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Des propos tenus sur Twitter, pour empreints qu’ils puissent être de sentiments racistes, ne contiennent pas nécessairement en eux-mêmes, même de façon implicite, d’appel ou d’exhortation à la discrimination, la haine ou la violence.
Dans cette affaire, le tribunal correctionnel a déclaré M. [H] [Y] coupable du chef de provocation à la haine ou la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion et l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d’amende pour onze propos publiés sur son compte Twitter entre le 4 février et le 23 juillet 2021, dont les suivants : « Vivement la remigration ! » ; « Et oui, le Périgord est désormais peuplé d’Afghans, de Pakistanais et de Bangladais pour ce qui est des peuples d’Asie mineure. Sans compter la faune du Proche-Orient, d’Afrique noir, du Maghreb et d’Europe de l’Est. Les périgourdins votent à gauche ».
Au visa des articles 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du code de procédure pénale, la Cour de cassation a censuré cette condamnation.
Selon le premier de ces textes, le délit de provocation qu’il réprime n’est caractérisé que si les juges constatent que, tant par leur sens que par leur portée, les propos incriminés tendent à inciter le public à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes déterminées.
Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
Pour déclarer M. [Y] coupable du chef de provocation publique à la haine ou à la violence, à raison de l’origine, de l’ethnie, la nation, la race ou la religion, l’arrêt attaqué énonce en substance, que le message « Vivement la remigration ! », lu à la lumière des éléments extrinsèques, vise les personnes n’ayant pas la nationalité française, groupe protégé au sens de l’article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 et appelle de ses voeux le retour des immigrés dans leur pays, ce qui caractérise un appel ou une exhortation à la discrimination envers un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur non-appartenance à la nation française.
Les juges ajoutent, s’agissant du second propos précité, qu’en qualifiant les populations originaires du Proche-Orient, d’Afrique noire, du Maghreb et de l’Europe de l’Est de « faune », M. [Y] les assimile à des animaux, leur déniant toute humanité et que, ce faisant, il ne peut qu’exhorter le lecteur à craindre et à haïr ces communautés.
En se déterminant ainsi, alors que ces deux propos, pour empreints qu’ils puissent être de sentiments racistes, ne contenaient ni en eux-mêmes ni analysés au regard des éléments extrinsèques relevés par les juges, même de façon implicite, d’appel ou d’exhortation à la discrimination, la haine ou la violence.
N° Y 22-85.922 F-D
N° 00790
RB5
20 JUIN 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 JUIN 2023
M. [H] [Y] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 24 août 2022, qui, pour provocation publique à la haine ou à la violence, à raison de l’origine, de l’ethnie, la nation, la race ou la religion, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, 1 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 25 novembre 2021, le tribunal correctionnel a déclaré M. [H] [Y] coupable du chef de provocation à la haine ou la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion et l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d’amende pour onze propos publiés sur son compte Twitter entre le 4 février et le 23 juillet 2021, dont les suivants : « Vivement la remigration ! » ; « Et oui, le Périgord est désormais peuplé d’Afghans, de Pakistanais et de Bangladais pour ce qui est des peuples d’Asie mineure. Sans compter la faune du Proche-Orient, d’Afrique noir, du Maghreb et d’Europe de l’Est. Les périgourdins votent à gauche ».
3. M. [Y] et le ministère public ont relevé appel du jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses première, troisième et cinquième branches
4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [Y] coupable du délit de provocation publique à la haine ou à la violence, à raison de l’origine, de l’ethnie, la nation, la race ou la religion à la suite de la publication de cinq tweets, alors :
2°/ que le quatrième propos poursuivi « Vivement la remigration ! » était tenu dans un contexte visant les entrées clandestines sur le territoire français de migrants qui, par définition, n’ont pas la nationalité française, que ce groupe n’était donc pas visé à raison de sa non-appartenance à la nation française, mais à raison d’un comportement répréhensible, que de surcroît la provocation n’est pas caractérisée ;
4°/ que le huitième propos poursuivi « Et oui, le Périgord est désormais peuplé d’Afghans, de Pakistanais et de Bangladais pour ce qui est des peuples d’Asie mineure. Sans compter la faune du Proche-Orient, d’Afrique noir, du Maghreb et d’Europe de l’Est. Les périgourdins votent à gauche », ne fait qu’exprimer un constat et le mot « faune » n’exprime pas l’animalité des intéressés comme l’a prétendu la cour d’appel, mais, dans un sens certes péjoratif, un ensemble de personnes qui fréquentent un lieu et qui ont, selon le dictionnaire Robert « des murs caractéristiques et pittoresques ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, le délit de provocation qu’il réprime n’est caractérisé que si les juges constatent que, tant par leur sens que par leur portée, les propos incriminés tendent à inciter le public à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes déterminées.
8. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour déclarer M. [Y] coupable du chef de provocation publique à la haine ou à la violence, à raison de l’origine, de l’ethnie, la nation, la race ou la religion, l’arrêt attaqué énonce en substance, que le message « Vivement la remigration ! », lu à la lumière des éléments extrinsèques, vise les personnes n’ayant pas la nationalité française, groupe protégé au sens de l’article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 et appelle de ses voeux le retour des immigrés dans leur pays, ce qui caractérise un appel ou une exhortation à la discrimination envers un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur non-appartenance à la nation française.
10. Les juges ajoutent, s’agissant du second propos précité, qu’en qualifiant les populations originaires du Proche-Orient, d’Afrique noire, du Maghreb et de l’Europe de l’Est de « faune », M. [Y] les assimile à des animaux, leur déniant toute humanité et que, ce faisant, il ne peut qu’exhorter le lecteur à craindre et à haïr ces communautés.
11. En se déterminant ainsi, alors que ces deux propos, pour empreints qu’ils puissent être de sentiments racistes, ne contenaient ni en eux-mêmes ni analysés au regard des éléments extrinsèques relevés par les juges, même de façon implicite, d’appel ou d’exhortation à la discrimination, la haine ou la violence, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir concerne les seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [Y] du chef de provocation publique à la haine ou à la violence, à raison de l’origine, de l’ethnie, la nation, la race ou la religion pour le quatrième propos poursuivi « Vivement la remigration ! » et le huitième propos poursuivi « Et oui, le Périgord est désormais peuplé d’Afghans, de Pakistanais et de Bangladais pour ce qui est des peuples d’Asie mineure. Sans compter la faune du Proche-Orient, d’Afrique noir, du Maghreb et d’Europe de l’Est. Les périgourdins votent à gauche », ainsi que, par voie de conséquence, la peine prononcée et sa condamnation sur les intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Limoges, en date du 24 août 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux quatrième et huitième propos poursuivis, à la peine et à la condamnation sur les intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Poitiers à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Limoges et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille vingt-trois.