Convention collective Syntec : 15 juin 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00734

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Convention collective Syntec : 15 juin 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00734

15 juin 2023
Cour d’appel de Dijon
RG
21/00734

DLP/CH

[T] [O]

C/

S.A.R.L. STUDEIS

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00734 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FZ5F

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MACON, section Encadrement, décision attaquée en date du 04 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 20/00143

APPELANTE :

[T] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Sylvain DUBRAY, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A.R.L. STUDEIS

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe OHMER de la SELARL PBO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [O] a été engagée, le 8 avril 2019, par la société SARL Studeis dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, en qualité d’ingénieur environnement, statut cadre, coefficient 105, position 2.1 de la convention collective nationale applicable « Bureaux d’études techniques ».

Le contrat d’embauche prévoyait une période d’essai de quatre mois, laquelle pouvait être prolongée exceptionnellement pour une durée de 3 mois, la salariée étant avertie par courrier avant la fin de la période d’essai initiale.

Le 3 juillet 2019, la société Studeis a signifié par écrit à Mme [O] son souhait de renouveler la période d’essai en ces termes : « pour vous donner l’occasion de confirmer votre professionnalisme et vos capacités mais aussi de parfaire vos connaissances dans notre domaine d’activité ».

Le 17 octobre 2019, la société Studeis a informé Mme [O] qu’elle ne souhaitait pas confirmer son embauche au-delà de la période d’essai renouvelée, fixant ainsi la fin des relations contractuelles au 8 novembre 2019.

Par courrier du 30 novembre 2019, la salariée a réclamé un rappel de salaire, ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail.

Elle a ensuite saisi le conseil de prud’hommes, le 2 octobre 2020, aux fins de voir juger que la rupture de son contrat de travail devait s’analyser en un licenciement abusif et aux fins d’obtenir les indemnités afférentes, ainsi que le paiement de rappel d’indemnités de prévenance et des dommages et intérêts pour retard et manquements dans le paiement régulier du salaire.

Par jugement du 4 octobre 2021, le conseil de prud’hommes a rejeté les demandes de Mme [O], sauf à condamner la société Studeis à lui verser les sommes de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour retard et manquements dans le paiement régulier du salaire et de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée le 2 novembre 2021, Mme [O] a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2022, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– condamner la société Studeis à lui payer les sommes de :

* 290,34 euros bruts à titre de rappel d’indemnités de prévenance, outre la somme de 29,03 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour retard et manquements dans le paiement régulier du salaire,

* 7 154,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 715,47 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférentes,

* 22 998 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement abusif,

– ordonner la remise de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail et de ses bulletins de paie rectifiés conformément à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard sur une durée de trois mois, à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,

– dire et juger que les sommes produiront intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter de la réception par la société Studeis de la convocation devant le bureau de conciliation, celle-ci valant sommation de payer au sens des articles 1344 et suivants du code civil,

– condamner la société Studeis à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance d’incident du 29 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et pièces annexées remises au greffe par la société Studeis le 13 mai 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA RUPTURE ABUSIVE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Mme [O] soutient que la rupture de son contrat de travail est abusive à deux titres :

– absence d’accord écrit et exprès de la salariée à la prolongation de la période d’essai ;

– détournement de l’objet de la période d’essai.

Il est jugé que, durant la période d’essai, le contrat de travail peut être rompu par l’une ou l’autre des parties. En vertu de l’article L. 1231-1 du code du travail, les dispositions relatives à la procédure de licenciement (entretien préalable, préavis, indemnité de licenciement) ne sont pas applicables à la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai.

Aucune procédure particulière n’est imposée, sauf dans l’un des cas suivants :

– la convention collective prévoit une procédure particulière,

– la rupture est en lien avec une faute commise par le salarié (la procédure disciplinaire s’applique alors),

– la rupture du contrat concerne un salarié protégé pour lequel l’autorisation de l’inspection du travail est obligatoire.

Il ressort par ailleurs de l’article L. 1221-25 du même code que lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-14 ou à l’article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

1° Vingt-quatre heures en-deçà de huit jours de présence ;

2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

3° Deux semaines après un mois de présence ;

4° Un mois après trois mois de présence.

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

La période d’essai permet de s’assurer que le salarié embauché convient au poste sur lequel il a été recruté et d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. Excepté en cas d’abus, la rupture n’entraîne le versement d’aucune indemnité (sauf celle qui vient compenser la non-exécution du délai de prévenance).

Sur le défaut d’accord de la salariée à la prolongation de la période d’essai

L’article 3 du contrat de travail de Mme [O] prévoit une période d’essai de 4 mois avec possibilité de prologation exceptionnelle de 3 mois « après avis donné par courrier à la salariée avant la fin de la période d’essai ».

L’article 7 de la convention collective nationale SYNTEC (CCN), applicable aux ingénieurs et cadres, prévoit quant à elle que : « Sauf accord entre les parties précisé dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail, tout ingénieur ou cadre est soumis à une période d’essai de trois mois qui pourra être prolongée exceptionnellement d’une période de même durée, après accord écrit du salarié ».

La salariée ne peut se prévaloir d’une contradiction entre les termes du contrat de travail concernant les modalités de prolongation de la durée de la période d’essai et la CCN applicable alors qu’il ressort expressément de cette dernière que ses dispositions s’appliquent  » sauf accord entre les parties précisé dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail « .

Il est constant que l’accord du salarié concernant le renouvellement de la période d’essai doit être exprès, à savoir clair et non équivoque. Il doit, de plus, impérativement intervenir avant le terme de la période d’essai initiale.

En l’espèce, Mme [O] s’est vue notifier, par lettre du 3 juillet 2019, la prolongation de la durée de sa période d’essai jusqu’au 8 novembre 2019. Elle expose que son accord écrit et exprès n’a pas été sollicité. Or, comme l’a relevé à juste titre le premier juge, la salariée a signé la lettre de renouvellement en y apposant la mention de son nom et de son prénom et cette lettre a été précédée, le même jour, d’un entretien de renouvellement en présence d’une tierce-personne qui a apporté son témoignage en faveur de la clarté de l’adhésion donnée par Mme [O], peu important que cette dernière en ait attesté postérieurement.

Il en résulte une manifestation claire et non équivoque de la salariée de renouveler sa période d’essai.

Ce moyen est donc inopérant.

Sur le détournement de l’objet de la période d’essai

Mme [O] considère qu’une durée de période d’essai de 7 mois pour une ingénieure de 25 ans, pourvue de peu d’expérience, engagée au niveau 2.1 de la CCN applicable et bénéficiant de peu d’autonomie pour être soumise au régime de 37 heures hebdomadaires, était disproportionnée.

Il est constant que la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience.

Ici, la CCN applicable prévoit une durée de période d’essai maximale de 8 mois, soit conforme à celle appliquée à Mme [O]. Cette dernière étant alors âgé de 25 ans et ayant peu d’expérience professionnelle, la durée de 7 mois apparaît parfaitement proportionnée, de plus fort au regard de la catégorie d’emploi occupé. Au surplus, Mme [O] ne justifie d’aucun élément permettant de conclure à un détournement de l’objet de la période d’essai.

Ce moyen est donc également inopérant.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la salariée relative à la rupture abusive de son contrat de travail et à ses prétentions indemnitaires subséquentes.

SUR LA DEMANDE RELATIVE AU DÉLAI DE PRÉVENANCE APPLICABLE À LA PÉRIODE D’ESSAI

Mme [O] prétend que l’employeur a incorrectement computé le délai de prévenance de 6 semaines qui lui était dû. Elle considère en effet que la rupture de la période d’essai lui ayant été notifiée le 17 octobre 2019, le paiement du salaire devait intervenir jusqu’au 29 novembre 2019 et non jusqu’au 27 de ce mois.

Il est constant que la date de rupture se situe au jour où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, notamment le jour d’envoi du courrier recommandé avec accusé de réception.

Au cas présent, le point de départ du délai est le 17 octobre 2019. La convention collective prévoit une semaine par mois complet d’ancienneté. Or, Mme [O] avait une ancienneté de 6 mois et 10 jours. Il en résulte, comme l’a justement retenu le premier juge, que le délai de prévenance expirait bien le 27 novembre 2019. Or, la salariée a bien été indemnisée jusqu’à cette date.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande en paiement.

SUR LA DEMANDE RELATIVE AU PAIEMENT TARDIF DES SALAIRES

Mme [O] expose que la société Studeis a payé avec retard ses salaires en invoquant des retards de paiement de ses propres clients ou des difficultés financières, ce qui ne constitue pas, selon elle, des motifs valables. Elle explique qu’elle avait des frais de location à régler, qu’elle a dû souscrire un prêt « avance premier salaire » le 11 avril 2019, ce qui a généré de l’anxiété quant à la possibilité de rembourser ce crédit à taux zéro. Elle ajoute que l’employeur a également omis, à compter du 4 juillet 2019, de la promouvoir au coefficient 115 et qu’il a encore oublié de lui payer une part des sommes qui lui étaient dues au titre du délai de prévenance, ce dernier argument devant toutefois être écarté comme n’étant pas fondé.

L’article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte et le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

Il résulte de ce texte que l’octroi de dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire dû à raison du seul retard dans l’exécution de l’obligation est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives : la mauvaise foi du débiteur et un préjudice indépendant du retard.

Ici, la mauvaise foi de la société n’est pas caractérisée et Mme [O] ne démontre pas le préjudice dont elle sollicite réparation. Elle sera donc, par infirmation du jugement querellé, déboutée de sa demande en paiement à ce titre.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme [O], qui est à l’origine d’un appel non fondé, doit prendre en charge les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions indemnisant Mme [O] au titre du retard et des manquements de la société Studéis dans le paiement régulier des salaires et en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [O] pour retard et manquements de la société Studéis dans le paiement régulier des salaires,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [O] devant le conseil de prud’hommes et à hauteur de cour,

Condamne Mme [O] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION

 


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