Your cart is currently empty!
19 octobre 2022
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
22/01186
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE DES URGENCES
ARRÊT du 19 OCTOBRE 2022
n° : 322/22 – RG 22/01186
n° Portalis DBVN-V-B7G-GSOF
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement, Juge des contentieux de la protection statuant en matière de surendettement des particuliers, Tribunal Judiciaire de TOURS en date du 28 avril 2022, RG 21/00773, n° Portalis DBYF-W-B7F-H33J, minute n° 22/94 ;
PARTIES EN CAUSE
APPELANT : timbre fiscal dématérialisé n°: exonération
Monsieur [G] [I]
[Adresse 7]
représenté par Me Daniel COCHET, avocat plaidant du barreau de PARIS ; Me Olivier LAVAL étant avocat postulant, SCP LAVAL-FIRKOWSKI du barreau d’ORLÉANS
INTIMÉS : timbre fiscal dématérialisé n°: exonération
Madame [V] [E]
[Adresse 1]
non comparante et ni représentée
Monsieur [U] [P]
[Adresse 1]
non comparant et ni représenté
SA [3]
[Adresse 2]
non comparante et ni représentée
SIP DE [Localité 5]
[Adresse 4]
non comparant et ni représenté
‘ Déclaration d’appel en date du 16 mai 2022
Lors des débats, à l’audience publique du 21 septembre 2022, Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;
Lors du délibéré :
Monsieur Michel BLANC, président de chambre,
Monsieur Yannick GRESSOT, conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, conseiller,
Greffier : Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;
Arrêt : prononcé le 19 octobre 2022 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Selon déclaration en date du 30 août 2019, [U] [P] et [V] [E] saisissaient la Commission de surendettement d'[Localité 6] d’une demande tendant au traitement de leur situation de surendettement, demande déclarée recevable
[G] [I], créancier, contestait cette décision de recevabilité.
Par un jugement en date du 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Tours confirmait la recevabilité de la demande de [U] [P] et [V] [E].
Par une décision en date du 21 janvier 2021, la commission de surendettement imposait un rééchelonnement de tout ou partie des créances selon une mensualité moyenne de remboursement de 330,87 € sur une durée maximum de 71 mois au taux maximum de 0 %.
Par courrier recommandé en date du 5 février 2021, [G] [I] formait recours contre cette décision.
[U] [P] et [V] [E] ne comparaissaient pas.
Par un jugement en date du 28 avril 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tours déclarait recevable la contestation, fixait la capacité de remboursement de [U] [P] et [V] [E] à la somme de 349 €, et arrêtait les mesures propres à traiter la situation de surendettement par un rééchelonnement sur une durée de 70 mois, les dettes reportées ou rééchelonnées ne produisant pas intérêts pendant la durée du plan.
Par une déclaration déposée au greffe le 16 mai 2022, [G] [I] interjetait appel de ce jugement.
Il déposait des écritures que son conseil développait au cours des débats, par lesquelles il sollicite l’infirmation du jugement du 28 avril 2022, demandant à la cour de juger irrecevables les consorts
[E]/[P] dans leurs prétentions à se prévaloir du statut de surendettés, et de le débouter de toutes leurs demandes. Il réclame le paiement de la somme de 10’000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles.
[U] [P] et [V] [E] ne comparaissaient pas, mais adressaient à la cour un courrier par lequel ils ne sollicitaient pas de renvoi de l’affaire, et exposaient une argumentation.
SUR QUOI :
Attendu que [U] [P] et [V] [E] n’avaient pas formé de recours devant le juge des contentieux de la protection contre la décision du 21 janvier 2021, de sorte que c’est à tort que le premier juge les a déclarés recevables en leur contestation, sans se prononcer expressément sur celle d'[G] [I] dans le dispositif de sa décision ;
Attendu qu’il apparaît que [U] [P] et [V] [E] avaient refusé de communiquer leurs pièces à leur adversaire, prétendant que ces pièces étaient confidentielles et ne le concernaient pas ;
Attendu que par un jugement en date du 30 avril 2019, le comportement de [U] [P] et [V] [E] avait été sanctionné par le tribunal d’instance, qui avait ordonné le paiement des loyers et la remise en état des lieux qui avaient été donnés en location par [G] [I], selon contrat de bail en date du 1er juin 2013 ;
Qu’il est constant que les débiteurs ont cessé de payer les loyers dès 2016, et qu’ils ont fortement dégradé les lieux loués pendant leur occupation ;
Attendu que pour écarter l’argumentation d'[G] [I] relativement à la mauvaise foi de ses débiteurs, le premier juge a considéré que sa juridiction n’avait aucune compétence pour apprécier la caractérisation d’infractions pénales telles que la diffamation, l’injure publique, les menaces de mort, la dénonciation calomnieuse, et la diffusion de messages contraires à la décence invoqués par [G] [I], et que si la dette trouve son origine dans un contexte de rapports locatifs délétères, les nombreux courriers produits aux débats ne permettaient pas d’établir suffisamment que dans ce cadre conflictuel, les débiteurs ont volontairement constitué leur situation de surendettement en s’abstenant en toute connaissance de cause de régler les loyers alors qu’ils en auraient eu la possibilité, et en tromperie des droits de leur bailleur, la teneur des échanges produits permettant tout au plus de caractériser une négligence dans la gestion de leurs affaires ;
Attendu que, si la bonne foi des débiteurs surendettés est présumée, elle l’est jusqu’à preuve du contraire, la juridiction devant apprécier si [U] [P] et [V] [E] ont fait preuve de mauvaise foi dans le processus ayant conduit à leur situation de surendettement ;
Attendu qu’il n’en demeure pas moins que le comportement des débiteurs vis-à-vis de leur créancier peut être marqué de mauvaise foi, et ce depuis la naissance de la dette, à savoir depuis le bail conclu en 2013 ;
Attendu que le jugement du 30 avril 2019, aujourd’hui définitif, avait condamné [V] [E] et [U] [P] au paiement de la somme de 16’813,13 € au titre des loyers impayés, ce qui représente plus de deux années pendant lesquelles les locataires se sont maintenus dans les lieux sans bourse délier, ce qui ne peut être regardé comme une simple négligence, mais plutôt comme un comportement délibéré de nature à créer une situation de surendettement ou à tout le moins à aggraver celle-ci ;
Que les débiteurs ont été condamnés au paiement de la somme de 989,23 € au titre de la réparation des dégradations locatives ;
Qu’ils ont surtout été condamnés au paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance, caractérisé par une indélicatesse consistant à interdire à leur propriétaire l’accès à son verger, ainsi qu’au paiement de dommages-intérêts pour divers chefs de préjudice, en particulier moral ;
Qu’une somme de 400 € au titre de la résistance abusive a également été mise à leur charge ;
Attendu que de telles condamnations ont été causées par des actes volontaires et délibérés de la part des débiteurs ;
Attendu que même si le juge des contentieux de la protection statuant en matière de surendettement des particuliers n’a pas qualité pour apprécier des infractions pénales, il lui appartient cependant de considérer que des actes volontaires de la part du débiteur et préjudiciables au créancier sont de nature à caractériser de la part de celui-là une mauvaise foi manifeste ;
Attendu au surplus qu’il n’est pas contestable que [U] [P] et [V] [E] ont eu, au cours de la procédure ayant abouti au jugement du 30 avril 2019, un comportement dilatoire, entraînant des retards dans la procédure, entre septembre 2016 et avril 2019, ce qui permettait aux intéressés de repousser l’exécution de leurs obligations, eux-mêmes se maintenant encore dans les lieux loués sans en payer le loyer ;
Qu’ils ont ensuite déployé différents moyens de nature à faire obstruction à l’exécution du jugement du tribunal d’instance, ne restituant en outre les clés que le 7 août 2019, sans se présenter aux opérations de nature à établir l’état des lieux de sortie ;
Attendu qu’il ne peut être contesté que le dépôt d’un dossier de surendettement dès le 30 août 2019 fait partie intégrante des man’uvres opérées par les débiteurs en vue de bénéficier d’une législation relative au surendettement destinée à la protection des débiteurs de bonne foi ;
Attendu que le premier juge a considéré que les éléments retenus par le jugement du 13 novembre 2020 étaient acquis, que les éléments apparus postérieurement à l’intervention du jugement du 13 novembre 2020 ;
Attendu que le premier juge a considéré que les éléments retenus par le jugement du 13 novembre 2020 étaient acquis, et que la question de la bonne ou de la mauvaise foi avait été tranchée ;
Que, s’il peut être admis que cette décision a été prise au vu des éléments se trouvant à l’époque en possession du juge intervenu au début de la procédure de surendettement, il n’en demeure pas moins que ce jugement n’a pas valeur de brevet définitif de bonne foi pour les débiteurs, puisque les éléments apparus postérieurement au jugement du 13 novembre 2020, et en particulier le refus par les débiteurs de communiquer leurs pièces de procédure à leur adversaire, et cela en violation délibérée du principe du contradictoire, sont de nature à ajouter à l’argumentation alors invoquée, mais non retenue, l’addition de l’ensemble des données aux éléments précédemment relevés mais jugés insuffisants aboutissant indiscutablement en définitive à une preuve de mauvaise foi caractérisée ;
Attendu par ailleurs que ces éléments nouveaux jettent un éclairage d’autant plus fort sur l’argument du créancier appelant, selon lequel les locataires avaient de longue date affirmé qu’ils ne régleraient pas leurs loyers et qu’ils refuseraient toute tentative de conciliation ;
Attendu ainsi que, compte tenu de la persistance des débiteurs dans un comportement déloyal et dans une attitude de nature à faire obstruction au règlement de leurs dettes, que la bonne foi, au sens de l’article L.711’1 du code de la consommation ne peut être retenue ;
Attendu qu’il y a lieu de faire droit à la demande d'[G] [I], et d’infirmer le jugement entrepris ;
Attendu que dans la mesure où l’argumentation de [U] [P] et [V] [E] avait été au moins en partie retenue par la juridiction du premier degré, il ne peut être considéré en l’état que les conditions requises pour l’allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive seraient réunies ;
Qu’il y a lieu de débouter [G] [I] de la demande formée en ce sens ;
Attendu en revanche qu’il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge d'[G] [I] l’intégralité des sommes qu’il a dû exposer du fait de la présente procédure ;
Qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer à ce titre la somme de 3000 € ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclare [V] [E] et [U] [P] déchus du bénéfice de la législation relative au surendettement,
Dit qu’il appartiendra aux créanciers de [V] [E] et [U] [P] de poursuivre le recouvrement de leurs créances selon les voies d’exécution de droit commun,
Condamne [V] [E] et [U] [P] à payer à [G] [I] la somme de 3000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Arrêt signé par Monsieur Michel Louis BLANC, président de chambre, et Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,