COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2022
N° 2022/
CM/FP-D
Rôle N° RG 19/03535 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD4AX
[O] [U]
C/
[F] [K] (MINEUR)
Association L’UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5]
Copie exécutoire délivrée
le :
24 NOVEMBRE 2022
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-
PROVENCE
Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 13 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00113.
APPELANT
Monsieur [O] [U], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
et par Me Michel IZARD, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
INTIMES
Maître [F] [K] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société PARTNER COTE D’AZUR, demeurant [Adresse 2]
non représenté
Association L’UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Sylvain MOSQUERON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 21 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Catherine MAILHES, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.
ARRÊT
réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022,
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] (le salarié) a été embauché le 29 septembre 1995 par la société menuiserie [Y] en qualité de magasinier selon contrat à durée déterminée, transformée en contrat à durée indéterminée le 1er mars 1996.
Le contrat de travail a été repris par la société Partner Côte d’Azur (la société) le 16 décembre 1996 dans le cadre d’un transfert légal.
La société Partner Côte d’Azur est une société de négoce et de distribution de menuiseries et de tout élément entrant dans le second oeuvre du bâtiment, offrant un service de menuiseries neuves et un autre de rénovations et se fournissant exclusivement auprès de la SA commercialisation de menuiserie industrielle (dite SCAMI) dont le siège est situé à [Localité 7] dans les Bouches-du-Rhône.
Le salarié a occupé les postes de magasinier, puis en 2001 le poste de responsable logistique pour le magasin de [Localité 3].
En 2007, il a été nommé responsable des agences de [Localité 3] et de [Localité 6].
En octobre 2009, le site de [Localité 6] a été fermé.
Le 30 avril 2014, M. [U] a été placé en arrêt de travail.
Le 27 octobre 2014, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Grasse en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
La société Partner Côte d’Azur été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation selon lettre recommandée avec accusé de réception remise le 29 octobre 2014.
Le 30 septembre 2015, le conseil de prud’hommes a radié l’affaire du rôle.
Le 22 octobre 2015 le salarié a fait une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d’assurance-maladie.
Le 30 novembre 2015 le salarié a informé la société de son placement en invalidité de la deuxième catégorie.
Le 15 décembre 2015, le salarié a saisi le tribunal d’instance afin de voir reconnaître l’existence d’une unité économique et sociale entre sept sociétés dont la société Partner Côte d’Azur.
Le 4 janvier 2016, le médecin du travail a, lors d’un premier examen de reprise, déclaré le salarié inapte temporaire.
Le 19 janvier 2016 le salarié a été déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise par le médecin du travail.
Le 2 mars 2016, la caisse primaire d’assurance-maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie ‘épuisement professionnel’.
Le 3 mars 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour le 14 mars 2016.
Le 18 mars 2016, le salarié a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Le 10 janvier 2017, le tribunal d’instance a déclaré irrecevable l’action de M. [U] aux fins de voir reconnaître l’existence d’une unité économique et sociale et ce dernier a, le 30 janvier 2017 interjeté appel de ce jugement.
Le 14 février 2017, M. [U] a remis au rôle du conseil de prud’hommes l’affaire introduite initialement aux fins de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, de fixer le passif de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur, de condamner au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis pour 8600 euros, d’une indemnité compensatrice de préavis pour 5055,30 euros, d’une indemnité de licenciement de 22’933 euros, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, d’un rappel d’heures supplémentaires pour la période d’octobre 2011 à avril 2014, d’une indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité et de résultat, de dommages-intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation et à titre subsidiaire, de condamner au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis pour 8600 euros, de l’indemnité de licenciement doublé pour 45’804 66 euros et de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel sur l’existence d’une unité économique.
Le 15 septembre 2017, la société Partner Côte d’Azur a été placée en liquidation judiciaire.
Maître [F] [K] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Partner Côte d’Azur et l’AGS CGEA de [Localité 5] a été appelé en la cause.
Par jugement du 13 février 2019, le conseil de prud’hommes de Grasse a :
débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes ;
débouté la société Partner Côte d’Azur prise en la personne de Maître [B] en qualité de mandataire judiciaire de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [U] aux dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 28 février 2019, M. [U] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 16 février 2019, aux fins d’annulation, d’infirmation ou à tout le moins de réformation en ce qu’il n’a pas fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur les sommes suivantes : 70’000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, 35’993,96 euros à titre de rappel de salaire des heures supplémentaires pour la période d’octobre 2011 à avril 2014, 25 1800 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, 10’000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité résultat, 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation ; en ce qu’il n’a pas prononcé la résiliation Judiciaire du contrat de travail de M. [U], en ce qu’il n’a pas fixé en conséquence au passif de la société Partner Côte d’Azur les sommes suivantes : 50’900 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 8600 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 22’933 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, 5055,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ; en ce qu’il n’a pas subsidiairement et en outre fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société les sommes suivantes : 8600 euros d’indemnité compensatrice de préavis, 45’866 euros d’indemnité légale de licenciement doublée ; en ce qu’il n’a pas sursis à statuer sur la légitimité du licenciement dans l’attente de la procédure en cours devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence sur l’existence d’une unité économique et sociale, sauf à lui donner acte qu’il a sollicité de ce chef l’allocation d’une somme de 50’900 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 17 octobre 2019, M. [U] demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes ci-dessus listées et, statuant à nouveau de :
dire qu’il a été victime de harcèlement professionnel,
dire que les manquements de l’employeur justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs,
prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur à la date du 18 mars 2016, celle-ci devant produire les effets d’un licenciement nul et sans cause réelle ni sérieuse,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société partner Côte d’Azur :
59’000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle ni sérieuse
14’750,13 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
3623,17 euros à titre de solde indemnité légale de licenciement,
subsidiairement,
surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pendante devant la cour d’appel d’Aix en Provence sur l’existence d’une unité économique et sociale,
dire et juger le licenciement nul et sans cause réelle ni sérieuse,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur les sommes suivantes :
59’000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle ni sérieuse,
14’750,13 euros bruts à titre d’indemnité spéciale de préavis,
30’410,91 euros à titre de solde d’indemnité légale de licenciement doublée,
en tout état de cause,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur les sommes suivantes :
70’000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
35’993,96 euros bruts au titre des heures supplémentaires impayées,
29’500,26 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
10’000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité résultat,
5074,41 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
5000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit à un individuel à la formation,
3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
les entiers dépens de la présente instance et d’appel,
dire et juger que l’arrêt à intervenir sera déclaré opposable au CGEA dans la limite de sa garantie et qu’il devra procéder à l’avance des créances au passif de la liquidation.
Malgré acte d’huissier du 22 mai 2019 délivré à domicile à Me [K] en qualité de liquidateur de la société Partner Côte d’Azur, auprès de la secrétaire qui a déclaré être habilitée à recevoir la copie de l’acte et qui l’a accepté, par lequel il a été assigné en constitution d’avocat devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence avec signification de la déclaration d’appel, notification des conclusions de l’appelant du 21 mai 2019, du bordereau de pièces communiquées le 21 mai 2019, Me [K] en qualité de mandataire liquidateur de la société Partner Côte d’Azur n’a pas constitué avocat.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 29 juillet 2019, et signifiées à Maître [K] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Partner Côte d’Azur selon acte d’huissier du 16 décembre 2019 remis à domicile auprès de la secrétaire qui a accepté de recevoir la copie, l’Unedic, délégation AGS CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :
constater son intervention forcée et l’en dire bien fondée,
confirmer le jugement entrepris,
dire que M. [U] n’a subi aucune situation de harcèlement moral,
dire que M. [U] n’a pas effectué d’heures supplémentaires,
dire que la société Partner Côte d’Azur n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,
dire que M. [U] n’a pas été privé d’information sur ses droits individuels à la formation et ses droits relatifs à la prévoyance,
débouter M. [U] de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes relatives aux indemnités de rupture,
dire bien fonder le licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement,
débouter M. [U] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de sa demande d’indemnité de licenciement doublée,
dire que M. [U] a dû percevoir au titre de son solde de tout compte indemnité légale de licenciement et l’indemnité compensatrice de congés payés,
à titre subsidiaire si la cour devait faire droit à la demande de résiliation judiciaire de son travail,
fixer la date de la résiliation à la date de l’envoi de la lettre de licenciement,
*si la société occupait plus de 11 salariés, au visa des dispositions de l’article L. 1235 ‘ 3 du code du travail,
débouter l’appelant de sa demande égale à 12 mois de salaire et limiter l’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à une indemnité égale à six mois de salaire,
*si la société occupait moins de 11 salariés, au visa de l’article L. 1235 ‘ 5 du code du travail,
dire et juger que l’appelant peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi et réduire à de plus faibles proportions la somme réclamée,
en tout état de cause,
dire et juger que la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’entre pas dans le cadre de la garantie du CGEA,
dire et juger qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre des concluants et que la décision à intervenir ne peut tendre qu’à la fixation d’une éventuelle créance en deniers ou quittances,
dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évaluée le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
dire et juger que la décision à intervenir sera déclarée opposable au concluant dans les limites de la garantie et que le CGEA ne devra procéder à l’avance des créances aux articles L.3253 ‘6 et L. 3253 ‘ 8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253 ‘ 15, L. 3253 ‘ 18, L. 3253 ‘ 19, L. 3253 ‘ 20, L. 3253 ‘ 21 et L. 3253 ‘ 17 et D. 3253 ‘ 5 du code du travail,
statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 31 janvier 2022. A l’audience tenue par le magistrat rapporteur le 14 février 2022, l’appelant a demandé une audience collégiale. L’affaire a été renvoyée à l’audience collégiale du 21 septembre 2022.
L’arrêt sera réputé contradictoire.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DECISION
La cour constate que le 11 août 2022, postérieurement à la clôture des débats, l’appelant a communiqué à l’AGS les pièces 356 à 358 portant sur un certificat médical du 11 août 2022, une attestation de paiement de pension d’assurance maladie du 3 août 2022 pour la période du 1er au 31 juillet 2022 outre un relevé de situation pôle emploi 28 juin 2022 de l’épouse de M. [U], qui sont irrecevables.
Sur l’exécution du contrat de travail
1/ Sur le harcèlement moral
Pour contester le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre du harcèlement moral, le salarié soutient que :
– il a été victime d’une surcharge de travail, ayant à compter de 2007 la responsabilité de deux agences, qu’il a dû prendre en charge le licenciement des 4 salariés de l’agence de [Localité 6] lors de la fermeture de celle-ci, ainsi que la réorganisation des effectifs qui étaient alors passés de 19 à 12, sans aide de sa direction dans la gestion administrative et matérielle de ces événements et qu’il a dû solder le carnet de commande de l’agence fermée au prix d’un travail colossal et du cumul des fonctions de responsable d’agence, d’agent commercial, de poseur, de métreur, de service après-vente et de responsable des plans techniques pour les chantiers de construction ; il a fait part de sa surcharge de travail permanente dès le mois de juin 2007 ; il était confronté à la désorganisation de la société et aux erreurs techniques graves affectant les fenêtres et que face à l’absence de soutien technique et commercial de sa direction, il a été obligé de se substituer au personnel technique ;
– il subissait une pression constante de la part de sa direction pour redresser les résultats de la société et pour déléguer et mettre la pression sur ses équipes déjà surchargées ;
– sa santé physique s’est dégradée dès le mois de mai 2012 puis il a été placé en arrêt de travail le 30 avril 2014 pour un état d’épuisement moral et physique par surmenage professionnel ;
– l’employeur a tenté de le décrédibiliser en insinuant qu’il ne souffrirait que d’hypocondrie ;
– l’employeur a manqué à son obligation de sécurité et ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant une faute de sa part ;
– il a été placé en invalidité de deuxième catégorie le 10 novembre 2015 et s’est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 9 septembre 2015 ;
– ces éléments laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et les intimés n’apportent aucunement la preuve mise à leur charge par l’article L. 1154-1 du code du travail.
L’Ags estime que le salarié n’apporte aucun élément susceptible démontrer que le comportement de l’employeur aurait entraîné une dégradation de ses conditions de travail ou altéré sa santé.
Elle indique que :
– il n’était soumis à aucun objectif quantifié ou contractualisé et qu’il ne produit aucune pièce à l’appui de cette assertion, que le salarié a ouvertement fait part de sa désapprobation quant à la fermeture de l’établissement de [Localité 6] alors que son emploi n’était pas menacé et que cette fermeture et la réorganisation de l’entreprise étaient justifiées par des difficultés économiques ;
– les pièces ne démontrent pas qu’il était surmené et qu’il a vu ses tâches se multiplier ;
– les certificats médicaux du médecin traitant sont insuffisants à établir que l’arrêt de travail est en lien avec son activité dès qu’il avait été déclaré apte sans réserve lors des précédentes visites médicales de la médecine du travail.
Subsidiairement, elle soutient que le salarié ne justifie pas du préjudice qu’il prétend avoir subi. Elle ajoute que la somme réclamée sera garantie à la condition qu’il rapporte la preuve que l’employeur n’a pas mis en place un dispositif tendant à faire cesser le trouble ou qu’il est à l’origine du harcèlement moral.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte de l’article L. 1152-3 du code du travail que le licenciement intervenu en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1152-1 est nul.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il est constant que :
– le salarié avait accepté en 2007 de prendre les fonctions de responsable des deux agences de [Localité 3] et de [Localité 6], sachant que le précédent responsable de l’agence de [Localité 6] avait quitté ses fonctions à la suite d’un épuisement physique et moral ; il avait alors 19 salariés sous ses ordres ;
– en 2007 l’agence de [Localité 6] a été fermée et les quatre salariés de cette agence ont été licenciés;
– en 2011, trois salariés de l’agence de [Localité 3] ont été licenciés portant à 12 salariés l’effectif de l’agence.
La responsabilité de deux agences implique une charge de travail importante, sans que le salarié apporte des éléments établissant que dès 2007, il était en surcharge de travail.
Il est établi qu’il avait une charge importante de travail, qu’il a effectué des tâches d’agent commercial mais également de poseur, métreur, qu’il a assuré des tâches de service après-vente et la responsabilité des plans techniques pour les chantiers de construction. D’ailleurs, aux termes de son courriel du 26 mars 2010, l’employeur reconnaît cette charge importante de travail : ‘Ce qui t’attend lundi, c’est de prendre vraiment l’habit du capitaine. Ne t’inquiète pas, tu as prouvé que tu peux le faire. (D’) Ailleurs même si tu pouvais déléguer tout le quotidien qui inonde tes journées, il t’en restera encore beaucoup plus que tu ne peux faire. (…)’ . Pour autant, les attestations versées aux débats ne sont pas déterminantes d’une augmentation de sa charge de travail par rapport aux fonctions occupées en 2007 ni même de ce que la réduction des effectifs de 2011 a induit une surcharge de travail pour lui. En effet, en l’absence de données chiffrées et quantifiables, le salarié ne justifie que ses tâches s’étaient accrues en 2010, alors même que la fermeture du site de [Localité 6] avait recentré son activité à [Localité 3] et sur les seules équipes de ce secteur. Il ne prouve pas plus que l’éventuel rapatriement du suivi des chantiers de l’agence du [Localité 6] était générateur de travail en plus pour lui, compte tenu de sa fonction initiale de responsable des deux sites et le fait même d’une nouvelle réduction des effectifs en 2011 n’emporte pas ipso facto augmentation de la charge de travail sur le responsable de l’agence.
Aussi la surcharge de travail consécutive aux restructurations de la société n’est pas établie.
Il ressort des pièces versées aux débats que le salarié avait été confronté en 2011 à des erreurs techniques affectant l’étanchéité des fenêtres livrées et posées, créant une situation de tension au sein de l’agence, qu’il a pris personnellement en charge, afin d’en déterminer la cause et y trouver une solution. Toutefois, en l’absence de fiche de poste, il ne justifie pas de ce que cette tâche ponctuelle n’était pas intégrée dans ses fonctions de responsable d’agence.
En 2013, il a été de nouveau confronté à des erreurs techniques affectant les fenêtres et des difficultés dans le service après-vente, dont il a réussi à identifier l’origine, à savoir, des métrés imprécis effectués par un salarié de l’entreprise et une prise en charge insatisfaisante du service après-vente dont ce dernier était chargé. Il en avait entretenu l’employeur comme il ressort du courriel de Mme [P] du 2 août 2013, et il envisageait soit la rupture amiable soit le licenciement. Or il résulte de ce même courriel, que l’avis de celle-ci était de laisser les choses en l’état et aucune solution n’a été proposée au salarié pour résoudre ces difficultés qui rejaillissaient sur les poseurs et l’ensemble de l’équipe. Il est ainsi établi que l’employeur a laissé le salarié seul face à cette difficulté qu’il ne pouvait pas résoudre sans l’intervention de son employeur et qu’il s’est alors substitué au personnel technique défaillant, en prenant en charge la gestion du service après vente, sur quelques chantiers augmentant de facto sa charge de travail.
Il est également établi par les pièces du dossier, que le métreur M. [G], qui a été en arrêt maladie pendant plusieurs mois (au moins de mai à août 2013) sans être remplacé, et que M. [U] a pris à son compte les tâches dévolues à ce dernier.
Toutefois, l’employeur avait demandé au salarié dès 2011 de déléguer toutes ses tâches techniques à ses collaborateurs. Le salarié s’était alors opposé à cette directive estimant qu’il s’agissait d’un management par la peur et d’une organisation par la solitude, refusant de demander au personnel des efforts supplémentaires. Or en l’absence d’éléments sur la composition exacte de ses équipes, composées de 12 salariés à compter de 2011 et d’éléments objectifs portant sur leur charge de travail, le salarié n’établit pas l’existence d’une surcharge de travail résultant du défaut d’organisation de la société et non pas de sa propre décision de ne pas suivre les directives de son employeur, sans minimiser son investissement personnel dans le redressement de la société.
Il ressort des pièces versées aux débats qu’en mars 2011, il avait été demandé au salarié de s’attacher, non pas à la qualité de la prestation auprès des clients, mais au chiffre d’affaires de la société et aux marges commerciales, comme il ressort de l’annonce des chiffres prévisionnels qu’il devait faire valider par ses équipes de commerciaux à la suite du courriel de son employeur le 26 mars 2011. L’employeur lui a, aux termes de ce courriel, demandé de déléguer ses tâches afin de se concentrer sur la mise en mouvement de l’entreprise ‘à chaque minute’ dans un contexte de pertes cumulées de 658 646 euros et de budget prévisionnel de perte de 135 000 euros, et avait insisté à plusieurs reprises sur cette nécessité de déléguer (mails des 26 mars et 30 mars 2010) en impliquant tous les salariés et surtout les commerciaux dans cette démarche commune au regard des impératifs financiers qu’il lui appartenait de relayer.
Il résulte de ce courriel, que l’employeur avait en 2011, mis une pression sur le salarié pour qu’il accepte que ‘les choses ne soient pas aussi bien faites’ que par lui et pour que sa charge de travail soit déléguée aux autres salariés de l’agence et orienter son action vers un management actif de l’équipe plutôt que dans des tâches d’exécution (métrés, suivis de chantiers, suivi du service après vente…). Même si aucun objectif quantitatif n’avait été défini ou contractualisé, la référence au contexte économique alors difficile avait pour effet de mettre une pression sur le salarié pour remonter les performances de l’entreprise et améliorer son résultat. Un acte de pression est donc établi pour l’année 2011 mais aucun élément objectif de réitération de pressions postérieures n’est apporté.
Le salarié ne produit aucun élément au soutien de son assertion selon laquelle l’employeur aurait entrepris de le décrédibiliser et d’insinuer qu’il souffrirait d’hypocondrie.
Le salarié a vu sa santé se dégrader à compter de l’année 2012, par l’apparition d’une dyspnée paroxystique nocturne due à un état de fatigue et à un manque d’activité physique et a développé un ‘burn out’ qui s’est manifesté en avril 2014, et qui a conduit à son arrêt de travail le 30 avril 2014.
En définitive, le seul acte de pression résultant du mail du 26 mars 2011 en l’absence de preuve d’une surcharge de travail générée par la désorganisation de la société, même en présence d’une dégradation de l’état de santé du salarié, en l’absence de faits répétés, n’est pas susceptible de laisser présumer de harcèlement moral.
Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande tendant à reconnaître qu’il a été victime de harcèlement moral et de sa demande indemnitaire subséquente.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ces chefs.
2/ Sur les demandes au titre des heures supplémentaires d’octobre 2011 à avril 2014
Le salarié qui fait grief au jugement de rejeter sa demande de rappel de salaire et ses demandes subséquentes au titre des heures supplémentaires, soutient qu’il n’a pas été réglé de l’intégralité des heures de travail accomplies, exposant qu’il était payé sur la base d’un horaire contractuel de 39 heures hebdomadaires et qu’il étaye sa demande en produisant des décomptes hebdomadaires de ses heures de travail faisant apparaître qu’il effectuait en moyenne 9,1 heures supplémentaires par semaine en 2011, 8,4 heures supplémentaires par semaine en 2012, 9,6 heures supplémentaires par semaine en 2013 et 10 heures supplémentaires par semaine en moyenne en 2014, qu’il travaillait en dehors de son temps contractuel, durant l’heure de sa pause méridienne, le soir, le week-end et durant ses congés. Il fait valoir que l’employeur ne verse aucune pièce et que le conseil de prud’hommes ne pouvait rejeter sa demande pour insuffisance de preuve.
L’Ags considère que les éléments venant étayer la demande du salarié ne peuvent pas ressortir de documents qu’il a établis lui-même, que la cour doit former sa conviction au regard des éléments fournis par la société et le salarié et qu’en l’occurrence, la rémunération des heures supplémentaires entre la 35ème et la 39ème heure a été intégrée dans le salaire de base. Elle ajoute que le relevé d’heures établi par le salarié ne permet pas de justifier de la réalité des heures effectuées ni même de l’authenticité de ces plannings qui ne sont pas contresignés par la société, qu’il n’a pas sollicité le paiement d’heures supplémentaires auprès de son employeur ni avoir demandé l’accomplissement de ces 1121 heures supplémentaires.
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151.67 heures par mois.
Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.
La durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, le salarié était soumis à une durée de travail de 39 heures par semaine, intégrant donc 17,32 heures supplémentaires mensuelles.
Il affirme qu’il a accompli :
– 9,1 heures supplémentaires en moyenne par semaine sur 13 semaines en 2011,
– 8,4 heures supplémentaires en moyenne par semaine sur 47 semaines en 2012,
– 9,6 heures supplémentaires en moyenne par semaine sur 47 semaines en 2013,
– 10 heures supplémentaires en moyenne sur 15 semaines en 2014.
Il verse aux débats :
– les bulletins de salaire à compter du mois de février 2012,
– un tableau mentionnant les heures supplémentaires effectuées sur chacun des jours de la semaine pour chacune des années 2013 et 2014 avec récapitulatif hebdomadaire et mensuel,
– 219 pièces concernant des mails et sms à compter de mars 2013.
La cour relève que sur les années 2011 et 2012, le salarié ne détaille pas ses horaires de travail ni ne précise les heures effectuées de manière quotidienne, alors même qu’il réclame systématiquement 8 heures supplémentaires majorées à 25% par semaine et qu’il ressort de ses bulletins de salaire qu’il était rémunéré d’heures supplémentaires à 25%, ne permettant pas à l’employeur, au regard de ce décompte fantaisiste, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. En conséquence, la cour rejettera la demande d’heures supplémentaires pour les années 2011 et 2012.
En revanche, les éléments apportés par le salarié pour les années 2013 et 2014 sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement.
Or il n’est produit aucun décompte du temps de travail et malgré le paiement d’heures supplémentaires à 25%, il ressort de l’ensemble de ces éléments que le salarié a effectué des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées par l’employeur qui lui avait donné l’autorisation d’en effectuer au regard des heures supplémentaires payées et déduites.
Ainsi, l’employeur reste lui devoir :
– pour l’année 2013, 270 heures supplémentaires dont 21 heures supplémentaires majorées à 25% et 249 heures majorées à 50% soit une somme de 9.881,82 euros calculée en fonction du salaire horaire de base de 24,72 affecté des majorations ;
– pour l’année 2014, 114 heures supplémentaires dont 24 heures supplémentaires majorées de 25% et 90 heures supplémentaires majorées de 50%, soit une somme de 4.552,40 euros calculée en fonction du salaire horaire de base de 24,72 euros en janvier puis de 28,351 euros affectés des majorations applicables.
La créance de M. [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur sera donc fixée à la somme de 14.434,22 euros brut de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non rémunérées outre 1.443,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de toute demande sur ce chef.
3/ Sur le travail dissimulé
Le salarié soutient que la remise d’un bulletin de salaire ne mentionnant pas toutes les heures de travail effectuées implique nécessairement le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi et que l’infraction est constituée dès lors que l’omission se répète sur quelques mois.
L’Ags estime que l’intention frauduleuse de l’employeur de dissimuler des heures supplémentaires et d’éluder des cotisations sociales et fiscales n’est pas démontrée, en violation des dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail.
Il résulte de l’article L. 8221-5 du code du travail que la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que si l’employeur, de manière intentionnelle, soit s’est soustrait à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit s’est soustrait à la formalité prévue à l’article L. 3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie ou a mentionné sur le bulletin de paye un nombre d’heure de travail inférieur à celui réellement effectué.
En l’occurrence, la seule importance du nombre d’heures supplémentaires impayées est insuffisante au regard des fonctions occupées par le salarié pour démontrer le caractère intentionnel de l’omission. Il sera en conséquence débouté de sa demande d’indemnité de travail dissimulé et le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
4/ Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Le salarié avance que l’employeur a manqué à son obligation de préserver sa santé et sa sécurité qui lui est imposée en application de la Charte européenne du 3 mai 1996, de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la directive cadre 89/391/CEE du 12 juin 1989 et des articles L.4121-1, L.4121-2 et suivants du code du travail en :
– n’ayant rien mis en oeuvre au sein de la société ;
– en n’ayant jamais veillé à adapter sa charge de travail au temps de travail, en ne cessant d’accroître ses exigences sans accroître les moyens matériels et humains pour y parvenir,
– en ne prêtant aucune attention à la salubrité des locaux et à la suspicion de présence d’amiante dans ceux de l’agence de [Localité 3] ; un expert a réalisé des analyses qui ne lui ont pas été transmises à lui et aux autres salariés de l’agence, le laissant dans une situation d’angoisse permanente, avant la procédure en première instance ; le rapport d’expertise du 10 juin 2010 est venu confirmer qu’il y avait de l’amiante présente dans la mezzanine et dans le grenier alors même que son bureau y était installé.
L’Ags estime que le mandataire démontrait qu’aucun salarié n’avait été exposé à l’amiante au sein de l’entreprise, que l’organisme de sécurité en 2011 n’avait émis que des suppositions dont le salarié avait été informé et qu’une expertise avait été par la suite réalisée, qui confirmait la présence d’amiante dans la toiture de la mezzanine, mais que les matériaux n’étaient pas dégradés et qu’il recommandait de procéder à une évaluation périodique des matériaux tous les trois ans, ce qui a été effectué en 2014 et qui a confirmé l’absence de nécessité d’action corrective, en sorte que le salarié ne peut prétendre avoir été exposé à un quelconque risque lié à l’amiante.
En l’occurrence, la caisse primaire d’assurance maladie n’a pas reconnu le caractère professionnel de la maladie ‘burn out’ développée par le salarié. Au regard du syndrome d’épuisement professionnel du salarié et du nombre important d’heures supplémentaires accomplies au cours des seize derniers mois de travail, l’employeur ne justifie pas avoir mis en oeuvre des mesures afin de veiller à ce que la charge de travail soit adaptée au temps de travail contractuel de 39 heures, ce d’autant qu’aucune fiche de poste n’a été versée aux débats ni même le document unique d’évaluation des risques professionnels. Le manquement de l’employeur lui a causé un préjudice moral qui sera entièrement réparé par la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.
Par ailleurs, il ressort du rapport du cabinet d’expertises Ricci établi le 21 juin 2010, qu’il avait été repéré au niveau de la toiture du local commercial de l’agence de [Localité 3], la présence d’amiante, au sein des panneaux sous tuiles en fibrociment amianté.
Dans le cadre du rapport d’expertise effectuée par AC expertise immobilière le 4 octobre 2014, la présence d’amiante a été confirmée au niveau de la sous toiture de la mezzanine et du grenier et a précisé que les matériaux de la mezzanine n’étaient pas dégradés au contraire de ceux du grenier mais il n’était alors préconisé qu’une évaluation périodique.
Ces éléments ne sont pas de nature à établir que le salarié était exposé à l’amiante, ne s’agissant pas de matériaux floqués ou volatiles. En outre, si ce dernier souffrait d’une obstruction nasale chronique dont l’origine est liée à une pollution par les poussières fines, il n’est pas démontré qu’il a été exposé aux poussières d’amiantes, en sorte qu’il ne saurait se prévaloir d’un préjudice d’anxiété à ce titre.
La créance du salarié sera fixée à la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
5/ Sur le manquement au droit individuel à la formation
Sur le fondement de l’article 26 de la convention collective nationale et des articles et L.6323-1 et suivants du code du travail, le salarié soutient que la seule formation à laquelle il a participé lui a été imposée par l’employeur en 2007 et que ce dernier n’a jamais respecté son obligation de formation ni même son obligation d’information relativement au droit individuel à la formation que ce soit durant la relation contractuelle ou lors de la rupture. Il prétend ainsi que son droit acquis plafonné à 120 heures est monnayé à 50% de la rémunération nette de référence, que son préjudice est au moins de 1300 euros et que compte tenu de la durée du manquement, son préjudice se monte à 5000 euros.
L’Ags avance que le mandataire a indiqué que le salarié était informé de ses droits et qu’il ne peut prétendre à aucune indemnité, outre qu’il ne justifie d’aucun préjudice matériellement ou moralement indemnisable à ce titre.
Il résulte de l’article 26 de la convention collective nationale applicable que l’obligation d’organiser la formation du personnel qu’il emploie est fonction des besoins et des possibilités de l’entreprise.
Or si M. [U] n’a bénéficié que d’une formation en juin 2007 , ‘leader et responsable’ de niveau 1, et n’a plus par la suite bénéficié de formation, aucun manquement de l’employeur à cette obligation n’est établi dès lors que le salarié ne justifie pas en avoir sollicité et que l’entreprise qui s’est trouvée en déficit continu jusqu’en 2011 et dont les résultats nets étaient encore très limités de 2012 à 2014 (2900 euros en 2012, 37900 euros en 2013 et 9900 euros en 2014) n’en avait pas les possibilités.
En revanche, l’employeur est tenu à une obligation d’information issue des dispositions de l’article 6323-7 du code du travail. Néanmoins, le salarié ne caractérise ni justifie le préjudice qui en est résulté, en sorte qu’il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
1/ Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à titre principal
Le salarié fonde sa demande de résiliation judiciaire sur les griefs énoncés au titre de l’exécution du contrat de travail examinés précédemment et soutient que compte tenu du harcèlement moral et des autres manquements qui sont d’une gravité telle qu’ils font obstacle à la poursuite normale des relations contractuelles et qui justifient la résiliation aux torts de l’employeur, celle-ci produira les effets d’un licenciement’ nul et sans cause réelle et sérieuse’.
L’Ags fait valoir que les manquements reprochés sont anciens et n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail, que la date de la résiliation devra être fixée à la date de l’envoi de la lettre de licenciement et qu’elle ignore si la société occupait plus ou mois de 11 salariés outre que le salarié ne verse aucune pièce concernant sa situation au regard de l’emploi.
L’usage de la conjonction de coordination ‘et’ dans la demande sera interprété par la cour comme un ‘et ou’ et non comme un ‘et’ cumulatif, au regard du caractère contradictoire de la demande cumulative.
Sur le fondement de l’article 1184 devenu 1217 du code civil et de l’article L.1231-1 du code du travail, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire du contrat à raison des manquements de l’employeur aux obligations découlant du contrat de travail.
Les manquements doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Il appartient aux juges du fond d’apprécier les manquements imputés à l’employeur au jour de leur décision. Dans le cas où le salarié est licencié postérieurement à sa demande de résiliation, pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.
Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle prend effet à la date de la décision judiciaire la prononçant, sauf si la rupture du contrat de travail est intervenue entre temps pour autre cause, auquel cas elle prend effet à la date de la rupture effective.
En l’occurrence, le salarié ayant été débouté de sa demande de harcèlement moral, il ne peut prétendre à ce que la résiliation judiciaire produise les effets d’un licenciement nul.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul.
Néanmoins, il est établi que l’employeur n’a pas payé un nombre important d’heures supplémentaires au cours des seize derniers mois de travail et a manqué à son obligation de sécurité. Le manquement de l’employeur à ces obligations, s’agissant d’un manquement à l’obligation essentielle de paiement de salaire, est d’une gravité telle qu’elle empêche la poursuite du contrat de travail, justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La date de la rupture est intervenue à la date de l’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, soit le 18 mars 2016. En conséquence, la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur à effet au 18 mars 2016.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2/Sur les conséquences de la résiliation produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
-a- Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salarié demande l’application du forfait minimum de 6 mois de salaire issu des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail mais considère que celui-ci ne constitue ni une indemnité adéquate, ni une réparation appropriée au sens des articles 10 de la convention n°158 de l’OIT, 24 de la Charte Européenne ou de la décision n°106/2014 du 8 septembre 2016 du Comité européen des droits sociaux.
Les effectifs de l’agence de [Localité 3] étaient de 12 salariés au jour du licenciement comme il ressort de l’attestation Pôle emploi délivrée par l’employeur, en sorte que le régime indemnitaire applicable est celui de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable avant les ordonnances du 22 septembre 2017, permettant au salarié d’obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant aux salaires des six derniers mois au moins. Pour dépasser ce forfait, il appartient au salarié de justifier d’un préjudice supérieur au montant des six derniers mois de salaire.
Le moyen tiré de ce que ce forfait ne constitue pas une indemnité adéquate au sens de la convention n°158 de l’OIT est non fondé, dès lors que cette convention n’est pas d’application directe en droit interne dans un litige entre particuliers.
Il en est de même de l’article 24 de la Charte sociale européenne qui n’est pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, comme retenu par la Cour de cassation dans son arrêt du 11 mai 2022 n°21-15.247.
En l’espèce, le salarié était âgé de 44 ans au moment du licenciement, alors qu’il avait une ancienneté de plus de 18 ans dans l’entreprise. Il a perçu un salaire mensuel moyen de 4932,28 euros bruts au cours des six derniers mois. Il perçoit une pension d’invalidité de la caisse primaire d’assurance maladie et bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par la Maison départementale des personnes handicapées depuis le 9 septembre 2015. Compte tenu de ces éléments, il justifie avoir subi un préjudice né de la perte de son emploi, qui sera entièrement indemnisé par la somme de 35.000 euros à titre d’indemnité.
La créance de M. [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur sera donc fixée à la somme de 35.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de toute demande à ce titre.
-b- Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Le salarié fonde sur les conséquences d’un licenciement nul et d’un préavis conventionnel de trois mois applicable aux cadres.
Le salarié, dont le contrat de travail est rompu par la résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne peut pas prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis lorsqu’il n’a pas été en mesure d’exécuter le préavis en raison de son inaptitude.
Le salarié, qui n’a pas exécuté son préavis en raison de l’inaptitude physique prononcée par le médecin du travail, est mal fondé à réclamer une indemnité compensatrice de préavis à raison de la résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sera débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de congés payés afférente.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] de toute demande à ce titre.
-c-Sur le reliquat d’indemnité légale de licenciement
Le salarié sollicite une indemnité légale de licenciement calculée sur la base de d’une ancienneté de 20 ans et 8 mois à l’issue du son préavis de trois mois, et d’un salaire mensuel de 4.916,71 euros.
Compte tenu du préavis de trois mois auquel le salarié aurait eu droit s’il avait exécuté son préavis et de l’absence de prise en compte de la période de suspension du contrat de travail à compter du 30 avril 2014, l’ancienneté à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement est de 18 ans et 7 mois.
La meilleure moyenne des salaires est celle des trois derniers mois, de 4.945 euros bruts. En conséquence, le montant de l’indemnité légale de licenciement est de 24.038,18 euros calculées de la sorte : (1/5 x 4945 x10) + (1/3 x4945 x 8) + (1/3x 4945 x 7/12).
Le salarié a perçu une somme de 24.164,57 euros à ce titre, en sorte qu’il a été rempli de l’intégralité de ses droits au titre de l’indemnité légale de licenciement. Il sera en conséquence débouté de sa demande de reliquat et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.
-d-Sur l’indemnité compensatrice de congés payés
Il s’agit de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente aux heures supplémentaires dont le salarié a demandé le règlement et sur laquelle la cour a statué ci-dessus au sein du paragraphe dédié aux heures supplémentaires.
Il convient de rappeler que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [K] en qualité de mandataire liquidateur de la société Partner Côte d’Azur succombant sera condamné aux entiers dépens de l’appel.
Au regard de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur, l’équité ne commande de faire bénéficier M. [U] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa demande d’indemnité à ce titre.
Sur la garantie de l’AGS
Le présent arrêt est de facto opposable à l’AGS présente à la cause.
Il convient de rappeler que l’AGS n’est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, qu’au regard du principe de subsidiarité et qu’elle ne doit sa garantie qu’autant qu’il n’existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Déclare irrecevables les pièces 356 à 358 de l’appelant ;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [U] de ses demandes tendant à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur des créances au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, au titre de l’indemnité de travail dissimulé, au titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente, au titre d’un reliquat d’indemnité légale de licenciement, en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande résiliation judiciaire emportant les effets d’un licenciement nul ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail emportant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a débouté M. [U] de ses demandes de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires et d’indemnité compensatrice de congés payés afférente, de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur à effet au 18 mars 2016 ;
Déclare que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Fixe la créance de M. [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Partner Côte d’Azur aux sommes suivantes :
35.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,
14.434,22 euros brut de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non rémunérées outre 1.443,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
Y ajoutant,
Rappelle que l’AGS n’est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, qu’au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu’autant qu’il n’existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective et qu’elle ne garantit pas les montants alloués au titre l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
Condamne M. [K] en qualité de mandataire liquidateur de la société Partner Côte d’Azur aux entiers dépens de l’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT