Dénonciation calomnieuse : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/07512

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Dénonciation calomnieuse : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/07512
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24 novembre 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/07512

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°501

N° RG 19/07512 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-QII6

SASU SIDES

C/

– M. [F] [B]

– SELARL AJASSOCIES (mandataire ad hoc de la SASU SIDES)

– S.C.P. THEVENOT PARTNERS (Commissaire à l’exécution du plan de la SASU SIDES)

– SCP [N] [S] (mandataire judiciaire de la SASU SIDES)

– SCP MAURAS-[T] (mandataire judiciaire de la SASU SIDES)

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Octobre 2022

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 24 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SASU SIDES – SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA SÉCURITÉ prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Etienne DE DREUILLE SENECTERRE substituant à l’audience Me Jean REINHART, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [F] [B]

né le 22 Avril 1961 à [Localité 12] (74)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Fabienne PALVADEAU-ARQUE de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Avocat postulant du Barreau de NANTES et par Me Laurent CHABRY, Avocat plaidant du Barreau de LYON

…/…

AUTRES INTIMÉES, de la cause :

La SELARL de Mandataires Judiciaires AJASSOCIES représentée par Maître [E] [I], ès qualités de Commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde puis de mandataire ad hoc de la SASU SIDES

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Etienne DE DREUILLE SENECTERRE substituant à l’audience Me Jean REINHART, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

La S.C.P. de Mandataires Judiciaires THEVENOT PARTNERS prise en la personne de Maître [W] [Y] è-qualités d’administrateur judiciaire puis de commissaire à l’exécution du plan de la SASU SIDES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Etienne DE DREUILLE SENECTERRE substituant à l’audience Me Jean REINHART, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

La SCP de Mandataire Judiciaire [N] [S] représentée par Maître [N] [S], ès qualités de mandaire judiciaire de la SASU SIDES

[Adresse 10]

[Localité 6]

INTIMÉE NON CONSTITUÉE

La SCP de Mandataires Judiciaires MAURAS-[T] représentée par Maître [H] [T] ès qualités de mandataire judiciaire de la SASU SIDES

[Adresse 8]

[Localité 4]

INTIMÉE NON CONSTITUÉE

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M. [F] [B] a été embauché par la Société Industrielle pour le Développement de la Sécurité (SIDES) dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 30 décembre 2013 à effet du 1er janvier 2014, en qualité de Directeur Commercial, avec le statut de cadre dirigeant, position IIIC, coefficient 240 de la convention collective des Ingénieurs et Cadres de la métallurgie.

Le 3 mai 2017, le Tribunal de Commerce de Nantes a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la SIDES.

Le 21 septembre 2017, M. [B] s’est vu notifier par voie d’huissier une convocation pour un entretien préalable à licenciement fixé au 5 octobre 2017 avec mise à pied à titre conservatoire

Le 13 octobre 2017, M. [B] a été licencié pour faute grave.

Le 28 février 2018, M. [B] a saisi le Conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire en contestation de son licenciement et de paiement de certaines sommes à titre d’indemnisation.

La Cour est saisie d’un appel régulièrement formé par la SIDES par déclaration du 19 novembre 2019 à l’encontre du jugement du 5 novembre 2019 par lequel le Conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire a :

‘ Dit que le licenciement de M. [B] est nul,

‘ Condamné la SASU SIDES à payer à M. [B] les sommes suivantes :

– 76.386,12 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 7.638,61 € au titre des congés payés afférents,

– 25.462,04 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 9.660,67 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

– 966,06 € au titre des congés payés afférents,

– 38.200 € au titre des dommages-intérêts pour nullité du licenciement,

‘ Ordonné à la société SIDES de délivrer à M. [B] un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi conformes aux condamnations qui précèdent, dans un délai de 30 jours, sans astreinte,

‘ Ordonné l’exécution provisoire de l’entier jugement en application des articles 514 et 515 du code de procédure civile,

‘ Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [B] à la somme de 12.731,02 € brut,

‘ Reçu la société SIDES dans ses écritures,

‘ Débouté la société SIDES de toutes ses demandes,

‘ Condamné la société SIDES à verser à M. [B] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 code de procédure civile,

‘ Dit que le montant des condamnations porte intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes, soit le 28 février 2018, pour les sommes ayant le caractère de salaires et à compter du prononcé du présent jugement pour les dommages-intérêts et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Dit que les intérêts se capitaliseront par application de l’article 1343-2 du code civil,

‘ Ordonné, conformément à l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par société SIDES aux organismes concernés, des indemnités de chômage payées à M. [B] à compter du jour du licenciement, dans la limite de six mois d’indemnités,

‘ Mis les dépens à la charge de société SIDES, ainsi que les éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la présente décision.

Par jugement du Tribunal de commerce de Nantes du 21 mars 2018, la SIDES a fait l’objet d’un plan de sauvegarde.

Vu les écritures notifiées le 12 octobre 2022 par voie électronique suivant lesquelles la société SIDES, la SELARL AJASSOCIES, Administrateurs judiciaires prise en la personne de Maître [E] [I], indiquant agir en qualités de Commissaire à l’exécution du plan de la société SIDES jusqu’au 7 septembre 2021 aux termes de deux jugements du tribunal de commerce de Nantes des 4 mai 2017 et 21 mars 2018 puis de Mandataire ad hoc depuis le 8 septembre 2021 aux termes d’un jugement du tribunal de commerce de Nantes du 7 juillet 2021 et la SCP THEVENOT PARTNERS, Administrateurs judiciaires prise en la personne de Maître [W] [Y], indiquant agir en qualité d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de la société SIDES jusqu’au 7 septembre 2021, aux termes de deux jugements du tribunal de commerce de Nantes des 4 mai 2017 et 21 mars 2018, demandent à la Cour de :

– Prendre acte que la SCP THEVENOT PARTNERS et la SELARL AJASSOCIES n’ont plus qualité à agir dans le cadre de la présente procédure d’appel, en tant que co-commissaires à l’exécution du plan de la société SIDES.

– Prononcer la mise hors de cause de la SCP THEVENOT PARTNERS (Maître [Y]) en qualité de co-commissaire à l’exécution du plan de la société SIDES.

– Prononcer la mise hors de cause de la SELARL AJASSOCIES (Maître [I]) en qualité de co-commissaire à l’exécution du plan de la société SIDES.

– Recevoir la société SIDES en son appel et le déclarer fondé.

In limine litis,

‘ Surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir des juridictions répressives appelées à connaître de la plainte avec constitution de partie civile que la société SIDES a déposée, le 20 août 2018, entre les mains du doyen des juges d’instruction près le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, la décision à intervenir au pénal étant susceptible d’exercer une influence sur la solution du procès civil,

Au fond,

‘ Recevoir la société SIDES et les administrateurs judiciaires en leur appel et les y déclarer fondés,

‘ Dire que le licenciement pour faute grave de M. [B] n’est entaché d’aucune nullité et qu’il repose sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Infirmer le jugement rendu le 5 novembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire en ce qu’il a :

– Dit que le licenciement de M. [B] est nul,

– Condamné la société SIDES à payer à M. [B] les sommes de 76.386,12 € au titre d’indemnité compensatrice de préavis, 7.638,61 € au titre des congés payés afférents, 25.462,04 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, 9.660,67 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire outre 966,06 € au titre de congés payés, 38.200 € au titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement et 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonné l’exécution provisoire de l’entier jugement en application des articles 514 et 515 du code de procédure civile,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] du surplus de ses demandes,

En tout état de cause,

‘ Débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Le condamner au remboursement des sommes versées en application de l’exécution provisoire,

‘ Dire que le montant des sommes versées en application de l’exécution provisoire portera intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle la société SIDES a procédé à leur règlement, soit à compter du 19 décembre 2019,

‘ Dire que le montant des éventuelles condamnations qui pourraient être mises à la charge de la société SIDES par la cour d’appel ne pourraient s’entendre que de sommes brutes, ces dernières étant basées sur le salaire de référence de M. [B],

‘ Dire que les intérêts se capitaliseront par application de l’article 1343-2 du code civil,

‘ Ordonner le remboursement par les organismes concernés des sommes que la société SIDES a été contrainte de leur verser en application en l’article L.1235-4 du code du travail,

‘ Le condamner au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022 suivant lesquelles M. [B] demande à la cour de :

‘ Rejeter la demande de sursis à statuer de la société SIDES,

‘ Confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire en ce qu’il a :

– Jugé nul le licenciement de M. [B],

– Condamné la société SIDES à lui payer à titre d’indemnité compensatrice de préavis, la somme brute de 76.386,12 € outre les congés payés afférents pour 7.638,61 €, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement la somme nette de 25.462,04 €, à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire la somme brute de 9.660,67 € outre les congés payés afférents pour 966,06 €, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile la somme de 4.000 €,

‘ Infirmer le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau,

‘ Dire que le licenciement est nul, ou subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ni faute grave,

‘ Condamner la société SIDES à payer à M. [B] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire:

– 76.386 € net à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,

– 63.555 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire,

– 15.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et humiliant,

– 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer

La SIDES soutient qu’il est nécessaire dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’attendre la décision pénale à intervenir suite au dépôt le 20 août 2018 d’une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du Doyen des juges d’instruction près le Tribunal judiciaire de Saint-Nazaire des chefs d’escroquerie et tentative d’escroquerie au jugement, d’abus de biens sociaux, de dénonciation calomnieuse, d’usage et d’établissement d’une attestation inexacte’; que la décision pénale est assurément de nature à influer sur le cours de la présente procédure puisque les faits dénoncés sont ceux qui ont motivé le licenciement pour faute grave de M. [B].

M. [B] soutient en réponse que la lettre de licenciement reproche à M. [B] d’avoir témoigné en faveur de M. [U] et porte ainsi atteinte à la liberté fondamentale du salarié de témoigner, garantie d’une bonne justice, ce seul grief emportant à lui seul la nullité du licenciement ; que dans ces conditions la plainte pénale n’aura aucune influence sur le cours de l’instance.

En droit, il est établi qu’un sursis à statuer ne peut être ordonné sur le fondement de l’article 4 du code de procédure pénale dans sa rédaction applicable qu’à la condition que la décision pénale pouvant intervenir sur l’action publique soit de nature à influer sur la décision du juge civil’; que le sursis ne s’impose que si l’action publique et l’action civile procèdent des mêmes faits.

Il ressort de ce qui précède que la Cour est d’abord saisie d’une contestation portant sur la nullité du licenciement au regard de l’un des griefs visés dans la lettre de licenciement, demande qui n’est donc pas susceptible d’être influencée par la décision attendue à l’issue de la plainte déposée en 2018.

Il ressort au surplus des pièces produites qu’aucun des motifs du licenciement mentionnés dans la lettre de licenciement du 13 octobre 2017 (pièce n°21 de la SIDES) n’est fondé, quels qu’en soient les termes, sur la commission d’une infraction pénale dont la dénonciation par la plainte susvisée a été faite postérieurement.

Il n’est donc pas justifié de surseoir à statuer et cette demande doit être rejetée.

Sur le licenciement

La SIDES soutient pour infirmation que le licenciement n’est entaché d’aucune nullité’; que M. [B] a produit en fait dans l’intérêt de M. [U] non pas une mais deux attestations en justice, ce qu’il s’était bien gardé d’indiquer devant le Conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire’; que la présentation des faits exposée par M. [B] varie sensiblement d’une attestation à l’autre, ce qui les prive l’une et l’autre de toute fiabilité’; que les attestations sont mensongères et ont été produites par M. [B] de mauvaise foi dans le but de nuire aux intérêts de la société SIDES et de M. [L] dans le cadre de la procédure prud’homale diligentée par M. [U]. La SIDES soutient ensuite que le licenciement repose sur une faute grave et avérée au regard des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement.

M. [B] rétorque qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à sa liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, en l’absence de toute mauvaise foi de son auteur. M. [B] soutient à titre subsidiaire que le licenciement apparaît sans cause réelle et sérieuse dès lors que l’ensemble des griefs reprochés sont totalement infondés.

La lettre de licenciement du 13 octobre 2017 (pièce n°21 de la SIDES, pièce n°5 du salarié) qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

« Comme suite à l’entretien que nous avons eu le jeudi 5 octobre 2017, à 10h, au sein de l’entreprise SIDES à [Localité 7], je vous notifie par la présente votre licenciement sans préavis ni indemnité pour faute grave et ceci pour les motifs exposés lors de cet entretien à savoir :

La découverte de graves négligences en matière de gestion, ayant massivement accru les difficultés financières, déjà rencontrées par l’entreprise.

Anomalies comptables :

L’expert-comptable en charge de la vérification du passif a identifié de nombreuses anomalies :

– Suivi et contrôle défaillant des commissions des agents

– Non-respect des procédures de contrôle interne des achats

– Paiement précipité de factures avant échéance et sauvegarde (Kenneth, alfa oil, degroux brugere)

– Ecarts significatifs entre la déclaration de SIDES et celles des créanciers (ex : SICLI)

– Important redressement fiscal notifié en 2017 sur les exercices 2014 et 2015, qui démontre une importante dérive de la gestion financière et administrative de la société ; contrairement au contrôle fiscal précédent, dont la vérification notifiée en 2012 avait conclu sans rectification.

Assèchement de la trésorerie :

Alors que la société SIDES a été mise en procédure de sauvegarde, qu’elle est donc très fragile avec une trésorerie plus que tendue, nous avons constaté avec stupeur un retard incroyable de facturation des véhicules terminés, pour un montant de plus de 10 M€.

Corrélativement, nous constatons une absence totale de gestion des retards de règlements clients facturés, pour plus de 8,7 M€, dont plus de 4,7 M€ de plus de 90 jours (ex : facture n° 1703.120 EUROMED de 157 560 €)

Cette situation de non facturation et d’absence de gestion des délais et retard de règlement aboutissant à un assèchement des liquidités, est totalement inexplicable.

Non réponse à l’appel d’offre ”Aéroport [9]” :

Malgré la relance du client s’étonnant de n’avoir rien reçu, par négligence, en raison d’une désorganisation interne totale des services concernés de la société SIDES (départ d’un commercial), l’entreprise n’a pas pu concourir, pour un marché important concernant un de ses clients, ce qui a été fortement dommageable.

Dépenses excessives en période de difficulté :

Vous avez maintenu du personnel détaché en Asie et Amérique du Sud alors qu’il était avéré que ce personnel était très coûteux pour l’entreprise sans contrepartie en terme de rentabilité.

Vous n’avez pas mené de politique d’achat, alors que la société est en difficulté et que tous les paramètres devaient être optimisés : achat de l’alu AG3 à 3,7 € le kg alors qu’une société du Groupe l’achète à 2,85 €. achat de tôlerie 30 % plus cher que le prix de marché.

Actes de déloyauté et de violation de vos obligations de confidentialité :

Il ressort des différents éléments que nous avons découverts que vous avez tout mis en oeuvre, de manière continue depuis plusieurs mois, pour délibérément favoriser une offre de reprise concurrente à celle du groupe Armoric Holding, au profit de Monsieur [M] et ce, malgré les accords passés entre le groupe BAVARIA et ARMORIC HOLDING et les interventions de notre conseil Me [A], en outrepassant vos prérogatives.

Vous avez, non seulement fourni de nombreuses informations stratégiques, à Monsieur [M] et son conseil, mais étiez en relations permanente et étroite avec eux pour les aider dans ce processus de contre-offre.

Vous étiez tenu de vous abstenir de toute communication avec Monsieur [M] et la société EUROMED, à partie de début août 2017, autre que pour le recouvrement de la facture de 157 560 €, devenue litigieuse, car non réglée sans aucun motif valable. Or, il ressort notamment des factures téléphoniques que vous avez passé plus de 190 appels téléphoniques, sur le numéro de portable de Monsieur [M], entre février et fin août 2017 et avez continué en septembre.

Des documents montrent par ailleurs, que vous avez été un acteur direct, dans la construction de cette offre concurrente.

Vous vous êtes permis notamment d’adresser des mails de dénigrement et de désinformation sur Armoric Holding, à [J] [R], président de Bavaria, avec qui j’avais signé un accord relatif à la cession des actions de SIDES. Ex : «no clear view on Armoric Holding strategy about markets», «no vision and clear view form Armoric on exporting strategy», «no confidence of SIDES management people in Armoric»…

Vous êtes allé jusqu’à faire payer par SIDES des frais de voyage et de mission, injustifiés, pour plus de 35 K€ au profit de la famille [M], en Côte d’Ivoire et au Sénégal.

Enfin, vous avez mis à disposition les services de l’entreprise SIDES pour favoriser l’attribution d’un important marché en Côte d’Ivoire à la société WIROCCO basée au Maroc, en étroite relation avec Mr [M] ; ce qui est notamment démontré par la facture de la société SICM à la société SIDES qui concerne la création d’une société en Côte d’Ivoire pour la société EUROMED, détenue par Mr [M].

Non gestion du risque environnemental en faisant courir un risque d’arrêt d’activité à l’entreprise

Le rapport du bureau d’études PERICHIMIE ENVIRONNEMENT que nous avions sollicité pour réaliser un audit environnemental de l’entreprise et que nous venons de recevoir, révèle des manquements graves qui relèvent de vos responsabilités.

Tout particulièrement, il est constaté que les observations et remarques qui ont été formulées par la DREAL à l’issue de ses visites les 29 octobre et 16 novembre 2016, n’ont pas été suivies d’effet.

Pire que cela, du fait du non-respect de la réglementation de la ligne de traitement de surface intégrée à l’atelier peinture, vous aviez indiqué à la DREAL qu’il était prévu de cesser cette activité.

Aujourd’hui, l’administration attend cette déclaration de cessation d’activité qui n’a pas été mise en ‘uvre, contrairement à la déclaration d’intention que vous aviez formulée. Vous avez laissé fonctionner atelier peinture sans être aux normes.

Il en ressort que votre inaction sur ce dossier et le non-respect des informations que vous avez délivrés à la DREAL peuvent aller jusqu’à nous faire risquer un arrêt d’activité et compromettre de surcroît notre stratégie de redressement.

Attitude relationnelle inacceptable

– attitude d’opposition systématique et propos désobligeants à l’égard du président de Armoric Holding

– attestation calomnieuse à mon encontre dans le cadre du dossier contentieux de Monsieur [U].

Il résulte de tout cela, plusieurs fautes graves comportant notamment des actes de déloyauté entraînant une totale perte de confiance. Ce constat a rendu impossible tout maintien dans vos fonctions et ce, afin de protéger les intérêts de l’entreprise, que vous avez compromis à tous niveaux. Ce licenciement prend donc effet immédiatement, dès la date d’envoi de ce courrier. (…)»

Il ressort de la lettre de licenciement que l’employeur, pour justifier une telle procédure, invoque notamment le grief suivant de l’établissement d’une « attestation calomnieuse à mon encontre dans le cadre du dossier contentieux de Monsieur [U]», grief figurant comme l’un des deux éléments de la quatrième grande catégorie parmi les griefs formulés de l’attitude relationnelle inacceptable.

Il est établi que le droit d’agir en justice a le caractère d’une liberté fondamentale’; il en est de même de la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice.

Ainsi le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur.

Il est également établi que les dispositions de l’article 1235-2-1 du code du travail dans sa version applicable offrent à l’employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l’indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire et que ce n’est lorsque l’employeur le lui demande que le juge examine si les autres motifs invoqués sont fondés pour, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l’indemnité versée au salarié qui n’est pas réintégré, dans le respect du plancher de six mois prévu par l’article L. 1235-3-1.

Il ressort en l’espèce des termes de la lettre de licenciement que l’employeur reproche au salarié d’avoir produit dans le cadre d’une instance prud’homale introduite par un autre salarié en résiliation de son contrat de travail une attestation, sans en démontrer le caractère calomnieux ni établir la mauvaise foi du salarié alors d’une part que les deux attestations de M. [B] ne sont ni contradictoires entre elles ni contredites par les pièces versées aux débats par l’employeur, alors d’autre part que le harcèlement moral dénoncé par le salarié au bénéfice duquel M. [B] a témoigné est reconnu par la présente juridiction dans un arrêt confirmatif de ce jour.

Ce grief, constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale de M. [B], entraîne à lui seul la nullité du licenciement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs pour vérifier l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors que la société employeur, qui ne demande pas l’application des dispositions de l’article L1235-2-1 du code du travail dans sa version applicable, ne critique pas la somme réclamée par M. [B] en conséquence de la nullité du licenciement.

En conséquence il sera jugé que le licenciement de M. [B] est nul, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.

Par suite de la nullité du licenciement, M. [B] est fondé à réclamer les sommes suivantes non autrement contestées :

– 76.386,12 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 7.638,61 € au titre des congés payés afférents,

– 25.462,04 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 9.660,67 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

– 966,06 € au titre des congés payés afférents,

M. [B], qui avait une ancienneté de 3 ans et 9 mois dans l’entreprise lors de la rupture du contrat de travail prononcée l’année de son cinquante-sixième anniversaire, indique qu’il a connu une période de chômage de plusieurs mois avant de trouver un nouvel emploi à compter du mois mai 2018 (ses pièces n°31 et 32). Le salaire brut de M. [B] fixé à 12.731€ n’est pas contesté.

Compte tenu des conséquences matérielles et morales de la rupture du contrat intervenue dans les circonstances rapportées, il conviendra d’infirmer le jugement entrepris et d’allouer à M. [B] une somme de 76.386 € net à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement

Sur le caractère vexatoire de la procédure de licenciement

M. [B] soutient pour infirmation que la SIDES a fait preuve d’une extrême brutalité à son encontre en décidant de lui remettre une lettre de convocation à entretien par voie d’huissier alors même que ce recours n’était pas nécessaire, sauf à vouloir l’intimider’; que la mise à pied à titre conservatoire n’a eu pour but que de le priver de la possibilité de réunir les éléments nécessaires à sa défense’; qu’il a été fait publicité au sein de l’entreprise de ce que M. [B] avait été licencié pour faute grave, la société n’hésitant pas à mettre en cause l’honnêteté et la probité de son salarié, lequel a dans ces conditions subi un préjudice distinct dont il est en droit de solliciter la réparation.

La SIDES’ soutient que le fait pour un employeur de recourir aux services d’un huissier de justice pour solliciter la remise d’objets, propriété de l’entreprise, en possession du salarié ne saurait à lui seul être jugé vexatoire’; que cette intervention s’est faite sans aucune publicité de sorte que M. [B], qui ne rapporte pas la preuve contraire, ne peut prétendre avoir fait l’objet d’un licenciement prononcé dans des circonstances vexatoires.

M. [B] produit d’une part une «’note d’information du Président de la société SIDES à l’ensemble des salariés’» datée du 20 octobre 2017 (sa pièce n° 7) visant à informer le personnel de la nomination d’un nouveau Directeur général « suite au licenciement pour faute grave de [F] [B]’», d’autre part une note du 26 septembre 2019 signée du Président de la SIDES à «’tous les membres du personnel’» intitulée « sauvetage de la société SIDES » (pièce n° 38) mentionnant que « suite à l’examen des comptes 2017/2018, il semble que certains d’entre vous n’aient pas été correctement informés de faits graves commis à l’encontre de l’entreprise par l’ancienne direction, alors même que ces éléments ont été relatés au CSE le 4 mars 2019 par oral en séance et par écrit dans la présentation Powerpoint ci-jointe. »

Au regard des responsabilités de M. [B] et de la place dirigeante qu’il occupait au sein de la société, la seule diffusion par l’employeur d’une information précise concernant le motif de son licenciement n’apparaît pas illégitime, aucun des éléments produits ne caractérisant la volonté de le discréditer auprès du personnel ou de mettre en cause son honneur ou sa probité ainsi que l’invoque le salarié.

Ni la remise par un huissier de justice de sa lettre de convocation à l’entretien préalable sans autre publicité autour de cette démarche, ni la mise à pied du salarié à titre conservatoire, laquelle se justifiait dans le cadre d’une procédure de licenciement susceptible de se fonder initialement sur une faute grave, ne peuvent non plus permettre de caractériser les circonstances particulièrement humiliantes ou vexatoires à l’origine d’un préjudice distinct dont M. [B] ne démontre par davantage l’existence.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M’. [B] de ce chef de demande.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l’intimé des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense.

* * *

*

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DEBOUTE la SIDES de sa demande de sursis à statuer ;

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SIDES à verser à M. [B] la somme de 76.386 € net à titre de dommages-intérêts au titre des conséquences du licenciement nul’;

RAPPELLE que les sommes de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

DÉBOUTE M. [B] de ses autres demandes ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SIDES à remettre à M. [B] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision sans astreinte ;

CONDAMNE la SIDES au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement,

DEBOUTE la SIDES, la SELARL AJASSOCIES et la SCP THEVENOT PARTNERS de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

Met hors de cause la SELARL AH Associés, la SCP THEVENOT PARTNERS, la SCP [S] et la SCP MAURAS [T] ès-qualités ;

CONDAMNE la SIDES aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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