C1
N° RG 19/05076
N° Portalis DBVM-V-B7D-KI7V
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP JANOT & ASSOCIES
Me Pierre-françois GROS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 24 MAI 2022
Appel d’une décision (N° RG 19/00031)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VALENCE
en date du 02 décembre 2019
suivant déclaration d’appel du 19 Décembre 2019
APPELANTE :
Madame [E] [O]
née le 04 Février 1973 à ERMONT (95)
de nationalité Française
485, Chemin de Blaizac
07440 ALBOUSSIERE
représentée par Me Pierre JANOT de la SCP JANOT & ASSOCIES, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Eric SLUPOWSKI, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS,
INTIMEE :
S.A.S. AUTOCARS [T] ROMANS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
30, Avenue Gambetta
26260 SAINT DONAT SUR L’HERBASSE
représentée par Me Pierre-François GROS, avocat au barreau de VALENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 15 Mars 2022,
Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 24 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 24 Mai 2022.
Exposé du litige :
Mme [E] [O] a été embauchée par la société la SAS Les Rapid’bleus à compter du 31 août 2010 en qualité de conducteur receveur.
Le 9 avril 2013, Mme [O] a été élue titulaire de la délégation unique du personnel. Le 4 juin 2013, elle a été désignée déléguée syndicale par le syndicat Force ouvrière.
La SAS Autocars [T] Romans a été désignée attributaire, à la suite de la SAS Les Rapid’bleurs, d’un contrat d’affrètement portant sur l’exploitation du réseau CITEA, sur la partie Romano-Péageoise, et d’une ligne INTERCITEA, à effet au 29 juin 2015.
Le 10 juillet 2015, l’inspecteur du travail a autorisé le transfert des salariés protégés de la SAS Les Rapid’bleus vers la SAS Autocars [T] Romans.
La SAS Autocars [T] Romans a contesté l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail devant le tribunal administratif de Grenoble, pour non-respect des accords du 7 juillet 2009 relatif à la garantie de l’emploi et à la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataires dans le transport interurbain de voyageurs.
Mme [O] a saisi la formation de référé du Conseil de prud’hommes de Valence d’une demande de réintégration immédiate ausein de la SAS Autocars [T] Romans du fait du transfert de son contrat de travail.
La SAS Autocars [T] Romans a conclu un contrat de travail avec Mme [O] à titre conservatoire, dans l’attente de la décision du tribunal administratif de Grenoble.
Par ordonnance du 12 octobre 2015, la formation de référé du Conseil de prud’hommes de Valence a débouté Mme [O] de ses demandes, au motif qu’il existait une contestation sérieuse.
À la suite d’un appel interjeté par Mme [O], cette décision été confirmée par la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble dans un arrêt du 5 avril 2016.
Le 1er juin 2016, Mme [O] a été placée en arrêt de travail.
Le 14 décembre 2016, lors d’une deuxième visite, le médecin du travail a déclaré Mme [O] inapte au poste.
Le 10 mars 2017, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme [O].
Le 14 mars 2017, Mme [O] a été licenciée pour inaptitude.
Le 17 juillet 2017, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Valence aux fins d’obtenir la condamnation de la SAS Autocars [T] Romans à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire, une indemnité compensatrice de préavis, une somme au titre du doublement de l’indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour manquement de l’employeur a l’obligation de sécurité, pour entrave aux fonctions de représentant du personnel, et pour perte d’emploi, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 2 décembre 2019, le Conseil de prud’hommes de Valence a :
Dit que la SAS Autocars [T] Romans n’a commis aucun fait de harcèlement moral, ni de manquement à son obligation de sécurité, ni d’entrave à l’exercice des fonctions de représentante du personnel de Mme [O],
Dit que Mme [O] est mal fondée en ses demandes au titre du rappel de congés payés du 20 juillet 2015 au 8 août 2015, du rappel de salaire du 1er au 13 janvier 2017 et des heures supplémentaires,
Débouté Mme [O] de ces chefs de demande,
Dit que la SAS Autocars [T] Romans avait connaissance, lors de la procédure de licenciement, de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme [O],
Dit que la SAS Autocars [T] Romans est tenue au doublement de la prime de licenciement,
Dit que la SAS Autocars [T] Romans est tenue au versement de la prime de tenue et des congés payés afférents,
En conséquence,
Condamné la SAS Autocars [T] Romans à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
571,64 euros au titre de la prime de tenue,
57,16 euros de congés payés afférents,
25,15 euros au titre de la prime d’ancienneté,
2,51 euros de congés payés afférents,
2401,34 euros au titre de l’indemnité spéciale relative à l’indemnité de licenciement,
1800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouté Mme [O] de ses demandes plus amples ou contraires,
Débouté la SAS Autocars [T] Romans de sa demande d’indemnité fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejeté la demande relative aux sommes retenues par huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 dans l’hypothèse d’exécution par voie extrajudiciaire du jugement à intervenir à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées,
Condamné la SAS Autocars [T] Romans aux entiers dépens.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception.
Mme [O] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 19 décembre 2019.
A l’issue de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 janvier 2022, Mme [O] demande à la cour de :
Infirmer partiellement le jugement de la formation de départage de la section commerce du Conseil des prud’hommes de Valence en date du 2 décembre 2019 en ce qu’il a :
Dit que la SAS Autocars [T] Romans n’a commis aucun fait de harcèlement moral, ni de manquement à son obligation de sécurité, ni d’entrave à l’exercice des fonctions de représentante du personnel de Mme [O],
Dit que Mme [O] est mal fondée en ses demandes au titre du rappel de congés payés du 20 juillet 2015 au 8 août 2015, du rappel de salaire du 1er au 13 janvier 2017 et des heures supplémentaires,
Débouté Mme [O] de ces chefs de demande,
Débouté Mme [O] de ses demandes plus amples ou contraires,
En conséquence, il est demandé à la cour d’appel de Grenoble d’infirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Valence en date du 2 décembre 2019 en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes suivantes :
Indemnité compensatrice : 3 300 euros
Indemnité de préavis 3 300 euros et 330 euros de congés payés,
Dommages et intérêts pour perte d’emploi : 20 000 euros nets de CSG
Dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité : 10000 euros nets de CSG et CRDS,
Dommages et intérêts pour entrave aux fonctions de représentant du personnel : 10 000 euros nets de CSG et CRDS,
Salaire d’août 2015 : 1 096,20 euros et 109,62 euros de congés payés,
Heures supplémentaires : 1 012,13 euros et 101,21 euros de congés payés,
Salaire de janvier 2017 : 801,16 euros et 80,12 euros de congés payés,
3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
En conséquence, condamner la SAS Autocars [T] Romans à lui payer les sommes suivantes :
Indemnité compensatrice : 3300 euros,
Indemnité de préavis : 3300 euros et 330 euros de congés payés,
Dommages intérêts pour perte d’emploi : 20 000 euros,
Dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité : 60 000 euros,
Dommages et intérêts pour entrave aux fonctions de représentant du personnel : 20 000 euros,
Salaire d’août 2015 : 1096,20 euros et 109,62 euros de congés payés,
Heures supplémentaires : 1012,13 euros et 101,21 euros de congés payés,
Salaire de janvier 2017 : 801,16 euros et 80,12 euros de congés payés,
3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la SAS Autocars [T] Romans en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance d’appel,
Y ajoutant,
Condamner la SAS Autocars [T] Romans à lui payer les sommes suivantes :
Dommages intérêts pour discrimination syndicale : 40 000 euros,
Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels : 20 000 euros,
Dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 40 000 euros,
Dommages intérêts pour licenciement nul à titre principal : 40 000 euros,
Dommages et intérêts pour indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire : 40 000 euros,
Dire et juger et déclarer l’ensemble des demandes de la SAS Autocars [T] Romans irrecevable et en tout état de cause déboutée la SAS Autocars [T] Romans de l’ensemble de ses demandes.
A l’issue de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2022, la SAS Autocars [T] Romans demande à la cour de :
Débouter Mme [O] de sa demande tendant à l’irrecevabilité des demandes formulées par la concluante,
Dire et juger qu’elle n’est saisie par la déclaration d’appel du 19 décembre 2019 d’aucune critique à l’encontre du jugement rendu le 2 décembre 2019 et qu’il n’y a pas lieu à statuer,
Dire et juger que les demandes nouvelles formulées par Mme [O] au terme de ses conclusions (licenciement sans cause réelle ni sérieuse, discrimination syndicale, manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels et exécution déloyale du contrat de travail) sont irrecevables en cause d’appel,
Confirmer le jugement rendu le 2 décembre 2019 en toutes ses dispositions,
Débouter Mme [O] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
Condamner Mme [O] à lui payer la somme de 2401,34 euros au titre du doublement de l’indemnité de licenciement, qu’elle a perçue à tort en l’absence de licenciement pour maladie professionnelle,
Condamner Mme [O] à lui payer une somme de 3000 euros d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 février 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l’effet dévolutif de l’appel :
Moyens des parties :
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir que le jugement du 2 décembre 2019 a été notifié à Mme [O] par lettre recommandée avec avis de réception du 10 décembre 2019, et que la déclaration d’appel du 19 décembre 2019 ne vise aucun des chefs du jugement du 2 décembre 2019.Sur le fondement des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, il devra être jugé que la cour n’est saisie d’aucune demande à l’encontre du jugement du 2 décembre 2019 et qu’il n’y a donc pas lieu à statuer.
Mme [O] fait valoir qu’elle a régulièrement formé appel du jugement du 2 décembre 2019 par déclaration d’appel en date du 19 décembre 2019, et qu’elle a régularisé la déclaration d’appel en date du 19 décembre 2019 par une nouvelle déclaration d’appel en date du 21 février 2020, conformément aux avis de la Cour de cassation du 20 décembre 2017 selon lesquels l’appelant peut régulariser une déclaration d’appel par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai qui lui était imparti pour conclure, soit trois mois à compter de la date de la déclaration d’appel.
Sur ce,
Selon l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Il est de principe que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé, et que, sauf régularisation de cette irrégularité par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910 4°, alinéa 1 du code de procédure civile, l’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré et la cour n’est saisie d’aucun chef du dispositif du jugement.
Il est constant en l’espèce que le conseil de Mme [O] a relevé appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Valence le 2 décembre 2019 par une déclaration en date du 19 décembre 2019, qui ne vise aucun chef du jugement déféré, et se limite à reproduire les prétentions formulées devant les premiers juges.
Il n’est pas contesté que le conseil de Mme [O] a fait une seconde déclaration d’appel le 21 février 2020, qui mentionne les chefs de jugement expressément critiqués. Cette seconde déclaration d’appel est intervenue dans le délai de trois mois imparti à l’appelant pour conclure, qui commence à courir à compter de la déclaration d’appel, conformément aux dispositions de l’article 908 du code de procédure civile.
En conséquence, il y a lieu de retenir que Mme [O] a régularisé le vice de forme de sa déclaration d’appel du 19 décembre 2019 par la déclaration d’appel du 21 février 2020.
Il en résulte que la cour est valablement saisie des chefs de jugement critiqués par les déclarations d’appel du 19 décembre 2019 et du 21 février 2020.
L’exception soulevée par la SAS Autocars [T] Romans visant à ce qu’il soit jugé que la cour n’était saisie d’aucun chef du jugement entrepris sur le fondement des dispositions susvisées de l’article 901, 4° et 562 du code de procédure civile, est rejetée.
Sur la recevabilité des conclusions de la SAS Autocars [T] Romans :
Moyens des parties :
Mme [O] fait valoir que la SAS Autocars [T] Romans a notifié ses conclusions d’intimé le 24 août 2020, alors qu’elle aurait dû les notifier jusqu’au 23 août 2020 au plus tard.
L’article 642 du code de procédure civile n’ayant pas pour effet de proroger au 24 août 2020 le délai expirant le 23 août 2020 au motif que cette date tombait un dimanche.
En outre, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance n° 2020-427, et l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020, qui ont fixé la date de la cessation de l’état d’urgence le 23 juin 2020, n’ont pas prévu que l’article 642 du code de procédure civile était applicable aux délais prorogés par la crise sanitaire.
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir qu’elle disposait d’un délai de deux mois, soit jusqu’au 23 août 2020, pour notifier ses conclusions d’intimé, qu’en application des dispositions de l’article 642 du code de procédure civile, le délai expirant le 23 août 2020 qui tombait un dimanche, a été prorogé jusqu’à 24 août 2020.
Sur ce,
Selon les articles 1 et 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, dans sa version modifiée par l’ordonnance n° 2020-666 du 3 juin 2020 relative aux délais applicables en matière financière et agricole pendant l’état d’urgence sanitaire, tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Selon l’article 910 du code de procédure civile, l’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe.
En l’espèce, Mme [O] a notifié ses conclusions par RPVA le 19 mars 2020.
En application des dispositions susvisées de l’article 910 du code de procédure civile, la SAS Autocars [T] Romans devait notifier ses conclusions avant le 19 juin 2020.
Ce terme étant inclus dans la période du 12 mars 2020 au 23 juin 2020, la SAS Autocars [T] Romans avait donc jusqu’au 23 août 2020 pour déposer ses conclusions, conformément aux dispositions susvisées de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.
Toutefois, selon l’article 642 du code de procédure civile, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Il n’est pas contestable que les dispositions de l’article 642 du code de procédure civile, qui ne s’appliquent que lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avec l’expiration d’un délai, s’appliquent aux dispositions susvisées de l’article 910 du code de procédure civile.
Il en résulte qu’elles s’appliquent également aux dispositions de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, dès lors que celle-ci a eu pour effet de différer le délai prévu par l’article 910 du code de procédure civile durant lequel l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité, remettre ses conclusions.
Le 23 août 2020 tombant un dimanche, la SAS Autocars [T] Romans avait jusqu’au 24 août 2020 pour remettre ses conclusions.
La SAS Autocars [T] Romans ayant notifié ses conclusions sur le RPVA le 24 août 2020, celles-ci doivent être déclarées recevables.
La fin de non-recevoir soulevée par Mme [O] doit en conséquence être rejetée.
Sur la recevabilité de demandes de Mme [O] en appel comme étant nouvelles:
Moyens des parties :
La SAS Autocars [T] Romans soulève une fin de non-recevoir visant à voir déclarer certaines prétentions de Mme [O] irrecevables, en ce qu’elles constitueraient des demandes nouvelles en cause d’appel.
La SAS Autocars [T] Romans fait ainsi valoir qu’aucune demande n’a été formulée par Mme [O] en première instance s’agissant de son licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse, d’une prétendue discrimination syndicale, d’un prétendu manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels, et d’une prétendue exécution déloyale du contrat de travail.
Mme [O] fait valoir que ses prétentions portant sur son licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la discrimination syndicale, le manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels et l’exécution déloyale de son contrat de travail ne constituent pas des demandes nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, bien que leurs fondements juridiques soient différents.
Sur ce,
Selon l’article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
L’article 564 du code de procédure civile prévoit qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
L’article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Il est constant que Mme [O] a formulé devant le conseil de prud’hommes lors de l’audience de départition du 7 octobre 2019, les prétentions suivantes visant à obtenir la condamnation de la SAS Autocars [T] Romans à lui payer les sommes de :
571,64 euros à titre de rappel de prime de tenue CITEA, outre 57,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
141,88 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté, outre 14,19 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
1012,13 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 101,21 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
1096,20 euros à titre de rappel de salaire au titre du mois d’août 2015, outre 109,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
801,16 euros à titre de rappel de salaire au titre du mois de janvier 2017, outre 89,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
3300 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 330 euros de congés payés y afférents,
3300 euros au titre du doublement de l’indemnité compensatrice de préavis,
2401,34 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,
20 000 euros à titre de dommages intérêts pour perte d’emploi,
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,
10 000 euros à titre de dommages intérêts pour entrave aux fonctions de représentant du personnel,
3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il ressort des premières conclusions d’appelant déposées par Mme [O] le 16 mars 2020, que la salariée demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS Autocars [T] Romans à lui payer les sommes suivantes :
571,64 euros à titre de rappel de tenue, outre 57,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
25,15 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté, outre 2,51 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
2401,34 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,
1800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [O] demande par ailleurs l’infirmation du jugement entrepris pour le surplus, et formule devant la cour les prétentions suivantes visant à obtenir la condamnation de la SAS Autocars [T] Romans à lui payer les sommes de :
1 012,13 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 101,21 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
1 096,20 euros à titre de rappel de salaire au titre du mois d’août 2015, outre 109,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
801,16 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2017, outre 89,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
3 300 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 330 euros de congés payés y afférents,
3 300 euros au titre du doublement de l’indemnité compensatrice de préavis,
20 000 euros à titre de dommages intérêts pour perte d’emploi,
40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul à titre principal, et 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,
60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,
20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels,
20 000 euros à titre de dommages intérêts pour entrave aux fonctions de représentant du personnel,
40 000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale,
40 000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il résulte de la comparaison des prétentions formulées par la salariée en première instance et des prétentions qu’elle formule devant la présente cour que les demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, sont susceptibles de constituer des demandes nouvelles en cause d’appel en ce qu’elles n’apparaissaient pas en tant que telles dans le dispositif des conclusions soumises au conseil de prud’hommes.
S’agissant de la demande de dommages intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, la cour constate que la salariée a formulé en première instance une demande de dommages intérêts pour perte d’emploi, et que le conseil de prud’hommes l’a déboutée de cette demande après avoir retenu que son licenciement n’était pas nul. En outre, il ressort des conclusions de la salariée devant la cour que celle-ci se limite dans sa motivation à demander la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 40 000 euros pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans faire mention de sa demande de condamnation de la SAS Autocars [T] Romans à lui payer la somme de 20 000 euros à titre dommages et intérêts pour perte d’emploi, bien que cette demande soit reprise dans le dispositif de ses conclusions.
En conséquence, la cour retient que la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse n’est pas une demande nouvelle en cause d’appel, en ce qu’elle vise à la même fin que la demande de dommages et intérêts pour perte d’emploi formulée en première instance. La salariée ayant maintenu dans le dispositif de ses conclusions sa demande de dommages et intérêts pour perte d’emploi, il y a lieu de considérer qu’elle ne formule qu’une seule et même prétention à obtenir la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 40 000 euros pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.
S’agissant de la demande de dommages intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, il ressort des conclusions de première instance et d’appel de la salariée que celle-ci demande au titre du manquement à l’obligation de sécurité la réparation du préjudice qu’elle allègue avoir subi en conséquence d’une situation de harcèlement moral. En effet, Mme [O] n’a formulé aucune demande de dommages intérêts au titre du harcèlement moral seul dans le dispositif de ses conclusions, mais allègue dans ses conclusions que les faits invoqués à l’encontre de son employeur sont ou bien constitutifs d’un harcèlement moral, ou bien, à titre subsidiaire, constitutifs d’un manquement de son employeur à son obligation de sécurité. Il est constant que la salariée a augmenté le montant de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité en cause d’appel. Cette augmentation du montant de la demande ne constitue toutefois pas une demande nouvelle.
Il ressort des conclusions en appel de la salariée que celle-ci formule, en plus de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, une demande visant à obtenir la réparation du préjudice qu’elle allègue avoir subi en raison du manquement de son employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, Mme [O] soutenant qu’elle a subi en conséquence de ce manquement un préjudice distinct du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait du harcèlement moral ou du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Il n’est pas contestable que le manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels, dont le harcèlement moral fait partie, est une composante de l’obligation de sécurité de l’employeur, l’employeur ayant à sa charge, d’une part, l’obligation de prendre les mesures nécessaires à prévenir tout acte de harcèlement moral dans l’entreprise, d’autre part, l’obligation de diligenter une enquête dès lors qu’un salarié se plaint à son égard d’une situation de harcèlement moral, et, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser cette situation si elle est avérée.
Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que la salariée n’avait pas demandé en première instance la réparation du préjudice distinct résultant du prétendu manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, en ce qu’il aurait omis de prendre les mesures visant à prévenir toute situation de harcèlement moral, et à faire cesser le harcèlement moral dont elle a été victime.
Cette demande, formulée pour la première fois en cause d’appel, tendant à une autre fin que sa demande formulée en première instance visant à obtenir la condamnation de SAS Autocars [T] Romans à lui payer des dommages et intérêts au titre de son harcèlement moral ou, à titre subsidiaire, du manquement de son employeur à son obligation de sécurité, constitue en conséquence une demande nouvelle en cause d’appel. Celle-ci doit donc être déclarée irrecevable.
S’agissant de la demande de dommages intérêts pour discrimination syndicale, il ressort des conclusions de la salariée devant la cour que celle-ci allègue avoir subi un préjudice du fait d’une discrimination syndicale, distinct du préjudice qu’elle prétend avoir subi pour entrave aux fonctions de représentant du personnel.
En conséquence, cette demande ne tend pas aux mêmes fins que celle formulée devant les premiers juges et maintenue devant la cour visant à obtenir la réparation du préjudice subi pour entrave aux fonctions de représentant du personnel.
Cette demande, qui constitue une demande nouvelle en cause d’appel, doit être déclarée irrecevable.
S’agissant enfin de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, il est constant que cette demande n’avait pas été formulée devant le conseil de prud’hommes et qu’aucune demande visant à obtenir la réparation de ce préjudice sur un autre fondement juridique n’avait été formulée devant les premiers juges.
En conséquence, il s’agit d’une demande nouvelle en cause d’appel, qui doit donc être déclarée irrecevable.
Sur la demande d’indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 20 juillet au 9 août 2015 :
Moyens des parties :
Mme [O] fait valoir qu’elle a été placée en congés sans solde du 20 juillet 2015 au 8 août 2015, alors qu’elle était à la disposition de son employeur et est donc bien fondée à prétendre à un rappel de salaire à ce titre.
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir que la demande de Mme [O] à ce titre devra être rejetée en ce qu’elle a été rémunérée au titre des congés payés par son ancien employeur pour la période du 20 juillet au 9 août 2015, et qu’elle n’avait pas à la rémunérer pour cette période conformément à l’accord de branche du 7 juillet 2009.
Sur ce,
Il ressort de l’article 2.4, D, de l’accord du 7 juillet 2009 relatif à la garantie de l’emploi et la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataire dans le transport interurbain de voyageurs, dont les parties ne conteste pas qu’il est bien applicable aux faits de l’espèce, que l’entreprise entrante devra accorder aux salariés la période d’absence correspondant au nombre de jours de congés acquis et déjà indemnisés par l’entreprise sortante dans les conditions fixées à l’article 2.8 « Règlements des salaires et des sommes un paiement différé, y compris les indemnités de congés payés » du présent accord.
Aux termes de l’article 2.8 du même accord, l’entreprise sortante réglera au personnel repris par le nouvel employeur les salaires dont elle est redevable, ainsi que les sommes à périodicité autre que mensuelle, y compris les indemnités de congés payés qu’il a acquis à la date du transfert et la quote-part de 13e mois. À cet effet, elle produira une attestation portant sur les droits acquis à congés payés par son personnel jusqu’au jour du transfert.
Cette attestation mentionnera :
Le nombre de jours de congés acquis, réglés à la date du transfert, restant à prendre ;
Le montant de l’indemnité de congés payés correspondante, due et acquittée par l’entreprise sortante.
Elle fera connaître ces éléments pour chaque période de référence lorsque les droits acquis concerneront de période de référence.
L’attestation sera transmise à l’entreprise entrante et au salarié, le jour où l’entreprise sortante remettra son dernier bulletin de paie au salarié.
Le tableau produit par la SAS Autocars [T] Romans mentionnant le nom des salariés transférés, et entre autres informations, les dates des congés payés, ne peut à lui seul permettre à la cour de retenir que la salariée avait demandé à son ancien employeur à être placée en congés du 20 juillet au 9 août 2015, et que celui-ci lui aurait payé l’indemnité compensatrice de congés payés correspondant à cette période de congés payés acquis et non pris.
Il doit en effet être relevé que ce tableau ne porte pas la signature ou le tampon de l’ancien employeur, et qu’il ne fait pas mention, conformément aux dispositions susvisées de l’article 2.8 de l’accord du 7 juillet 2009, du nombre de jours de congés acquis, réglés à la date du transfert, et restant à prendre, et du montant de l’indemnité de congés payés correspondante, due et acquittée par l’entreprise sortante.
En outre, la SAS Autocars [T] Romans ne verse aux débats aucun élément permettant de constater que la salariée avait effectivement demandé à être placée en congés du 20 juillet au 9 août 2015, cette demande devant être adressée à à la société entrante, compte tenu du nombre de jours de congés acquis, réglés par l’ancien employeur et restants à prendre, et non à l’entreprise sortante, dès lors que ces jours de congés sont pris après la date effective du transfert du contrat de travail.
En conséquence, il y a lieu de retenir que la SAS Autocars [T] Romans n’avait pas à placer la salariée en congés sans solde durant cette période. La SAS Autocars [T] Romans ne démontre par ailleurs pas que la salariée n’était pas à sa disposition durant cette période.
Il résulte de l’ensemble de ces constatations que la SAS Autocars [T] Romans est tenue de payer à Mme [O] le salaire correspondant à la période du 20 juillet au 8 août 2015, soit la somme de 1096,20 euros, outre 109,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents, le calcul de cette somme n’étant pas contestée par l’employeur.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
Sur le salaire du mois de janvier 2017 :
Moyens des parties :
Mme [O] fait valoir que la SAS Autocars [T] Romans l’a placée en absences non rémunérées du 1er au 13 janvier 2017 en ne lui fournissant pas de travail. Elle a donc droit à un rappel de salaire à ce titre.
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir qu’elle a repris le paiement du salaire de Mme [O] à compter du 14 janvier 2017, soit un mois après l’avis d’inaptitude du médecin du travail rendu le 14 décembre 2016, dans l’attente de la décision de l’inspection du travail et cela jusqu’à son licenciement. La salariée ayant donc été parfaitement remplie de ses droits et ne pouvant prétendre à aucun rappel de salaire au titre du mois de janvier 2017.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 1226-4 du code du travail, lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail.
Il est constant que Mme [O] a été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail à l’issue d’une seconde visite en date du 14 décembre 2016.
Il n’est pas contesté que la salariée n’a été ni reclassée ni licenciée durant le mois suivant l’avis d’inaptitude.
En conséquence, l’employeur, qui était fondé à suspendre le paiement du salaire pour la période du 14 décembre 2016 au 13 janvier 2017, était tenu de reprendre le versement du salaire de la salariée à compter du 14 janvier 2017, conformément aux dispositions susvisées de l’article L. 1226-4 du code du travail.
C’est donc à tort que Mme [O] soutient que l’employeur aurait manqué de lui fournir du travail pour la période du 1er janvier au 13 janvier 2017 et de la rémunérer pour cette période.
La salariée doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire à ce titre, par confirmation du jugement déféré de ce chef.
Sur les heures supplémentaires :
Moyens des parties :
Mme [O] fait valoir que la SAS Autocars [T] Romans a réduit sa rémunération à 151,67 heures, alors qu’elle percevait une rémunération selon un forfait mensuel de 157,83 heures, dont 6,16 heures au taux majoré de 25 %, avant le transfert de son contrat de travail.
Elle sollicite par conséquent un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir qu’elle n’est pas tenue de rémunérer les heures supplémentaires que la salariée a effectuées auprès de son ancien employeur conformément aux dispositions applicables de l’accord du 7 novembre 2011.
En outre, Mme [O] indique qu’elle percevait une rémunération supplémentaire en contrepartie de 6,16 heures supplémentaires par mois qu’elle n’effectuait pas, ce dont il se déduit qu’elle a été remplie de ses droits pour l’ensemble des heures de travail qu’elle a effectivement effectuées.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon l’article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l’article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l’article L. 3121-29.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il doit être constaté que le contrat de travail de la salariée avec la SAS LES RAPID’BLEUS en date du 30 août 2010 prévoyaient une durée de travail de 151,67 heures par mois.
En outre, la salariée échoue à démontrer, comme elle le soutient dans ses écritures qu’elle était rémunérée par son précédent employeur selon un forfait mensuel de 157,83 heures, ce découpant en 151,67 heures au taux horaire normal et 6,16 euros taux horaires majorés de 25 %, Mme [O] ne visant dans ses conclusions aucune pièce permettant à la cour d’en faire le constat.
Selon l’article 2.4, B, de l’accord du 7 juillet 2009 relatif à la garantie de l’emploi et la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataire dans le transport interurbain de voyageurs, le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci-dessus. En cas de changement de l’horaire contractuel au cours des 12 derniers mois, il sera tenu compte de la dernière situation du salarié. Cette rémunération comprend, outre le salaire et le 13e mois, toutes les primes à caractère fixe existant depuis au moins 12 mois d’entreprise (prime de vacances par exemple quand elle existe) mais ne comprend pas les heures supplémentaires ou complémentaires, les primes et indemnités liées aux conditions d’exécution du service (indemnité de coupure, d’amplitude, frais professionnels). Ces dernières seront calculées payer en sus.
Il résulte de cette disposition que le nouvel employeur n’avait, dans tous les cas, pas à prendre en compte les éventuelles heures supplémentaires effectuées par la salariée durant les 12 derniers mois, pour déterminer le montant de la rémunération mensuelle brute de base de la salariée.
En conséquence, il est indifférent de déterminer si la salariée effectuait ou non régulièrement des heures supplémentaires dans le cadre de son emploi auprès de son précédent employeur.
Enfin, Mme [O] n’allègue pas qu’elle aurait effectué des heures supplémentaires auprès de son nouvel employeur à compter du transfert de son contrat de travail, et ne présente, à l’appui de sa demande de rappel de salaire, aucun élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, tenu de décompter les heures de travail de ses salariés, de répondre utilement.
Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire formée à ce titre, par confirmation du jugement dont appel.
Sur l’entrave à l’exercice des fonctions de représentant du personnel :
Moyens des parties :
Mme [O] invoque les faits suivants :
L’inspecteur du travail a alerté la SAS Autocars [T] Romans sur le non-respect du droit des représentants du personnel être consultés sur le règlement intérieur,
Elle a listé les différents manquements de l’employeur, et a formulé différentes demandes à son encontre le 14 janvier 2016,
La négociation annuelle obligatoire n’a pas abouti et l’employeur a modifié le compte-rendu de la réunion,
L’employeur a fait pression à l’encontre des salariés afin qu’ils ne participent pas à la grève.
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir que Mme [O] ne justifie pas de ses fonctions de délégué du personnel et de représentant du personnel. Elle ne démontre aucune entrave de sa part s’agissant de ses prétendues fonctions de représentant du personnel.
Sur ce,
Selon L. 2316-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à la libre désignation des délégués du personnel est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à l’exercice régulier de leurs fonctions est puni d’une amende de 7 500 €.
Selon l’article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Il résulte de l’énoncé de cet article que celui-ci a vocation à s’appliquer à tout transfert d’une entité économique conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, d’un employeur vers un autre employeur. Il est de principe que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre.
Il est constant que l’inspecteur du travail a précisé, dans sa décision en date du 10 juillet 2015 par laquelle il a autorisé le transfert du contrat de travail de la salariée, que le transfert trouvait son fondement juridique dans les dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail en ce que la reprise du marché par la SAS Autocars [T] Romans constituait un transfert partiel d’activité rentrant dans le champ d’application desdites dispositions.
En outre, il ressort de la décision rendue par le Tribunal administratif de Grenoble en date du 27 mars 2017, devant lequel la SAS Autocars [T] Romans a entendu contester la validité de la décision susvisée du 10 juillet 2015 prise par l’inspecteur du travail, qu’il a été retenu que l’exploitation des lignes de transport Citea et Intercitea constituait une branche d’activité de la société Les Rapid’Bleus, caractérisée par une organisation, un réseau et une clientèle propre et qui nécessitait spécifiquement l’emploi de 38 conducteurs et des autocars qui lui étaient dédiés, le tribunal relevant à leur sujet que ces autocars étaient mis à la disposition du prestataire du marché, et qu’ainsi, le changement de prestataire constituait le transfert par un employeur à un autre employeur d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise par le nouvel employeur, ce qui justifiait l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.
La SAS Autocars [T] Romans ne verse aux débats aucun élément permettant de contredire cette analyse du Tribunal administratif de Grenoble.
Ainsi, il y a lieu de retenir que le transfert de son contrat travail allégué par la salariée est bien intervenu par l’effet des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, et non sur le seul fondement des dispositions de l’accord susvisé du 7 juillet 2009, quand bien même, ce qui n’est pas contesté par les parties, celui-ci avait également vocation à s’appliquer dans le cas d’espèce pour régir les relations entre le prestataire sortant et le prestataire entrant s’agissant notamment des modalités de poursuite du contrats de travail des salariés repris.
Selon l’article L. 2143-10 du code du travail, en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur telle que mentionnée à l’article L. 1224-1, le mandat du délégué syndical ou du délégué syndical central subsiste lorsque l’entreprise qui fait l’objet de la modification conserve son autonomie juridique. Il en est de même lorsque la modification porte sur un établissement au sens de l’article L. 2143-3.
Selon l’article L. 2314-35 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur telle que mentionnée à l’article L. 1224-1, le mandat des membres élus de la délégation du personnel du comité social et économique et des représentants syndicaux de l’entreprise ayant fait l’objet de la modification subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique.
Il résulte de ces dispositions que les mandats de délégué syndical et de délégué du personnel perdurent lorsque le transfert du contrat de travail résulte de l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail et qu’il y a conservation de l’autonomie de l’entité autonome ayant fait l’objet du transfert.
Les dispositions des articles L. 1224-1 et 2143-1 susvisés du code du travail doivent s’interpréter à l’aune de l’article 6, §1 de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements. Au sens des dispositions de cet article, une entité économique transférée conserve son autonomie, dès lors que les pouvoirs accordés aux responsables de cette entité, au sein des structures d’organisation du cédant, à savoir le pouvoir d’organiser, de manière relativement libre et indépendante, le travail au sein de ladite entité dans la poursuite de l’activité économique qui lui est propre et, plus particulièrement, les pouvoirs de donner des ordres et des instructions, de distribuer des tâches aux travailleurs subordonnés relevant de l’entité en cause ainsi que de décider de l’emploi des moyens matériels mis à sa disposition, ceci sans intervention directe de la part d’autres structures d’organisation de l’employeur, demeurent, en substance, inchangés au sein des structures d’organisation du cessionnaire.
Il n’est pas soutenu en l’espèce par la salariée que l’entité économique transférée aurait conservé son autonomie juridique au sens de l’article 6, §1, de la directive 2001/23/CE susvisé, à l’issue du transfert.
Il ressort par ailleurs des pièces échangées et des moyens débattus que l’entité économique a été absorbée par la SAS Autocars [T] Romans pour ne plus constituer qu’une branche de son activité, placée sous la direction directe de la SAS Autocars [T] Romans, ayant en conséquence perdue toute autonomie juridique.
En conséquence, il y a lieu de retenir que les conditions d’application des dispositions susvisées des articles L. 2143-10 et L. 2314-35 n’étaient pas remplies, ce dont il résulte que les mandats de délégué syndical et de délégué du personnel dont Mme [O] était titulaire n’ont pas subsisté lors du transfert de son contrat de travail auprès de la SAS Autocars [T] Romans.
En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur le point de savoir si la SAS Autocars [T] Romans a commis des faits caractérisant un délit d’entrave au sens des dispositions susvisées.
La salariée est déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, par confirmation du jugement déféré de ce chef.
Sur le harcèlement moral :
Moyens des parties :
Mme [O] fait grief à la SAS Autocars [T] Romans de lui avoir fait subir une situation de harcèlement moral et invoque au soutien de sa prétention les faits suivants :
L’autorisation de transférer son contrat de travail prise par l’inspecteur du travail le 10 juillet 2015 est intervenue de manière tardive en raison de l’attitude de la SAS Autocars [T] Romans ;
La SAS Autocars [T] Romans ne lui a pas notifié le caractère définitif du transfert de son contrat de travail ;
Le recours de la SAS Autocars [T] Romans devant le Tribunal administratif ne reposait sur aucun fondement juridique et était purement dilatoire ;
La SAS Autocars [T] Romans a attendu le mois de décembre pour renouveler sa formation FCO Voyageurs, alors qu’elle était informée de la nécessité de renouveler cette formation, la tenant ainsi éloignée de son lieu de travail pendant cinq mois du 10 juillet 2015 au 29 décembre 2015, afin de l’empêcher d’avoir des contacts avec ses collègues de travail ;
Elle a subi des pressions de la part de son employeur qui lui a interdit de parler à certains chauffeurs et a interdit à ces chauffeurs de lui parler ;
Elle a été systématiquement tenue écartée des réunions informelles organisées par l’employeur ;
Elle a été mise d’office en congés sans solde du 20 juillet au 8 août 2015, l’employeur opérant une retenue de 1096,20 euros sur ses salaires ;
Elle a fait l’objet d’entrave de la part de son employeur dans l’exercice de ses mandats de représentante du personnel et de déléguée syndicale.
À titre subsidiaire, si la cour ne reconnaissait pas l’existence d’un harcèlement moral, Mme [O] soutient que les faits invoqués à l’encontre de son employeur constituent un manquement de la SAS Autocars [T] Romans à son obligation de sécurité.
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir que l’ensemble des faits invoqués par Mme [O] sont justifiés par des raisons objectives à tout harcèlement moral et par l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur dans le strict respect des droits de la salariée.
Elle ne peut être tenue pour responsable de la date tardive à laquelle est intervenue l’autorisation de l’inspection du travail de transférer son contrat de travail, soit le 10 juillet 2015, alors que l’origine du retard est uniquement le fait de la SAS Les Rapid’bleus. En outre, ce retard dans l’autorisation de transfert concernait tous les salariés protégés et non seulement Mme [O].
Le transfert de son contrat de travail pouvait intervenir à la date de l’autorisation donnée par l’inspection du travail dès lors qu’elle est restée salariée de la SAS Les Rapid’bleus jusqu’au 18 juillet 2015 inclus, et qu’elle a été en congés payés jusqu’au 9 août 2015, également payés par la SAS Les Rapid’bleus.
Elle avait un intérêt légitime à obtenir l’annulation de l’autorisation de transfert de l’inspection du travail devant le tribunal ministre actif, en raison du non-respect de l’accord collectif de branche du 7 juillet 2009. Cette procédure concernait également les contrats de travail de tous les salariés protégés.
Pour pallier l’effet suspensif de son recours devant le tribunal administratif, elle a accepté de conclure un contrat de travail avec les salariés concernés à titre conservatoire le 24 août 2015, c’est-à-dire sous réserve du jugement du Tribunal administratif de Grenoble à intervenir.
Le contrat a été conclu avec effet au 19 juillet 2015, date à laquelle Mme [O] a cessé d’être rémunérée par la SAS Les Rapid’bleus.
Si elle s’est désistée de son recours en référé suspension devant le Tribunal administratif, elle a maintenu son recours au fond. Par un jugement définitif rendu le 27 mars 2017, le Tribunal administratif de Grenoble a confirmé le transfert des contrats de travail des salariés protégés.
Ainsi, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir notifié à Mme [O] le caractère définitif de son transfert, celle-ci ayant été licenciée le 14 mars 2017, soit antérieurement à la décision rendue par le Tribunal administratif.
La conclusion d’un contrat de travail à titre conservatoire, dans les circonstances de l’espèce, ne démontre donc pas une volonté d’exclusion la salariée, mais au contraire une compréhension de sa situation personnelle dans l’attente du jugement du Tribunal administratif, cette situation ne visant en outre pas personnellement Mme [O], mais l’ensemble des salariés protégés.
Mme [O] a été rémunérée par la SAS Les Rapid’bleus jusqu’au 18 juillet 2015. Elle avait ensuite demandé à être en congés payés pour la période du 20 juillet au 8 août 2015, et elle a été régulièrement rémunérée par la SAS Les Rapid’bleus pour cette période de congés payés.
Elle n’était pas tenue de rémunérer Mme [O] pour cette période conformément à l’accord du 7 juillet 2009.
La salariée n’était pas à jour de sa formation obligatoire de conducteur routier (FCO) au jour du transfert de son contrat de travail, la SAS Les Rapid’bleus étant seule responsable de cette situation.
La SAS Autocars soutient qu’elle n’a pas pu inscrire la salariée a une formation avant le début du mois de décembre 2015, de sorte que celle-ci n’a pas pu exercer son activité jusqu’au 29 décembre 2015. Toutefois, la rémunération de Mme [O] a été maintenue pendant cette période dans l’attente d’une régularisation de sa situation. Elle a inscrit et financé la FCO de Mme [O]. C’est donc à tort que Mme [O] soutient qu’elle a cherché à la tenir délibérément éloignée de son poste de travail.
Entre le mois de décembre 2015 et le 1er juin 2016, Mme [O] n’apporte aucun élément laissant supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral de la part de son employeur, alors qu’il s’agit de la seule période au cours de laquelle elle a été placée sous le pouvoir de direction de la SAS Autocars [T] Romans pendant un temps de travail effectif.
Elle a toujours répondu aux différentes réclamations de la salariée. Elle n’a pas interdit à la salariée, contrairement à ses allégations, de parler avec ses collègues de travail. Elle démontre que la salariée avait exactement les mêmes conditions de travail que l’ensemble des autres personnels.
Il ne se déduit pas des avis d’inaptitude de Mme [O] que celle-ci était victime d’un harcèlement moral. La salariée ne démontre pas que son inaptitude trouverait son origine dans la situation alléguée de harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime.
La salariée n’a pas été victime d’un accident du travail et sa maladie ne relève pas d’une maladie professionnelle.
Par jugement du 24 avril 2020, le pôle social du Tribunal judiciaire de Valence a jugé que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’Aquitaine devra donner son avis sur l’existence d’un lien direct essentiel entre les pathologies déclarées par Mme [O] le 21 octobre 2016 tel que décrites au certificat médical en date du 1er juin 2016 et le travail habituel de l’assuré.
Suivant avis motivé en date du 21 juillet 2021, le CRRMP Région Nouvelle Aquitaine a conclu qu’il n’existait pas de lien direct essentiel entre les pathologies déclarées par Mme [O] et le travail habituel de l’assurée.
Sur ce,
Il a été relevé précédemment que la salariée demande au titre du manquement allégué de la SAS Autocars [T] Romans à l’obligation de sécurité formulée dans le dispositif de ses conclusions la condamnation de son employeur, à titre principal, à lui verser des dommages et intérêts pour harcèlement moral, et, à titre subsidiaire, la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, la salariée soutenant dans ses écritures que les faits invoqués à l’encontre de son employeur, s’ils ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral, sont dans tous les cas constitutifs d’un manquement à l’obligation de sécurité.
En conséquence, il y a lieu de requalifier la demande de dommages et intérêts de la salariée au titre de l’obligation de sécurité en demande de dommages et intérêts à titre principal au titre du harcèlement moral, et, à titre subsidiaire, au titre du manquement à l’obligation de sécurité.
Aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Suivant les dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Le harcèlement moral est constitué peu important que les agissements se répètent uniquement sur une brève période.
S’agissant du caractère tardif de l’autorisation de transférer son contrat de travail, il ressort de la décision de l’inspecteur du travail en date du 10 juillet 2015 autorisant la SAS Les Rapid’bleus à transférer le contrat de travail de Mme [O], que la demande d’autorisation de transfert a été faite par le directeur de SAS Les Rapid’bleus le 2 juin 2015, mais que cette demande n’était pas exploitable en l’état et nécessitait d’être complétée, et que les éléments nécessaires à l’examen normal de la demande d’autorisation de transfert n’ont été mis à la disposition de l’inspecteur du travail par le directeur de la SAS Les Rapid’bleus qu’à la date du 2 juillet 2015, impliquant la prorogation du délai d’enquête.
La salariée ne verse aux débats aucun élément permettant de démontrer que la SAS Autocars [T] Romans, par son comportement, aurait contribué à retarder d’une manière ou d’une autre la durée de la procédure d’autorisation.
Il résulte de ces constatations que le caractère tardif de l’autorisation de transfert du contrat de travail de la salariée ne trouve pas son origine dans l’attitude de la SAS Autocars [T] Romans.
Ce grief n’est pas établi.
Sur l’absence de notification du caractère définitif de son contrat de travail, il ressort de l’avenant conservatoire au contrat de travail à durée indéterminée conclu entre Mme [O] et son précédent employeur en date du 10 juillet 2015 que la SAS Autocars [T] Romans a pris la décision d’intégrer à titre conservatoire dans ses effectifs la salariée par la conclusion dudit avenant, les dispositions préalables de l’avenant stipulant notamment que la SAS Autocars [T] Romans conteste l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail et la motivation de la décision d’autorisation de transfert de l’inspecteur du travail, et qu’elle a sollicité l’annulation de cette décision devant le Tribunal administratif de Grenoble par requête déposée le 3 août 2015.
Il résulte de cet avenant que la SAS Autocars [T] Romans a refusé de tenir pour définitif le transfert du contrat de travail de la salariée.
Ce grief est établi.
S’agissant du recours de la SAS Autocars [T] Romans devant le Tribunal administratif à l’encontre de la décision de l’inspecteur du travail autorisant le transfert de son contrat de travail, il ressort de l’avenant précité que la SAS Autocars [T] Romans a entendu contester devant le juge administratif la validité de l’autorisation de transfert du contrat de travail de la salariée au motif que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail n’avaient pas vocation à s’appliquer dans le cas d’espèce et que les conditions posées par l’accord du 7 juillet 2009 susvisé n’étaient pas remplies.
Il est sans incidence que l’inspecteur du travail ait pu dans un courrier adressé à la salariée le 6 août 2015 soutenir que ce recours ne reposait sur aucun fondement juridique, la SAS Autocars [T] Romans étant fondée à contester la validité de l’autorisation de transfert devant la juridiction administrative.
La salariée ne développe aucune explication dans ses écritures visant à étayer ses allégations selon laquelle le recours de la SAS Autocars [T] Romans était purement dilatoire, et que celle-ci aurait abusé de son droit de se pourvoir en justice pour contester le transfert du contrat de travail de la salariée.
Ce grief n’est pas établi.
S’agissant du caractère tardif du renouvellement de sa formation FCO transport de voyageurs, il ressort de l’attestation de fin de formation en date du 28 décembre 2015 aux débats par la salariée que celle-ci a suivi une formation FCO transport de voyageurs du 21 décembre au 28 décembre 2015.
Il est constant que le contrat de travail de la salariée a été transféré à la SAS Autocars [T] Romans le 10 juillet 2015, en vertu de l’avenant au contrat de travail susvisé.
Il n’est pas contesté que la salariée n’a pas pu travailler entre la date de son transfert et la fin du mois de décembre en raison de l’absence de renouvellement de sa formation FCO transport de voyageurs.
En conséquence, la salariée établit que l’employeur lui a fait suivre une formation nécessaire à l’exercice de son activité à la fin du mois de décembre 2015, soit plus de six mois après le transfert de son contrat de travail. Ce grief est établi.
S’agissant des pressions que la SAS Autocars [T] Romans aurait exercées à son encontre et à l’encontre d’autres conducteurs, le courriel en date du 10 février 2016 adressé à son employeur, dans lequel la salariée reproche à M. [T] de l’avoir, le 29 décembre 2015, jour de sa reprise du travail, attendu à un arrêt de bus pour lui demander de ne pas parler avec ses collègues de travail, et allègue, d’une part, que M. [T] aurait demandé à d’autres conducteurs de ne pas lui parler, d’autre part, qu’il inviterait certains conducteurs à des réunions informelles sans l’inviter à y participer, est insuffisant pour établir la réalité des griefs invoqués par la salariée, faute pour celle-ci de produire des éléments de nature à étayer ses allégations.Ces griefs ne sont pas établis.
S’agissant de la retenue opérée sur son salaire pour la période du 20 juillet au 8 août 2018, il a été retenu précédemment que la SAS Autocars [T] Romans ne justifie pas que la salariée aurait perçu une indemnité compensatrice de congés payés de son précédent employeur pour la période du 20 juillet au 8 août 2015.Ce grief est établi.
Enfin, s’agissant de l’entrave dans l’exercice de ses mandats de représentante du personnel et de déléguée syndicale, il a été précédemment retenu que les mandats de délégué syndical et de représentant du personnel de la salariée n’avaient pas subsisté lors du transfert du contrat de travail de la salariée et qu’en conséquence, il ne pouvait être caractérisé aucun délit d’entrave.Ce grief n’est pas établi.
Il est constant que la salariée a été placée en arrêt de travail pour accident du travail par son médecin traitant à compter du 2 juin 2016.
La salariée justifie d’une dégradation de son état de santé par la production d’une attestation de suivi psychologique en date du 23 septembre 2016 dans le cadre de l’association de médecine du travail « Santé Travail Drôme Vercors » pour la période de juillet à septembre 2016, et d’une attestation en date du 16 décembre 2016 du directeur de l’association REMAID qui atteste que Mme [O] fait l’objet d’un accompagnement psychologique dans le cadre du service d’aide aux victimes pour des difficultés au travail dont elle dit avoir été victime.
Il résulte de l’examen des faits établis susvisés pris dans leur ensemble, des éléments précis et concordants permettant de supposer que Mme [O] a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral ayant engendré une dégradation de son état de santé psychologique.
Il incombe dès lors à l’employeur de démontrer que les faits établis sont étrangers à tout harcèlement moral.
Il est constant que la SAS Autocars [T] Romans a, une fois la décision d’autorisation de transfert en date du 10 juillet 2015 de l’inspecteur du travail rendue, conclu avec Mme [O] un avenant à son contrat de travail daté du même jour prévoyant que la salariée est engagée par la SAS Autocars [T] Romans à titre personnel en qualité de chauffeur pour une durée déterminée à compter du 10 juillet 2015.
Il n’est pas contesté que cet avenant a bien eu pour effet de régulariser le transfert du contrat de travail de la salariée auprès de la SAS Autocars [T] Romans.
La SAS Autocars [T] Romans justifie l’intitulé de l’avenant par le fait qu’elle avait décidé de contester la validité de l’autorisation de transfert de l’inspecteur du travail devant le juge administratif, impliquant qu’elle ne tiendrait le transfert de la salariée pour définitif qu’après une décision de la juridiction administrative déclarant l’autorisation de transfert valide.
La salariée ne conteste pas que cette démarche de l’employeur n’a pas concerné uniquement Mme [O], mais l’ensemble des salariés protégés de la SAS Les Rapid’bleus.
Ces éléments sont suffisants pour retenir que l’employeur, qui n’a pas empêché le transfert effectif de la salariée dès que la décision d’autorisation de transfert a été prise par l’inspecteur du travail, justifie par des raisons objectives à tout harcèlement moral des raisons pour lesquelles il ne considérait pas à la date de conclusion de l’avenant le transfert de la salariée comme définitif.
S’agissant de la retenue sur salaire pour la période du 20 juillet au 8 août 2015, il a été retenu que SAS Autocars [T] Romans ne justifiait pas que la salariée avait perçu pour cette période une indemnité compensatrice de congés payés de la part de son précédent employeur, la SAS Les Rapid’bleus, que la SAS Autocars [T] Romans n’était donc pas fondée, conformément aux dispositions susvisées de l’accord du 7 juillet 2009, à placer la salariée en congé sans solde pour la période du 20 juillet au 9 août 2015. En conséquence, il ne peut qu’être retenu que l’employeur ne justifie pas par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral de cette omission.
Enfin, s’agissant du caractère tardif de la formation FCO, la SAS Autocars [T] Romans reconnaît dans ses écritures qu’elle a eu connaissance de l’absence de renouvellement de la formation de la salariée l’empêchant d’exercer ses fonctions de conductrice, dès le transfert de son contrat de travail. Il est dès lors sans incidence que l’absence de renouvellement de cette formation soit imputable à son précédent employeur, la SAS Autocars [T] Romans ayant l’obligation, à compter du transfert du contrat de travail de la salariée, de prendre toutes les mesures propres à permettre à la salariée d’exercer ses fonctions contractuellement définies.
En outre, la SAS Autocars [T] Romans ne soutient ni ne démontre que l’absence de renouvellement de la formation FCO trouverait en tout ou en partie sa cause dans l’attitude fautive de la salariée.
Or, la SAS Autocars [T] Romans échoue à démontrer, comme elle le soutient, qu’elle aurait immédiatement rechercher une formation FCO dès la date du transfert du contrat de travail de la salariée, soit le 10 juillet 2015. En effet, la SAS Autocars [T] Romans ne verse aux débats aucun élément permettant à la cour se convaincre qu’elle aurait pris attache avec des centres de formation et que ceux-ci n’ont pas été en mesure de lui proposer des dates de formation avant la fin du mois de décembre 2015.
Le courrier, en date du 5 septembre 2015, dans lequel la SAS Autocars [T] Romans indique à la salariée qu’elle est en recherche active d’une date de stage FCO, est, sur ce point, dépourvu de toute valeur probante.
En conséquence, il y a lieu de retenir que la SAS Autocars [T] Romans ne justifie pas par des raisons objectives à tout harcèlement moral des motifs pour lesquelles la salariée n’a pu suivre la formation FCO avant la fin du mois de décembre 2015, soit plus de cinq mois après le transfert de son contrat de travail.
Il n’est pas contesté que la salariée n’a pas pu exercer ses fonctions durant cette période, et qu’elle n’a été en mesure de reprendre le travail qu’à compter du 29 décembre 2015, cette situation imputable à la seule SAS Autocars [T] Romans ayant eu pour effet de la priver d’exercer son travail, et de la tenir éloignée de l’ensemble de ses collègues de travail et de l’entreprise sur une période longue, peu important que durant cette période la salariée ait continué à percevoir son salaire.
En raison de sa carence fautive dans la recherche d’une formation nécessaire à l’exercice de ses fonctions par la salariée, l’employeur a manqué de lui fournir du travail en violation de ses obligations contractuelles.
Ce manquement durable, ainsi que la retenue sur salaire non justifiée pour la période du 20 juillet au 8 août 2015, constituent des agissements répétés de l’employeur caractérisant un harcèlement moral à l’encontre de la salariée susceptible d’avoir entraîné une dégradation de sa santé.
La salariée justifie d’une dégradation de sa santé psychologique, mais à compter du mois de juin 2016. Les faits établis constitutifs de harcèlement moral ont pris fin au plus tard à la fin du mois de décembre 2015, la salariée échouant à établir des griefs laissant supposer une situation de harcèlement moral pour la période postérieure.
Compte tenu de la durée séparant la date des derniers faits constitutifs de harcèlement moral et la date des éléments démontrant la dégradation de son état de santé, il ne peut être retenu de lien direct entre le harcèlement moral subi par la salariée et la dégradation de son état de santé.
Toutefois, la dégradation de l’état de santé du salarié, si elle permet l’appréciation du préjudice subi, n’est pas une condition d’existence du préjudice, le juge pouvant apprécier le préjudice subi au travers des faits imputables à l’employeur constitutifs de harcèlement moral.
Compte tenu des circonstances dans lesquelles se sont produits les faits de harcèlement moral, l’employeur contestant la validité du transfert du contrat de travail de la salariée, et de l’attitude fautive de l’employeur qui a conduit à empêcher la salariée d’exercer son travail pendant plusieurs mois à la suite immédiate de son transfert dans l’entreprise, la salariée a subi un préjudice résultant des faits de harcèlement moral dont elle a été victime qui sera justement réparé par la condamnation de la SAS Autocars [T] Romans à lui payer la somme de 5 000 euros. Il y a dès lors lieu d’infirmer le jugement entrepris sur ce point.
Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de dommages et intérêts de la salariée au titre du manquement de l’employeur à l’obligation légale de sécurité, celle-ci étant soulevée à titre subsidiaire.
Il n’y a pas non plus lieu de statuer sur le manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, cette demande constituant une demande nouvelle en cause d’appel ayant été déclarée irrecevable à ce titre.
Sur le bien-fondé du licenciement :
Moyens des parties :
Mme [O] fait valoir que son licenciement pour inaptitude est la conséquence d’un manquement de la SAS Autocars [T] Romans, ayant entraîné la reconnaissance de sa maladie en tant que maladie professionnelle.
Elle fait valoir que la SAS Autocars [T] Romans avait connaissance de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle au moment de son licenciement et n’a pas formulé d’appel sur le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du 2 décembre 2019 en ce qu’il a dit qu’elle avait connaissance, lors de la procédure de licenciement, de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle faite par Mme [O]. En conséquence, son licenciement est nul.
A titre subsidiaire, Mme [O] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle soutient avoir subi un préjudice dont elle est bien fondée à demander la réparation à hauteur de 40 000 euros.
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir qu’elle a contesté auprès de la CPAM que la salariée avait été victime d’un accident du travail le 1er juin 2016, et que celle-ci n’a pas retenu la qualification d’accident du travail.
Le fait que la salariée invoque un arrêt maladie pour anxiété, troubles du sommeil, harcèlement moral ne permet pas de lui imputer l’origine de ces troubles.
Contrairement aux allégations de la salariée, il ne peut être déduit des avis d’inaptitude du médecin du travail des 30 novembre et 14 décembre 2007 un quelconque harcèlement moral de la salariée qui serait à l’origine de son inaptitude.
En outre, suivant un avis motivé en date du 21 juillet 2021, le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région Nouvelle Aquitaine a conclu qu’il n’existait pas de lien direct essentiel entre les pathologies déclarées par la salariée le 21 octobre 2016 telles que décrites au certificat médical initial en date du 1er juin 2016 et son travail habituel, rejetant ainsi la qualification de maladie professionnelle.
Sur ce,
Selon l’article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Selon l’article L. 1226-2-1 du code du travail, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.
Selon l’article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Selon l’article L. 1226-12 du code du travail, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
Aux termes de l’article L. 1151-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Enfin, aux termes des dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Il résulte de ces dispositions que le licenciement pour inaptitude, qu’il soit ou non d’origine professionnelle, est nul lorsque l’inaptitude trouve sa cause directe et certaine dans des actes de harcèlement moral commis par l’employeur.
Il a été retenu précédemment que la salariée avait subi une situation de harcèlement moral de la part de la SAS Autocars [T] Romans entre le mois de juillet 2015 jusqu’à la fin du mois de décembre 2015.
En outre, il est constant que Mme [O] a été fait l’objet d’un arrêt de travail pour accident du travail à compter du 1er juin 2016 et qu’elle a été déclarée inapte à son emploi à l’issue d’une seconde visite de reprise auprès de la médecine du travail le 14 décembre 2016, l’avis indiquant : « L’origine de l’inaptitude, l’organisation du travail et la structure de l’entreprise ne permettent pas d’envisager de mesures individuelles de mutation ou de transformation de poste. L’état de santé de la salariée ne permet pas de faire des propositions de reclassement ».
Il ne ressort pas de ces mentions que le médecin du travail aurait considéré que l’inaptitude de la salariée trouvait sa cause directe et certaine dans les faits de harcèlement moral subis par la salariée.
Par ailleurs, il est constant que le certificat médical en date du 1er juin 2016 réalisé sur un formulaire « accident du travail maladie professionnelle », par lequel le médecin traitant de la salariée, le Dr [P] [F] lui prescrit un arrêt de travail initial à compter de cette date, en indiquant que la salariée souffre de « trouble du sommeil, anxiété, repli sur soi, difficulté de concentration, pleurs » sur le volet 1, et qu’elle souffre d’ « anxiété, trouble du sommeil, harcèlement moral décrit par la patiente » sur le volet 3, tous deux versés aux débats par la salariée, ces mentions apparaissant également sur les arrêts de travail de prolongation.
Toutefois, ces indications sont insuffisantes pour établir l’existence d’un lien direct entre, d’une part, le harcèlement moral subi par la salariée, dont la cour a précédemment relevé que Mme [O] n’en établissait l’existence que pour la période allant du 10 juillet 2015 jusqu’à la fin du mois de décembre 2015, et, d’autre part, son arrêt de travail pour accident du travail et maladie professionnelle à compter du 1er juin 2016, soit plus de six mois plus tard, lequel a par la suite donné lieu à son inaptitude prononcée en décembre 2016.
En l’absence d’éléments probants permettant à la cour de retenir que le harcèlement moral de la salariée s’est bien poursuivi au-delà de la fin du mois de décembre 2015 au moins jusqu’à la date de son arrêt de travail du 1er juin 2016, il y a lieu de retenir qu’il n’existe pas de lien direct et certain entre le harcèlement moral subi par la salariée et son inaptitude.
Mme [O] doit en conséquence être déboutée de sa demande visant à voir déclarer son licenciement pour inaptitude nul et à ce que la SAS Autocars [T] Romans soit condamnée à lui payer des dommages et intérêts à ce titre. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité spéciale de licenciement :
Moyens des parties :
Mme [O] fait valoir que l’employeur était tenu de lui verser l’indemnité spéciale de licenciement dès lors qu’il avait connaissance, au moment de la procédure de licenciement, de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
La SAS Autocars [T] Romans fait valoir que Mme [O] a pris ses fonctions le 19 juillet 2015, puis qu’elle a été en congés payés rémunérés par la SAS Les Rapid’bleus du 20 juillet au 9 août 2015, qu’elle n’a pas pu exercer ses fonctions du 10 août 2015 au 20 décembre 2015 en l’absence de mise à jour de sa FCO, qu’elle a ensuite été en formation du 21 au 28 décembre 2015, puis qu’elle a pris ses fonctions à compter du 29 décembre 2015, qu’elle a été placée en arrêt travail pour accident du travail par son médecin traitant à compter du 1er juin 2016.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 1er août 2016, la CPAM de la Drôme a refusé la prise en charge de l’accident du travail invoqué par Mme [O].
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 12 octobre 2017, la CPAM de la Drôme a informé Mme [O] de l’avis rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) et de la prise en charge de son arrêt au titre d’une maladie professionnelle.
Toutefois, la SAS Autocars [T] Romans indique qu’elle a saisi le pôle social du Tribunal judiciaire de Valence, lequel a, par un jugement en date du 9 juillet 2020, renvoyé l’examen du dossier à la CRRMP de la région nouvelle Aquitaine. À l’issue d’un avis motivé en date du 21 juillet 2021, la CRRMP a retenu qu’il n’existait pas de lien direct essentiel entre les pathologies déclarées par Mme [O] le 21 octobre 2016 et le travail habituel de l’assuré.
Il en résulte que la maladie de Mme [O] ne relève pas d’une maladie professionnelle et ne peut donc être imputée à un quelconque agissement de son employeur.
Elle est donc fondée à demander à la cour le remboursement de la somme de 2401,34 euros au titre du doublement de l’indemnité de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, à laquelle elle a été condamnée par le jugement déféré.
Elle ne conteste pas avoir été informée antérieurement à la date de licenciement de la demande formulée par Mme [O] visant à voir reconnaître son arrêt de travail en maladie professionnelle. Toutefois, elle a saisi la commission de recours amiable de la caisse d’assurance-maladie, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale. Compte tenu de la décision susvisée de la CRRMP de la région nouvelle Aquitaine, le licenciement de Mme [O] ne relevait pas des dispositions applicables en matière de licenciement pour accident du travail ou maladie professionnelle.
Sur ce,
Il est de principe que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Cette application n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du caractère professionnel d’un accident.
Selon l’article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L.1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l’employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Il est constant que la salariée a fait l’objet d’un arrêt de travail pour accident du travail et maladie professionnelle à compter du 1er juin 2016, renouvelé à plusieurs reprises par la suite jusqu’à son licenciement pour inaptitude.
Il doit également être constaté que la CPAM de la Drôme a refusé de prendre en charge l’accident du travail du 1er juin 2016 dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels.
Enfin, la cour relève que dans ses écritures, la SAS Autocars [T] Romans indique qu’elle ne conteste pas avoir été informée, antérieurement à la date du licenciement pour inaptitude de Mme [O], de la volonté de celle-ci de voir reconnaître sa maladie en tant que maladie professionnelle, après que la salariée eut reçu la notification de la décision de refus de la CPAM de prendre en charge son accident du travail du 1er juin 2016 dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels.
Toutefois, il a été retenu précédemment que la salariée échouait à établir un lien direct entre le harcèlement moral dont elle a été victime sur son lieu de travail jusqu’à la fin du mois de décembre 2015 et la dégradation de son état de santé six mois plus tard, ayant conduit à son arrêt de travail à compter du 1er juin 2016, laquelle est à l’origine de son inaptitude prononcée le 14 décembre 2016.
Il en résulte que l’inaptitude de la salariée ne trouve pas son origine, même partiellement, dans une maladie d’origine professionnelle, mais dans une maladie ordinaire.
Il est en conséquence sans incidence que l’employeur avait connaissance au jour du licenciement de la demande formulée par la salariée de reconnaissance de l’origine professionnelle de son arrêt de travail.
Il découle de l’ensemble de ces constatations que la SAS Autocars [T] Romans n’était pas tenue d’appliquer les dispositions du code du travail relatives à l’inaptitude d’origine professionnelle, et en conséquence, à verser à la salariée l’indemnité prévue par les dispositions susvisées de l’article L. 1226-14 du code du travail.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef de condamnation.
Sur les demandes accessoires :
La SAS Autocars [T] Romans demandant la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, il y a lieu de le confirmer en ce qu’il a condamné la SAS Autocars [T] Romans à payer à Mme [O] des sommes au titre de la prime d’ancienneté et de la prime de tenue.
Il y a lieu de confirmer le jugement de première instance sur les frais irrépétibles et les dépens.
La SAS Autocars [T] Romans, partie perdante, est condamnée aux dépens d’appel et à payer à Mme [O] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 en cause d’appel, cette condamnation emportant nécessaire rejet de sa demande formulée à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Autocars [T] Romans tirée de l’absence d’effet dévolutif de l’appel,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par Mme [O] visant à voir déclarer irrecevables les conclusions de la SAS Autocars [T] Romans notifiées par RPVA le 24 août 2020,
DECLARE irrecevables les demandes suivantes de Mme [O] en ce qu’elles sont nouvelles en cause d’appel, la condamnation de l’employeur à lui verser les sommes suivantes :
20 000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels,
40 000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale,
40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :
Dit que la SAS Autocars [T] Romans avait connaissance, lors de la procédure de licenciement, de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme [O],
Dit que la SAS Autocars [T] Romans est tenue au doublement de la prime de licenciement,
Dit que la SAS Autocars [T] Romans est tenue au versement de la prime de tenue et des congés payés afférents,
Condamné la SAS Autocars [T] Romans à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
571,64 euros au titre de la prime de tenue,
57,16 euros de congés payés afférents,
25,15 euros au titre de la prime d’ancienneté,
2,51 euros de congés payés afférents,
1800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouté la SAS Autocars [T] Romans de sa demande d’indemnité fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejeté la demande relative aux sommes retenues par huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 dans l’hypothèse d’exécution par voie extrajudiciaire du jugement à intervenir à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées,
Condamné la SAS Autocars [T] Romans aux entiers dépens.
L’INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Autocars [T] Romans à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
1 096,20 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 20 juillet au 8 août 2015, outre 109,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la SAS Autocars [T] Romans aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Présidente,