14 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/01090
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/01090 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M3MW
[R]
C/
Société AYMING
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 16 Janvier 2020
RG : F18/00701
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 14 JUIN 2023
APPELANT :
[Z] [R]
né le 08 Février 1980 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Me Sylvain FLICOTEAUX de la SELARL DELMAS FLICOTEAUX, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société AYMING
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Sonia FUSCO OSSIPOFF de l’AARPI Cabinet FUSCO OSSIPOFF, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mars 2023
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 Juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société AYMING, anciennement ALMA CONSULTING GROUP exerce une activité de conseil et d’optimisation dans différents domaines.
Elle applique les dispositions de la convention collective SYNTEC.
M. [Z] [R] a été embauché à compter du 5 janvier 2009 par l’établissement lyonnais de la société AYMING, aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de consultant financement de l’innovation, statut cadre au sein du Pôle Innovation.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [R] occupait les fonctions de consultant Sénior Financement de l’Innovation, statut Cadre, soumis à une convention de forfait en jours sur l’année, et bénéficiait de la classification coefficient 130, position 2.2 conformément aux dispositions de la convention collective SYNTEC.
Par courrier du 8 avril 2017, M. [R] a démissionné.
Soutenant que sa démission était la conséquence de nombreux manquements de son employeur, M. [R] a saisi, par requête du 12 mars 2018, le conseil de prud’hommes de LYON de demandes de rappel de salaire et rappel de congés payés, de nullité de la convention de forfait jour, d’indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
Par courrier du 9 avril 2018, la société AYMING a renoncé à la clause contractuelle de non-concurrence.
Par jugement du 16 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de LYON a :
dit et jugé que le calcul de l’indemnité de congés payés ne doit pas inclure les rémunérations variables
dit et jugé que M. [R] ne devait pas disposer du coefficient 3.1 ;
constaté que la Société AYMING a respecté la garantie mensuelle de 95 % du salaire conventionnel
débouté M. [R] de ses demandes suivantes
5 589,85 euros bruts à titre de rappel de congés payés
2 557,51 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 255,75 euros à titre de congés payés afférents
débouté M. [R] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
débouté M. [R] de ses demandes suivantes :
32 331,07 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires
3 233,11 euros bruts à titre de congés payés afférents
37 610,78 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
dit et jugé que la démission de M. [R] emporte les effets d’une démission pure et simple
débouté M. [R] de ses demandes suivantes :
17 465,79 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
49 315,17 euros nets à titre de dommages et intérêts
condamné la société AYMING à payer à M. [R] la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, soit 16 274,04 euros
condamné la Société AYMING à payer à Monsieur [R] la somme de 1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur les dépens.
Le 11 février 2020, M. [R] a fait appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 23 octobre 2020, M. [R] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a :
dit que l’indemnité de congés payés ne doit pas inclure les rémunérations variables et l’a débouté de sa demande de rappel à ce titre
rejeté les demandes au titre de heures supplémentaires, congés payés afférents et travail dissimulé
rejeté la demande d’indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts,
limité le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence à la somme de 16 274,04 euros ;
rejeté ses demandes à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Statuant à nouveau de ces chefs :
condamner la société AYMING à lui payer la somme de 5 589,85 euros brut à titre de rappel de congés payés ;
CONDAMNER la société AYMING à lui payer les sommes suivantes au titre des heures supplémentaires :
A titre principal :
31 885,56 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires,
3 188,56 euros bruts a titre de conges payés afférents,
37 097,27 euros nets a titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
A titre subsidiaire :
30 993,20 euros bruts e titre de rappel d’heures supplémentaires,
3 099,32 euros bruts a titre de congés payés afférents,
36 108,15 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
dire et juger que sa démission doit être requalifiée en prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, et que celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamner en conséquence la société AYMING à lui payer les sommes suivantes :
A titre principal :
17 227,32 euros bruts a titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
48 641,85 euros nets a titre de dommages et intérêts
A titre subsidiaire, si la Cour ne devait pas faire droit au rappel de congés payés :
16 767,99 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
47 344,92 euros nets à titre de dommages et intérêts
A titre subsidiaire, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de rappel d’heures supplémentaires
14 892,25 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
42 649,65 euros nets a titre de dommages et intérêts;
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour ne devait faire droit ni à la demande de rappel de congés payés, ni à la demande de rappel d’heures supplémentaires :
14 495,16 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
40 92751 euros nets a titre de dommages et intérêts ;
condamner la société AYMING à payer à M. [R] au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence :
A titre principal, la somme de 32 103,60 euros
A titre subsidiaire, si la Cour ne devait pas faire droit au rappel de congés payés, la somme de 31 247,76 euros ;
A titre subsidiaire, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de rappel d’heures supplémentaires, la somme de 27 752,16 euros
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour ne devait faire droit ni à la demande de rappel de congés payés, ni à la demande de rappel d’heures supplémentaires, la somme de 27 012,24 euros
condamner la société AYMING à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
En tout état de cause :
confirmer pour le surplus le jugement ;
condamner la société AYMING à payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
condamner la société AYMING aux entiers dépens, ceux d’appel, distraits au profit de Maitre AGUIRAUD, Avocat sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées le 31 juillet 2020, la société AYMING demande à la cour de :
confirmer le jugement
en ce qu’il a dit que le calcul de l’indemnité de congés payés ne doit pas inclure les rémunérations variables,
en ce qu’il a dit que M. [R] ne devait pas disposer du coefficient 3.1 :
en ce qu’il a dit que la Société AYMING a respecté la garantie mensuelle de 95 % du salaire conventionnel,
en ce qu’il a débouté M. [R] des demandes à titre de rappel de congés payés, à titre de rappel de salaire, et de congés payés afférents,
en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
en ce qu’il a dit que la démission de M. [R] emporte les effets d’une démission pure et simple,
en ce qu’il a débouté M. [R] des demandes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, et à titre de dommages et intérêts ;
infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la convention de forfait en jours est privée d’effet et en ce qu’il a dit que M. [R] était soumis aux modalités de décompte du temps de travail de droit commun,
confirmer le jugement en ce qu’il a néanmoins débouté M. [R] des demandes à titre de rappel d’heures supplémentaires, des congés payés afférents et d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [R] la contrepartie financière de la clause de non’concurrence, soit 16 274,04 euros
infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de la clause pénale contractuelle du fait de la violation par M. [R] de son obligation de non-concurrence,
infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [R] la somme de 1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau, de :
juger prescrites les réclamations salariales de M. [R] antérieures au 12 mars 2015,
en tout état de cause, débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes,
condamner M. [R] au paiement des sommes suivantes :
20 000 euros au titre de la clause pénale contractuelle du fait de la violation de son obligation de non-concurrence,
2 500 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
dépens éventuels dont éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023.
SUR CE,
Sur le rappel de congés payés
Aux termes de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
La SAS AYMING observe que les réclamations de M. [R], pour la période antérieure au 12 mars 2015 sont prescrites, eu égard à a date de saisine du conseil de prud’hommes.
En l’espèce, la SAS AYMING n’a pas sollicité, dans le dispositif de ses conclusions, que les demandes de M. [R], portant sur la période antérieure au 12 mars 2015, soient déclarées irrecevables car prescrites. La cour n’est donc pas saisie de cette prétention.
M. [R] fait valoir :
que la société AYMING n’a jamais tenu compte des rémunérations variables pour fixer son indemnité de congés payés ;
que des clauses du contrat de travail et avenants précisent que la rémunération variable inclut de manière forfaitaire l’indemnité de congés payés et ne spécifient nullement de modalités de calcul particulières ou l’existence d’une éventuelle majoration pour le calcul de cette indemnité ;
que les fiches de paie ne distinguent pas le montant relatif à la prime d’objectif du montant relatif aux congés payés ;
que ces clauses, qui ne sont ni transparentes ni compréhensibles, sont irrégulières
que la part variable de sa rémunération, calculée sur la base d’objectifs individuels et sur des objectifs de la société, doit être incluse dans l’indemnité de congés payés
La SAS AYMING objecte que la part variable de rémunération perçue par M. [R] comprend l’indemnité de congés payés ; que cela ressort des dispositions contractuelles claires.
Elle soutient que les objectifs de M. [R] sont fixés annuellement, notamment en fonction des résultats de la Business Unit ; que la part variable n’est pas obérée par la prise de congés payés et que M. [R] a toujours bénéficié de ses congés payés en sus de son salaire fixe comme en témoigne le reçu pour solde de tout compte.
***
Selon l’article L.3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
En vertu de l’article L.3141-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, le congé annuel prévu par l’article L.3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, cette indemnité ne pouvant être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
S’il est possible d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d’une convention expresse entre les parties, ses modalités ne doivent pas aboutir à un résultat moins favorable pour le salarié et cette clause doit être transparente et compréhensible.
Cela suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.
Le contrat de travail de M. [R] prévoit, outre une rémunération fixe, une rémunération variable dont il est stipulé que les modalités « indemnités de congés payés incluses, seront fonction des objectifs qui vous seront fixés et qui devront être réalisés sur votre temps de travail hebdomadaire normal ».
L’avenant du 3 mars 2010 contient une clause identique tandis que celui du 4 mars 2014 mentionne que la rémunération variable inclut, forfaitairement les indemnités de congé payés.
La répartition entre la rémunération et les congés payés n’est pas précisée.
Ces clauses ne sont ni transparentes ni compréhensibles.
M. [R] est donc bien fondé à solliciter le paiement d’une indemnité de congés payés sur la rémunération variable des années 2014 à 2016 inclues, soit au vu des fiches de paie versées aux débats, la somme de 2 087,30 euros, pour l’année 2014, la somme de 1 820 euros pour l’année 2015 et la somme de 1 681,70 euros pour l’année 2016, soit au total la somme de 5 589 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur la convention de forfait en jours
La société AYMING affirme que la convention de forfait est valable ; que le salarié ne s’est jamais plaint de sa charge de travail ; qu’il déclarait le nombre de jours travaillés sur l’année ; qu’il bénéficiait d’un suivi régulier et arrivait à concilier vie professionnelle et vie personnelle.
M. [R] fait valoir que les mesures prévues à l’avenant à l’accord d’entreprise sur le temps de travail conclu le 3 janvier 2013, instaurant le principe du forfait jours sont insuffisantes à garantir que l’amplitude de la charge de travail reste raisonnable ; que la société AYMING ne les a pas mises en ‘uvre dans leur intégralité, ne procédant pas au suivi effectif de sa charge de travail et ne tenant pas les entretiens sur l’organisation et la charge de travail.
Il estime que la convention de forfait est privée d’effet.
***
Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
Il résulte des articles 17, paragraphe 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, ainsi que des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Et il appartient au juge de le vérifier, même d’office.
Aux termes de l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa version, applicable à l’espèce, en vigueur du 22 août 2008 au 10 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et qui fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
En l’espèce, l’avenant n°1 à l’accord sur le temps de travail, en date du 3 janvier 2013, définit quels sont les salariés concernés par le forfait jours, le nombre de jours de repos (12) et leur utilisation, le nombre de jours travaillés (216) et prévoit notamment, au titre de l’évaluation de la charge de travail, que :
chaque année, tout salarié au forfait jours, lors de son entretien annuel étudiera avec son supérieur hiérarchique la question de l’organisation et sa charge de travail, et l’amplitude de ses journées d’activités ;
le supérieur hiérarchique devra également évaluer chaque année l’articulation entre la vie professionnelle et la vie privée du salarié ;
un document récapitulatif de contrôle du nombre de jours travaillés est établi trimestriellement et transmis au collaborateur pour validation de sa part, ce document faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnel, ou jour de repos ;
lors de la transmission trimestrielle du document récapitulatif de contrôle, un entretien aura lieu avec le supérieur hiérarchique du collaborateur qui s’assurera que l’amplitude horaire et la charge de travail sont raisonnables ;
l’administration du personnel alertera les supérieurs hiérarchiques en cas de dérive constatée lors des contrôles mensuels ;
le supérieur hiérarchique du collaborateur s’assurera de la prise des jours de repos et/ou du dépassement récurrent, étant précisé que, en l’absence de prise de repos par le collaborateur, le supérieur hiérarchique devra en analyser les causes et déterminer les mesures à prendre éventuellement ;
à tout moment, en cas de surcharge de travail, le collaborateur pourra demander un entretien avec son supérieur hiérarchique afin d’envisager des solutions concrètes ;
enfin, en cas de désaccord avec son supérieur hiérarchique, le collaborateur pourra à tout moment saisir son Responsable Ressources Humaines de cette question.
Ces stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
La convention de forfait n’est pas nulle.
La société AYMING verse aux débats les plannings individuels du salarié, établis trimestriellement et le justificatif d’un seul entretien trimestriel, en date du 24 juillet 2013. Il s’en déduit qu’aucun entretien individuel trimestriel n’a eu lieu postérieurement.
Faute pour l’employeur d’avoir respecté les stipulations de l’accord collectif, la convention de forfait en jours est privée d’effet, ainsi que l’ont relevé, à juste titre, les premiers juges.
M. [R] est fondé à revendiquer l’application à son égard des dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire du travail prévue à l’article L. 3121-10 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce.
Sur les heures supplémentaires
Le salarié soutient avoir effectué très régulièrement des heures supplémentaires, avoir rempli des feuilles de temps qui n’étaient pas prises en compte par l’employeur, et ce, malgré ses alertes quant à sa charge de travail. Il ajoute que le logiciel mis en place par la société AYMING ne permettait pas de faire apparaître les heures supplémentaires dans la mesure où seul le temps passé en mission client pouvait être renseigné par les salariés de sorte que la société AYMING ne produit aucune pièce permettant de démontrer ses horaires de travail.
La société AYMING objecte que M. [R] ne produit aucun élément de nature à étayer sa demande ; que le tableau récapitulatif ne précise ni les heures d’arrivée, ni les heures de départ, ni les temps de pause. Subsidiairement, elle fait valoir que les majorations pour heures supplémentaires doivent être calculées sur la base du taux horaire.
A titre « superfétatoire », elle souligne que les réclamations du salarié, pour la période antérieure au 12 mars 2015, sont prescrites.
***
Comme il a été dit précédemment, la SAS AYMING n’a pas sollicité, dans le dispositif de ses conclusions, que les demandes de M. [R], portant sur la période antérieure au 12 mars 2015, soient déclarées irrecevables car prescrites. La cour n’est donc pas saisie de cette prétention, conformément à l’article 954 du code de procédure civile.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En vertu de l’article L. 3121-4 du code du travail dans la version en vigueur au présent litige, «le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.»
En l’espèce, M. [R] verse aux débats, ses agendas, sur lesquels il a mentionné ses déplacements et chaque jour, le temps passé par mission, les justificatifs de certains de ses déplacements, les tableaux détaillés des heures supplémentaires effectuées depuis le 7 avril 2014, sur lesquels, il a mentionné, le nombre d’heures quotidien, pour chaque jour travaillé, le nombre d’heures hebdomadaire et le nombre d’heures supplémentaires.
Ces éléments sont suffisamment précis et permettent à l’employeur d’y répondre, or, la société AYMING ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail.
Déduction faite du temps de pause méridienne, des temps de trajets qui ne constituent pas du temps de travail effectif et des jours de réduction du temps de travail dont le salarié a bénéficié en exécution de la convention de forfait, la cour dispose d’éléments permettant de fixer le nombre d’heures supplémentaires effectuées et non rémunérées à 6 heures par mois et la créance salariale à ce titre à 9 500 euros, outre celle de 950 euros pour congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le travail dissimulé
M. [R] fait valoir que la société AYMING a programmé son outil informatique pour que les salariés ne puissent pas renseigner leur temps de travail réel, ce qui caractérise la volonté de minimiser le temps de travail.
L’employeur objecte que l’outil informatique a pour seul objectif de suivre le temps passé en mission client, afin d’assurer le suivi de la facturation et d’apprécier la rentabilité de la mission.
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La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Il ne résulte pas des éléments du dossier que l’employeur aurait entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu’elles avaient été accomplies.
Le jugement sera confirmé.
Sur la rupture du contrat de travail
M. [R] fait valoir qu’outre une indemnité de congés payés faussement calculée, l’absence de suivi de sa convention de forfait jour, l’absence d’entretien annuel de bilan de l’année 2015 et le dépassement de l’horaire hebdomadaire maximal prévu par la convention collective, il a dû assurer l’intérim de son supérieur hiérarchique et pallier les absences de deux consultantes, en burn-out. Il ajoute que la société AYMING a mis en place une méthode de management dite HOLACRACY, a modifié son compte-rendu d’évaluation réalisé le 6 décembre 2016 ; qu’il a alerté sa hiérarchie sur son mal être, sans que celle-ci ne réagisse ; qu’ainsi, il a été contraint de démissionner pour protéger sa santé et en raison des manquements graves de la société AYMING dans ses obligations d’employeur.
La société AYMING réplique que M. [R] a démissionné car il n’adhérait pas à la nouvelle forme de management et avait un autre projet professionnel ; que cette démission est intervenue alors que des discussions étaient en cours, relativement à une rupture conventionnelle.
La démission ne se présume pas ; il s’agit d’un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements suffisamment graves imputables à son employeur, et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ou, dans le cas contraire, d’une démission.
M. [R] impute la responsabilité de sa démission à la société AYMING, dans sa lettre du 8 avril 2017, qui est ainsi libellée :
« Par la présente, je vous présente ma démission de l’emploi de consultant que j’occupe dans votre société depuis le 05 janvier 2009.
Cette décision est malheureusement contrainte par la situation dans laquelle vous me placez actuellement.
En application de l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. L’employeur ne doit pas seulement diminuer le risque, mais l’empêcher. A cet égard, il est tenu d’une obligation dite de résultat.
Selon une jurisprudence constante, tout manquement par l’employeur à son obligation de résultat caractérise une faute inexcusable, lorsque « l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures de prévention ou de protection nécessaires pour l’en préserver ».
Pourtant je constate malheureusement que malgré ces obligations législatives et mes alertes répétées depuis plusieurs mois auprès de mes supérieurs hiérarchiques et de mon responsable RH, aucune action réelle et concrète n’a été engagée à ce jour.
Ce mal être et la perte de confiance dans la société sont liés notamment à l’organisation et aux conditions de travail issues du Plan de Sauvegarde de l’Emploi :
isolement au sein de la cellule expertise du pôle A,
absence de lien hiérarchique régulier,
modification a postériori et sans m’avertir du compte rendu de mon entretien annuel,
réduction de l’intérêt et de la portée du poste d’expert CIR
cellule expertise mal intégrée dans l’organisation du pôle…).
A titre d’exemple, je constate que l’annonce d’une réflexion en séminaire plénier de janvier 2017 pour « améliorer le bien-être au travail » de la cellule expertise n’a pas été suivie d’action.
En effet, alors que les phases de « Rencontre des acteurs de la communauté des experts » et « Analyse et partage des réflexions dans un cercle de travail » devaient se tenir en janvier et février, je n’ai à date ni été sollicité par les responsables de cette initiative ni eu l’occasion de voir partagé les conclusions de ce groupe de travail.
Constatant l’absence d’évolution, par rapport à une année 2016 déjà très éprouvante, de ma position au sein du pôle A et dans le fonctionnement de la cellule expertise, j’ai évoqué la possibilité de conclure une rupture conventionnelle.
Alors qu’il connaissait mon mal être, mon responsable RH s’est borné à mentionner des impératifs internes de cadencements mensuels destinés à conserver de bonnes relations avec la DIRECCTE, repoussant ainsi la possibilité de la rupture conventionnelle à des dates lointaines et imprécises, incompatibles avec l’état de souffrance que j’ai manifesté et qui a été observé par la médecine du travail.
Constatant l’absence de volonté d’Ayming de résoudre cette situation et pour préserver ma propre santé, je me vois contraint de rompre unilatéralement mon contrat de travail et de démissionner.
Par ailleurs, je vous informe que je me réserve, afin de faire valoir mes droits auprès des autorités compétentes, la possibilité de dénoncer les manquements précités ainsi que, à titre subsidiaire, de faire constater des irrégularités dans l’application des textes législatifs et de la Convention Collective Nationale. »
M. [R] verse aux débats un échange de mail du 17 octobre 2016 : il s’adresse à son supérieur hiérarchique, [D] [L] et écrit notamment « je t’ai exprimé un sentiment de mal être pour des raisons de manque d’exemplarité et de confiance au sein du pôle, des défauts d’organisation et l’absence, à titre personnel, de possibilité de se projeter dans le futur. L’holacratie nous donnera peut-être de la méthode mais pas de sens’tu as déjà essayé de m’éclairer sur ce sujet, mais comme évoqué, c’est un sentiment personnel (souffrance) que je te demande de comprendre et de prendre en compte. Tu m’as demandé de te faire part d’envie pour créer un poste sur mesure comme cela peut se faire pour certains membres de notre pôle…en terme de fonction, j’ai pensé à un poste d’auditeur interne à l’échelle de consulting de la BL FIP’je te confirme également mon souhait de m’impliquer sur le mangement de l’innovation et l’international’ ».
M. [L] lui répond le jour même « ‘je pense que compte tenu de la force des ressentis dont tu fais part, il est important que je le fasse suivre à [M]. En effet, je n’ai pas à moi seul les leviers en main pour t’apporter des réponses à la hauteur de tes attentes. Je suis désolé que tu puisses penser que je ne porte pas attention à la réalité de tes ressentis personnels. Bien au contraire, le temps que je passe à discuter avec toi pour comprendre ton point de vue et tes attentes est la preuve de l’intérêt que je porte à tes demandes’ ».
Ainsi, lorsque le salarié a fait part de son mal être, il a reçu une réponse.
M. [R] a repris ses souhaits d’évolution dans son bilan de l’année 2016, qu’il a transmis à M. [L] le 6 décembre puis le 19 décembre et dans lequel il fait état d’une année épuisante, d’un sentiment de régression de ses prérogatives et d’un isolement.
Il a ensuite déploré, au mois de janvier 2017, que son supérieur hiérarchique ait modifié le compte rendu de l’entretien annuel, ce que ce dernier a admis tout en expliquant avoir «affiné la vision de la notation des compétences’Tu étais passé en premier et je n’avais pas encore une lecture globale de l’ensemble de ces éléments…».
La modification du compte rendu n’est pas un manquement de l’employeur à ses obligations.
Finalement, le salarié a refusé de valider le compte rendu pour des motifs qu’il a détaillés dans un long mail, du 12 janvier 2017, qu’il termine par «je considère que cette situation, qui s’est progressivement dégradée malgré mes avertissements, ne me permet pas de vivre sereinement mon cadre professionnel. Malheureusement, elle se ressent désormais sur ma santé (insomnie, maux de dos’)».
Le salarié a rencontré le médecin du travail le 27 janvier 2017, auquel il a fait part de son mal être puisque le praticien a adressé un courrier au médecin traitant «M. [R] se trouve en ce moment en difficulté dans son travail, et en perte de confiance lié à sa situation de travail et se pose beaucoup de questions. Il présente des troubles du sommeil depuis peu et a du mal à sortir de ce cercle de pensées négatives. Je pense qu’il faudrait l’arrêter quelques temps afin de lui permettre de prendre du recul’de se recentrer et de prendre des décisions pour son avenir professionnel.».
M. [R] a ensuite été en arrêt de travail pour maladie du 30 janvier au 10 février 2017, puis au mois de mars, il a émis le souhait d’une rupture conventionnelle, par mail du 16 mars 2017, dans lequel il a rappelé son mal être et une perte de confiance.
Il lui a été répondu le 23 mars 2017, que son souhait de départ en rupture conventionnelle était accepté ; que la signature ne pouvait être rapide mais que pour la mettre en ‘uvre au plus vite, il lui fallait adresser son projet professionnel. Le lendemain, M. [R] a répondu en demandant d’avoir rapidement une position claire de la part d’Ayming.
L’absence de finalisation, au jour de la démission, d’une rupture conventionnelle, alors que le salarié en avait fait la demande depuis moins d’un mois, ne permet pas de considérer que l’employeur est à l’origine de la rupture.
Le mal être exprimé par le salarié n’est étayé par aucune pièce autre que ses propres mails ou courrier reprenant ses déclarations.
L’absence d’entretien de bilan de l’année 2015 n’est pas contemporain à la démission, l’absence d’entretien dans le cadre de la convention de forfait jours et l’intégration de l’indemnité de congés payés à la rémunération forfaitaire ne sont pas des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que la démission emportait les effets d’une démission.
Sur la clause de non concurrence
La société AYMING soutient que la clause de non concurrence tient compte des spécificités de l’emploi de M. [R], lequel n’avait, lors de son embauche, aucune expérience en matière d’audit d’optimisation des coûts et notamment en matière d’optimisation fiscale, est justifiée par la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, est limitée dans le temps et l’espace et comporte une contrepartie financière raisonnable.
Elle affirme ensuite que la société OVEUS nouvel employeur de M. [R], a la même activité que la sienne ; que ce dernier exerce des fonctions de consultant senior R&D Crédit impôt Recherche, de sorte qu’il n’a pas respecté son obligation de non-concurrence.
Elle ajoute qu’elle a levé l’obligation de non concurrence comme la clause le permettait, au bout d’un an.
Enfin, elle fait valoir que le montant de la contrepartie doit être calculé sur la rémunération fixe.
M. [R] fait valoir :
que la clause de non concurrence, d’une durée de deux ans, prévoit la possibilité, pour l’employeur de s’en libérer au terme d’un délai d’un an et même de la réviser
que cela laisse le salarié dans l’incertitude du contenu et de l’étendue temporelle de la clause, ce qui est prohibé ;
que cette clause a un caractère large et étendu ;
qu’au contraire de ce qu’elle a fait pour les salariés licenciés dans le cadre du PSE ou démissionnaire, la société AYMING a activé sa clause de non concurrence ;
qu’il s’y est conformé car le poste occupé chez OVEUS était un poste de consultant en stratégie et performances des organisations et que les outils acquis au sein de la société AYMING sur le CIR ne lui étaient d’aucune utilité ;
que, pour autant, la société AYMING n’a pas versé de contrepartie pécuniaire puis, au mois d’avril 2018, y a renoncé.
***
Le contrat de travail de M. [R] contient une clause de non concurrence ainsi libellée «Alma Consulting Group a développé une méthodologie particulièrement originale dans ses domaines de compétences, a construit des outils spécifiques et un véritable savoir-faire.
En outre, Alma Consulting Group investit de manière régulière des sommes importantes dans la recherche de nouveaux produits ou motifs d’économies.
Il s’agit de démarches spécifiques et originales qui sont constitutives de véritables fonds de commerce de la société. C’est la raison pour laquelle toute transmission de ce savoir-faire, de ces outils de pistes de recherches novatrices est de nature à causer à Alma Consulting Group un préjudice extrêmement important, pouvant empêcher ou gêner la rentabilisation de ces audits auprès d’entreprises « cibles ».
Alma Consulting Group doit donc, de manière légitime, défendre ses intérêts notamment par un engagement de non-concurrence souscrit par certains salariés.
En votre qualité de salarié de notre société, dans le cadre du traitement de certains dossiers, qu’ils soient de nature commerciale, juridique ou financière, vous allez, également, prendre connaissance d’informations de haute et stricte confidentialité liées à l’activité d’Alma Consulting Group.
C’est la raison pour laquelle il vous sera interdit pendant la durée de votre contrat de travail et pendant une durée de deux ans après la rupture de celui-ci et sur le territoire français, DOM-TOM inclus, à l’exception de la Corse, pour quelque motif que ce soit, de :
– Participer directement ou indirectement ou exercer toutes fonctions ou prendre une participation dans une société ayant une activité de conseil en management faisant concurrence directement ou indirectement à l’activité d’Alma Consulting Group.
– Exercer dans toute société ayant une activité d’audit semblable au département au sein duquel vous aurez évolué chez Alma Consulting Group, rémunérée selon les résultats dégagés.
– Entrer au service d’un client de la société avec lequel vous auriez été en contact durant les 24 derniers mois de votre activité professionnelle au sein d’Alma Consulting Group, pour occuper un poste faisant concurrence directement ou indirectement à l’activité d’Alma Consulting Group.
Par « client », il convient d’entendre toute personne physique ou morale ayant eu recours à nos services, ainsi Qu’aux firmes alliées aux clients placés sous leur dépendance et ce tant en France métropolitaine qu’aux DOM-TOM (à l’exception de la Corse).
La présente clause de non-concurrence s’appliquera quels que soient la nature et le motif de la rupture du contrat de travail, y compris en cas de rupture du contrat au cours ou à l’issue de la période d’essai.
10.1 – Contrepartie financière
A compter de la rupture du présent contrat par l’une ou l’autre des parties ou d’un commun accord, pour le cas où la société Aima Consulting Group n’entendrait pas vous relever de cette obligation de non-concurrence, il vous sera versé chaque mois pendant toute la durée de l’engagement de non-concurrence (24 mois), selon le calcul qui vous est le plus favorable
– 1/12ème de 25% de la partie fixe annuelle brute de votre rémunération. Ou
– 1/12ème de 20% de la moyenne des 12 derniers mois de la rémunération globale annuelle.
Cette somme vous sera donc versée, mensuellement, à compter de la cessation effective de votre activité, et pendant toute la durée de l’engagement de non concurrence sous réserve de l’alinéa qui suit
En contrepartie de cette indemnité, vous vous engagez à adresser mensuellement à Alma Consulting Group, tout justificatif établissant que vous respectez votre engagement de non-concurrence (bulletin de paie, attestation du nouvel employeur, attestation ASSEDIC…).
A défaut, Alma Consulting Group sera bien fondé à suspendre le versement mensuel de cette indemnité.
[‘]
10.3 – Clause pénale
En cas de non-respect de la clause, vous serez automatiquement redevable d’une somme forfaitaire de 20.000 euros pour chaque infraction constatée.
Dans cette hypothèse, Alma Consulting Group sera automatiquement délié de son obligation de versement de la contrepartie financière prévue au 1/ de l’article « Clause de non- concurrence » du présent contrat et, se réserve le droit de vous poursuivre et de faire ordonner, sous astreinte, la cessation de l’activité concurrentielle, et du préjudice induit.
Ce paiement forfaitaire n’empêchera pas, le cas échéant, Alma Consulting Group de réclamer judiciairement l’intégralité de son préjudice.
10.4 – Renonciation ou révision de la clause et de sa contrepartie
– Alma Consulting Group pourra libérer le salarié de la clause de non-concurrence dans un délai de quinze jours à compter de la notification du licenciement ou de la démission.
– Alma Consulting Group pourra, au bout d’un an (12 mois), à la date anniversaire de la rupture du contrat procéder à sa révision ou y renoncer à charge pour l’employeur de notifier cette révision ou cette renonciation par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un préavis d’un mois.»
La clause de clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière.
Ces conditions, appréciées à la date de sa conclusion, sont cumulatives.
Le salarié ne pouvant être laissé dans l’incertitude quant à sa liberté de travailler, la clause incluse dans le contrat de travail de M. [R] par laquelle l’employeur se réserve la faculté de renoncer pendant la période d’interdiction, aux obligations contenues dans la clause de non-concurrence et ainsi de ne plus être tenu au versement de la contrepartie financière n’est pas valable. La clause de non concurrence doit être annulée en son ensemble.
La nullité de la clause de non-concurrence ne permet pas au salarié de solliciter le paiement de la contrepartie financière mais la stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non-concurrence illicite et son respect par le salarié lui causent un préjudice, qu’il y a lieu d’évaluer.
En l’espèce, M. [R] a été dispensé d’exécuter son préavis à compter du 12 mai au soir. Il a signé un contrat de travail le 31 mai 2017 et est entré au service de la société OVEUS le 12 juin 2017, en qualité de consultant en organisation alors qu’auparavant, il était consultant « financement de l’innovation » pour la société AYMING et avait une expertise en matière de crédit impôt recherche.
Il s’est donc conformé à la clause de non concurrence. Il est fondé à solliciter une réparation du préjudice qui sera évalué à la somme de 2 000 euros, comme demandé par le salarié, pour maintien d’une clause de concurrence nulle. Le jugement sera infirmé en ce sens.
Le salarié ayant respecté la clause de non concurrence dont l’illicéité a été retenue, la demande de paiement de l’indemnité contractuelle au titre de la clause pénale formulée par la société AYMING n’est pas fondée. Le jugement sera confirmé.
Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat du travail
Il a été statué sur la demande de dommages-intérêts pour maintien d’une clause de non concurrence nulle
M. [R] fait valoir encore que la société AYMING n’a pas respecté les règles de calcul de ses congés payés, a modifié a posteriori un compte rendu d’entretien individuel, a enregistré, à son insu, une conférence téléphonique du 19 avril 2017, a placé l’enregistrement sur un site accessible à tout son service. La société AYMING réplique que M. [R] ne justifie d’aucun préjudice.
En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
L’article 1231-6 du code civil prévoit que « les dommages- intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier ne soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l’intérêt moratoire. »
M. [R] ne justifie pas de préjudice indépendant du retard dans le paiement, s’agissant des congés payés. Il ne justifie pas de préjudice subi à raison de la modification du compte rendu d’entretien individuel. Enfin, il ne démontre pas, par ses pièces n° 4-12 (planification d’une réunion à laquelle il a participé) et 4-13 (capture d’écran du réseau innovation) qu’il aurait été enregistré.
La demande de dommages-intérêts n’est pas fondée, le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles seront confirmées.
La société AYMING, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Il est équitable de condamner la société AYMING à payer à M. [Z] [R], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 1 800 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement
Infirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande au titre de rappel de congés payés sur la rémunération variable, de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires et congés payés afférents et en ce qu’il alloué une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société AYMING à payer à M. [R]
la somme de 5 589 euros au titre de rappel de salaire sur congés payés sur la rémunération variable ;
la somme de 9 500 euros pour rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre celle de 950 euros pour congés payés afférents
la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l’illicéité de la clause de non-concurrence
Déboute M. [R] de sa demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions;
Y ajoutant
Condamne la société AYMING aux dépens de première instance et d’appel.
Condamne la société AYMING à payer à M. [R] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE