Épuisement professionnel : 21 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02736

·

·

Épuisement professionnel : 21 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02736

C3

N° RG 21/02736

N° Portalis DBVM-V-B7F-K5UD

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023

Appel d’une décision (N° RG 18/00823)

rendue par le Pole social du TJ d’ANNECY

en date du 27 mai 2021

suivant déclaration d’appel du 18 juin 2021

APPELANTE :

Madame [S] [K]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Béatrice BONNET CHANEL de la SARL CABINET BEATRICE BONNET CHANEL, avocat au barreau d’ANNECY

INTIMEES :

Organisme CPAM DE HAUTE SAVOIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

comparante en la personne de Mme [V] [B], régulièrement munie d’un pouvoir

S.E.L.A.R.L. [8] es qualité d’administrateur judiciaire de la société [10] dont le siège social est situé [Adresse 13]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Valentin TREAL, avocat au barreau d’ANNECY

S.E.L.A.R.L. [Y] ET [N] es qualité mandataire judiciaire de la société [10] dont le siège social est situé [Adresse 13]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Valentin TREAL, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, et de Mme Fatma DEVECI, greffier stagiaire en pré-affectation

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 janvier 2023,

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [S] [K], employée par la société [12] devenue [10] exploitant des parfumeries et centres d’esthétique suivant contrat de travail à durée indéterminée du 10 juillet 2000, a été affectée au poste de responsable de magasin au sein de l’établissement de [Localité 11].

Mme [K] a déclaré auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de la Haute-Savoie une maladie professionnelle selon certificat médical initial du 11 octobre 2014 faisant état d’un burn-out et d’un épuisement professionnel depuis le 16 septembre 2013 et a été en arrêt de travail à compter de cette date.

Après avis favorable du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), s’agissant d’une maladie hors tableau, la caisse primaire a notifié, le 22 mai 2015, sa décision de prendre en charge la maladie déclarée au titre de la législation professionnelle.

L’état de santé de l’assurée a été déclaré consolidé avec séquelles indemnisables le 30 septembre 2016. Le taux d’Incapacité Permanente Partielle initial de 7 % a été porté à 21 % par jugement du 5 avril 2019 du tribunal du contentieux de l’incapacité de Lyon.

Mme [K], déléguée du personnel depuis 2009, a été licenciée pour inaptitude le 8 février 2017.

Suite à sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la caisse primaire a dressé un procès-verbal de non conciliation le 26 septembre 2017.

Le 23 octobre 2018, Mme [K] a saisi aux mêmes fins l’ex tribunal des affaires de sécurité sociale d’Annecy.

Dans le cadre de la contestation de son licenciement et de l’exécution de son contrat de travail, la cour d’appel de Chambéry statuant sur l’appel d’un jugement du conseil des prud’hommes d’Annecy du 8 novembre 2018 a, par arrêt du 7 novembre 2019, dit qu’elle avait été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, condamné à lui verser de ce chef une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Parallèlement, par jugement du 17 mai 2021 (RG n° 15/1004), le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy saisi par la société [10] d’une contestation de l’opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie par la caisse, a désigné un nouveau Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles.

Par jugement du 27 mai 2021 (RG 18/00823), le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy dans le litige se rapportant à la demande de reconnaissance de faute inexcusable à l’origine de cette maladie a sursis à statuer jusqu’au prononcé de la décision à intervenir du pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy dans le cadre de l’instance enregistrée sous le numéro de rôle n°2015/1004 après avis du CRRMP de [Localité 9].

Mme [K] a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 18 juin 2021.

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Chambéry a placé la société [10] en redressement judiciaire et désigné la société [8] en qualité d’administrateur judiciaire qui sont intervenus volontairement à l’instance.

Les débats ont eu lieu à l’audience du 10 janvier 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 21 mars 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [S] [K] selon ses conclusions d’appel notifiées par RPVA le 14 octobre 2022 reprises à l’audience demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel immédiat, pour les raisons évoquées au chapitre intéressant le jugement, sa critique et la recevabilité de l’appel et sans s’arrêter à toutes conclusions et demandes contraires, si ce n’est pour les rejeter en ce qu’elles sont infondées et injustifiées,

– infirmer le jugement entrepris du 27 mai 2021 en ce qu’il a fait droit à l’argumentation de fond adverse concernant un prétendu lien de dépendance entre le contentieux employeur en cours, en attente de l’avis d’un second CRRMP, par jugement du 17 mai 2021, et le présent litige portant sur la faute inexcusable de l’employeur, ce qui n’est en rien dépendant de l’inopposabilité soulevée, ce sursis à statuer n’ayant par ailleurs pas été demandé par la partie adverse, en première instance, le Tribunal ayant statué ultra petita en plus de statuer d’une manière totalement infondée et injustifiée en droit comme en fait dans le cadre de ce qui s’apparente à un véritable excès de pouvoir,

Et statuant à nouveau,

– juger que la maladie professionnelle déclarée le 11 octobre 2014 est due à la faute inexcusable de son employeur, la société [10],

– juger que la rente qui lui est versée de ce chef sera majorée à son taux maximum, cette majoration devant suivre l’évolution du taux d’IPP,

– juger qu’elle a droit à l’indemnisation de son préjudice complémentaire, et plus seulement dans le cadre des seules dispositions de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, la victime ayant désormais droit à la réparation intégrale de son préjudice aux termes de la décision rendue le 18 juin 2010 par le Conseil Constitutionnel et la jurisprudence prise pour l’application de cette décision,

– ordonner une mesure d’expertise judiciaire confiée à tel médecin qu’il appartiendra, avec pour possibilité de s’adjoindre un sapiteur psychiatre, le cas échéant, ou un psychiatre (si la cour dispose d’un expert psychiatre), avec mission détaillée dans ses écritures ;

– condamner la société [10] à lui payer une indemnité provisionnelle de 30.000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice définitif,

– juger que la CPAM fera l’avance des sommes allouées à titre de dommages et intérêts,

– condamner la société [10] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en première instance, outre 3.000 euros en cause d’appel,

– condamner la société [10] aux entiers dépens d’instance.

Elle soutient que le tribunal a ordonné un sursis à statuer sur un argument de fond et tranché ainsi une partie du litige, ce qui rend son appel immédiat recevable. De plus il a statué ultra petita, n’étant pas saisi d’une demande de sursis à statuer.

Sur la faute inexcusable, s’appuyant sur l’arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry le 7 novembre 2019, elle fait valoir que l’employeur ne pouvait qu’avoir conscience du danger lié à la dégradation de son état de santé puisqu’elle l’a alerté sur sa surcharge de travail.

Elle estime que l’employeur n’a pas préservé sa sécurité et sa santé en la surchargeant de travail pendant plusieurs années, ajoutant à ses attributions de nouvelles tâches supplémentaires, sans jamais lui retirer les anciennes, ce qui a conduit à la dégradation de son état de santé pour burn-out pris en charge par la CPAM le 22 mai 2015.

La société [10] représentée par les sociétés [8], administrateur, et [Y] ET [N], mandataire judiciaire intervenant es qualités, au terme de ses conclusions d’appel notifiées par RPVA le 27 septembre 2022 reprises à l’audience demande à la cour de :

– juger irrecevable l’appel formé par Mme [K] en l’absence d’autorisation du premier président,

A défaut,

– confirmer le sursis à statuer,

– débouter Mme [K] de l’ensemble de ses prétentions contraires,

– condamner Mme [K] à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que l’appel interjeté par Mme [K] est irrecevable, faute d’avoir saisi le premier président pour qu’elle l’autorise à interjeter appel du jugement ayant sursis à statuer.

Elle estime que rien ne permet de justifier un lien de causalité entre l’activité professionnelle et la maladie professionnelle de Mme [K], d’où l’intérêt de surseoir à statuer dans l’attente de l’avis du second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Sur la faute inexcusable, elle soutient que Mme [K] n’exerçait pas ses responsabilités de manière cumulative et qu’elle n’assumait pas seule l’intégralité des tâches dont elle avait la responsabilité puisqu’elle a bénéficié de l’aide de différents collaborateurs.

Elle prétend qu’aucun élément ne permet non plus de justifier ni d’une surcharge de travail, ni d’un burn-out et que les échanges de mails qui ont eu lieu entre elle et Mme [K], démontrent la qualité de leurs relations, de même que les informations publiées sur Facebook par la salariée qui « ne tarissait pas d’éloges sur ses conditions de travail ».

Concernant l’arrêt rendu le 7 novembre 2019, elle estime que le fait que la cour d’appel de Chambéry ait retenu, dans le cadre du litige prud’homal, l’existence d’un harcèlement moral, n’a pas pour conséquence automatique la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Le dispositif du jugement du 27 mai 2021 du tribunal judiciaire d’Annecy dont Mme [K] a relevé appel est rédigé comme suit :

Sursoit à statuer jusqu’au prononcé de la décision à intervenir du pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy dans le cadre de l’instance enregistrée sous le numéro de rôle n° 2015/1004 après avis du CRRMP de [Localité 9] ;

Dit que postérieurement au prononcé de la décision à intervenir dans le cadre de l’instance enregistrée sous le numéro de rôle n° 2015/1004, les parties seront convoquées à une nouvelle audience pour faire valoir leurs observations sur ce nouvel élément ;

Réserve les dépens.

Selon l’article 380 du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

D’après l’article 480 du code de procédure civile : ‘Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.

Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4″.

L’autorité de la chose jugée ne s’attache donc qu’à ce qui fait l’objet du jugement et a été tranché au dispositif.

Les motifs au soutien nécessaire du dispositif n’ont ainsi pas autorité de chose jugée mais permettent seulement d’éclairer la portée du dispositif d’une décision.

En conséquence, Mme [K] ne pouvait relever appel directement du jugement mais devait obtenir l’autorisation du premier président de la cour d’appel de Grenoble, désignée compétente territorialement pour statuer sur les appels des jugements rendus par le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy.

Faute d’avoir obtenu cette autorisation, son appel direct est irrecevable.

Succombant, Mme [K] supportera les dépens de la présente instance d’appel.

Il ne parait pas inéquitable de laisser aux intimées la charge de leurs frais irrépétibles d’instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare irrecevable l’appel formé par Mme [S] [K] le 18 juin 2021 sans autorisation du premier président de la cour d’appel de Grenoble contre le jugement RG n° 18/00823 rendu le 27 mai 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy ayant ordonné un sursis à statuer.

Condamne Mme [S] [K] aux dépens de la présente instance d’appel.

Déboute la SAS [10], représentée par la SELARL [8] et la SELARL ETUDE [Y] ET [N] es qualités d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, de sa demande par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x