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24 juin 2022
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
21/00002
ARRET N° 22/148
R.G : N° RG 21/00002 – N° Portalis DBWA-V-B7E-CGET
Du 24/06/2022
[V]
C/
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 24 JUIN 2022
Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Fort de France, du 20 Mai 2020, enregistrée sous le n° 15/00582
APPELANTE :
Madame [Z] [V] Décision aide juridictionnelle n°2020/002016 du 10/12/2020
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-line RICHARD-MERIL, avocat au barreau de MARTINIQUE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002016 du 10/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de FORT DE FRANCE)
INTIMEE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3] UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3],
prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 3]/FRANCE
Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 avril 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
– Madame Anne FOUSSE, Conseillère
– Monsieur PLUMENAIL , Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Rose-Colette GERMANY,
DEBATS : A l’audience publique du 29 avril 2022,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 24 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour.
ARRET : Contradictoire
**************
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [Z] [V] a été embauchée par l’ASSOCIATION CAD’HOME en qualité d’auxiliaire de vie sociale :
suivant contrat à durée déterminée (CUI-contrat d’accompagnement dans l’emploi) du 24 janvier 2011, pour une durée de 6 mois,
puis, par contrat à durée déterminée du 27 juillet 2011, pour une nouvelle durée de 6 mois, à compter du 24 juillet 2011,
par contrat à durée indéterminée du 24 juillet 2011.
Ce contrat à durée indéterminée a été modifié par un premier avenant, à effet du 2 juillet 2012, puis par un deuxième avenant, à compter du 1er février 2013, la salariée étant désormais employée en qualité d’aide médico-psychologique, pour une rémunération mensuelle brute lissée de 1 732,94 euros.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 20 décembre 2014, Mme [V] s’est vue notifier un avertissement disciplinaire.
Par la même voie, le 21 janvier 2015, son employeur lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire avant de la convoquer, le 28 janvier 2015, à un entretien préalable à un licenciement, devant avoir lieu le 3 février 2015, mais décalé au 9 février 2015.
Par une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception du 12 février 2015, l’ASSOCIATION CAD’HOME a notifié à Mme [V] son licenciement pour faute grave, en ces termes :
«(‘) Comme vous le savez, notre association, que vous avez intégrée le 16 août 2010, en qualité d’auxiliaire de vie sociale est soumise à une réglementation stricte concernant, notamment, les compétences professionnelles de son personnel, dans la mesure où nous intervenons auprès de personnes dites vulnérables.
En janvier 2013, vous nous avez fait part de votre souhait d’avoir une augmentation et d’évoluer vers le poste d’aide médico-psychologique. Vous nous aviez alors indiqué que vous disposiez du diplôme d’État d’AMP, que vous prétendez avoir obtenu dans le cadre d’une VAE effectuée avec l’ADAPEI.
C’est dans ce contexte que nous avons accepté de vous faire évoluer vers un poste d’AMP et un avenant à votre contrat de travail prenant effet à compter du 1er février 2013 a été signé.
Concomitamment à la signature de votre avenant, nous vous avons demandé, et conformément à la réglementation en vigueur, de nous transmettre votre diplôme d’AMP. Vous nous avez indiqué que vous ne disposiez pas d’exemplaires de votre diplôme mais que vous vous rapprocheriez de la DS DS à cette fin.
Cependant vous ne nous avez jamais transmis ledit diplôme et ce malgré nos diverses relances verbales, la dernière datant du 21 octobre 2014. En effet, durant cette réunion d’équipe, Madame [H] [L], votre responsable de secteur vous a de nouveau réclamé votre diplôme d’AMP, vous a conseillé de relancer la DSDS et vous avez acquiescé.
N’ayant toujours pas ledit document, nous avons été contraints de vous sommer de faire diligence par courrier en date du 21 novembre 2014 (‘).
Malgré notre grande patience, vous n’avez rien fourni ce qui nous a contraint à vous mettre en demeure de me transmettre le document sous huit jours par courrier du 8 janvier 2015.
Il est apparu que votre réticence à fournir ce diplôme nous permettait de douter sérieusement de la réalité de vos qualifications raison pour laquelle nous n’avons pas eu d’autre choix que de vous signifier par courrier du 21 janvier 2015 votre mise à pied à titre conservatoire, le risque que vous étiez susceptibles de faire peser sur l’association étant particulièrement grave.
Lors de votre entretien, vous n’avez pas été en mesure de nous fournir des explications valables quant à l’absence de transmission de ce diplôme que vous vous étiez engagés à fournir des votre changement de poste. Pire encore, nous n’avons pu constater votre mauvaise foi, puisque tout en affirmant que vous disposiez du diplôme, vous nous avez signifié qu’il nous appartenait de former pour que vous pour vous permettre d’obtenir ledit diplôme.
Tout aussi significative, le contrôleur du travail nous a informé que vous lui aviez expliqué que vous n’aviez jamais eu le diplôme en question et avait prétendu que nous en étions parfaitement avisés’
Quoi qu’il en soit, force est de constater que nous ne disposons toujours pas, à ce jour, du diplôme en question, et qu’il apparaît que vous avez fait preuve de mauvaise foi manifeste ce qui est inadmissible, dès lors que vous n’étiez pas sans ignorer l’importance de ce diplôme, eu égard en particulier à la réglementation stricte à laquelle notre activité est soumise.
Nous constatons malheureusement que ce n’est pas la première fois que votre mauvaise foi est de nature à compromettre le bon fonctionnement de notre activité.
En effet, nous vous rappelons à ce titre que vous nous avez volontairement transmis des informations erronées concernant vos indemnités kilométriques en inventant des transferts entre deux prestations alors qu’elles n’étaient pas consécutives. Cette tricherie susceptible d’entraîner la surestimation de vos indemnités kilométriques a fait l’objet d’un premier avertissement le 20 décembre 2014 puis d’un second avertissement le 15 janvier 2015 puisque vous avez de nouveau réitérer la man’uvre.
Ajouté à cela, dans votre courrier du 28 octobre 2014, vous avez lancé des accusations infondées à l’encontre de votre responsable de secteur. Vous aviez, en effet, prétendu que cette dernière vous avait menacé en tenant des propos tels que «tu verras ta tronche sur le parking». Or après une enquête interne, nous avons, début janvier 2015, reçu les réponses et témoignages des personnes présentes le jour des faits, confirmant qu’il s’agissait d’accusations calomnieuses car ces propos n’ont jamais été proférés. Un tel comportement est inacceptable dès lors qu’il compromet le maintien d’un contexte de travail serein. Sachez d’ailleurs que la responsable de secteur se réserve le droit de porter plainte pour dénonciation calomnieuse
Outre la non transmission du diplôme nécessaire à l’accomplissement de missions, vous avez manqué de façon réitérée à votre obligation d’exécuter votre contrat de bonne foi ce que nous ne pouvons tolérer, au regard des conséquences dommageables pour notre association.
Nous considérons que l’ensemble de ces faits constitue une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans la structure.
Votre licenciement prendra effet à la date d’envoi du présent courrier, soit le 12 février 2015, sans préavis ni indemnité de rupture.
La période correspondant à la mise à pied à titre conservatoire que nous vous avions notifié par courrier du 21 janvier 2015 dans l’attente de notre décision ne vous sera pas rémunérée (…)».
Le 17 décembre 2015, Mme [Z] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour contester son licenciement.
Par jugement du 19 juin 2018, le tribunal de grande instance de Fort de France a prononcé la liquidation judiciaire de l’association CAD’HOME.
La SCP BR ET ASSOCIES, es qualités de mandataire liquidateur de l’association et l’ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3] ont été appelées à la cause.
Par jugement contradictoire du 20 mai 2020, le conseil de prud’hommes a :
dit que le licenciement de Mme [Z] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse,
débouté Mme [V] de l’ensemble de ses demandes,
condamné Mme [V] aux dépens.
Le conseil a, en effet, considéré, au principal, que l’association CAD’HOME avait respecté la procédure de licenciement et que la faute grave était justifiée.
Par déclaration électronique du 29 décembre 2020, Mme [Z] [V] a relevé appel du jugement.
Par acte d’huissier de justice du, l’appelante a fait signifier sa déclaration d’appel à la SCP BR ET ASSOCIES, es qualités de mandataire liquidateur de l’association CAD’HOME. Acte remis à personne habilitée.
Par conclusions du 29 mars 2021, transmises par la voie électronique et signifiées à la SCP BR ET ASSOCIES, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire et, en tout état de cause, l’annuler,
dire que le contrat de travail a été rompu sans respect de la procédure et sans cause réelle et sérieuse,
fixer comme suit les sommes qui lui sont dues :
3 465,96 euros, à titre d’indemnité de préavis,
399,70 euros, représentant 5 jours pour les congés annuels 2014,
1 732,98 euros, à titre d’indemnité pour le respect de la clause de non-concurrence,
1 732,98 euros, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
17 329,80 euros, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
13 387,83 euros, à titre de rappel d’heures supplémentaires,
10 397,64 euros, à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice du fait de l’absence de visite médicale d’embauche,
3 197,60 euros, à titre d’indemnité pour non-respect des repos hebdomadaires,
5 000,00 euros, à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
3 000,00 euros, à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de l’obligation de formation,
8 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
dit que les sommes porteront intérêt à compter de l’introduction de la demande,
dit que l’AGS garantira les sommes dues par l’employeur.
Au soutien de ses demandes, elle expose que le délai de 5 jours ouvrables entre la date de convocation et l’entretien n’a pas été respecté. Elle précise que la mise à pied est une pise à pied disciplinaire qui a épuisé le pouvoir disciplinaire de l’employeur, l’interdisant de prononcer une nouvelle sanction. Elle souligne donc que la procédure de licenciement est irrégulière.
Elle fait valoir ensuite qu’il appartient à l’employeur de démontrer la faute grave. Elle conteste les motifs du licenciement.
Elle revient enfin sur l’ensemble de ses demandes en paiement pour les expliquer.
Par conclusions remises au greffe le 23 juin 2021 et signifiées à la SCP BR ET ASSOCIES le 30 juin 2021, l’ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, à titre subsidiaire rappelle les limites et conditions de sa garantie.
A l’appui de ses prétentions, elle soulève d’abord l’irrecevabilité de la demande en dommages et intérêts pour rupture abusive non-comprise dans la déclaration d’appel. Sur le fond, elle rappelle que la salariée doit justifier d’un préjudice distinct de celui résultant du licenciement.
Elle soulève ensuite l’irrecevabilité de la demande relative aux congés annuels 2014 non-visée dans la déclaration d’appel. Au fond, elle l’estime infondée, Mme [V] se basant sur un tableau établi par ses soins.
Elle soulève encore l’irrecevabilité de la demande en paiement d’une indemnité pour non-respect des temps de repos hebdomadaires non-visée dans la déclaration d’appel. Sur le fond, elle l’estime infondée.
Elle soulève également l’irrecevabilité de la demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de visite médicale d’embauche non-visée dans la déclaration d’appel. Au fond, elle estime cette demande infondée.
Elle soulève l’irrecevabilité de la demande en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la violation de l’obligation de formation non-visée dans la déclaration d’appel. Au fond, elle l’estime infondée.
Elle soulève enfin l’irrecevabilité de la demande relative aux intérêts non-viée dans la déclaration d’appel. Elle dit cette demande infondée puisque contraire aux dispositions relatives à l’arrêt du cours des intérêts en redressement judiciaire et liquidation judiciaire.
Elle estime valident tant la mise à pied à titre conservatoire que la procédure de licenciement. Elle indique que les motifs du licenciement, à savoir la non-transmission du diplôme, la mauvaise foi de la salariée qui a dit au contrôleur du travail que son employeur connaissait son absence de diplôme, les accusations contre la responsable de secteur, constituent la cause réelle et sérieuse du licenciement.
Elle rappelle encore que le contrat à durée indéterminée de Mme [V] ne contient pas de clause de non-concurrence.
S’agissant de la demande adverse au titre des heures supplémentaires, elle l’estime pour partie prescrite et souligne que la salariée ne peut se fonder sur les tableaux qu’elle a elle-même effectués et ne justifie pas son calcul.
Elle indique encore que la salariée ne rapporte pas la preuve d’une dissimulation de travail.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 décembre 2021.
MOTIFS DE L’ARRET :
Sur l’irrecevabilité des demandes non-comprises dans la déclaration d’appel :
Aux termes de l’article 901 4ème du code de procédure civile, la déclaration d’appel est faite par acte contenant les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité.
Aux termes de la déclaration d’appel, Mme [V] a indiqué que son recours portait sur :
le licenciement pour faute grave,
l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
l’indemnité légale de licenciement,
l’indemnité compensatrice de préavis,
demande en paiement pour non-respect clause de non-concurrence,
demande au titre du rappel d’heures supplémentaires,
demande au titre du rappel d’heures de travail effectif non payées,
demande au titre du non-respect du repos compensateur
demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
Or, dans ses écritures d’appel, l’appelante a demandé également à la cour la requalification de la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire, une somme au titre des congés annuels 2014, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale d’embauche, des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation, des dommages et intérêts pour rupture abusive et les intérêts sur les sommes dues à compter de l’introduction de la demande.
Or, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
En l’espèce, cette dévolution ne concerne pas les chefs de jugement ci-dessus repris. La cour n’en est donc pas saisie.
S’agissant des intérêts sur les condamnations pécuniaires prononcées, la production d’intérêts étant de droit, ce chef de demande ne saurait être considéré comme exclu de la dévolution à la cour.
En conséquence, la cour constate l’absence de dévolution des chefs du jugement non-contenus dans la déclaration d’appel et non l’irrecevabilité des demandes.
Sur le bienfondé du licenciement :
Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Suivant les termes de l’article L 1235-1 du même code, dans la rédaction applicable au litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre partie.
La lettre de licenciement, qui fixe les données du litige, comporte les motifs retenus par l’ASSOCIATION CAD’HOME pour justifier le licenciement de Mme [V] pour faute grave. La cour doit rechercher si ces éléments sont réels, sérieux et corroborées par les pièces produites aux débats et s’ils constituent la cause exacte du licenciement.
S’agissant d’un licenciement disciplinaire, la cour doit rechercher si les griefs invoqués par l’employeur sont constitutifs d’une faute grave de la part de la salariée, c’est-à-dire d’une faute qui interdit tout maintien dans l’entreprise de la salariée.
Si le juge estime que les motifs retenus par l’employeur ne constituent pas une faute grave, mais néanmoins une faute, voire une cause réelle et sérieuse de licenciement, il statue sur le bienfondé de ce dernier.
La notification du licenciement adressée à la salariée, le 12 février 2015 repose sur les motifs suivants :
non-transmission par la salariée de son diplôme d’Aide Médico-Psychologique à l’employeur,
mauvaise foi de la salariée
S’agissant du premier grief, il est établi que Mme [V] a été embauchée par l’ASSOCIATION CAD’HOME, à compter du 24 janvier 2011, en qualité d’auxiliaire de vie. Il ressort du compte-rendu d’entretien professionnel annuel d’évaluation du 17 décembre 2012, au titre des objectifs que la salariée souhaite une augmentation de salaire et que l’employeur note : «carrière : nous prévoirons une augmentation à l’échelon d’AMP (C2 ; Coef. 304)». Suivant 2ème avenant au contrat de travail à durée indéterminée du 24 juillet 2011 signé le 8 janvier 2013, il est prévu ceci : «au vu de l’ancienneté de la salariée dans ses fonctions et dans un poste antérieur en tant qu’Aide Médico-Psychologique (AMP), un changement d’échelon et de coefficient lui est proposé dans ce 2ième avenant. Aussi à compter du 1er février 2013, la salariée est positionnée : personnel d’intervention
Emploi repère : Aide Médico-Psychologique (C2)
Coefficient : 316 »
De ces éléments, il ressort que l’employeur a décidé de positionner Mme [V], suivant la grille de qualification, au niveau d’AMP, sans exiger, au préalable, de la salariée la justification du diplôme requis, ni vérifier sa qualification professionnelle. L’employeur ne justifie nullement avoir demandé à Mme [V], lors de la signature de cet avenant, la transmission de cette certification professionnelle. Dans ces conditions, l’employeur ne saurait, a postériori, réclamer une telle pièce justificative à la salariée et fonder la décision de licenciement sur l’absence de production de la preuve de l’obtention du diplôme par Mme [V]. Ce premier grief n’est donc pas susceptible de constituer un manquement fautif de la part de la salariée.
S’agissant de la mauvaise foi de la salariée, il ressort de la lettre de licenciement que l’employeur reproche à Mme [V] deux comportements fautifs :
avoir affirmé à l’employeur être titulaire du diplôme d’AMP, tout en lui signifiant qu’il lui appartenait de la former pour l’obtenir et avoir dit au contrôleur du travail que son employeur savait qu’elle n’était pas titulaire du diplôme,
avoir porté de fausses accusations envers sa responsable de secteur en prétendant que celle-ci avait proféré des menaces à son encontre.
Le premier reproche formulé à l’encontre de la salariée est singulier dans la mesure où l’employeur s’est mis dans son tort en revalorisant la position professionnelle de Mme [V] au mépris du respect de la qualification. Le contrôleur du travail en fait d’ailleurs le constat, dans le courrier du 26 janvier 2015, qu’il adresse à Mme [V]. Les éléments relatés ci-dessus permettent d’ailleurs à tout le moins de soupçonner que l’ASSOCIATION CAD’HOME savait pertinemment que la salariée n’était pas diplômée AMP. Au demeurant, il est établi par les pièces produites que Mme [V], en dépit de cette revalorisation en terme de carrière et de salaire, continuait à effectuer les tâches dévolues à une auxiliaire de vie.
Le deuxième reproche est quant à lui non-justifié dans sa matérialité par l’employeur.
Ce grief, tiré de la mauvaise foi de la salariée, n’est ainsi pas mieux établi que le premier.
Le jugement, qui se contente de rappeler les textes applicables et ne motive pas en quoi les motifs sur lesquels repose le licenciement de Mme [V] constituent une cause réelle et sérieuse, est donc infirmé.
La cour considère le licenciement de Mme [V] dépourvu d’une cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Aux termes de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.
Au regard de la liquidation de l’ASSOCIATION CAD’HOME et des données du litige, la réintégration de la salariée est sans objet.
Le salaire mensuel brut de Mme [V] est de 1 732,94 euros.
Il convient de lui octroyer une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 10 397,64 euros. Sa demande est, dès lors, partiellement satisfaite.
Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement :
Vu les dispositions de l’article 26 b de la convention collective nationale de la branche d’Aide, de l’Accompagnement, des Soins et des Services à Domicile,
Au regard de l’ancienneté de Mme [V] dans l’association, elle a droit à une indemnité conventionnelle calculée comme suit :
1/5 x 1 732,94 x 5 = 1 732,94 euros.
Sa demande est donc justifiée.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
Aux termes de l’article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : (‘) s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de service continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
A ce titre, la demande de Mme [V] à hauteur de 3 465,88 euros, est justifiée.
Sur la demande au titre du non-respect de la clause de non-concurrence :
Ni le contrat de travail à durée indéterminée du 24 juillet 2011, ni les avenants à ce contrat, ne prévoient de clause de non-concurrence. Dans ces conditions, la demande de Mme [V] ne peut qu’être rejetée.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
Aux termes de l’article L 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l’espèce, le contrat de travail de Mme [V] a été rompu, le 12 février 2015 ; elle peut donc réclamer paiement des heures supplémentaires à compter du 12 février 2012. La période antérieure est prescrite.
Vu les dispositions des articles L 3121-28 et suivants du code du travail,
Selon les dispositions de l’article L 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Pour preuve des heures supplémentaires effectuées, il appartient à Mme [V] de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non-rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
A cet effet, Mme [V] produit un tableau des heures de travail accomplies, ses plannings et ses fiches de vacation. Les éléments qu’elle apporte sont conformes aux dispositions de son contrat de travail et de ses avenants. L’ASSOCIATION CAD’HOME est taisante en cause d’appel.
Les éléments présentés par Mme [V] sont suffisamment précis pour être pris en considération et faire la preuve des heures de travail effectivement effectuées.
La cour, après s’être livrée au calcul des heures énoncées, compte tenu de la prescription ci-avant rappelée, constate que Mme [V] a accompli à compter du 12 février 2013 et jusqu’au 12 février 2015, 196,5 heures supplémentaires donnant lieu à la majoration de 25%.
Le calcul s’effectue donc comme suit : 14,28 x 1,25 x 196,5 = 3 507,52 euros.
Il convient donc d’octroyer à Mme [V] la somme de 3 507,52 euros au titre des heures supplémentaires.
Sur les heures de travail effectif non-payées :
Aux termes de l’article L 3121-1 du code du travail, la durée de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.
Mme [V] réclame le paiement de ses temps de déplacement professionnel, temps de pause et temps de repas. Si, par principe, sa demande se justifie, les pièces produites à l’appui de cette prétention ne permettent pas à la cour de vérifier les dires de la salariée et le calcul par elle effectué.
Dans ces conditions, cette demande doit être rejetée.
Au surplus, cette demande ne figure pas au dispositif des écritures de l’appelante. La cour n’a donc pas à statuer sur ce chef de prétention.
Sur la demande indemnitaire au titre du non-respect des repos hebdomadaires :
Aux termes de l’article 12.2 de la convention collective BAD relatif au temps de repos quotidien et hebdomadaire, Chaque salarié bénéficie d’au moins 1 jour de repos par semaine.
Quelle que soit la répartition du temps de travail, les salariés bénéficient de 4 jours de repos par période de 2 semaines comprenant au moins 2 jours consécutifs, dont 1 dimanche.
Il n’est pas possible de travailler plus de 6 jours consécutifs.
Au regard des plannings joints aux débats par Mme [V] et du texte sus rappelé, la cour considère que la demande n’est pas justifiée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale :
Vu les dispositions de l’article L 1132-1 du code du travail interdisant tout licenciement et toute mesure discriminatoire directe ou indirecte du fait des activités syndicales.
Mme [V] justifie de son appartenance à une organisation syndicale. Ceci ne saurait suffire à démontrer que son employeur a commis une discrimination à son encontre en raison de cette activité. Aucune pièce produite aux débats n’est de nature à l’établir.
Cette demande de dommages et intérêts est donc rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé :
Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur (‘) de se soustraire intentionnellement (..) de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli (‘)
Selon les dispositions de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’intention de dissimulation de l’employeur est appréciée souverainement par le juge.
En l’espèce, les éléments produits aux débats par la salariée et le simple fait de la condamnation de son employeur au titre des heures supplémentaires impayées sont insuffisants à démontrer que l’ASSOCIATION CAD’HOME connaissait les heures de travail effectivement accomplies par la salariée mais a intentionnellement omis de les faire figurer sur les bulletins de paie.
La demande de dommages et intérêts est donc rejetée.
10-Sur la garantie de l’AGS et la fixation des sommes au passif :
Du fait de la liquidation judiciaire prononcée à l’encontre de l’ASSOCIATION CAD’HOME, la juridiction fixe au passif de l’employeur l’ensembledes sommes octroyées à Mme [V].
Il est en outre rappelé qu’en application des dispositions de l’article L 622-28 du code de commerce, le cours des intérêts est arrêté depuis le jugement d’ouverture de la procédure collective.
S’agissant de la garantie de l’AGS, elle ne peut concerner que les sommes dues en vertu du contrat de travail.
11-Sur les dépens :
La SCP BR ASSOCIES es qualités de mandataire liquidateur de l’ASSOCIATION CAD’HOME est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Dit que la dévolution à la cour n’a pas opéré pour les chefs du jugement suivants : la requalification de la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire, la demande au titre des congés annuels 2014, l’indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale d’embauche, des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation, des dommages et intérêts pour rupture abusive,
Infirme le jugement en ce qu’il a considéré le licenciement de Mme [Z] [V] pourvu d’une cause réelle et sérieuse, débouté Mme [Z] [V] de ses demandes au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité légale de licenciement, de la demande en paiement des heures supplémentaires,
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [Z] [V] est sans cause réelle et sérieuse,
Fixe au passif de l’ASSOCIATION CAD’HOME les sommes suivantes :
10 397,64 euros, au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 732,98 euros, au titre de l’indemnité légale de licenciement,
3 465,88 euros, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
3 507,52 euros, au titre des heures supplémentaires,
Dit que le cours des intérêts a été arrêté par le jugement d’ouverture de la procédure collective suivie dans l’intérêt de l’ASSOCIATION CAD’HOME,
Confirme au besoin le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les demandes de Mme [V] au titre de la clause de non-concurrence, le non-respect du repos hebdomadaire, le travail dissimulé, le rappel d’heures de travail effectif non-payé, les dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
Rappelle que la garantie de l’ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3] intervient dans les limites de l’article L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code,
Condamne la SCP BR ET ASSOCIES, es qualités de mandataire liquidateur de l’ASSOCIATION CAD’HOME aux dépens.
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,