Convention collective Syntec : 22 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03352

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Convention collective Syntec : 22 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03352

22 juin 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/03352

C 9

N° RG 21/03352

N° Portalis DBVM-V-B7F-K7RP

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL NICOLAU AVOCATS

Me Marine FARDEAU

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 22 JUIN 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00969)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 28 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 20 juillet 2021

APPELANT :

Monsieur [V] [E]

né le 18 Mai 1958 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Alexia NICOLAU de la SELARL NICOLAU AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.R.L. EUPTECH, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Marine FARDEAU, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 mai 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 22 juin 2023.

EXPOSE DU LITIGE’:

M. [V] [E], né le 18 mai 1958, a signé une convention tripartite avec l’établissement public Pôle emploi et la société à responsabilité limitée (SARL) Euptech ayant pour objet une action de formation préalable à un recrutement (AFPR) sur un poste de formateur technique en contrat de travail à durée indéterminée. Un responsable de la formation et un tuteur ont été désignés pour M. [V] [E] dans le cadre de cette convention.

Il a été prévu entre les parties, au bénéfice de M. [E], une formation de 400 heures du 6 novembre 2018 au 1er février 2019 en vue d’acquérir les connaissances techniques et les compétences pour être en capacité d’occuper l’emploi à pourvoir.

Par email en date du 25 octobre 2018, la SARL Euptech a adressé à M. [V] [E] le programme de sa formation.

Pendant l’AFPR, M. [V] [E] a effectué plusieurs stages.

En date du 1er février 2019, la SARL Euptech a informé M. [V] [E] qu’elle ne l’embaucherait pas à la suite de sa convention AFPR.

Estimant avoir commencé à exécuter un contrat de travail, M. [V] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble par requête du 18 novembre 2019 de diverses demandes relatives à la requalification de sa convention AFPR en contrat de travail et en conséquence aux manquements de la SARL Euptech lors de l’exécution et de la rupture de ce dernier.

Par jugement en date du 28 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

– débouté M. [V] [E] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la SARL Euptech de sa demande reconventionnelle,

– condamné M. [V] [E] aux dépens

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 20 juin 2021 pour la société Euptch et le 30 juin 2021 pour M. [E].

Par déclaration en date du 20 juillet 2021, M. [V] [E] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2021, M. [V] [E] sollicite de la cour de’:

Vu la législation sus-citée ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu la jurisprudence citée ;

Vu les pièces produites ;

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 28 juin 2021 en ce qu’il a débouté M. [V] [E] de l’intégralité de ses demandes ;

Et, statuant à nouveau,

Dire et juger que la SARL Euptech n’a pas respecté la convention d’action de formation préalable à l’embauche signée entre Pôle emploi, M. [V] [E] et elle-même, cette dernière s’étant abstenue de former M. [V] [E] et lui ayant demandé de fournir de réelles prestations de travail ;

Requalifier en conséquence la convention d’action de formation préalable à l’embauche en contrat de travail à durée indéterminée ;

Condamner en conséquence la SARL Euptech à verser à M. [V] [E] la somme de 9 000 € brut à titre de rappel de salaire sur les mois de novembre 2018, décembre 2018 et janvier 2019, outre 900€ brut au titre des congés payés afférents ;

Ordonner en conséquence à la SARL Euptech de transmettre à M. [V] [E] ses bulletins de paie rectifiés de novembre 2018, décembre 2018 et janvier 2019, ainsi que son attestation Pôle emploi, son certificat de travail, son solde de tout compte, ainsi qu’une habilitation électrique sous astreinte de 200€ par jour de retard à compter du lendemain de la notification de la décision à intervenir ;

Dire et juger que le conseil de prud’hommes se réservera la possibilité de liquider l’astreinte ;

Dire et juger que la fin de la formation de M. [V] [E] le 1er février 2019 doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de la requalification de la convention de formation en contrat à durée indéterminée ;

Dire et juger que les barèmes visés à l’article L. 1235-3 du code du travail sont inconventionnels, et par conséquent les écarter pour l’appréciation du préjudice moral, financier et professionnel subi par M. [V] [E] du fait du licenciement abusif qu’il a subi ;

Condamner en conséquence la SARL Euptech à verser à M. [V] [E] la somme de 3’000’€ brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 300 € bruts au titre des congés payés afférents ;

Condamner la SARL Euptech à verser à M. [V] [E] la somme de 6 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et professionnel subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dire et juger que la SARL Euptech s’est rendue coupable de travail dissimulé ;

Condamner en conséquence la SARL Euptech à verser à M. [V] [E] la somme de 18 000 € net à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

Dire et juger que la SARL Euptech a manqué à son obligation d’exécution loyale de la relation de travail à l’égard de M. [V] [E] ;

Condamner en conséquence la SARL Euptech à verser à M. [V] [E] la somme de 5 000 € net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral, financier et professionnel subi par ce dernier du fait de ce manquement ;

Condamner la SARL Euptech à verser à M. [V] [E] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens dans le cadre de la procédure de première instance devant le conseil de prud’hommes ;

Condamner la SARL Euptech à verser à M. [V] [E] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens dans le cadre de la procédure en cause d’appel ;

Débouter la SARL Euptech de l’intégralité de ses demandes.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2022, la SARL Euptech sollicite de la cour de’:

Vus les textes et la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées au débat,

A titre principal :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 28 juin 2021,

Et par conséquent,

Débouter M. [V] [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire la Cour venait à infirmer le jugement rendu le 28 juin 2021, la SARL Euptech sollicite de :

– Dire et juger que M. [V] [E] ne justifie pas d’un préjudice au titre d’une prétendue exécution déloyale de la relation contractuelle,

– Dire et juger que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder l’équivalent d’un mois de rémunération,

– Dire et juger que M. [V] [E] ne rapporte pas la preuve d’une dissimulation d’emploi de la part de la SARL Euptech,

En tout état de cause :

– Débouter M. [V] [E] de sa demande indemnitaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [V] [E] à régler à la SARL Euptech la somme de 2.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Laisser les entiers dépens de l’instance à la charge de M. [V] [E].

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 mars 2023.

EXPOSE DES MOTIFS’:

Sur la demande de requalification de la convention tripartite d’action de formation préalable au recrutement’:

L’existence d’une relation de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité de travail.

L’élément essentiel du contrat de travail est le lien de subordination juridique qui s’établit entre l’employeur et le salarié.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

C’est à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence.

Il n’en va autrement qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient alors à celui qui invoque le caractère fictif de celui-ci d’en rapporter la preuve.

Le plus souvent, c’est l’existence d’un contrat de travail écrit, la délivrance de bulletins de paie, la délivrance de l’attestation Assedic, l’établissement d’une déclaration unique d’embauche qui établiront l’existence d’un contrat travail apparent.

Mais la seule circonstance qu’une rémunération soit qualifiée de salaire ne suffit pas à établir l’existence d’un contrat de travail en l’absence de recherche de l’existence, en fait, d’un lien de subordination.

Parmi les différents indices de la subordination et du contrôle, il y a en particulier l’intégration du salarié dans un service organisé et l’obligation de rendre compte de son activité.

L’appréciation des éléments de faits et de preuve permettant de déterminer l’existence ou l’absence de lien de subordination relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels ne sont pas tenus de s’expliquer sur les pièces qu’ils décident d’écarter ou de retenir, ni sur la portée qu’ils décident de leur accorder.

Par ailleurs, le fait de ne pas dispenser la formation prévue dans une convention tripartite entre un employeur, une personne et Pôle emploi et de faire travailler cette personne entraîne la requalification de la convention en contrat de travail. (Cass. Soc. 19 décembre 2007, pourvoi n° 06-45.139′; Cass.Soc. 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-16.349).

En l’espèce, il n’y a pas de contrat de travail apparent dès lors que M. [E] sollicite la requalification en contrat de travail de la convention tripartite entre l’établissement public Pôle Emploi, la société Euptech et lui-même dénommée d’action de formation préalable au recrutement individuel à hauteur de 400 heures qui s’est déroulée du 06 novembre 2018 au 01 février 2019.

Il apparait, s’agissant des conditions particulières de cette formation que le responsable désigné de la formation est M. [P] et que le tutorat est exercé par M. [L].

Le plan de formation mentionne également comme formateur uniquement les 17 et 18 décembre 2018 pour un volume horaire de 14 heures M. [M] (responsable de formation Schneider) avec comme contenu de l’action de formation’: «’formation formateur’: être formateur auprès d’un public adulte avec la spécificité Euptech sur les technologies Schneider Electric’: animation de groupe, retour des évaluations.’».

Ce plan de formation n’a manifestement pas été respecté puisqu’alors qu’il était prévu, du 27 au 29 novembre 2018, l’appropriation du module «’habilitation électrique basse tension’» en doublon avec tutorat, sous forme d’observation de l’animation à [Localité 7], action de formation devant être dispensée par M. [L], il apparaît que M. [E] s’est vu confier non pas comme stagiaire mais comme animateur deux sessions en semaine 48 à [Localité 5] et dans le même temps, il a été convoqué en qualité de stagiaire pour une formation SEBT’: habilitation du personnel réalisant des opérations d’ordre électrique en basse tension, du 26 au 28 novembre 2018 à [Localité 5], soit exactement la même semaine.

Certes, la société Euptech verse aux débats une attestation de M. [M] aux termes de laquelle celui-ci témoigne des faits suivants’:

«’Je suis gérant d’offre de formations à la sécurité électrique chez Schneider Electric et à ce titre, je fais appel à un réseau de sous-traitants pour réaliser nos sessions de formations, la société Euptech en fait partie. Pour garantir des formations de hautes performances, nos processus qualité définissent que la validation d’un formateur passe obligatoirement par la coanimation pour intégrer un tout nouveau formateur. En complément de la formation chez Euphtech, j’ai rencontré [V] [E] à plusieurs reprises et notamment passé en novembre 2018 une journée avec lui afin de lui transmettre les messages sécuritaires, les points importants de la réglementation et lui indiquer ce l’on attend de l’animation d’une formation. M. [E] a suivi du 7 au 10 novembre 2018 une session de formation en habilitation électrique en tant que stagiaire, formation à l’issue de laquelle, d’un commun accord, nous avons convenu d’une coanimation d’un stage du 26/11/2018 au 28/11/2018 en notre agence d'[Localité 5]. Il est d’usage, lors des stages en coanimations, de laisser le formateur seul avec les stagiaires, ceci afin de le mettre en situation réelle d’animation. Cet usage permet à l’animateur de démarrer sans avoir à ressentir de pression de la part de l’auditeur. J’ai donc demandé à M. [E] de démarrer seul la formation à 10h et je l’ai rejoint 2 heures plus tard. Toujours dans cette démarche de formation et après avoir suivi une journée complète auprès de moi, je lui ai demandé d’assurer la formation de recyclage auprès d’un public de salariés expérimentés de chez Schneider. La coanimation ne m’a pas permis de valider M. [V] [E] en raison de compétences comportementales à l’animation de stages à la sécurité électrique. M. [E] n’est pas parvenu à s’imposer dans un groupe (‘)’».

Il est effectivement produit un compte-rendu de co-animation daté du 3 décembre 2018, signé de M. [M] seul, aux termes duquel ce dernier refuse de valider l’aptitude de M. [E] à la co-animation.

Cependant, il est observé d’une première part, que ce document est à la seule en-tête de la société Schneider Electric France, que M. [M] est d’ailleurs un salarié de cette entreprise, qui n’est pas partie à la convention tripartie de stage, puisqu’il résulte des explications et pièces produites par la société Euptech que la société Schneider Electric France est sa seule cliente de son activité complémentaire de formation en habilitation électrique.

Ce document, non signé du salarié, dont il n’est pas justifié qu’il lui ait été communiqué et à quelle date et qui n’émane pas du responsable de formation ou de son tuteur tels que mentionnés dans la convention tripartie de stage ne saurait permettre d’en déduire de manière certaine que les tâches accomplies par M. [E] dans le cadre de cette session de formation à [Localité 5] s’intégraient bien à une action de formation devant être dispensée sous la responsabilité de la société Eupthech, la cour observant au demeurant, sans que cela soit décisif qu’en page 3 de la convention tripartite, il est mentionné que la formation est dispensée en interne (code 1) et non par un tutorat et un organisme externe à l’entreprise.

Surtout, d’autres éléments viennent clairement contredire les déclarations du témoin.

Il apparait en effet que M. [E], tout en animant une session de formation d’habilitation du personnel réalisant des opérations d’ordre électrique en basse tension du 26 au 28 novembre 2018, la coanimation étant discutée entre les parties, s’est vu délivrer, toujours sur un document à l’entête de la société Schneider Electric France un avis après formation par M. [M] attestant qu’il avait acquis au cours du stage diverses connaissances permettant à son employeur de lui délivrer une habilitation électrique.

M. [E] développe un moyen particulièrement pertinent tenant au fait qu’il apparaît pour le moins incompatible voire impossible à la fois d’animer une formation sur l’habilitation électrique, le cas échéant pour permettre l’obtention ou le recyclage de cette habilitation par les stagiaires, tout en n’étant pas soi-même titulaire d’une habilitation électrique et dans le même temps de se former de manière concomitante à ce titre avec les autres stagiaires.

Surtout, outre que la convocation adressée par courriel du 9 novembre 2018 vise M. [E] en qualité d’animateur, sans aucunement évoquer M. [M], il apparaît que la feuille d’émargement de cette session fait mention uniquement en qualité d’animateur de M. [E], M. [M], étant ajouté à la suite comme participant et ayant effectivement été absent le lundi matin et le mercredi après-midi, soit l’équivalent d’un tiers de la durée totale de la formation.

Les déclarations de M. [M] s’agissant d’un usage prétendu visant à laisser seul le stagiaire à un poste de formateur en habilitation électrique à l’occasion d’une session dont l’objet est de permettre à d’autres stagiaires d’obtenir ou de renouveler l’habilitation électrique n’apparaissent manifestement pas convaincantes et visent incontestablement à dissimuler le fait avéré que M. [E] a animé seul, une partie significative, de la session, sans le moindre contrôle ou la supervision, même silencieuse d’un responsable.

D’ailleurs, M. [E] produit aux débats les avis après formation des stagiaires [Y], [N], [W], [C] et Schneider qu’il a signé seul en qualité non de formateur stagiaire mais de formateur, M. [M] n’apparaissant nullement sur ces avis visant à permettre ensuite à l’employeur des intéressés de délivrer des habilitations électriques individuelles.

M. [E] justifie avoir à juste titre alerté les stagiaires par courrier du 20 juin 2019, nonobstant la lettre de mise en garde adressée ensuite par le conseil de la société Euptech le 29 juillet 2019, des conditions non conformes de délivrances de leur habilitation électrique.

Il s’en déduit que preuve suffisante est rapportée que dès le premier mois, M. [E] a, lors de cette session de formation à [Localité 5], exécuté des missions de formateur dans le cadre de ce qui ne s’analyse, en définitive, pas comme une convention de stage mais un contrat de travail.

Il est d’ailleurs particulièrement intéressant de noter que la société Euptech a fait part dans le bilan de l’AFPR à Pôle emploi dressé le 01 février 2019 d’un «’refus du client unique de travailler avec [V]. Pas de possibilité de le faire travailler sur d’autres missions’», de sorte que l’absence d’embauche ultérieure par la société Euptech ne s’est pas faite de manière déterminante à la suite d’une évaluation du responsable de formation et du tuteur mais de l’appréciation par le client d’une action de formation dispensée seul par M. [E].

Il s’ensuit, sans même qu’il soit nécessaire d’entrer davantage dans le détail de l’argumentation des parties sur d’autres tâches rattachables à un contrat de travail que M. [E] aurait pu accomplir, qu’il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, de requalifier la convention d’action de formation préalable à un recrutement à effet du 06 novembre 2018 en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à compter de cette date.

Sur les prétentions au titre du rappel de salaire’:

La requalification d’un contrat de sous-traitance en contrat de travail ne permet pas de considérer que les stipulations par lesquelles les parties ont fixé un taux horaire par heure travaillée au titre d’une prestation de service correspondent au salaire horaire convenu. (Cass. Soc., 2 février 2022, pourvoi n° 18-23.425).

Il en est de même s’agissant de la requalification d’une convention de stage en contrat de travail s’agissant de l’éventuelle gratification ou indemnité de stage versée.

En cas de requalification d’une convention en contrat de travail, le juge fixe souverainement la rémunération en contrepartie du travail fourni au vu des éléments produits, sans que celle-ci ne puisse être inférieure au minimum conventionnel ou à défaut au SMIC.

En l’espèce, il ressort de l’annonce diffusée par la société Euptech par l’intermédiaire de l’établissement public Pôle emploi que le salaire proposé par l’employeur pour un poste de formateur technique varie entre 2000 et 3000 euros pour une durée du travail de 38 heures.

La société Euptech ne développe aucun moyen utile de défense à ce titre.

Il convient, en conséquence, de condamner la société Euptech à payer à M. [E] un rappel de salaire de 9000 euros bruts sur la période de novembre 2017 à janvier 2019, outre 900 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Il convient d’ordonner à la société Euptech, sans qu’il n’y ait lieu en l’état d’assortir cette obligation d’une astreinte, de remettre à M. [E] un bulletin de paie conforme au présent arrêt.

Sur l’exécution fautive du contrat de travail’:

L’article L 1222-1 du code du travail énonce que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l’espèce, d’une première part, M. [E] développe un moyen inopérant tenant au fait que la société Euptech a détourné l’objet de la convention AFPR dès lors que la convention est en définitive qualifiée de contrat de travail.

D’une seconde part, alors que M. [E] établit qu’à trois reprises, il a bénéficié d’avis positifs pour obtenir l’habilitation électrique, la société Euptech n’a jamais accompli les démarches en vue de la lui conférer’; ce qui constitue une exécution fautive du contrat de travail requalifié eu égard aux fonctions de formateur technique en habilitation électrique.

D’une troisième part, M. [E], qui a fait l’avance de frais professionnels conséquents, n’en a été remboursé par la société Euptech que par virements du 11 janvier 2019 à hauteur de 305,19 euros et du 11 février 2019 pour un montant de 549,84 euros’; ce qui constitue une faute préjudiciable au salarié eu égard au montant modeste des indemnités perçues de la part de l’établissement Pôle emploi.

D’une quatrième part, M. [E] ne peut utilement reprocher à la société Euptech de ne pas l’avoir embauché l’issue de la période AFPR et d’avoir dans les faits utilisé la convention tripartite comme une période d’essai du contrat de travail dès lors que la convention de formation tripartite a été requalifiée en contrat de travail.

En conséquence, eu égard aux manquements retenus à l’encontre de la société Euptech dans l’exécution du contrat de travail requalifié, tenant compte pour autant de la brièveté de la période pendant laquelle ceux-ci ont perduré, il convient de la condamner à payer à M. [E] la somme de 2500 euros nets à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande à ce titre étant rejeté.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail’:

Premièrement, la société Euptech a mis fin au contrat de travail requalifié sans observer la moindre procédure de licenciement et sans notification d’un motif réel et sérieux de licenciement de sorte que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Deuxièmement, dès lors que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, M. [E] a droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3000 euros bruts, outre 300 euros bruts au titre des congés payés afférents, étant observé que le préavis conventionnel est de 1 mois d’après l’article 13 de la convention SYNTEC applicable au contrat de travail.

Troisièmement, l’article 24 de la Charte sociale européenne énonce que :

En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.

Ces dispositions sont d’application directe dans le système juridique français s’agissant des modalités qu’elles prévoient pour réparer le licenciement injustifié d’un travailleur et peuvent dès lors être invoquées dans un litige entre deux particuliers en ce que :

– elles n’ont pas pour objet exclusif de régir uniquement les relations entre les Etats parties mais concernent les rapports entre un employeur et un travailleur,

– elles garantissent un droit précis, clair et inconditionnel pour le travailleur en cas de licenciement injustifié : obtenir le versement d’une indemnité adéquate ou d’une autre réparation appropriée,

– cet article ne prévoit aucune marge de manoeuvre aux Etats parties qui « s’engagent à reconnaître le droit (…) ».

Par ailleurs, la partie III de la Charte précise que les Etats parties sont tenus, au-delà de la déclaration d’objectifs à atteindre, de s’engager à être liés sur un nombre minimum d’articles, tout en pouvant faire des réserves’:

Partie III

Article A

– Engagements

1

Sous réserve des dispositions de l’article B ci-dessous, chacune des Parties s’engage :

A à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;

B à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte: articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20;

C à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d’articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu’elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés.

2

Les articles ou paragraphes choisis conformément aux dispositions des alinéas b et c du paragraphe 1 du présent article seront notifiés au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe lors du dépôt de l’instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation.

3

Chacune des Parties pourra, à tout moment ultérieur, déclarer par notification adressée au Secrétaire Général qu’elle se considère comme liée par tout autre article ou paragraphe numéroté figurant dans la partie II de la Charte et qu’elle n’avait pas encore accepté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article.

Ces engagements ultérieurs seront réputés partie intégrante de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation et porteront les mêmes effets dès le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période d’un mois après la date de la notification.

4

Chaque Partie disposera d’un système d’inspection du travail approprié à ses conditions nationales.

Les articles H ‘ Relations entre la Charte et le droit interne ou les accords internationaux de cette même Charte et I Mise en oeuvre des engagements souscrits permettent clairement d’en déduire qu’il ne s’agit pas uniquement d’objectifs à atteindre mais bien d’engagements contraignants pour les Etats parties s’agissant des articles pour lesquels ils se sont estimés liés’:

Les dispositions de la présente Charte ne portent pas atteinte aux dispositions de droit interne et des traités, conventions ou accords bilatéraux ou multilatéraux qui sont ou entreront en vigueur et qui seraient plus favorables aux personnes protégées.

Article I ‘ Mise en ‘uvre des engagements souscrits

1 Sans préjudice des moyens de mise en ‘uvre énoncés par ces articles, les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en ‘uvre par :

a la législation ou la réglementation;

b des conventions conclues entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs;

c une combinaison de ces deux méthodes ;

d d’autres moyens appropriés.

(‘)

– l’Etat français n’a formulé aucune réserve, et notamment au titre de la partie III. Article A, ENGAGEMENTS, à la Charte sociale européenne dont il a accepté l’application de l’ensemble des articles. Si d’autres pays comme l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande et la Suisse connaissent également des dispositifs voisins ou similaires de barèmes et/ou de plafonds d’indemnisation d’un licenciement injustifié, force est de constater que l’Allemagne a fait une déclaration le 29 mars 2021 pour dire qu’elle n’était pas liée par l’article 24, la Belgique ne s’est pas déclarée liée par ce même article, le Danemark a fait des réserves notamment sur l’article 24 dans une déclaration du 3 mai 1996 et la Suisse n’a pas signé et ratifié la Charte révisée. Le royaume d’Espagne est certes lié par l’article 24 de la Charte sociale européenne mais il sera justement vu ensuite que certaines de ses juridictions l’appliquent et ont jugé le système d’indemnisation nationale des licenciements injustifiés comme non conforme

– aucun acte complémentaire des Etats n’est nécessaire pour que ces stipulations produisent des effets à l’égard des particuliers dès lors que l’Etat a instauré un organe pour connaître des litiges relatifs à un licenciement allégué comme injustifié ; ce qui est le cas en vertu de l’article L 1411-1 du code du travail confiant au conseil de prud’hommes, compétence pour régler les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient,

– la Charte sociale européenne à tout le moins dans sa version initiale du 18 octobre 1961 est directement visée par l’article 151 du traité de l’Union européenne

– la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit en son article 30 Protection en cas de licenciement injustifié’:

« Tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales. ».

Par ailleurs, le socle européen des droits sociaux, proclamé le 17 novembre 2017 par le Conseil de l’UE, le Parlement européen et la Commission européenne durant le Sommet social de Göteborg dispose en son principe 7 :

« (‘)

Avant tout licenciement, les travailleurs ont le droit d’être informés des motifs du licenciement et de bénéficier d’un délai raisonnable de préavis. Ils doivent avoir accès à des mécanismes de résolution de litiges efficaces et impartiaux et, en cas de licenciement injustifié, bénéficier d’un droit de recours ainsi que d’une indemnisation adéquate. ».

– dans une décision Syndicat CFDT de la métallurgie de la Meuse v. France, réclamation n°175/2019 cc-175-2019 du 05 juillet 2022 rendue publique le 30 novembre 2022, le Comité européen des droits sociaux, chargé de veiller à la bonne application de la Charte sociale européenne, a ainsi conclu’:

« Dans ses arguments, la CFDT de la métallurgie de la Meuse indique que les réformes introduites par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 à l’article L.1235-3 du code du travail, ainsi que sa mise en ‘uvre, violent l’article 24 de la Charte.

Le Comité rappelle qu’en vertu de l’article 24.b de la Charte, les États parties doivent reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

Un système d’indemnisation est jugé conforme à la Charte s’il prévoit :

l’indemnisation de la perte financière encourue entre la date du licenciement et celle de la décision de l’organe de recours ;

la possibilité de réintégration du salarié ; et/ou

une indemnité d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et réparer le préjudice subi par la victime (Finnish Society of Social Rights c. Finlande, réclamation no 106/2014, op.cit., par. 45 ; Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL) c, Italie, réclamation no 158/2017, op.cit., par. 87). Les indemnités en cas de licenciement abusif doivent être à la fois proportionnelles au préjudice subi par la victime et suffisamment dissuasives pour l’employeur. (Conclusions 2016, Macédoine du Nord, article 24). Tout plafonnement qui aurait pour effet que les indemnités octroyées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives est contraire à l’article 24 de la Charte (Finnish Society of Social Rights c. Finlande, réclamation no 106/2014, op.cit.). En cas de plafonnement des indemnités accordées en compensation du préjudice matériel, la victime doit pouvoir demander réparation pour le préjudice moral subi par d’autres voies juridiques, et les juridictions compétentes pour accorder une indemnisation pour le préjudice matériel et moral subi doivent se prononcer dans un délai raisonnable (Conclusions 2012, Slovénie; Conclusions 2012, Finlande).

Aux fins de l’appréciation de la présente réclamation, le Comité entend se concentrer sur la question de savoir si l’article L.1235-3 du code du travail respecte les conditions de réintégration et d’une indemnisation adéquate énoncées aux point (b) et (c) ci-dessus.

Réintégration

S’agissant de la question de la réintégration, le Comité constate qu’en droit français, la réintégration est facultative pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse. Selon l’article L.1235-3 du code du travail, si un salarié est licencié pour une cause non réelle et sérieuse, le tribunal peut proposer qu’il soit réintégré, avec maintien de tous ses avantages acquis, et si l’une des parties s’oppose à cette réintégration, le tribunal accorde à la place au salarié une indemnité. En ce qui concerne la réintégration dans les cas de licenciements abusifs les plus graves, qui sont nuls et non avenus, l’article L.1235-3-1 du code du travail prévoit que, dans ces cas, lorsque le salarié ne demande pas la réintégration ou que sa réintégration est impossible, le juge lui accorde une indemnité.

À cet égard, le Comité renvoie à sa décision relative à l’affaire Finnish Society of Social Rights c. Finlande, réclamation no 106/2014, op.cit., par. 55 : « ‘bien que l’article 24 de la Charte ne fasse pas expressément référence à la réintégration, il se réfère à une indemnisation ou à une autre réparation appropriée. Le Comité considère qu’une autre réparation appropriée doit inclure la réintégration comme l’un des modes de réparation dont les juridictions internes peuvent disposer (‘). Il appartient aux juridictions internes de décider si la réintégration est appropriée dans le cas d’espèce ».

Le Comité a également souligné « avoir considéré de manière constante que la réintégration doit être prévue comme mode de réparation en vertu de nombreuses autres dispositions de la Charte telle qu’interprétée par le Comité, par exemple en vertu des articles 8§2 et 27§3 » (Finnish Society of Social Rights c. Finlande, réclamation no 106/2014, op.cit., par. 55). En l’espèce, le Comité observe que la réintégration est l’un des recours possibles prévus par la loi française. Le Comité considère que tant qu’existe la possibilité pour les travailleurs licenciés sans cause réelle et sérieuse d’être réintégrés au même poste ou à un poste similaire, la situation est conforme à l’article 24.b de la Charte à cet égard.

Indemnisation adéquate

En ce qui concerne la question de l’indemnisation, le Comité renvoie à Confédération Générale du Travail Force Ouvrière (CGT-FO) c. France, réclamation n° 160/2018, et Confédération générale du travail (CGT ) c. France, réclamation n° 171/2018, décision sur le bien-fondé du 23 mars 2022, dans laquelle il a conclu à la violation de l’article 24.b de la Charte au motif que le droit à une indemnisation adéquate ou à toute autre réparation appropriée au sens de l’article 24.b de la Charte n’était pas garanti.

Le Comité a considéré que des plafonds d’indemnisation fixés par l’article L.1235-3 du code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur. En outre, le juge ne dispose que d’une marge de man’uvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. Pour cette raison, le préjudice réel subi par le travailleur en question, lié aux circonstances individuelles de l’affaire peuvent être prises en compte de manière inadéquate et, par conséquent, ne pas être corrigées.

A cet égard, le Comité a pris connaissance de la récente décision de la Cour de cassation (Chambre Sociale, arrêt du 11 mai 2022, pourvois n° 21-14.490 et 21-15.247) qui, en rejetant la demande du requérant relative aux plafonds fixés par le code du travail, a considéré que la Charte s’inscrit dans une « logique programmatique » et que son article 24 n’a pas d’effet direct en droit français. En outre, la Cour a estimé que les décisions du Comité ne sont pas de nature juridictionnelle et ne sont donc pas contraignantes pour les Etats parties. Tout cela a conduit la Cour de cassation à conclure que l’article 24 de la Charte ne peut pas être invoqué par les travailleurs ou les employeurs dans les litiges portés devant les tribunaux.

Le Comité prend note de l’approche adoptée par la Cour de cassation. Il rappelle que la Charte énonce des obligations de droit international qui sont juridiquement contraignantes pour les États parties et que le Comité, en tant qu’organe conventionnel, est investi de la responsabilité d’évaluer juridiquement si les dispositions de la Charte ont été appliquées de manière satisfaisante. Le Comité considère qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer sur la question en cause (in casu, une indemnisation adéquate) à la lumière des principes qu’il a énoncés à cet égard ou, selon le cas, qu’il appartient au législateur français de donner aux juridictions nationales les moyens de tirer les conséquences appropriées quant à la conformité à la Charte des dispositions internes en cause (voir mutatis mutandis, Confédération des entreprises suédoises c. Suède, réclamation n° 12/2002, décision sur le bien-fondé du 22 mai 2003, par. 43).

Le Comité considère à la lumière de l’ensemble des éléments ci-dessus que, du fait que dans l’ordre juridique interne français, l’article 24 ne peut être directement appliqué par les juridictions nationales pour garantir une indemnisation adéquate aux travailleurs licenciés sans motif valable, le droit à une indemnité au sens de l’article 24.b de la Charte n’est pas garantie en raison des plafonds fixés par l’article L.1235-3 du code du travail.

Le Comité dit qu’il y a violation de l’article 24.b de la Charte à cet égard.’».

Il s’évince de cette décision du Comité chargé par l’accord international de vérifier la bonne application par les Etats parties de la Charte sociale européenne et notamment de son article 24 que celle-ci énonce des obligations juridiquement contraignantes et non uniquement des principes et des objectifs lorsqu’un Etat partie s’est déclaré lié par cette disposition et qu’il appartient «’aux juridictions nationales de statuer sur la question en cause (in casu, une indemnisation adéquate) à la lumière des principes qu’il a énoncés à cet égard ou, selon le cas, qu’il appartient au législateur français de donner aux juridictions nationales les moyens de tirer les conséquences appropriées quant à la conformité à la Charte des dispositions internes en cause’».

– il y a lieu de relever que dans un arrêt en date du 10 février 2014, le Conseil d’Etat français (recours n° 358992) a jugé que’:

«’4. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des stipulations de l’article 2 de la convention internationale du travail n° 158 de l’Organisation internationale du travail que les Etats signataires disposent de la faculté d’exclure du champ d’application de la convention certaines catégories de travailleurs soumis à un régime spécial ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents produits par le ministère des affaires étrangères, que la France a fait usage de cette faculté, à l’occasion de la remise de son premier rapport d’application de la convention en octobre 1991, en excluant du champ d’application de la convention les salariés du secteur public relevant  » d’un statut spécifique d’origine réglementaire ou législative  » ; que, dès lors, les agents des chambres de métiers étant soumis à un tel statut spécifique arrêté par les textes d’application de la loi du 10 décembre 1952, M. B… ne peut utilement contester la légalité des dispositions des articles 7 et 15 de la décision attaquée en ce qu’elles autorisent le licenciement d’un secrétaire général pour perte de confiance, en invoquant la méconnaissance des stipulations de cette convention ;

5. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 24 de la Charte sociale européenne :  » En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître : / a. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ; / b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. / A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial  » ; que ces stipulations, dont l’objet n’est pas de régir exclusivement les relations entre les Etats et qui ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers, peuvent être invoquées utilement par M. B…pour contester la légalité des articles 7 et 15 de la décision contestée en ce qu’ils permettent le licenciement d’un secrétaire général d’une chambre de métiers pour  » perte de confiance mettant en cause le bon fonctionnement de l’établissement  » ; qu’eu égard aux responsabilités exercées par le secrétaire général d’une chambre de métiers, aux relations de confiance qu’il doit nécessairement entretenir avec les élus de la chambre et leur président, afin que le bon fonctionnement de l’établissement public puisse être assuré, le motif de licenciement pour perte de confiance prévu par les dispositions contestées constitue, sous le contrôle du juge, un  » motif valable  » au sens des stipulations précitées de l’article 24 de la Charte sociale européenne ;’».

Aucune justification objective ne permet de traiter différemment le licenciement d’un salarié du secteur privé de celui d’un agent public qui peut invoquer l’applicabilité de l’article 24 de la Charte sociale européenne dans un conflit individuel avec son employeur.

– la Cour constitutionnelle italienne a considéré que l’Italie était liée de manière contraignante par l’article 24 de la Charte sociale européenne qu’elle avait signée et ratifiée lorsqu’elle a déclaré non conforme une loi ayant instauré un plafonnement des indemnités de licenciements injustifiés par référence à l’article 24 de la Charte sociale européenne et à son interprétation donnée par le Comité des droits sociaux dans la réclamation concernant la législation finlandaise (Cour Constitutionnelle Italienne décision 25 septembre 2018).

En outre, dans une décision du 29 mars 2022 (270/2022), le Tribunal Suprême espagnol, dans un litige ne concernant certes pas l’indemnisation d’un licenciement injustifié, a directement fait référence à l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée. (septièmement, point 4).

Surtout, dans une décision en date du 30 janvier 2023, le tribunal supérieur de justice de Catalogne (n°6219/2022 SJS, Barcelona, núm. 6, 02-11-2021 (proc. 359/2020).STSJ CAT 2/2023) a directement fait application notamment de l’article 24 de la Charte sociale européenne pour allouer une indemnisation supérieure au plafond prévu par la loi espagnole, considérant l’indemnisation clairement insuffisante (941,78 euros légalement dus contre 4435,08 euros alloués) en faisant référence à un nombre chaque fois plus important de décisions qui admettent la possibilité d’une indemnisation supérieure à celle fixée par la loi nationale (SSTSJ Cataluña 23.04.2021 (núm. Rec. 5233/2020) et 6762/2021, 14.07.2021)).

Une réclamation a d’ailleurs été enregistrée par le Comité des droits sociaux s’agissant de la législation espagnole d’indemnisation des licenciements. (Unión General de Trabajadores (UGT) c. Espagne Réclamation n° 207/2022). La réclamation a été enregistrée le 24 mars 2022. Elle porte sur l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée. L’UGT allègue que la législation espagnole relative aux licenciements individuels sans cause (article 56 du décret royal législatif n° 2/2015 du 23 octobre 2015 approuvant le texte révisé de la loi sur le Statut des travailleurs et l’article 110 de la loi n° 36/2011 du 10 octobre 2011 réglementant la juridiction sociale) ainsi que la législation subséquente sont contraires à l’article 24 de la Charte en ce qu’elles prévoient un système de calcul légalement prédéterminé ne permettant ni de moduler l’indemnisation légalement prévue ou évaluée pour qu’elle corresponde à la totalité du préjudice subi, ni de garantir son effet dissuasif.

Une autre réclamation a été enregistrée le 18 novembre 2022 avec le même objet. (n° 218/2022 Confederación Sindical de Comisiones Obreras (CCOO) c. Espagne).

Il n’existe aucune justification objective au fait qu’une même norme internationale ayant fait l’objet d’une signature et d’une ratification par différents Etats comme la Charte sociale européenne puisse être invocable directement par un plaignant dans un litige entre particuliers dans certains Etats et pas dans un autre et ce d’autant plus que cette invocabilité a été reconnue en France par l’ordre juridictionnel administratif dans un litige entre un agent public et son employeur et que le Comité européen des droits sociaux a rappelé dans sa décision précitée que l’article 24 de la Charte sociale européenne n’énonçait pas de simples objectifs à atteindre mais constituait une disposition contraignante pour les Etats Parties qu’il appartenait aux juridictions de mettre en ‘uvre et ce, dans l’hypothèse où l’Etat s’est estimé lié par cette disposition.

Le Comité a certes avancé l’alternative selon laquelle «’il appartient au législateur français de donner aux juridictions nationales les moyens de tirer les conséquences appropriées quant à la conformité à la Charte des dispositions internes en cause’».

Il s’agit toutefois du contrôle de conventionalité des lois prévu par l’article 55 de la Constitution du 4 novembre 1958 dont la compétence revient au juge et qui l’autorise à laisser inappliquée une loi contraire à un engagement international signé et ratifié par la France. (Cass.24 mai 1975, 73-13.556, Publié au bulletin).

D’une seconde part, les barèmes énoncés à l’article L 1235-3 du code du travail sont manifestement contraires à l’article 24 de la Charte sociale européenne en ce qu’ils ne permettent pas, ainsi que l’a indiqué à plusieurs reprises le Comité des droits sociaux, une indemnisation adéquate du salarié ayant fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse dans toutes les situations eu égard aux plafonds instaurés en fonction de l’ancienneté et du salaire, particulièrement faibles pour les anciennetés les moins élevées.

Tout au plus, la législation française met en ‘uvre un mécanisme à vocation dissuasive des licenciements injustifiés en permettant en application de l’article L 1235-4 du code du travail à la juridiction de condamner l’employeur à rembourser à l’organisme social les indemnités chômage dans la limite de 6 mois d’indemnités perçues dont l’effectivité est pour autant largement amoindrie par l’exception très large énoncée à l’article L 1235-5 du même code mais ne respecte pas la seconde condition cumulative tenant à la prise en compte de l’ensemble des circonstances particulières de l’espèce pour la détermination d’une indemnité adéquate puisque les seuls critères sont le salaire et l’ancienneté avec une fourchette particulièrement resserrée pour les petites et moyennes anciennetés. Il est ainsi observé qu’alors que la législation prévoyait antérieurement un minimum d’indemnisation équivalent à 6 mois de salaire pour les salariés de plus de 2 ans d’ancienneté et employés dans une entreprise comptant plus de 11 salariés, le juge étant dans les autres cas souverain dans l’appréciation du préjudice subi, l’indemnité maximale est de 3,5 mois d’équivalent de salaire pour 2 ans d’ancienneté, de 4 pour 3 ans d’ancienneté et il est instauré un plafond de 6 mois d’équivalent de salaire à 5 ans d’ancienneté.

D’ailleurs, dans son dernier rapport de décembre 2021, le Comité d’évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social et aux relations de travail sous l’égide de France Stratégie (lettre de mission de Mme la ministre du travail du 28 septembre 2017 désignant Mme [H], M. [T] et M. [B] pour présider un Comité chargé d’évaluer les effets économiques et sociaux des ordonnances du 24 septembre 2017) a relevé’:

«’2.3.

Un effet de resserrement des montants des indemnités, qui concerne plus particulièrement les salariés avec des anciennetés assez faibles

Dans le cadre d’un appel à projets de recherche (APR 1) financé par la Dares sur l’impact des ordonnances sur les relations individuelles de travail et sur la gestion de l’emploi, une équipe coordonnée par [K]. [I] et [Z]. [O] (voir annexe 3 sur présentation de la recherche et de la méthodologie) s’intéresse notamment à cette question. Les auteurs ont présenté au Comité le 30 septembre 2021 des premiers résultats de leur recherche, qui repose sur l’analyse d’un échantillon d’arrêts de cours d’appel concernant des affaires antérieures (pour 240 arrêts datant d’octobre 2019 et octobre 2020) ou postérieures à l’instauration du barème (pour 106 arrêts datant de février et mars 2021). Pour constituer ces échantillons, les décisions de cours d’appel ont été sélectionnées à partir de mots clés (les articles du code du travail relatifs à l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse). Ce qui donnait pour chaque mois, en moyenne, un corpus d’environ 400 arrêts de cours d’appel. Pour la période ante-barème, le choix a ensuite été fait de retenir les deux mois les plus « neutres » quant à l’activité de cour d’appel (les mois d’octobre) et de sélectionner les premiers arrêts par ordre de numérotation de JURICA pour garantir le caractère aléatoire de l’échantillon. Pour la période post-barème, il a fallu sélectionner des arrêts suffisamment tardifs (février, mars 2021) pour qu’ils portent sur des licenciements prononcés après le 23 septembre 2017 (date de mise en ‘uvre du barème). L’analyse et la comparaison des arrêts font ressortir différents constats relatifs au montant des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixées par les cours d’appel. Tout d’abord, pour les arrêts postérieurs à la mise en place du barème, le barème est globalement appliqué par les juges (même s’il y a encore des incertitudes juridiques sur la conventionalité du barème).

Pour ces affaires, seuls 9 arrêts ont accordé des indemnités supérieures au plafond (environ 10 %) et 3 arrêts un montant inférieur au plancher. En conséquence, on constate logiquement un resserrement des montants des indemnités versées entre ces plancher et plafond.

Avant application du barème, en moyenne les salariés gagnant en appel reçoivent une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 7,9 mois de salaire brut et en médiane de 6,5 mois. La taille de l’entreprise, l’ancienneté, l’âge et le sexe du salarié influent sur ces montants. Si l’on compare les montants décidés alors avec les planchers et plafonds fixés ensuite par l’ordonnance, 44 % de l’échantillon se situent dans cette fourchette et 55 % de ces indemnités étaient supérieures au plafond. Ces indemnités supérieures au plafond concernaient pour 63 % des salariés ayant moins de 5 ans d’ancienneté et quasiment tous les salariés ayant entre 2 ans et 5 ans d’ancienneté, dans les entreprises d’au moins 11 salariés, qui étaient à l’époque concernés par le plancher de 6 mois de salaires minimum. Ce sont donc les salariés ayant une ancienneté inférieure à 5 ans qui sont les plus susceptibles d’être concernés par la mise en place du plafond.

Après mise en ‘uvre du barème, si on compare en mois de salaires avec la période ante-ordonnances, l’indemnité moyenne de licenciement sans cause réelle et sérieuse apparaît légèrement plus faible (6,6 mois de salaires) ainsi que la médiane (6 mois). Le minimum est plus élevé en 2021, le maximum moins élevé et l’écart-type est réduit. Les écarts de niveau d’indemnisation les plus importants entre les deux périodes le sont pour les deux tranches d’ancienneté inférieure à 5 ans, confirmant que ce sont ces salariés les plus affectés par le barème.

Si on prend en compte l’ensemble des indemnités versées, on constate également que pour ces arrêts les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse représentent en moyenne 50 % du montant total des indemnités versées (le reste pouvant être constitué d’indemnités légales de licenciement, d’indemnités de congés payés ou de préavis, ou de rappels de salaires), alors que le pourcentage était de 64 % pour la période ante-ordonnances. Selon les auteurs, « ce changement dans la structure des indemnités globales en cour d’appel pourrait être expliqué par deux effets : le plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse (ILSCRS) dû au barème et la hausse des indemnités légales, tous deux introduits par l’ordonnance de 2017 ». Si cette évolution se confirmait, elle pourrait traduire un « intérêt financier à agir » se déportant sur l’indemnité légale de licenciement, notamment dans le cas de contestation du caractère « grave » de la faute, et les demandes de rappel de salaires. Cette remarque est à rapprocher d’une autre partie de la recherche en cours qui est une analyse statistique des licenciements sur la période 2015-2019. Cette analyse fait apparaître, à ce stade, qu’au sein des licenciements pour motifs personnels, la part des licenciements pour « faute grave et lourde » pourrait être en augmentation depuis 2017, peut-être sous le double effet de l’augmentation de l’indemnité légale prévue par les ordonnances qui n’est pas versée dans ce type de licenciement et du moindre coût attendu d’un contentieux de ces licenciements, en lien avec le barème. À ce stade, ces premiers résultats sont encore très provisoires et nécessiteront des travaux complémentaires pour les confirmer ou les infirmer.

(‘)

2.4. Enseignements et perspectives pour la suite de l’évaluation

Les premiers éléments de conclusion de ces travaux montrent donc que le barème est majoritairement appliqué par les juges et qu’il a un effet maximal à la baisse sur le montant des indemnités pour les salariés ayant entre 2 ans et 5 ans d’ancienneté dans les entreprises de 11 salariés ou plus. Ce sont pour ces salariés que l’intérêt (financier) à agir s’affaiblirait d’abord. L’effet est moindre pour les salariés ayant une ancienneté au-delà de 5 ans.

Cette étude relève aussi qu’il y a relativement peu d’écarts entre les décisions des CPH et les cours d’appel (où siègent des juges professionnels), y compris avant l’instauration du barème. Sur le panel d’arrêts concernant des affaires antérieures à 2017, et pour les 107 arrêts pour lesquels le montant de l’indemnité initial est mentionné, la moitié des indemnités versées en cour d’appel sont d’un montant équivalent à celles décidées en première instance dans les conseils des prud’hommes, l’autre moitié se partageant également entre montants inférieurs (25 %) et montants supérieurs (26 %)’».

Les premières études de l’application concrète des barèmes confirment en conséquence qu’ils ne permettent pas une indemnisation adéquate des licenciements sans cause réelle et sérieuse en particulier, mais pas exclusivement, pour les salariés ayant une ancienneté faible ou réduite.

En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’étudier le moyen tiré de l’inconventionnalité du barème au regard de l’article 10 de la convention OIT n°158, eu égard à l’applicabilité directe de l’article 24 la Charte sociale européenne et au fait que les barèmes d’indemnisation prévus par l’article L 1235-3 du code du travail ne garantissent pas au salarié licencié de manière injustifiée, hors les cas de nullités, une indemnité adéquate, en l’espèce avec un plafond équivalent à un 1 mois de salaire au maximum, il y a lieu d’écarter purement et simplement ceux-ci et d’apprécier souverainement les éléments de préjudice suivants pour déterminer une indemnité adéquate réparant, en l’absence de réintégration, le préjudice subi à raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse’:

– M. [E] avait 59 ans au jour de son licenciement injustifié

– il était dans une démarche d’adaptation et de reconversion professionnelle par l’intermédiaire de Pôle emploi qui a été mise en échec par la rupture injustifiée du contrat de travail requalifié

– il justifie avoir déclaré pour l’année 2019 des indemnités chômage de 8167 euros et avoir bénéficié d’une entraide familiale, son fils lui ayant versé la somme de 2500 euros le 28 décembre 2018 à titre de pension alimentaire et celle de 3618,44 euros à titre d’aide frais de procès et charges courantes.

Le préjudice subi du fait de la perte injustifiée de l’emploi est dès lors particulièrement significatif nonobstant la durée réduite de la relation contractuelle tant les perspectives de retour à l’emploi sont obérées.

Il convient en conséquence de condamner la société Euptech à payer à M. [E] la somme de 6000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quatrièmement, il y a lieu d’ordonner à la société Euptech de remettre à M. [E] des documents de rupture (attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte) conformes au présent arrêt, sans qu’une astreinte ne soit en l’état ordonnée.

Sur le travail dissimulé’:

Au visa des articles L 8223-1 et L 8221-5 du code du travail, si l’élément matériel du travail dissimulé est effectivement établi, M. [E] ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe de l’élément intentionnel dès lors que s’il est retenu que sous couvert d’une convention d’AFPR, M. [E] a accompli certaines tâches normales relevant de l’exécution du contrat de travail de formateur pour le compte de la société Euptech dès le premier mois, celle-ci justifie pour autant avoir par ailleurs dispensé certes en quantité et en qualité notablement insuffisantes et sans suivre le plan de formation, certaines formations à M. [E] de sorte qu’il ne peut en être déduit de manière évidente une volonté de détourner l’objet de la convention tripartite.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris par substitution de motifs en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur les demandes accessoires’:

L’équité commande de condamner la société Euptech à payer à M. [E] une indemnité de procédure de 2500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Euptech, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’;

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [E] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REQUALIFIE la convention d’action de formation préalable à un recrutement à effet du 06 novembre 2018 en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à compter de cette date

DECLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [E] par la société Euptech

CONDAMNE la société Euptech à payer à M. [E] les sommes suivantes’:

– neuf mille euros (9000 euros) bruts à titre de rappel de salaire de novembre 2017 à janvier 2019

– neuf cents euros (900 euros) bruts au titre des congés payés afférents

– trois mille euros (3000 euros) bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– trois cents euros (300 euros) bruts à titre de congés payés afférents

RAPPELLE que les intérêts au taux légal sur ces sommes courent à compter du 20 novembre 2019

– deux mille cinq cents (2500 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

– six mille euros (6000 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

RAPPELLE que les intérêts au taux légal sur ces deux sommes courent à compter du prononcé de l’arrêt

ORDONNE à la société Euptech de remettre à M. [E] un bulletin de salaire et des documents de rupture (attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte) conformes au présent arrêt

DIT n’y avoir lieu en l’état à prononcer d’une astreinte

DÉBOUTE M. [E] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société Euptech à payer à M. [E] une indemnité de procédure de 2500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Euptech aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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