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30 novembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02150
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/02150
N° Portalis DBV3-V-B7F-UTXK
AFFAIRE :
[Y] [L]
C/
Association AFTRAL
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 10 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : F 19/01517
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER
Me Olivier CABON
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [Y] [L]
né le 13 Janvier 1978 à [Localité 6] (92)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 428
APPELANT
****************
Association AFTRAL
N° SIRET : 305 405 045 00017
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Olivier CABON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 218
Représentant : Me Cécile AIACH de l’AARPI AIACH EDELMANN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1366
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,
EXPOSE DU LITIGE
M. [Y] [L] a été engagé par l’association Aft Iftim formation continue, aux droits de laquelle vient l’association Aftral, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 septembre 2013 en qualité de formateur.
En dernier lieu, il avait un statut de technicien qualifié 2ème degré, niveau D2, coefficient 220.
Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale des organismes de formation.
Par lettre du 12 avril 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 26 avril 2019.
Par lettre du 7 mai 2019, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.
L’association employait au moins onze salariés au moment de la rupture.
Le 18 juin 2019, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la condamnation de l’association Aftral à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les indemnités et sommes liées à la rupture du contrat de travail.
Par jugement en date du 10 mai 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :
– fixé le montant du salaire brut moyen de M. [L], sur les trois derniers mois précédant la rupture du contrat de travail à la somme de 1 928,52 euros,
– dit que la faute grave à l’encontre de M. [L] n’est pas caractérisée,
– jugé le licenciement de M. [L] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– condamné en conséquence l’association Aftral à payer à M. [L] les sommes suivantes :
* 4 204,97 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,
* 420,50 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
* 3 072,42 euros à titre d’indemnité ‘légale conventionnelle’ de licenciement,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2019,
* 950 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2021,
* rappelé l’exécution de droit à titre provisoire des condamnations ordonnant le paiement des sommes accordées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement et des congés payés y afférents, dans la limite de 17 356,68 euros,
– débouté M. [L] de ses demandes plus amples ou contraires,
– débouté l’association Aftral de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles,
– condamné l’association Aftral aux entiers dépens comprenant notamment les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du présent jugement, par voie d’huissier.
Le 5 juillet 2021, M. [L] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 2 septembre 2021, M. [L] demande à la cour de:
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la moyenne de salaire devait être fixée à la somme de 1 928,52 euros et, statuant à nouveau, dire qu’elle doit être fixée à la somme de 2 208,75 euros,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement ne reposait sur aucune faute grave mais, l’infirmant sur le quantum des condamnations prononcées à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et statuant à nouveau, condamner l’association Aftral au paiement des sommes de :
* 4 417,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 441,75 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 221,11 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement procédait d’une cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, dire qu’il est dénué de cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l’association Aftral au paiement de la somme de 15 461,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’association Aftral au paiement de la somme de 950 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance,
– condamner l’association Aftral au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’appel.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 octobre 2022, l’association Aftral demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a notamment retenu que la faute grave n’était pas caractérisée, et statuant à nouveau, de dire bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [L], de le débouter de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 18 octobre 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :
«[…] Le 8 mars 2019, une altercation vous a opposé, dans les locaux du centre de [Localité 5], à M. [E], prestataire homologué de formation intervenant régulièrement depuis plusieurs années.
Après un premier échange « vigoureux » au sujet du matériel que formateurs et testeurs se partagent au sein du hall cariste pour la réalisation de leurs missions respectives, vous avez, à l’issue de cette journée, demandé à M. [E] des explications sur cette altercation en lui demandant de vous suivre pour en discuter.
Au cours de cette mise au point, vous avez sorti un couteau, et l’avez ostensiblement agité devant M. [E] pour le menacer et l’intimider.
Face à cette situation menaçante, loin de caractériser un simple échange, ce dernier a préféré partir, mettant fin à la conversation avant que celle-ci n’entraîne des conséquences plus lourdes.
Ce comportement est intolérable dans l’enceinte de notre entreprise. Il constitue un manquement très grave aux obligations résultant de votre contrat de travail. Vous avez ainsi menacé de porter atteinte à l’intégrité physique d’un prestataire de service au moyen d’une arme blanche.
Nous vous rappelons que, tenus de préserver la santé et la sécurité des salariés et des fournisseurs intervenant sur nos centres, un tel comportement ne peut pas rester impuni de notre part. […]»
L’appelant soutient que l’association est défaillante dans l’administration de la preuve des faits qu’il a toujours contestés avec fermeté, un seul écrit datant d’un mois après les faits ayant été versé aux débats plus de seize mois après le licenciement. Il souligne que l’évocation d’antécédents et de plaintes ne saurait pallier l’indigence probatoire de l’employeur. Il produit des attestations de collègues montrant que les faits invoqués ne sont pas en ligne avec sa personnalité et son comportement dans le cadre professionnel.
L’intimée fait valoir qu’un des prestataires de longue date a envoyé une plainte dénonçant le comportement du salarié à son égard, violent et dangereux, et qu’elle a été contrainte de le licencier alors qu’elle est tenue d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés. Elle relève que le salarié a un passif disciplinaire en raison de son attitude agressive et violente, que de nombreux stagiaires se sont plaints de son comportement et que le salarié a fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve de la faute grave incombe à l’employeur.
La lettre de licenciement énonce en substance un grief relatif à une altercation avec un prestataire de l’association.
A l’appui de son allégation, l’employeur produit une lettre du 8 avril 2019 de M. [E], prestataire, intervenant en qualité de formateur dans des sessions de formation de l’association Aftral qui indique que : ‘après quelques provocations de la part de M. [L] le ton est monté quelques insultes ont fusé. Tout s’est calmé rapidement. Au moment de partir à 16h40 M. [L] m’a demandé de le suivre pour discuter. Je pensais que c’était pour apaiser la situation. Mais ce ne fut pas le cas. Il s’est mis à s’énerver, je lui ai répondu que nous étions sur un lieu de travail et que s’il voulait régler des comptes il faudrait le faire ailleurs. C’est alors qu’il s’est mis hors de lui, il a alors fait rebondir un couteau plié dans sa main afin de m’impressionner […]’.
Le salarié conteste fermement ces faits et produit un procès-verbal de plainte du 13 mai 2019 pour dénonciation calomnieuse relatif à ces faits.
L’employeur ne verse aucun élément objectif émanant de personne tierce au prestataire et au salarié.
Il y a lieu de considérer que la faute grave invoquée n’est pas caractérisée par l’employeur, faute d’élément objectif corroborant les allégations du prestataire, le passif disciplinaire du salarié relatif à d’autres faits fautifs ne pouvant pallier cette carence dans l’établissement de la preuve de l’unique fait fautif invoqué à l’appui du licenciement.
Au vu des pièces produites par chacune des parties, la cause réelle et sérieuse de licenciement n’est pas davantage établie, le seul fait fautif de la lettre de licenciement n’étant pas caractérisé.
Le licenciement est, par conséquent, dénué de cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié qui compte une ancienneté de plus de cinq ans et qui est âgé de 41 ans lors de la rupture du contrat de travail a droit à des dommages et intérêts compris entre trois et six mois de salaire brut, qu’il convient de fixer à la somme de 8 000 euros.
Il a droit à une indemnité conventionnelle de préavis de technicien de deux mois de salaire, soit la somme de 4213 euros au vu du bulletin de paie de mars 2019, outre 421,3 euros au titre des congés payés afférents, le salarié ne justifiant pas du surplus de sa demande.
Il lui sera alloué une indemnité légale de licenciement d’un quart de mois de salaire par année d’ancienneté en application des dispositions des articles L.1234-1 et R.1234-1 et suivants du code du travail, soit la somme de 3 123,31 euros sur la base d’un salaire brut moyen de 2136,68 euros calculé sur les douze derniers mois incluant le treizième mois versé le 1er janvier 2019 au vu de l’attestation pôle emploi, s’agissant du montant le plus favorable au salarié.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ces points.
Sur l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par l’association Aftral aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur le cours des intérêts
En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.
L’association Aftral succombant à l’instance, en supportera les dépens d’appel. Elle devra, en outre, régler à M. [L] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné l’association Aftral à payer à M. [Y] [L] la somme de 950 euros au titre des frais irrépétibles et l’a condamnée aux dépens de première instance comprenant les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du jugement,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés:
Dit que le licenciement de M. [Y] [L] est dénué de cause réelle et sérieuse,
Condamne l’association Aftral à payer à M. [Y] [L] les sommes suivantes:
4213 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
421,3 euros au titre des congés payés afférents
3 123,31 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,
Condamne l’association Aftral à payer à M. [Y] [L] la somme de 8 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Et y ajoutant :
Ordonne le remboursement par l’association Aftral à l’organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à M. [Y] [L] dans la limite de six mois d’indemnités,
Condamne l’association Aftral aux dépens d’appel,
Condamne l’association Aftral à payer à M. [Y] [L] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,