Présomption d’innocence : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/06872

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Présomption d’innocence : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/06872

7ème Ch Prud’homale

ORDONNANCE N°6/2023

N° RG 21/06872 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SFOS

M. [U] [X]

C/

Mme [K] [L]

Ordonnance d’incident

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ORDONNANCE MISE EN ETAT

DU 12 JANVIER 2023

Le douze janvier deux mille vingt trois, date indiquée à l’issue des débats du mardi huit novembre deux mille vingt deux, devant Madame Liliane LE MERLUS, Magistrat de la mise en état de la 7ème Ch Prud’homale,

assisté de Françoise DELAUNAY, Greffier, lors des débats et lors du prononcé

Statuant dans la procédure opposant :

DEMANDEUR A L’INCIDENT :

Monsieur [U] [X]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Cloé DELAMARCHE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

APPELANT

DÉFENDEUR A L’INCIDENT :

Madame [K] [L]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Géraldine MARION de la SELARL CABINET ADVIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me BECHERIE-LE COZ, avocat au barreau de RENNES

INTIMEE

A rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [K] [L] a été engagée selon un contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 2017 par M. [U] [X], médecin généraliste à [Localité 5].

Elle exerçait les fonctions de secrétaire médicale à temps partiel en télétravail au domicile de son compagnon et employeur, M. [X].

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective du personnel des cabinets médicaux.

Le 31 janvier 2020, Mme [L] a déposé plainte à l’encontre M. [X] pour des faits de viols et violences sur concubine. M. [X] ayant été placé en détention provisoire et incarcéré suite à cette plainte, il a cessé son activité.

Par courrier en date du 11 mai 2020, Mme [L] a notifié à son employeur sa démission aux motifs suivants:

– Viol sur concubine

– Violences

– Messages malveillants

– Non règlement du salaire depuis le 1er février 2020

– Non règlement du complément d’indemnisation maladie.

***

Sollicitant le paiement de diverses sommes et indemnités, Mme [L], après avoir saisi le 15 mai 2020 le conseil de prud’hommes de Quimper en sa formation de référés et avoir été renvoyée, par ordonnance du 23 juillet 2020, à se pourvoir au fond, a saisi le conseil de prud’hommes de Quimper par requête en date du 9 décembre 2020 afin de voir :

Au titre de l’exécution du contrat de travail :

– Condamner Monsieur [U] [X] à lui verser les sommes suivantes :

– 571,62 euros bruts au titre du rappel de salaire du 1er au 13/02/2020 ;

– 2 347,60 euros bruts au titre-du rappel d’indemnisation maladie du 14/02 au 08/05/2020 ;

– 1 732,90 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

Au titre de la rupture du contrat de travail :

– Condamner Monsieur [U] [X] à lui verser les sommes suivantes :

– 1 251,54 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 125,15 6 bruts de congés payés sur l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 426,04 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 2 503,08 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

– Condamner Monsieur [U] [X] à lui délivrer les bulletins de salaires de février à mai 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision,

– Condamner Monsieur [U] [X] à lui délivrer les documents de rupture : un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100euros par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision,

– Condamner Monsieur [U] [X] à verser à Maître Nathalie Of-Savary, avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme de 2 500 euros TTC sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991

– Condamner Monsieur [U] [X] aux entiers dépens.

M. [X] n’était ni présent, ni représenté lors de l’audience.

Par jugement en date du 24 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Quimper a statué ainsi qu’il suit :

– Dit que la prise d’acte du 11 mai 2020 de Madame [L] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Fixe le salaire de référence de Madame [L] à 1 251,54 euros bruts.

En conséquence,

– Condamne Monsieur [U] [X] à payer à Madame [K] [L] les sommes suivantes :

– 571,62 euros bruts au titre du rappel de salaires du 1er au 13 février 2020

– 2 347,60 euros bruts au titre du rappel d’indemnisation maladie du 14 février au 8 mai 2020.

– 1 732,90 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.

– 1 251,54 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.

– 125,15 euros bruts au titre des congés payés afférents.

– 426,04 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement.

– 2 503,08 euros nets au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

– Dit que les créances salariales portent intérêts au taux légal à dater de la réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation valant mise en demeure soit le 15 décembre 2020.

– Dit que les condamnations à des dommages-intérêts portent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.

– Ordonne à Monsieur [U] [X] de remettre à Madame [K] [L] les documents suivants, conformes à la décision :

– Les bulletins de salaire de février à mai 2020.

– Un bulletin de paye récapitulatif.

– Un certificat de travail.

– Une attestation Pôle emploi.

Sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement et ce, pendant 90 jours.

– Dit que le conseil de prud’hommes connaîtra de la liquidation de l’astreinte.

– Ordonne l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile.

– Déboute Me Nathalie Of-Savary de sa demande au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

– Met les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d’une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 08 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d’huissiers de justice.

***

M. [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 02 novembre 2021.

Il a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident aux fins de sursis à statuer.

En l’état de ses dernières conclusions d’incident transmises par son conseil sur le RPVA le 1er février 2022, M. [X] demande au conseiller de la mise en état de :

– Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

– Déclarer sa demande recevable et bien fondée,

– Ordonner in limine litis de suspendre la présente instance dans l’attente de la décision de la Cour de cassation saisie sur pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes du 05 novembre 2021 et du jugement correctionnel à venir et, plus généralement, dans l’attente de l’issue des procédures pénales en cours,

– Condamner Madame [K] [L] au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Réserver les dépens.

En l’état de ses dernières conclusions d’incident transmises par son conseil sur le RPVA 12 mai 2022, Mme [L] demande au conseiller de la mise en état de :

– A titre principal, déclarer irrecevable l’exception soulevée aux fins de sursis à statuer.

– A titre subsidiaire, ordonner qu’il n’y a pas lieu de suspendre la présente instance dans l’attente de la décision de la Cour de cassation saisie sur pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes du 5 novembre 2021 et du jugement correctionnel à venir.

En tout état de cause,

– Condamner Monsieur [X] à payer à Maître Géraldine Marion la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.

– Joindre les dépens au fond.

***

Par ordonnance de référé en date du 14 juin 2022, le Premier Président de chambre délégué par ordonnance de M. le Premier Président de la cour d’appel de Rennes a :

– Rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

– Cantonné les effets à la somme de 5 200 euros, cette somme incluant les versements déjà effectués par M. [X] entre les mains de Mme [L].

– Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.

– Rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

***

L’incident a été fixé à l’audience du 08 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [X] expose qu’une audience devant la cour de cassation a d’ores et déjà été fixée au 16 février 2023 mais que le conseiller rapporteur et l’avocat général concluent à la non admission du pourvoi, que par ailleurs aucune date n’a été fixée pour son renvoi devant le tribunal correctionnel ; qu’il bénéfice donc de la présomption d’innocence et qu’il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de suspendre l’instance dans l’attente des décisions afférentes à l’instance pénale, indispensables pour que la cour puisse apprécier en toute connaissance de cause le litige qui lui est soumis, le conseil de prud’hommes ayant considéré que les faits invoqués à l’origine (viols aggravés et violences aggravées, messages malveillants réitérés) étaient suffisamment graves pour rendre la démission équivoque et justifiaient donc la requalification en prise d’acte de rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors qu’il ressort déjà des éléments versés au dossier que les accusations précitées n’ont pas été retenues et qu’il existe des pièces afférentes à la procédure pénale en cours devant la cour de cassation qu’il souhaite verser aux débats mais ne peuvent en l’état être transmises.

Mme [L] soutient à titre principal que la demande, s’agissant d’une demande de sursis à statuer constituant une exception de procédure, est irrecevable, faute d’avoir été soulevée avant toute défense au fond par M. [X] qui lui a fait signifier simultanément ses conclusions d’appelant et ses conclusions d’incident le 22 février 2022 ; à titre subsidiaire, qu’indépendamment de leur qualification pénale elle a reproché à son employeur des faits de violences pour lesquels la procédure est pendante devant le tribunal correctionnel et que l’issue de cette procédure n’est nullement indispensable à l’appréciation du litige prudhomal, qui n’a pas pour objet de statuer sur la réparation du dommage causé par l’infraction, les violences reprochées à l’employeur n’ayant pas nécessairement à répondre d’une qualification pénale; qu’en outre l’employeur passe sous silence les autres manquements graves relatifs au non paiement des créances salariales.

***

En application de l’article 74 alinea 1 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent effectivement, à peine de nullité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir, et la demande de suspension de l’instance, impliquant que la cour saisie au fond de l’appel du jugement prudhomal ne puisse statuer dans l’attente de décision d’une juridiction pénale, est une exception de procédure.

Mais en l’espèce, M. [X] a soumis au conseiller de la mise en état, appelé à statuer avant que la cour ne statue au fond, des conclusions d’incident, in limine litis, c’est à dire en tout début de litige, peu important qu’il ait transmis de manière concomittante des conclusions de fond, lesquelles ne peuvent être considérées comme antérieures aux conclusions d’incident.

Sa demande d’incident est donc recevable.

Il résulte de l’article 4 alinea 3 du code de procédure pénale que le simple dépôt d’une plainte pénale n’impose pas la suspension du jugement des actions à fin civile autres que celle en réparation du dommage causé par l’infraction.

En l’espèce, des faits de violence peuvent constituer, ou non, en fonction de circonstances qu’il appartient à la salariée d’établir, en même temps que leur preuve dans le cadre de l’instance prudhomale, une faute civile de l’employeur dans la relation contractuelle, indépendamment d’une éventuelle qualification pénale, de sorte que la décision pénale n’a pas nécessairement d’incidence sur la décision civile.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de suspension de la présente instance d’appel dans l’attente de l’issue des procédures pénales en cours.

L’application de l’article 700 du code de procédure civile n’est pas justifiée dans le cadre de l’incident et M.[X], dont la demande est rejetée, doit être condamné aux dépens de celui-ci.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable la demande de suspendre la présente instance dans l’attente de la décision de la Cour de Cassation saisie sur pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes du 05 novembre 2021 et du jugement correctionnel à venir et, plus généralement, dans l’attente de l’issue des procédures pénales en cours, mais mal fondée et la rejette,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d’incident,

Condamne M. [U] [X] aux dépens de l’incident.

Le Greffier Le Conseiller de la mise en état

 


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