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ARRET N° 139.
N° RG 22/00269 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKHC
AFFAIRE :
M. [E] [T]
C/
Mme [O] [T]
MCS/LM
Demande en réparation des dommages causés par d’autres faits personnels
Grosse délivrée
aux avocats
COUR D’APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
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ARRET DU 06 AVRIL 2023
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Le SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur [E] [T]
né le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 6] ([Localité 6]), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Aïssatou FADIABA-GOURDONNEAU, avocat au barreau de LIMOGES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002539 du 18/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Limoges)
APPELANT d’une décision rendue le 01 mars 2022 par le Tribunal judiciare de LIMOGES
ET :
Madame [O] [T]
née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 5] ([Localité 5]), demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Emmanuelle POUYADOUX, avocat au barreau de LIMOGES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002045 du 27/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Limoges)
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 05 janvier 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2022.
La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Mme Mandana SAFI, Greffier. A cette audience, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 2 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. A cette date le délibéré a été prorogé au 16 mars 2023, puis au 30 mars 2023 et au 06 avril 2023.
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LA COUR
EXPOSE DU LITIGE :
Le 20 novembre 2017, Mme [O] [T], alors âgée de 37 ans, a déposé une plainte à l’encontre de son père, M. [E] [T], pour des infractions à caractère sexuel commises à son encontre pendant sa minorité, entre le 12 février 1984 et le 1er janvier 1995.
Le 10 janvier 2019, le ministère public a classé la procédure indiquant que ‘les faits révélés ou dénoncés dans la procédure constituent bien une infraction mais le délai fixé par la loi pour pouvoir les juger est dépassé’.
Par acte d’huissier du 18 décembre 2019, Mme [T] a fait assigner M. [T] devant le tribunal de grande instance de Limoges aux fins d’obtenir réparation de son préjudice.
Par ordonnance du 16 mars 2021, le juge de la mise en état a débouté M. [T] de ses fins de non-recevoir tirées de la prescription de l’action engagée et du défaut de qualité et d’intérêt à agir de Mme [O] [T].
Par jugement du 1er mars 2022, le tribunal judiciaire de Limoges a condamné M. [T] à payer à Mme [T] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Par déclaration effectuée dans des conditions de forme et de délai non contestées du 7 avril 2022, M. [E] [T] a relevé appel de ce jugement.
L’affaire a été orientée à la mise en état.
*****
Par conclusions signifiées et déposées le 7 juillet 2022, M. [E] [T] demande à la Cour d’infirmer le jugement critiqué, et statuant à nouveau, de débouter Mme [T] de l’intégralité de ses prétentions et de la condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées et déposées le 1er septembre 2022, Mme [O] [T] demande à la Cour de confirmer le jugement, sauf à porter à la somme de 25 000 euros le montant des dommages-intérêts, et de condamner M. [T] aux entiers dépens.
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La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
La clôture de la procédure a été prononcée le 23 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
L’action de Mme [O] [T] est fondée sur les dispositions de l’article 1240 du Code civil aux termes duquel ‘tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.’
Contrairement à ce que soutient M. [E] [T] dans ses écritures, la prescription de l’action pénale n’empêche pas l’exercice de l’action civile devant la juridiction civile laquelle ne porte pas atteinte au principe de la présomption d’innocence, dès lors que le juge civil doit apprécier la force probante des éléments de preuve qui lui sont soumis, étant rappelé qu’il incombe à la partie qui se dit victime de faits constitutifs d’une faute civile, de supporter la charge de la preuve.
Par ailleurs, il sera rappelé qu’il a été jugé par le juge de la mise en état le 16 mars 2021que l’action de Mme [O] [T] n’est pas prescrite, que cette ordonnance non frappée d’appel par M. [E] [T] est définitive, de sorte que la discussion sur la question de la prescription de l’action civile reprise par ce dernier dans ses conclusions d’appel, est sans objet comme se heurtant à l’autorité de chose jugée.
Mme [O] [T] expose que son père, M. [E] [T], se serait livré sur elle alors qu’elle était mineure de l’âge de ses 4 ans à l’âge de ses 15 ans à des attouchements et à des agressions sexuelles. Elle a décrit lors de son audition, les circonstances dans lesquelles se sont déroulées ces agressions.
M. [E] [T] conteste les faits, et soutient qu’il s’agit en réalité d’un complot ourdi par ses enfants, dont Mme [O] [T], et leur mère (Mme [F] épouse [T]), dans le cadre de la procédure de liquidation du régime matrimonial suite au divorce. Devant la cour, il ne produit aucune pièce à l’appui de cette thèse.
Si Mme [O] [T] a déposé plainte tardivement le 20 novembre 2017 après le départ de M. [E] [T] du domicile conjugal, intervenu en février ou mars 2017, et qu’il a existé une situation conflictuelle à partir de cette date entre celle-ci et son père, il ressort de la lecture des procès verbaux d’enquête pénale qu’elle avait effectué, alors qu’elle était mineure, des confidences à des proches sur les agissements de son père à son égard (à sa soeur, [W] [T] épouse [K], qui a elle même relaté lors de sa déposition des agressions sexuelles sur sa personne commise par M. [E] [T] , à son cousin [M] [I] lequel a relaté une confidence faite par Mme [O] [T] en 1984 ou 1985 selon laquelle celle-ci lui avait indiqué qu’elle devait faire des trucs bizarres à son père et qu’il la touchait).
Mme [O] [T] produit le courrier de sa mère daté du 18 septembre 2001 dans lequel celle-ci évoque clairement les relations sexuelles de son mari avec sa fille [W] et fait reproche à ses deux filles ([W] et [O]) ne pas avoir dit à ‘[E]’ quand il s’intéressait à elles , ‘ je vais le dire à Maman’.
Par ailleurs, un autre témoin entendu pendant l’enquête (la tante maternelle, Mme [R] [F]) rapporte l’existence de relations sexuelles de M. [E] [T] avec sa fille [W] et les confidences de ce dernier quant aux sentiments qu’il éprouvait pour celle-ci, et ce témoin évoque également avoir eu connaissance par son fils, [M] [I], des confidences qu’il avait reçues, de [O] [T], alors mineure.
[Y] [T], frère de Mme [O] [T] rapporte les propos reçues de sa soeur [W] quant il avait 13 ans, celle-ci lui ayant dit avoir des relations sexuelles avec son père et lui ayant demandé de surveiller sa soeur par rapport à son père, qui était bizarre et qui se rapprochait trop près d’elle.
L’ensemble de ces témoignages circonstanciés sont concordants entre eux, ainsi qu’avec les déclarations de Mme [O] [T] quant au comportement incestueux de son père à son égard quant elle était mineure.
Si M. [E] [T] indique, dans ses conclusions, avoir entamé des poursuites judiciaires pour dénonciation calomnieuse, il n’en justifie nullement à ses pièces.
Dans ces conditions, se trouve suffisamment rapportée la preuve du comportement fautif de M. [E] [T] à l’égard de sa fille, [O], alors mineure consistant à lui imposer des attouchements et des agressions sexuelles, lesdits actes en raison de leur nature et de leur répétition, ayant généré pour celle-ci, un préjudice psychologique dont elle justifie par la production de l’attestation du Docteur [H] , psychiatre lequel indique que ‘ la prise en charge a été nécessaire à compter de la résurgence du souvenir des faits qu’elle dénonce.’
C’est par une juste appréciation que le premier juge a alloué à Mme [O] [T], une indemnité de 10 000 € en réparation du préjudice subi, et sa décision sera donc confirmée.
*Sur les demandes accessoires :
Succombant en ses prétentions et en son recours, M. [E] [T] supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant contradictoirement, publiquement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Dit que les dépens d’appel seront supportés par M. [E] [T].
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,
Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.