COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
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ARRÊT DU : 16 MARS 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 21/02219 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBZN
Madame [X] [Y]
c/
Monsieur [M] [T] [S]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2021 (R.G. n°F19/00604) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 14 avril 2021.
APPELANTE :
[X] [Y]
née le 02 Février 1978 à [Localité 3]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
Représentée et assistée par Me Carole LECOCQ-PELTIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[M] [T] [S]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Stéphane EYDELY de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS ETIC, avocat au barreau de BORDEAUX
Assisté de Me Stéphane EYDELY et de Me DELFORGE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,
qui en ont délibéré.
greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [Y] a été engagée le 18 septembre 2014, par contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de collaboratrice d’agence, au sein du cabinet LVS, société en participation entre personnes physiques, par M.[S], agent général d’assurance.
M. [S] exercait son activité d’agent général d’assurance, en association avec d’autres agents généraux, sous l’enseigne ‘cabinet LVS’. L’ancienneté de Mme [Y] était reprise à compter du 3 mars 2014, date à laquelle Mme [Y] a été embauchée par M. [V], associé de M.[S].
Le contrat de travail de Mme [Y] prévoyait, en outre, en son article 10, une obligation de non concurrence de 18 mois assortie d’une contrepartie pécuniaire.
A compter du mois de mars 2016, le Cabinet LVS a engagé Mme [Y], en qualité d’agent d’entretien, afin de permettre à cette dernière de compléter ses revenus.
Mme [Y] a fait l’objet d’un premier arrêt de travail à compter du 8 décembre 2016.
Cet arrêt de travail a été prolongé jusqu’à ce que l’inaptitude de Mme [Y], sans possibilité de reclassement, soit déclarée par avis du médecin du travail au mois de mai 2018.
Par lettre du 13 septembre 2017 Mme [Y] a sollicité, par la voix de son conseil, la régularisation de ses bulletins de paie et dénoncé l’absence de son maintien de salaire ainsi que des faits de harcèlement moral.
Par courrier du 6 novembre 2017, M.[S], par le biais de son conseil, a contesté l’ensemble de ces points.
Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes le 7 mai 2018 et par ordonnance de référé du 21 juin 2018, le conseil de prud’hommes de Bordeaux lui a alloué une provision à valoir sur les dommages et intérêts d’un montant de 3 500 euros.
Par avis du 22 mai 2018 et du 23 mai 2018, Mme [Y] a été déclarée inapte au poste de collaboratrice d’agence et au poste d’agent d’entretien.
Par courrier du 29 mai 2018 M.[S] a notifié à Mme [Y] l’impossibilité de son reclassement.
Convoquée à un entretien préalable par courrier du 30 mai 2018, Mme [Y] a été licenciée par courrier du 12 juin 2018, au motif de son inaptitude avec impossibilité de reclassement.
Le 19 avril 2019, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux de diverses demandes en paiement.
Par un jugement en date du 29 mars 2021 le conseil de prud’hommes a débouté Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes en même temps qu’il a débouté M.[S] de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration du 14 avril 2021, Mme [Y] a relevé appel du jugement du 29 mars 2021.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.
L’affaire a été fixée à l’audience du 18 janvier 2023 pour être plaidée.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Dans ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 juillet 2022, Mme [Y] sollicite de la cour d’infirmer le jugement déféré et statuant de nouveau:
– condamner M.[S] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consistant, pour elle, à ne pas pouvoir calculer et obtenir le règlement de sa rémunération variable,
– à titre principal, juger que son inaptitude est consécutive à des actes de harcèlement et en tirer toutes conséquences jugeant que le licenciement qui s’est en suivi est nul,
– à titre subsidiaire, juger que son inaptitude est à tout le moins consécutive d’un manquement de l’employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité, et en tirer toutes conséquences jugeant que le licenciement qui s’en est suivi est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
– en tout état de cause:
– condamner M.[S] à lui régler 4 335,04 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 433,50 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congé payés y afférents, 20 000 euros de dommages intérêt au titre de la nullité du licenciement ou de son caractère sans cause réelle et sérieuse, 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral découlant du harcèlement subi,
10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral découlant de l’exécution déloyale du contrat et du manquement à l’obligation de prévention et de protection de la santé et de la sécurité, 3 500 euros en réparation du préjudice financier subi en raison des manquements de l’employeur, 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance et juger que les condamnations porteront intérêt aux taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale,
– ordonner à M.[S] de lui remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, des bulletins de paie originaux et exploitables (non tronqués) pour les mois de septembre à décembre 2014, février à septembre 2016, novembre 2016, avril et mai 2018, s’agissant du poste de collaboratrice comptable, mars 2016 à août 2016, novembre 2016, avril et mai 2018, pour le poste d’agent de service,
– juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale,
– juger que les entiers dépens de l’instance resteront à la charge de M. [S].
Mme [Y] fait valoir en substance:
– au vu de son contrat de travail elle avait un droit à rémunération variable en qualité de collaboratrice d’agence à dominante commerciale,
– elle a été victime de harcèlement moral de la part de M.[S] et a dénoncé ledit harcélement,
– le harcèlement moral dont elle a été victime lui a nécessairement causé un préjudice qu’elle démontre et dont elle est fondée à demander réparation,
– son employeur a manqué à son obligation de loyauté et de sécurité en ne prenant aucune mesure nécessaire à assurer sa sécurité et protéger sa santé mentale,
– son licenciement est nul, l’inaptitude ayant été provoquée par le harcèlement moral et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse au vu du comportement fautif de son employeur et elle est de ce fait en droit de prétendre aux sommes sollicitées,
– elle est en droit de solliciter des bulletins non tronqués et conformes aux articles L.3243-2 et R. 3243-1 du code du travail.
Dans ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 novembre 2022, M.[S] sollicite de la cour de voir:
– confirmer le jugement déféré,
– débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses prétentions,
– condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 2 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
M.[S] fait valoir en substance:
– Mme [Y] n’avait aucun droit acquis à une rémunération variable et ne démontre pas avoir traité directement et complètement des affaires nouvelles,
– Mme [Y] ne démontre pas les agissements répétés de son employeur ayant entraînés une dégradation de ses conditions de travail et une atteinte à ses droits, sa santé ou sa dignité,
– seuls les problèmes personnels de Mme [Y] sont à l’origine de la dégradation de son état de santé et il n’existe aucun lien de causalité entre l’état de santé de Mme [Y] et ses conditions de travail,
– il conteste formellement tout fait de harcèlement, par ailleurs jamais dénoncé et affirme n’avoir eu aucun comportement fautif qui pourrait caractériser un manquement à son obligation de loyauté et de sécurité,
– les difficultés du suivi administratif de Mme [Y], pendant son arrêt de travail, ne lui sont pas imputables ce suivi ayant été délégué notamment à deux collaboratrices du cabinet et la situation de Mme [Y] ayant été régularisée.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
I – Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
Sur la rémunération variable
Aux termes de l’article VII du contrat de travail, signé par les parties le 18 septembre 2014, il est convenu:
‘En contrepartie de ses fonctions, madame [X] [Y] percevra un salaire annuel brut de base de 18 723 €, versé mensuellement à raison d’un douzième soit 1 560,25€ pour un horaire mensuel de 151.67 heures, à chaque échéance normale de la paie.
Cette périodicité de versements pourra être modifiée par l’employeur avec l’accord de la majorité des salariés en vertu de l’article 33 de la CCN.
Madame [X] [Y] pourra percevoir des commissions sur les contrats commercialisés par l’employeur, ses associés ou ses représentants, selon les directives de l’employeur en fonction de son action commerciale de vente directe effectuée sur les clients de l’agence par ses soins suivant Annexe 1.’
L’annexe 1 paragraphe 3 et paragraphe 5 du contrat de travail de [X] [Y], signé par les parties le 18 septembre 2014, précise:
‘Madame [X] [Y] percevra une commission d’apport brute égale à 50% des commissions d’acquisition perçues par l’employeur sur les affaires nouvelles conclues et traitées directement et complètement, jusqu’à la régularisation du contrat, dans la limite de ses délégations.’
‘Pour permettre le suivi de ces opérations et le bon calcul des commissions d’apport sans contestation possible, ce sont les indications portées au fur et à mesure par Madame [X] [Y] sur le rapport journalier d’activité, et elles seules, qui feront foi.’
Au soutien de sa demande Mme [Y] fait valoir qu’au vu de son contrat de travail et de l’annexe 1 de ce dernier elle avait droit à une rémunération variable et qu’il appartenait à son employeur de justifier sur la période non prescrite soit sur les 3 dernières années précédant la rupture de son contrat, des commissions d’acquisitions perçues en précisant les acquisitions devant être affectées à la salariée au vu de ses rapports journaliers d’activité.
Elle indique, enfin, que le fait que son employeur n’ait pas respecté cette clause contractuelle lui a causé un préjudice financier.
La cour relève cependant que si combinée ou non avec un fixe, la rémunération variable est autorisée, il est constant qu’elle doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur et que ce dernier doit communiquer au salarié les éléments servant de base au calcul de son salaire.
En l’espèce, M.[S] soutient que Mme [Y] n’a jamais établi ses rapports d’activité journaliers et n’est jamais parvenue à conclure de contrat avec un nouvel assuré.
Il est constant que Mme [Y] fonde sa demande sur des rapports d’activité dont elle n’a pas sollicité la communication devant la cour.
La seule attestation de Mme [H], sa collègue, indiquant que Mme [Y] ‘arrivait à décrocher des rendez-vous importants mais n’était pas félicitée et ne touchait pas les primes promises’ ne saurait, à elle seule, démontrer que Mme [Y] a conclu des affaires nouvelles et les a traitées directement et complètement, jusqu’à la régularisation du contrat, dans la limite de ses délégations, conformément à l’annexe 1 de son contrat de travail, précisant les conditions de sa rémunération variable.
Il est également à noter que Mme [Y] n’a jamais sollicité, pendant l’exécution de son contrat de travail, le bénéfice de cette rémunération variable.
En outre, force est de constater que cette rémunération variable était une simple possibilité, au vu des termes de son contrat de travail et de son annexe de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme lui étant acquise.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande relative à une rémunération variable.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral d’un salarié, défini par l’article L. 1152-1 du code du travail, est constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le salarié est tenu en application de l’article L. 1154-1 du code du travail d’établir la matérialité des faits précis et concordants pouvant laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Le juge, après s’être assuré de leur matérialité, doit analyser les faits invoqués par le salarié dans leur ensemble et les apprécier dans leur globalité afin de déterminer s’ils permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que les décisions prises à l’égard du salarié sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Au soutien de sa demande de dommages intérêts du fait du harcèlement moral subi, Mme [Y] invoque une surcharge de travail et une surveillance accrue (1°), un traitement différencié par rapport à ses collègues (2°), un manque de considération et le dénigrement de sa personne (3°), des tâches subalternes dénigrantes (4°), le non respect de sa vie privée (5°), le non versement de sa rémunération variable (6°), des reproches injustifiés et virulents en réaction à son arrêt de travail (7°), un harcèlement durant son arrêt de travail (8°), la rétention des indemnités de sécurité sociale ou de prévoyance (9°), l’altération de son état de santé et une dépression réactionnelle médicalement constatée (10°).
Il convient d’observer que si la rémunération variable n’était pas un droit acquis pour Mme [Y] et si, ce qui n’est pas contesté, certains collègues ou associés, voire l’employeur, sont venus ponctuellement en aide à Mme [Y] pendant une période troublée d’un point de vue personnel et familial, les attestations versées aux débats, que le juge, conformément à la jurisprudence, apprécie souverainement sans devoir les écarter a priori au regard de leur formalisme ou de la personne de leur auteur, attestent des faits suivants:
– Mme [H], ancienne collègue de travail atteste de première part qu’elle a quitté le cabinet dans le cadre d’une rupture conventionnelle et de deuxième part que Mme [Y] devait faire face à des tâches multiples ‘sans lui laisser finir la précédente, on lui donnait des consignes impossibles à exécuter, ses tâches administratives étaient conséquentes et devenaient un calvaire, une souffrance pour [X] qui travaillait sous pression.Surveillée et surchargée de travail par M [S], notre patron et de son bras droit [Z] [I], notre collègue, qui rajoutaient de nouvelles tâches encore et encore avec des délais d’exécution courts et impossibles à tenir…’,
– Mme [H] atteste également des faits suivants:
– ‘ on voyait nos bureaux systématiquement fouillés en dehors de nos heures de travail …nos boîtes mails étaient systématiquement consultées du fait que les agents et [Z] avaient en leur possession les codes d’accès de nos postes informatiques…Isolée et mise à l’écart, [X] n’avait plus le droit de venir me parler , on échangeait dans le plus grand des secrets…ces conditions étaient d’autant plus difficiles parce que [X] et moi même, gérant le pôle assurances, nous devions travailler en binômes…’
– le bureau de Mme [Y] était à ‘l’accueil près des toilettes …de plus son chauffage lui était systématiquement coupé à chaque fois qu’elle tournait le dos. [X] a dû ramener son propre chauffage personnel qu’elle dissimulait sous son bureau afin de pouvoir se chauffer l’hiver’,
– l’employeur surnommait Mme [Y] ‘Madame [B] et lui suggérait de manière péjorative de mettre une coupelle sur son bureau’ au vu de la proximité des toilettes, du bureau de cette dernière ou encore ‘[N]’ au vu des heures de ménages effectuées par Mme [Y] pour compléter ses revenus,
– ‘en dehors de ses heures de travail, elle devait aussi aller faire les courses pour le cabinet sans aucun défraiement relatif à l’essence et au temps passé à acheter et à livrer les courses (papier toilette, packs d’eau, papier A4, produits ménagers…)’
– ‘sa vie privée, personnelle n’était pas respectée à tel point qu’elle devait expliquer précisément ses problèmes médicaux lors de ses arrêts prescrits par les mèdecins qui la suivaient. De plus pour pouvoir obtenir des congés en mai 2016, elle devait d’ailleurs justifier de ses dates de vacances en imprimant son billet d’avion de son bureau sous le contrôle de la personne de confiance de M [S] (Madame [I]), sans quoi ses dates de vacances étaient refusées’,
– Mme [Y] a été la seule collaboratrice du cabinet à ne pas figurer en signature du mail d’invitation à l’inauguration des nouveaux locaux du cabinet LVS, ‘comme si elle ne faisait pas partie des effectifs du cabinet contrairement à nous autres’,
– au mois d’avril 2016 elle a informé M.[S] lors d’un entretien que Mme [Y] ‘n’allait pas bien par rapport à ses conditions de travail qui se dégradaient de jour en jour. Il est resté sourd face à cela’.
– ‘c’est malheureux, mais j’ai honte d’observer qu’au fil du temps je me suis fait à ce traitement à l’égard de [X], qui malgré ses plaintes, n’avait pas trop le droit de se plaindre à cause des intimidations, elle subissait la situation mais je ne savais pas jusqu’à quand elle allait encore tenir le coup’,.
La cour relève qu’à aucun moment Mme [H] ne se plaint d’avoir été elle même victime de faits de harcèlement et elle atteste, sans être aucunement contredite, avoir mis fin à sa relation de travail suite dans le cadre d’une rupture conventionnelle.
Par ailleurs, il convient de préciser que M.[S] n’était pas l’employeur direct de Mme [H] qui a travaillé pour l’un de ses associés, M [G].
Dés lors il ne saurait être reproché à Mme [H]d’avoir rédigé une attestation mensongère et de complaisance, la rupture de son contrat de travail s’étant faite d’un commun accord avec l’associé de M. [S] étant précisé que Mme [H] n’invoque pas de grief, à titre personnel, à l’encontre de M.[S] qui n’était pas son employeur direct.
Il apparaît en outre que Mme [H] était le témoin direct du quotidien de Mme [Y] au sein du cabinet LVS.
La Cour relève que l’attestation de Mme [H] établit la matérialité de la surcharge de travail, la surveillance constante et le manque de considération allégués par Mme [Y].
– Mme [O] [Y] épouse [R], soeur de Mme [X] [Y], atteste en sa qualité de proche des faits suivants: – sa soeur lui avait souvent confié son mal être ‘qu’elle travaillait sous pression, qu’elle n’en pouvait plus à son travail’,
– avoir été contactée en urgence le 8 décembre 2016 par le médecin de famille de sa soeur suite à un malaise de cette dernière et une éventuelle hospitalisation et s’être rendue de ce fait au domicile de sa soeur où l’une des enfants lui a dit ‘Maman est rentrée manger à midi pour sa pause, elle pleurait puis elle s’est écroulée devant nous après nous avoir dit qu’elle était énervée à cause de son patron’,
– le lendemain le 9 décembre 2016 ‘alors que j’étais chez ma soeur, son médecin est revenu la voir. Celle-ci se reposait mais son téléphone n’arrêtait pas de sonner dés le matin et c’était toujours les mêmes noms qui s’affichaient: [W] [V], M. [S], [C] [D], [Z] [I]. [X] a consulté sa messagerie sur haut parleur, devant nous, et on entendait [D] [C] lui dire de décaler ‘trés vite’ un rdv lors du déjeuner, puis un appel de [Z] [I] qui demandait à [X] de rappeler rapidement pour lui donner la cause de son absence et lui a même dit d’un ton trés sec dans ce message ‘je vois que tu n’es pas encore là aujourd’hui je veux savoir pourquoi »’. Ma mère, le médecin et moi, en écoutant tous ces messages, étions choqués par le manque de bienveillance dont ses collègues de travail faisaient preuve.Le Dr [F] m’a alors demandé d’éteindre le téléphone de ma soeur en me disant que c’était impossible de récupérer et de guérir dans ces conditions. Il m’a également mandatée pour déposer directement l’arrêt maladie de [X] à son employeur dans l’après- midi.’
– s’être rendue le 9 décembre 2016 au cabinet afin de remettre l’arrêt de travail de sa soeur et avoir du répondre à un interrogatoire intrusif sur les raisons de l’arrêt maladie de Mme [Y],
– avoir assisté à un échange téléphonique entre M.[S] et sa soeur, alors placée sous perfusion, au cours duquel l’employeur souhaitait connaître les raisons de la prolongation de son arrêt de travail. Elle rajoutera que paradoxalement l’employeur de sa soeur pouvait alterner un discours bienveillant et se montrer menaçant.
– Mme [A], en qualité d’éducatrice spécialisée ayant assuré le suivi psychologique et social de Mme [Y], atteste des faits suivants:
– avoir été interpellée par la trés grande quantité de messages vocaux, de SMS et de courriers ( parfois identiques) que l’employeur a adressés à Mme [Y], sur un ton pouvant être autoritaire, durant son arrêt maladie, précisant que Mme [Y] lui avait fait lire et écouter les messages laissés par son employeur
– avoir notamment entendue un message vocal le 17 avril 2017, laissé par M. [S] indiquant ‘je vous propose de venir prendre un café avec moi à l’extérieur ou chez vous si vous préférez’,
– avoir lu un message de M. [S] en date du 5 septembre 2017 proposant à Mme [Y] de travailler pour lui personnellement, pour gérer ses rendez-vous,
– pouvoir témoigner de ce que ‘ces ingérences à répétition dans la vie privée de Mme [Y] l’ont fortement fragilisée…nous avons même proposé à Mme [Y] une hospitalisation, pour l’aider à se ressourcer et se mettre en quelque sorte à l’abri’ .
La cour relève que tant l’attestation de Mme [O] [Y] épouse [R] que celle de Mme [A] justifient de l’attitude particulièrement intrusive et donc inadaptée de l’employeur à l’égard de Mme [Y] pendant son arrêt de travail alléguée par la salariée.
La Cour relève en sus :
– il résulte des fiches de paie de Mme [I] et Mme [L] du mois de mai 2016, versées aux débats que ces deux salariées ont été embauchées en qualité de collaboratices d’agence et ont perçu une rémunération plus élevée que celle de Mme [Y], embauchée également en qualité de collaboratrice d’agence alors que leur ancienneté était moindre,
– Mme [Y] a reçu de trés nombreux courriers de son employeur pendant son arrêt de travail, souvent envoyés en plusieurs exemplaires. Le courrier recommandé du 12 janvier 2017, lui faisait de première part des critiques sévères sur son travail et de deuxième part lui reprochait notamment un mail déplacé à l’atention d’un client, M.[E] alors même que ce dernier atteste ne s’être jamais plaint du comportement de Mme [Y] auprès de son employeur et précise que Mme [Y] s’était toujours comportée de manière trés professionnelle et courtoise,
– le courrier du 12 janvier 2017 adressé par l’employeur en plusieurs exemplaires à Mme [Y] comporte des surlignages, des annotations familières et péremptoires et se termine par ‘Par ailleurs sur les tableaux de suivi demandés depuis 6 mois sur l’activité assurance, ceux-ci n’ont pas bougé sur le dernier trimestre et me fait m’interroger sur votre travail des derniers mois et de l’absence d’implication totale dans le cabinet,’,
– M.[S] indiquait par courrier, du 1er mars 2018, pouvoir se déplacer au domicile de Mme [Y] renouvelant sa demande de rendez-vous,
– la détérioration de l’état de santé de Mme [Y] est matériellement établie par de nombreux certificats médicaux qui font état du fait qu’elle a souffert d’un syndrome d’épuisement, d’une dépression réactionnelle et/ou d’une dépression sévère.
La surcharge de travail, la surveillance constante, le manque de considération, l’attitude intrusive et inadaptée de l’employeur à l’égard de Mme [Y] pendant son arrêt de travail, les nombreux courriers de l’employeur en lien avec son activité professionnelle, les reproches et propos dénigrants de l’employeur, ses nombreux appels téléphoniques et demandes de rendez vous pendant l’arrêt de travail de Mme [Y], le non respect de la vie privée de Mme [Y], pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Pour contester celui-ci, l’employeur, M.[S] soutient:
– le harcèlement ne saurait se déduire du seul ressenti de la salariée,
– Mme [Y] bénéficiait de conditions de travail enviables voir aménagées au vu de ses problèmes personnels,
– Mme [Y] reconnaît l’existence de ses problèmes personnels et ne démontre aucune existence d’agissements répétés de son employeur entraînant une dégradation de ses conditions de travail et une atteinte à ses droits, sa santé ou à sa dignité,
– seuls les problèmes personnels de Mme [Y] sont à l’origine de la dégradation de son état de santé,
– ses collègues attestent des problèmes personnels de Mme [Y], victime de violences conjugales,
– les pièces médicales font état ‘d’un syndrome dépressif reactionnel’et cette dépression est en relation avec les problèmes personnels de [X] [Y] et non avec ses conditions de travail,
– avoir fait un recours auprès du conseil de l’ordre des médecins pour solliciter l’annulation des pièces médicales établies au mépris des règles de déontologie,
– l’attestation de Mme [H] est complaisante et mensongère et celle de Mme [R] fait état d’un récit trés largement romancé et dépourvu d’impartialité,
– l’attestation de M.[G], ancien employeur de Mme [H], vient contredire celle de Mme [H],
– Mme [Y] n’a jamais pris attache auprès de l’inspection du travail ou évoqué le moindre harcèlement au travail auprès de ses collègues, qu’elle a été au contraire associée à des sorties ou réceptions avec ses collègues et l’ensemble du cabinet et qu’elle a adressé une lettre à son épouse lui souhaitant un joyeux anniversaire ce qui vient contredire tout fait de harcèlement,
– il ne saurait être tenu pour responsable du suivi administratif et des difficultés rencontrées par Mme [Y] au vu de la délégation de ce suivi à deux de ses collaboratrices et à son expert comptable (indemnités journalières, attestation employeur à destination de pôle emploi, bulletins de paie…).
Au soutien de sa contestation, l’employeur produit les témoignages de:
– M [G] qui atteste simplement, en substance, connaître M.[S] et ses qualités humaines qu’il a pu apprécier et qui lui paraissent en totale opposition avec la description détaillée de Mme [H] son ancienne collaboratrice.
Ce témoignage d’un associé, proche de M.[S], tout comme celui de M [C] exposant que Mme [Y] était invitée à des sorties ou que le cabinet a accepté que ses filles puissent venir après l’école ou encore l’avait embauchée pour faire le ménage au vu de ses difficultés financières, ne saurait démontrer que les faits dénoncés par Mme [Y] ne sont pas constitutifs des faits de harcèlement,
– M [V], également associé du cabinet qui atteste de l’humanité de M. [S] qui a donné ‘sa chance à une personne que la vie n’a pas épargnée’, détaille les problèmes personnels et familiaux de Mme [Y] ou encore reste ‘ pantois’ des faits de harcèlement dénoncés par Mme [Y] au motif qu’elle a pu choisir un fauteuil blanc en cuir ou encore une agrafeuse rose, ne saurait pas plus démontrer que les faits dénoncés de harcèlement moral ne sont pas constitués,
– Mme [L], toujours salariée du cabinet d’assurance, qui atteste des problèmes personnels et familiaux de Mme [Y] mais aussi de la tension existante dans les relations de Mme [I] et Mme [Y] du fait des problèmes personnels de cette dernière qui auraient influé sur son travail, sans autre précision. Elle indique également que ‘jusqu’au dernier trimestre 2016 tout allait bien dans les relations du cabinet bien que le départ d’un associé a mis un peu d’instabilité…’
– Mme [I], qui a depuis quitté le cabinet d’assurance suite à une rupture conventionnelle, atteste d’ une ambiance familiale au sein de la structure, un travail, selon elle, réparti de manière appropriée, une excellente relation avec Mme [Y] et avoir connaissance des problèmes personnels de Mme [Y] qui ‘a changé de comportement avant son départ, elle s’est éloignée de nous, fermée, il n’y a à ma connaissance aucune modification professionnelle justifiant ce changement d’attitude.Je ne conteste pas la dégradation de son état psychique, je le comprends même, connaissant son parcours difficile et sa situation, toutefois il me semble abusif d’en attribuer la responsabilité aux conditions de travail et plus particulièrement à son employeur.’
La cour observe que Mme [I] ne vient pas confirmer les lacunes professionnelles de Mme [Y] du fait de ses problèmes personnels mais atteste en revanche de l’état de dégradation de l’état psychique de Mme [Y] rejoignant ,paradoxalement, le témoignage de Mme [H] qui atteste après avoir décrit la dégradation des conditions de travail de Mme [Y] de ce que ‘[X] était une collègue vaillante, dynamique, volontaire, toujours en forme et souriante quand je l’ai connue en 2014, mais malheureusement, j’ai observé au fil du temps son état physique et mental se dégrader et je m’en inquiétais surtout à partir de 2015. Consciente de cette situation alarmante j’avais donc pris la décision pour le bien de chacun de le signaler à M. [S]…mais celui-ci n’a rien voulu entendre à ma plus grande stupéfaction car il m’a répondu: ce n’est pas votre problème, elle se plaint pour rien, ça ne changera pas.’
Force est de relever qu’en se contentant de se prévaloir de ses propres qualités au titre desquelles sa générosité, des difficultés personnelles de Mme [Y], de ses insuffisances professionnelles et de l’absence de doléances de sa part durant la relation contractuelle, du caractère mensonger du témoignage de Mme [H], à l’encontre de laquelle il n’a toutefois engagé aucune procédure ne tirant ainsi pas les conséquences de ses allégations, l’employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les faits dénoncés par la salariée ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral. Le jugement déféré sera infirmé en conséquence.
Le préjudice, distinct de celui découlant de la rupture du contrat de travail, qui en est résulté pour Mme [Y], sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 8000 euros.
Sur l’obligation de loyauté et l’obligation de sécurité
Il résulte des dispositions de l’article l’article L.1222-1 du code du travail que ‘le contrat de travail est exécuté de bonne foi’.
L’employeur est tenu, par ailleurs, envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dont il lui appartient d’assurer l’effectivité. Cette obligation lui impose de prendre toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, mais également toutes les mesures propres à faire cesser les agissements mettant en péril la santé ou la sécurité des salariés.
En l’espèce, M.[S] a manqué à ces obligations dès lors:
– qu’informé, lors d’échanges avec Mme [H], notamment au mois d’avril 2016, des mauvaises conditions de travail et du mal être de Mme [Y], il n’a procédé à aucune investigation pour vérifier la réalité des faits dénoncés et n’a pas même reçu Mme [Y],
– qu’informé une deuxième fois par un courrier, du conseil de Mme [Y], en date du 13 septembre 2017, du harcèlement moral dont celle-ci s’estimait victime, il n’a procédé à aucune vérification,
– qu’il ne justifie d’aucune mesure de prévention des risques professionnels ou d’information et de formation du personnel contre les risques de harcèlement moral,
– qu’il ne justifie pas avoir mis en place une organisation plus adaptée pour tenir compte des conditions de travail dégradées et du mal être de Mme [Y].
La cour relevant que l’employeur a manqué à son obligation de loyauté et de sécurité ne pourra qu’infirmer sur ce point le jugement déféré.
En l’espèce, le préjudice invoqué par Mme [Y] est pour partie distinct de celui résultant du harcèlement moral dont elle a été victime et de la rupture du contrat de travail. Il lui sera alloué une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi découlant des manquements de l’employeur à son obligation de loyauté et de sécurité.
II – Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
Sur la nullité du licenciement
A titre liminaire, il convient de rappeler que lorsque l’inaptitude du salarié trouve son origine dans le harcèlement moral dont il a été victime, le licenciement prononcé pour inaptitude est nul.
En l’espèce, il résulte des énonciations susmentionnées que Mme [Y] a été victime de harcèlement moral.
La cour relève que Mme [Y] a toujours travaillé et ce malgré les difficultés personnelles ou familiales qu’elle a pu rencontrer, qui ne sont d’ailleurs pas contestées et qu’il ne résulte d’aucun des éléments du dossier qu’elle présentait un état pathologique antérieur.
Par ailleurs, il ressort des documents médicaux produits :
– un premier arrêt de travail lui a été délivré le 4 août 2016 pour un motif médical de surmenage sans qu’elle en informe son employeur ou cesse son activité de travail,
– Mme [Y] a été mise en arrêt de travail par son médecin traitant, le Docteur [F], le 9 décembre 2016 pour un syndrome d’épuisement et de dépression sévère,
– des arrêts de travail lui ont été délivrés sans interruption du mois de décembre 2016 au mois de mai 2018, sur le diagnostic d’une dépression réactionnelle ou sévère
– dans un courrier qu’il a adressé à un confrère le 9 décembre 2016, son médecin traitant relève que Mme [Y]: ‘ dit subir depuis quelques mois une forte pression sur son lieu de travail’ et que ‘la patiente présente des troubles d’angoisses’,
– dans un certificat du 6 avril 2017 le docteur [F] indique que Mme [Y] avait consulté le 8 décembre 2016 pour un épisode de Tachycardie Paroxystique suite à un épisode de grosse fatigue, surmenage et d’épuisement et que l’arrêt s’était poursuivi pour un état de dépression sévère accompagné notamment d’un état d’angoisse à l’idée de se rendre sur son lieu de travail,
– un compte rendu de consultation de pathologie professionnelle du Docteur [P] en date du 6 juin 2018 exposant ‘Au regard de l’ensemble des éléments médicaux colligés lors de notre entretien et du contexte de travail décrit, ce syndrome dépressif semble faire suite à un épuisement professionnel, chez une patiente fragilisée par son histoire personnelle. La sortie de l’entreprise pour inaptitude en cours apparait indispensable.’,
– un certificat médical du Docteur [F] du 7 juin 2018 contre indiquant formellement tout retour de Mme [Y] sur son lieu de travail et au poste qu’elle a occupé,
– un certificat médical du 1er octobre 2018 du Docteur [J], psychiatre, faisant état de sa demande d’inaptitude pour [X] [Y], auprès du médecin du travail pour raison médicale ‘afin de couper le lien de Mme [X] [Y] avec son emploi, ce lien persistant me paraissant être lui- même un facteur anxiogène important’.
La Cour relève ainsi que l’ensemble des documents médicaux produits aux débats établissent de manière non-équivoque que l’inaptitude de [X] [Y] trouve sa cause directe dans la dégradation de son état psychique du fait du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de l’employeur.
Dés lors il y a lieu d’infirmer le jugement déféré de ce chef et de prononcer la nullité du licenciement de [X] [Y].
Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail
Du fait de la nullité du licenciement, [X] [Y] est fondée à obtenir payement d’une indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité de congés payés sur préavis.
L’article 45 de la convention nationale des personnels des agences générales d’assurances prévoit un préavis d’un mois pour les agents de classe 1, porté à deux mois en cas de licenciement d’un salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté.
Sur la base de son ancienneté et de la rémunération qu’elle aurait perçue si elle avait poursuivi son activité (2012,87 euros), Mme [Y] peut prétendre à une indemnité de préavis de 4 025,74 euros outre 402,50 euros pour les congés payés afférents, au paiement desquels Monsieur [S] sera condamné. Il convient de lui allouer lesdites sommes.
Par ailleurs, dés lors qu’elle ne sollicite pas sa réintégration dans l’entreprise, Mme [Y] est en droit d’obtenir payement d’une indemnité réparant l’entier préjudice résultant pour elle de la rupture du contrat de travail, égale au moins à 6 mois de salaire.
Sur la base de son salaire brut (2012,87 euros) il convient d’allouer à Mme [Y] la somme de 14 090,09 euros qui réparera justement le préjudice qu’elle a subi, compte tenu de son salaire, de son âge et de son ancienneté.
Sur la remise des documents contractuels pendant la relation de travail et à l’occasion de la rupture du contrat de travail
La violation par l’employeur des délais impartis pour la remise des bulletins de salaires, des indemnités journalières, de l’attestation destinée à la prévoyance complémentaire ou encore de l’attestation destinée à pôle emploi, ouvre droit à réparation.
La cour relève au vu des pièces produites aux débats:
– la remise tardive des bulletins de salaires et du chèque des salaires du mois de janvier et de février 2017, janvier 2018
– l’absence d’indemnités journalières versées à l’employeur et non reversées au salarié,
– l’aide d’une éducatrice spécialisée, Mme [A], qui atteste de son aide dans les démarches pour obtenir les indemnités journalières de Mme [Y], de l’asphyxie financière dans laquelle Mme [Y] s’est retrouvée, des multiples demandes d’aides alimentaires, demandes d’aides exceptionnelles auprès des établissements scolaires des enfants pour le règlement de la cantine, le refus de l’employeur d’effectuer les démarches nécessaires pour le dossier de prévoyance et des attestations erronées remises par l’employeur et ne permettant pas de ce fait une prise en charge par pôle emploi pendant 3 mois,
– les difficultés financières de Mme [Y] au vu de ses relevés de banque, des relances de factures et derniers avis avant contentieux, son interdiction bancaire à compter du 22 mars 2018, le courrier électronique de Mme [U], assistante sociale pour un secours alimentaire en urgence, auprès du secours catholique,
– l’aide familiale dont a bénéficié Mme [Y] au vu de l’attestation de sa soeur, Mme [Y] épouse [R],
– l’ordonnance de référé en date du 21 juin 2018 qui constate que l’employeur a fait preuve d’une résistance abusive du paiement du salaire de Mme [Y] et le condamne à lui payer la somme de 3 500 euros au titre d’une provison sur dommages et intérêts.
Au vu de l’ensemble de ces éléments il sera alloué à Mme [Y], en sus de la provision déjà allouée, une somme de 3000 euros en réparation des préjudices qui sont résultés des manquements de l’employeur qui a retenu des chèques de salaires et a retardé le reversement des indemnités journalières et la prise en charge de Mme [Y] par pôle emploi.
Sur la remise des bulletins de paie
Aux termes de l’article R 3243-2 du code du travail il est constant que ‘le bulletin de paie prévu à l’article L. 3243-2 comporte: le nom et l’adresse de l’employeur ainsi que le cas échéant, la désignation de l’établissement dont dépend le salarié’
La cour relève que certains bulletins de paie remis à Mme [Y] par son employeur sont tronqués et fera droit en conséquence à sa demande de voir M [S] condamné à lui remettre les bulletins de paie originaux et non tronqués, des mois de septembre 2014 à décembre 2014, février 2016 à septembre 2016, novembre 2016 et les mois d’avril 2018 et mai 2018, en qualité de collaboratrice d’agence. En l’espèce, il n’y a lieu de prononcer une astreinte.
La société LVS n’étant pas partie au présent litige il convient de débouter Mme [Y] de sa demande de remise des bulletins de paie originaux afférents à son contrat de travail avec la société LVS en qualité d’agent d’entretien.
Sur les dépens, les frais irrépétibles
M.[S], qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et les dépens d’appel, au paiement desquels il sera condamné, le jugement déféré étant infirmé en conséquence.
L’équité commande de ne pas laisser à Mme [Y] la charge des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d’appel. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , M [S] sera condamné à lui payer la somme de 2500 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande relative à sa rémunération variable,
INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
STATUANT de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que Mme [Y] a été victime de harcélement moral, à l’origine de son inaptitude et que son licenciement est nul,
CONDAMNE M [S] à payer à Mme [Y] les sommes suivantes:
– 8 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait du harcèlement moral,
– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de prévention et de protection de la santé et de la sécurité,
– 4 025,74 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 402,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
– 14 090,09 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– 3 000 euros en réparation du préjudice financier en raison des manquements de l’employeur relatifs à la remise des documents contractuels pendant la relation de travail et à l’occasion de la rupture du contrat de travail,
DIT que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé de la présente décision pour les créances de dommages intérêts, à compter de la convocation devant le conseil de prud’hommes pour les créances de nature salariale;
CONDAMNE M.[S] à remettre à Mme [Y] les bulletins de paie originaux et non tronqués, des mois de septembre 2014 à décembre 2014, février 2016 à septembre 2016, novembre 2016 et les mois d’avril 2018 et mai 2018, en qualité de collaboratrice d’agence,
DIT n’y avoir lieu à prononcer une astreinte,
DEBOUTE Mme [Y] de sa demande de remise des bulletins de paie originaux afférents à son contrat de travail avec la société LVS en qualité d’agent d’entretien,
CONDAMNE M.[S] à payer à Mme [Y] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps M.P. Menu