OM/CH
[M] [O] épouse [N]
C/
Association INTERBEV BOURGOGNE FRANCHE-
COMTÉ
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 16 JUIN 2022
MINUTE N°
N° RG 20/00366 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FRLE
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section ACTIVITÉS DIVERSES, décision attaquée en date du 17 Septembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00100
APPELANTE :
[M] [O] épouse [N]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Félipe LLAMAS de la SELARL LLAMAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
Association INTERBEV BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Marlène BRUCHE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
Marie-Françoise ROUX, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [N] (la salariée) a été engagée le 1er septembre 2010, par contrat à durée indéterminée, à temps partiel, en qualité de secrétaire assistante par l’association Interbev Bourgogne Franche-Comté (l’employeur).
Elle a été licenciée le 27 avril 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Estimant ce licenciement infondé, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 17 septembre 2020, a rejeté toutes ses demandes.
La salariée a interjeté appel le 15 octobre 2020.
Elle demande l’infirmation du jugement et le paiement des sommes de :
– 1 572,28 euros d’indemnité compensatrice de préavis,
– 157,22 euros de congés payés afférents,
– 1 554,30 euros d’indemnité spéciale de licenciement,
– 6 290 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est demandé, à titre subsidiaire, de ramener les éventuelles condamnations à de plus justes proportions.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 14 janvier et 9 avril 2021.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
La salariée a été déclarée inapte le 3 avril 2018.
1°) Elle soutient que cette inaptitude est imputable au comportement de l’employeur en raison de la pression permanente exercée par sa supérieure hiérarchique, Mme [S].
Elle fait état de la lettre du Dr [X] du 22 février 2018 qui indique que la salariée présente un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des difficultés relationnelles avec sa supérieure hiérarchique sur le second poste de travail les mardis et vendredis matins.
Le Dr [I], psychiatre, note le 6 mars 2018, un syndrome dépressif lié à un épuisement professionnel.
L’avis d’inaptitude ne concerne que l’employeur, puisque la salariée a été déclarée apte à travailler auprès d’un autre employeur, le même jour.
Le dossier individuel de santé au travail, versé au débat, relève une souffrance morale au travail, une dépression d’origine professionnelle et un risque psycho-social en lien avec : « les facteurs organisationnels de l’activité professionnelle ».
La dégradation de l’état de santé est établie.
L’employeur conteste avoir manqué à son obligation de sécurité.
Il relève que les arrêts de travail ne correspondent pas à des arrêts pour maladie professionnelle, que les médecins se bornent à reprendre les propos de leur patiente et que le médecin du travail a constaté une inaptitude, « hors invalidité 2 ou 3 et hors AT/MP ».
Il se reporte aux attestations de MM. [L] et [R] faisant état d’une bonne ambiance au travail.
La cour n’est pas liée par la procédure diligentée en parallèle pour la reconnaissance d’une maladie professionnelle.
Il convient de relever que le médecin du travail a établi une inaptitude uniquement avec l’employeur chez lequel la salariée avance avoir été victime de pression constante et non chez son autre employeur, une aptitude étant admise, le même jour.
Par ailleurs, le dossier médical de la médecine du travail (pièce n° 11) ne permet pas de retenir que la cause de l’inaptitude réside dans une souffrance morale au travail lorsqu’il indique : « V reprise suite à arrêt pour souffrance morale au W voir notes.
Inaptitude ce jour sans reclassement ».
Mais, ce même document ajoute comme données cliniques, à la suite de la rencontre du 3 avril 2018 et après examen clinique : « dépression » et comprend la réponse « OUI » dans les cases « origine professionnelle » et « cause inaptitude ».
L’inaptitude de la salariée est donc d’origine professionnelle.
Le licenciement est, en conséquence, sans cause réelle et sérieuse ce qui entraîne l’infirmation du jugement sur ce point.
2°) La salariée doit obtenir, au regard d’une rémunération moyenne brute de 786,14 euros, une indemnité compensatrice de préavis de 1 572,28 euros et 157,22 euros de congés payés afférents.
Sur l’indemnité de licenciement, la salariée demande un reliquat de 1 544,30 euros en indiquant avoir déjà perçu la somme de 1 500 euros mais demande le doublement de cette indemnité.
Cependant, même si l’inaptitude a pour origine le comportement de l’employeur, il ne s’agit pas d’une maladie professionnelle ni d’un accident du travail.
Dès lors, le doublement de l’indemnité de licenciement ne peut être obtenu en application des dispositions de l’article L. 1226-14 du code du travail.
La demande sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au regard d’une ancienneté de 7 années entières et du barème prévue à l’article L. 1235-3 du code du travail, il convient de l’évaluer à 3 900 euros.
Sur les autres demandes :
1°) Sur le préjudice distinct, la salariée invoque une détérioration de son état de santé et l’obligation d’avoir un suivi psychiatrique.
Le préjudice distinct n’est pas automatique et doit être démontré.
Ici, l’attitude de l’employeur a été prise en compte dans l’origine de la rupture du contrat de travail et la salariée ne démontre pas un autre préjudice indemnisable qui ne peut résulter de la seule poursuite d’un traitement médical.
La demande sera rejetée et le jugement confirmé.
2°) Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’employeur et le condamne à payer à la salariée la somme de 1 500 euros.
L’employeur supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :
– Infirme le jugement du 17 septembre 2020 sauf en ce qu’il rejette les demandes de Mme [N] en paiement d’un reliquat d’une indemnité spéciale de licenciement et de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;
Statuant à nouveau sur tous les autres chefs :
– Dit que l’inaptitude médicalement constatée de Mme [H] est la conséquence du comportement de l’association Interbev Bourgogne Franche-Comté ;
– Condamne l’association Interbev Bourgogne Franche-Comté à payer à Mme [N] les sommes de :
* 1 572,28 euros d’indemnité compensatrice de préavis,
* 157,22 euros de congés payés afférents,
* 3 900 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y ajoutant :
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’association Interbev Bourgogne Franche-Comté et la condamne à payer à Mme [N] la somme de 1 500 euros ;
– Condamne l’association Interbev Bourgogne Franche-Comté aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffierLe président
Frédérique FLORENTINOlivier MANSION