites, relatives à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Altea Asset, la reconnaissance d’une situation de co-emploi entre la société Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures), Altea Asset (anciennement dénommée Venedim), la société Venedim Consulting, la société Venedim Management et la société Venedim Solutions, et la contestation du bien-fondé des transferts de son contrat de travail ;
Dire qu’il ne peut être prononcé la poursuite du contrat de travail de Mme [Z] auprès d’elles ;
Dire qu’il n’y a pas lieu de constater une situation de co-emploi les concernant ;
Constater que le licenciement prononcé par le mandataire liquidateur de la société IT RH produit pleinement ses effets ;
Déclarer en conséquence les demandes de Mme [Z] formées à leur encontre irrecevables et mal fondées, prononcer leur mise hors de cause et débouter Mme [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour venait à confirmer le jugement en ce qu’il a jugé les demandes de Mme [Z] recevables et considéré que le contrat de travail de Mme [Z] s’était poursuivi après son licenciement pour motif économique et rompu par l’effet de la résiliation judiciaire prononcée le 27 mai 2021 aux torts de l’employeur, elle ne pourra que réformer le jugement compte tenu de la suspension de son contrat de travail pour maladie non professionnelle, de l’impossibilité d’indemniser deux fois le même préjudice et l’absence de toute justification du préjudice allégué. En conséquence, la cour limitera les condamnations aux sommes suivantes :
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 35 500 euros
– Indemnité conventionnelle de licenciement 8 875 euros
Débouter Mme [Z] du surplus de ses demandes.
En tout état de cause, condamner Mme [Z] à verser à la société Altea Asset la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 22 septembre 2022, Mme [Z] demande à la cour de :
Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par les sociétés défenderesses concernant la contestation des transferts de contrats de travail, la reconnaissance d’une situation de co-emploi et la demande de résiliation judiciaire,
– dit et jugé que son licenciement de prononcé par la société IT RH était privé d’effet,
– dit et jugé qu’il existait une situation de co-emploi entre la société Venedim, devenue la société ALTEA ASSET, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solution, devenue la société JDM,
– dit et jugé que la société Venedim, devenue la société Altea Asset, devait être considérée comme son employeur,
– prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Venedim, devenue la société Altea Asset,
– condamné solidairement la société Venedim, devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solution, devenue la société JDM, à lui payer les sommes de 17 750 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 775 euros à titre de congés payés afférents, 8 875 euros à titre d’indemnité conventionnelle suivante, 272 166,36 euros à titre de rappel de salaire pour la période entre le licenciement prononcé par la société IT RH et la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur prononcée par le conseil, 16 303 euros au titre des indemnités non versées par la prévoyance en raison des manquements de l’employeur,
Confirmer les condamnations suivantes solidairement prononcées par le jugement contre la société Venedim, devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solution, devenue la société JDM,
mais les réformer sur leur montant, et statuant à nouveau, porter le montant des condamnations aux sommes suivantes:
– 59 166 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et légèreté blâmable,
Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– dit que les créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation,
– ordonné la remise par la société Venedim devenue la société Altea Asset des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle-emploi conformes aux termes du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,
– condamné solidairement la société Venedim, devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solution, devenue la société JDM, à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés dans le cadre de la procédure de première instance,
– déclaré le jugement opposable aux AGS-CGEA,
– fixé les créances salariales résultant des condamnations au passif des sociétés défenderesses liquidées, à l’exception de la société IT RH,
– condamné solidairement la société Venedim, devenue la société Altea Asset, la société Venedim Consulting, la société Venedim Infrastructures, la société Venedim Management devenue la société ILC et la société Venedim Solution, devenue la société JDM, aux entiers dépens,
Y ajoutant, condamner la société Altea Asset (anciennement Venedim) et la société
Venedim (anciennement Venedim Infrastructures) à lui payer à les sommes suivantes :
– 27 216 euros au titre des congés payés sur les rappels de salaire pour la période entre le licenciement prononcé par la société IT RH et la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur prononcée par le conseil de prud’hommes,
– 10 000 euros au titre des frais engagés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En cours de délibéré, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la recevabilité de l’appel incident formé par Mme [Z] en ce que celui-ci est formé à l’égard des sociétés ILC (anciennement Venedim Management) et JDM (anciennement Venedim Solutions), lesquelles n’ont pas été appelées en cause devant la cour par l’intimée.
Par note en date du 11 mai 2023, Mme [Z] a concédé que le jugement est définitif sur le principe du co-emploi à l’égard des sociétés ILC et JDM et sur les condamnations solidaires prononcées à leur encontre. Elle ajoute que compte tenu de leur insolvabilité, ces sociétés n’ont pas été mises dans la cause, la réévaluation des condamnations sollicitées n’ayant vocation à concerner que les sociétés parties à l’instance d’appel.
Les sociétés appelantes soutiennent qu’il appartenait à Mme [Z] d’attraire les sociétés ILC et JDM devant la cour si elle entendait faire prospérer des demandes incidentes contre elles et qu’elle ne saurait modifier ses demandes par une note en délibéré.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
I – Sur la recevabilité de l’appel incident à l’égard des sociétés Venedim Management devenue la société ILC et Venedim Solutions, devenue la société JDM :
Faute pour Mme [Z] d’avoir appelées en cause ces sociétés devant la cour d’appel, lesquelles n’avaient pas été intimées par les sociétés appelantes, l’appel incident est irrecevable en ce que celui-ci est formé contre les sociétés ILC (anciennement dénommée Venedim Management) et JDM (anciennement dénommée Venedim Solutions).
II – sur la fin de non recevoir :
Les sociétés appelantes soulèvent la prescription de l’action de Mme [Z] en ce que ses demandes ont été introduites plus de deux ans après son transfert vers la société IT RH et la rupture du lien de droit avec la société Venedim Solution. Elles considèrent que le point de départ du délai biennal qui, selon elles, s’applique à la demande de reconnaissance d’un contrat de travail, ne saurait être fixé comme l’a fait le conseil de prud’hommes à la date de convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement, soit au 26 avril 2017. Elles font valoir que la salariée, qui a produit en première instance le courrier d’information du 11 mai 2015 lui annonçant le transfert de son contrat de travail au profit de la société IT RH, les bulletins de salaire versés par cette société ainsi que les déclarations de prévoyance présentant cette société comme étant son employeur, avait parfaitement connaissance des faits litigieux plus de 2 ans avant la saisine de la juridiction prud’homale. Il en va de même des 3 transferts de son contrat de travail en date des 1e avril 2011, 1er janvier 2012 et 1er avril 2015. Les appelantes soutiennent qu’il en va de même de l’action en reconnaissance d’une action de co-emploi dès lors que la salariée a quitté les effectifs de la dernière entité pour laquelle le co-emploi est invoqué, à savoir Venedim Solution le 1er avril 2015, soit là encore plus de deux ans avant la saisine de la juridiction prud’homale. Enfin, les appelantes soutiennent la prescription de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail dès lors que le dernier manquement reproché consiste dans le transfert de son contrat au profit d ‘IT RH, le 1er avril 2015.
Mme [Z] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté la fin de non recevoir, en faisant valoir que les transferts multiples et successifs sont sous-tendus par une intention frauduleuse, ainsi que l’a souligné le mandataire liquidateur de la société IT RH, qu’en toute hypothèse, le point de départ de la prescription ne pourrait être fixé qu’à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son droit, soit en l’espèce, au jour de sa convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement par le mandataire liquidateur de la société IT RH.
Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 1471-1 du code du travail que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de l’article 2224 du code civil.
La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.
En l’espèce, quelle que soit la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé, que la cour retienne celle du licenciement économique, en date du 4 mai 2017, celle, a fortiori, de convocation à l’entretien préalable que la salariée invoque, ou encore celle que les sociétés appelantes retiennent, à savoir celle du 1er avril 2015, force est de constater qu’en saisissant le conseil de prud’hommes le 9 octobre 2017, Mme [Z] a agi dans le délai de 5 ans suivant le point de départ de la prescription de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir en reconnaissance d’un co-emploi. Par ailleurs, l’action en résiliation d’une relation contractuelle reposant sur le postulat d’une poursuite de la relation contractuelle au jour de la saisine de la juridiction prud’homale ne saurait encourir une quelconque prescription.
Le jugement sera réformé en ce qu’il a déclaré irrecevable la fin de non recevoir laquelle sera simplement rejetée.
III – Au fond :
Sur le co-emploi :
Au-delà de l’identité ou de la proximité familiale des dirigeants des sociétés dénommées avec le préfixe Venedim, à savoir MM. [N] et [C] [K], il ressort de l’historique de la relation contractuelle et de la motivation des avenants, dont les sociétés appelantes concèdent qu’ils visaient des transferts conventionnels du contrat de travail et ne ressortaient en aucun cas des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, les éléments constants suivants :
– Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 juin 2010, Mme [Z] a été engagée par la société Venedim Consulting SAS, représentée par son président, M. [C] [K], société dont il est indiqué qu’elle a fusionné en 2012 avec la société Venedim Infrastructures (désormais dénommée Venedim) ayant pour président M. [N] [K] ;
– Par avenant en date du 13 septembre 2010, étonnamment établi par la société Venedim Management Sarl, représentée par M. [C] [K], il a été convenu avec la salariée de reporter la date de prise d’effet du contrat de travail à durée indéterminée, conclu par la société Venedim Consulting, au 27 septembre 2010 ;
– Selon avenant signé en date du 1er avril 2011, la société Venedim Consulting, après avoir exposé que ‘dans le cadre de son développement le groupe Venedim dont elle fait partie, a décidé d’affecter certains de ses consultants à la société Venedim Management, et ce dans le cadre d’une réorganisation administrative par pôle de compétences’ et que ‘les activités exercées par la salariée en son sein ont été transférées au profit de cette dernière société’ a convenu avec la salariée du transfert de son contrat de travail au visa de l’article L. 1224-1 du code du travail au profit de la société Venedim Management ;
– Nonobstant l’avenant précédemment cité, le 15 novembre 2011, la société Venedim Consulting (désormais dénommée Venedim Infrastructures), attestait que Mme [Z] était toujours sa salariée ;
– Par avenant prenant effet au 1er janvier 2012, motifs pris d’ ‘une réorganisation de la société Venedim Management’ et de la nécessité de ‘consolider la nouvelle entité Venedim Solution’, le tout constituant ‘une nouvelle étape dans ce processus consistant à la réorganisation des filiales’, la société Venedim Management a convenu avec Mme [Z] le transfert de son contrat de travail au visa de l’article L. 1224-1 du code du travail au profit de la société Venedim Solutions.
– Aux termes d’une attestation rédigée sur papier à en-tête ‘Venedim group’, Mme [X], directrice des ressources humaines, certifiait le 18 juillet 2012 que Mme [Z] est ’employée sous contrat de travail à durée indéterminée dans notre société en qualité de consultante maîtrise d’ouvrage depuis le 27 septembre 2010″, attestation signée sous le tampon de la société Venedim reproduisant le numéro d’immatriculation au RCS de Nanterre 480 763 085 ;
– La société Venedim Solutions établissait un projet d’avenant, en date du 1er avril 2015, prévoyant le transfert du contrat de travail de Mme [Z] au profit de la société IT RH, motifs pris que ‘dans le cadre de son développement, Venedim, dont la société IT RH est partenaire a décidé d’affecter à cette dernière le contrat de travail en lieu et place de Venedim Solution’ et que ‘dans ces conditions, les activités exercées par la salariée sont transférées au profit de la société IT RH’. La salariée n’a jamais signé cet avenant.
– Enfin, c’est la direction de la société Altea Asset (RCS 480 763 085 anciennement dénommée Venedim) qui informait les salariés, dont Mme [Z], par une note datée du 11 mai 2015, de ce que suite aux difficultés rencontrées avec le précédent prestataire paie, elle avait contracté avec un nouveau prestataire paie, la société IT RH, et que la période d’essai de ce prestataire s’étant avérée concluante au premier trimestre 2015, elle avait décidé de poursuivre son contrat avec cette entreprise et de décider, à titre de simple réorganisation administrative de rattacher dorénavant l’ensemble des salariés à ‘IT RH’.
Il convient de relever que si les sociétés appelantes imputent l’erreur de dénomination de l’avenant du 13 septembre 2010 et de l’attestation du 15 novembre 2011, à des dysfonctionnements du service ressources humaines du groupe Venedim, lequel était mutualisé au profit de ses différentes filiales, cette situation et les motifs énoncés à l’avenant du 1er avril 2011, commandent de considérer que la société Venedim Management faisait bien alors partie du groupe Venedim. Au vu de la note du 11 mai 2015, il en va de même de la société Venedim Solution.
Compte tenu, d’une part, du contexte de confusion et d’incohérence de certains documents établis par les sociétés (Cf. l’avenant du 13 septembre 2010 et l’attestation du 15 novembre 2011), de deuxième part, des motifs des avenants, lesquels évoquent des décisions prises par le groupe ou la société Venedim (désormais Altea Asset), cette dernière étant présentée dans les pièces communiquées comme étant la société holding (Cf. Organigrammes) ou sous la dénomination ‘Venedim group’, ou encore la ‘réorganisation des filiales’, de troisième part, du projet d’avenant daté du 1er avril 2015, qui évoque encore la décision prise par ‘Venedim’ de transférer le contrat de travail de Mme [Z] à une société prestataire de service en charge de la paye de ses collaborateurs, présentée comme étant son ‘partenaire’, de quatrième part, de la proximité des dirigeants de ces sociétés, de cinquième part, de l’attestation rédigée sur papier à en-tête ‘Venedim group’, par laquelle Mme [X], directrice des ressources humaines, certifie le 18 juillet 2012 que Mme [Z] est ’employée sous contrat de travail à durée indéterminée dans notre société en qualité de consultante maîtrise d’ouvrage depuis le 27 septembre 2010″, et, enfin, de la note d’information du 11 mai 2015 établie par la société Altea Asset (RCS 480 763 085 anciennement dénommée Venedim), Mme [Z] rapporte la preuve du co-emploi et établit avoir été la salariée de cette dernière société à compter de la date d’embauche et, à tout le moins, jusqu’au 1er avril 2015, date à laquelle, selon les appelantes, la relation de travail aurait cessé entre la salariée et les sociétés Venedim Solution, par suite du transfert du contrat au profit de la société IT RH, transfert dont la salariée dénie l’existence.
Par voie de conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un co-emploi entre les sociétés Venedim (désormais dénommée Altea Asset – RCS 480 763 085) et la société Venedim Consulting, aux droits de laquelle intervient désormais Venedim Infrastructures (désormais dénommée Venedim – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413).
Sur le transfert du contrat de travail au profit de la société IT RH au 1er avril 2015 et la rupture :
Les sociétés appelantes critiquent la décision entreprise en ce qu’elle a considéré que le contrat de travail de Mme [Z] n’avait pas été transféré à la société IT RH.
Au soutien de la validité de ce transfert, la société Altea Asset (RCS 480 763 085 anciennement dénommée Venedim) soutient justifier que le projet d’avenant a bien été adressé à la salariée à cette période, que le transfert de son contrat de travail lui a été confirmé, comme à l’ensemble des autres salariés, par une note du 11 mai 2015 et fait valoir que la salariée qui a reçu sans protestation ses bulletins de salaire émis par IT RH, a présenté cette dernière comme étant son employeur dans le dossier qu’elle a renseigné pour bénéficier des prestations de la prévoyance.
La salariée, qui objecte n’avoir jamais reçu le projet d’avenant, soutient n’avoir eu connaissance de ce prétendu transfert qu’en avril 2017 à l’occasion de la procédure de licenciement initiée par le mandataire liquidateur de la société IT RH. La salariée conteste la réalité de ce transfert en faisant valoir son caractère frauduleux, comme les précédents, en ce que ces avenants étaient établis au visa mensonger de l’article L. 1224-1 du code du travail. Elle soutient également le caractère artificiel voire fictif de la société IT RH, qu’elle qualifie de ‘coquille vide’, d’ ‘émanation artificielle’ de la société Venedim, dirigée de fait par les dirigeants de cette dernière, structure n’ayant eu pour vocation que de supporter les salaires des employés pour pouvoir ensuite les licencier à la faveur d’une liquidation judiciaire. Elle ajoute que faute de transfert du lien de subordination c’est nécessairement la société Venedim qui doit être considérée comme son unique employeur.
Il est constant que, de fait, la société IT RH a versé à compter du 1er avril 2015 à Mme [Z] ses salaires et maintien de salaire, et qu’elle a établi à son nom et délivré à l’intéressée ses bulletins de salaire sur toute cette période.
Les sociétés appelantes justifient par l’attestation établie par Mme [Y], assistante, conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, que la société Venedim Solution lui a bien proposé ainsi qu’à l’ensemble de ses collègues le transfert de son contrat de travail au 1er avril 2015, et qu’en sa qualité d’assistante elle a réceptionné tous les avenants signés sauf celui de Mme [Z] qu’elle n’a pas souhaité importuner en la relançant la sachant malade. Les appelantes justifient par la production de plusieurs avenants datés et signés par des collègues de la salariée (Mme [S], M. [O], M. [F], M. [A]), en date du 1er avril 2015, rédigés dans des termes identiques au projet d’avenant litigieux et les attestations de Mme [Y] et de M . [U], que le transfert critiqué n’a pas concerné que l’intimée, mais l’ensemble des collaborateurs de la société Venedim Solution, et s’avère donc sans lien avec son arrêt maladie, ce que la concomitance du transfert et de l’arrêt maladie aurait pu laisser supposer, observation faite en toute hypothèse que si la salariée évoque l’éventuel caractère discriminatoire de cette décision dans ses conclusions, elle ne formule aucune demande en ce sens au dispositif de celles-ci.
Le seul fait que les différents avenants conclus ainsi que le projet du 1er avril 2015 visent les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, alors même qu’il est constant qu’aucun de ces transferts ne sont intervenus dans le cadre de transfert d’une entité économique autonome au sens de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, ne saurait les caractériser de frauduleux, dans la mesure où ces dispositions peuvent être volontairement appliquées par les parties, la salariée ne précisant pas en quoi cette mention l’aurait trompée, de plus fort s’agissant du projet d’avenant du 1er avril 2015 qu’elle affirme ne pas avoir reçu.
Si Mme [Z] se prévaut des observations du mandataire liquidateur de la société IT RH, qui a stigmatisé le 1er juin 2017 le fait que cette société ‘faisait partie d’un ensemble de sociétés qui ont manifestement pour seule vocation de supporter, le plus longtemps possible, les dettes sociales générées par des activités dont le bénéfice revient à d’autres’ et ‘ont en commun de n’avoir aucune activité sur le siège qui est l’adresse d’un domiciliataire, d’avoir un dirigeant, ici M .[D], qui se trouve en dehors du territoire national de sorte qu’il ne répond à aucune des convocations dont il fait l’objet, d’avoir des comptes proches de 0, d’avoir un passif considérable, constitué de dettes Urssaf représentant plus de 2 millions d’euros, de faire systématiquement des recours devant le Tass, dès signification des contraintes Urssaf, pour paralyser le recouvrement’, la preuve du caractère frauduleux de ce transfert à seule fin, selon la salariée, de pouvoir la faire licencier ainsi que ses collègues par une simple structure destinée à porter pour le compte du groupe les charges sociales n’est pas établie, aucun élément n’étant établi en ce sens au jour du transfert.
En revanche, alors que la modification du contrat de travail que constitue le changement d’employeur ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté et ne peut se déduire d’un acquiescement implicite, d’une absence de protestation et de réclamation ou de la seule poursuite du contrat modifié, force est de constater que les sociétés appelantes ne fournissent aucun élément probant quant à l’approbation exprès de ce transfert par la salariée. C’est ainsi qu’elles ne justifient nullement, comme elles le prétendent, que la salariée aurait présenté dans un document concernant sa prévoyance, la société IT RH comme étant son employeur, les pièces visées dans leurs conclusions par les appelantes (29 et 30) ne disant rien de tel.
En définitive, en l’état de l’envoi par la société Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) à la salariée du projet d’avenant le 7 avril 2015, puis de la note d’information du 11 mai 2015, du versement par cette société IT RH du salaire des 10 jours d’avril 2015, puis du maintien de salaire et de l’établissement des bulletins de salaire sans observation de la salariée et de la simple poursuite de la relation contractuelle, le transfert allégué s’analyse comme une modification unilatérale du contrat de travail.
À juste titre, la salariée soutient que l’employeur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour invoquer la rupture au 1er avril 2015 fondée sur l’irrégularité du transfert qui lui est imputable, de sorte que la relation contractuelle s’est poursuivie entre elle et la société Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) postérieurement à cette date.
En revanche, et alors que la salariée soutient que la société IT RH, ne constituait qu’une émanation de la société Altea Asset (anciennement Venedim) qui était gérée, de fait, par MM. [K], dirigeants du groupe Venedim, c’est par des motifs erronés que le conseil de prud’hommes a considéré que le licenciement prononcé par le mandataire liquidateur de cette société était privé d’effet et ne pouvait emporter la rupture du contrat de travail liant Mme [Z] avec la société Altea Asset (anciennement Venedim), ce que confirment du reste les échanges de messages entre la salariée et ses collègues du service ressources humaines qui la renvoient à compter de l’ouverture de la procédure collective vers le mandataire liquidateur.
À l’égard des sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413), le licenciement motivé par un motif économique lié à la liquidation judiciaire de la société IT ressources humaines et à la cessation de son activité est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Conformément au principe selon lequel ‘rupture sur rupture ne vaut’, en l’état du licenciement prononcé le 4 mai 2017, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée en octobre 2017 ne pouvait prospérer. Le jugement sera infirmé en ce qu’il l’a accueillie.
Sur l’indemnisation de la rupture :
L’indemnisation de la rupture doit s’apprécier au 4 mai 2017.
À cette date, et déduction faite de la période d’arrêt maladie, Mme [Z], âgée de 37 ans, totalisait une ancienneté de 4 ans et 6 mois au sein d’une société employant plus de 10 salariés. Elle avait perçue au cours des six derniers mois travaillés un salaire brut de 43 727,43 euros.
La salariée peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu’elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé.
Au vu de la durée du préavis, fixée à trois mois pour le personnel d’encadrement et du montant de son salaire, c’est à bon droit que le conseil a alloué à Mme [Z] une indemnité compensatrice de préavis de 17 750 euros, outre 1 775 euros au titre des congés payés afférents, sauf à préciser que ces sommes sont allouées en brut.
Calculée sur la base de son ancienneté, dont la période de suspension du contrat de travail pour maladie a été déduite , du salaire de référence, calculé sur la moyenne la plus favorable pour la salariée des 3 derniers mois travaillés, conformément aux dispositions de l’article R 1234-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué la somme de 8 875 euros, montant auquel la salariée a limité sa réclamation.
La salariée est fondée en sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte injustifiée de son emploi qui ne peut être inférieure aux 6 derniers salaires.
Il est constant que la salariée a consécutivement à la rupture retrouvé un emploi à compter de novembre 2017, mieux rémunéré que le précédent.
Le préjudice subi par la salariée résultant de la perte injustifiée de son emploi sera plus justement indemnisé par la somme de 59 166 euros.
Les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413) seront condamnées au paiement de ces sommes. Le jugement sera réformé de ce dernier chef.
Sur la demande de rappel de salaire :
La rupture du contrat de travail étant intervenue au 4 mai 2017, le jugement sera infirmé en ce qu’il a accueilli la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et condamné les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413) au paiement d’un rappel de salaire pour la période postérieure à la période de délai congé suivant le licenciement.
Sur les autres demandes financières :
En l’absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, relevant notamment que la salariée établissait ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de la prévoyance consécutivement à la déclaration tardive du sinistre auprès de la prévoyance et des conséquences préjudiciables que cette situation lui avait causées, la privant ainsi pendant de nombreux mois et malgré ses réclamations réitérées adressées à ses collègues, Mmes [Y] et [S], cette dernière alertant expressément M. [C] [K] sur sa situation, la société appelante ne pouvant valablement en reporter la responsabilité sur la défaillance de la société IT RH, ont condamné les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413) à lui payer solidairement la somme de 16 303 euros au titre du rappel des indemnités de prévoyance, et celle de 12 450 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat et légèreté blâmable, le conseil ayant justement apprécié l’importance du préjudice subi par l’intimée.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable l’appel incident de Mme [Z] en ce qu’il est formé à l’encontre des sociétés ILC (anciennement dénommée Venedim Management) et JDM (anciennement dénommée Venedim Solutions),
Réforme le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable la fin de non recevoir élevée par les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 480 763 085) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413), et, statuant à nouveau sur ce point, la rejette purement et simplement,
Confirme le jugement en ce qu’il a retenu établie l’existence d’un co-emploi entre la société Altea Asset (anciennement dénommée Venedim – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 480 763 085) et la société Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413),
Le confirme en ce qu’il a :
‘ condamné solidairement les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 480 763 085) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413) à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :
– 17 750 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 775 euros à titre de congés payés afférents;
– 8 875 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 16 303 euros au titre des indemnités non versées par la prévoyance,
– 12 450 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat et légèreté blâmable,
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les dépens de première instance,
‘ Dit que les créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la date de convocation en bureau de conciliation et d’orientation ;
‘ Ordonné la remise par les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 480 763 085) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413), des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, sauf à préciser que la durée de cette astreinte provisoire est limitée à 90 jours, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Constate le caractère irrégulier du transfert du contrat de travail opéré par les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 480 763 085) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413) au profit de la société IT RH,
Dit que le contrat de travail liant les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim -inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 480 763 085) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413) à Mme [Z], qui s’est poursuivi postérieurement au 1er avril 2015, a été rompu par l’effet du licenciement pour motif économique prononcé le 4 mai 2017 par le mandataire liquidateur de la société IT RH,
Condamne solidairement les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 480 763 085) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413) à verser à Mme [Z] la somme de 59 166 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute Mme [Z] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande en paiement de la somme de 272 166,36 euros à titre de rappels de salaire outre celle de 27 216,63 euros au titre des congés payés afférents,
Y ajoutant,
Condamne solidairement les sociétés Altea Asset (anciennement dénommée Venedim) et Venedim (anciennement dénommée Venedim Infrastructures – inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 518 480 413) à verser à Mme [Z] la somme de 7 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel et aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,