Retenues sur salaire : 27 mai 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/01380

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Retenues sur salaire : 27 mai 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/01380

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 870/22

N° RG 19/01380 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SNAR

FB/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lille

en date du

13 Mai 2019

(RG 17/01496 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTS :

M. [J] [M]

[Adresse 2] – [Localité 4]

représenté par Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE

Syndicat SUD RAIL DE LA RÉGION LILLE

[Adresse 3] – [Localité 6]

représentée par Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

E.P.I.C. SNCF

[Adresse 1] – [Localité 5] / FRANCE

représentée par Me Frédéric DARTIGEAS, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Marion CASTRES, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS :à l’audience publique du 02 Novembre 2021

Tenue par Frédéric BURNIER

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Béatrice REGNIER

: CONSEILLER

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 17 décembre 2021 au 27 mai 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Frédéric BURNIER, Conseiller et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12 octobre 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [J] [M] a été engagé par la SNCF par contrat à durée indéterminée en 1983. Au dernier état de ses fonctions, il occupait un poste d’agent de surveillance générale à la Direction Zone Sûreté Nord. Il a quitté l’entreprise à la suite d’une mise à la réforme prononcée en janvier 2016.

Le 2 février 2015, Monsieur [J] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille et formé des demandes afférentes à une discrimination fondée sur son activité syndicale, son état de santé et/ou son apparence physique, et à un harcèlement moral.

Le syndicat Sud Rail de la région de Lille est intervenu volontairement à l’instance.

Par jugement du 13 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Lille a :

– débouté Monsieur [J] [M] de ses demandes et l’a condamné au paiement d’une indemnité de 500 euros pour frais de procédure,

– reçu l’intervention du syndicat Sud Rail mais rejeté sa demande de dommages et intérêts,

– débouté la SNCF de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Monsieur [J] [M] et le syndicat Sud Rail de la région de Lille ont régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 juin 2019, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 mars 2020, Monsieur [J] [M] sollicite l’infirmation du jugement.

Il demande à la cour, à titre principal, de :

– dire qu’il a été victime de discrimination en raison de son activité syndicale, de son état de santé et/ou de son apparence physique,

– condamner la SNCF au paiement de la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

– annuler les sanctions suivantes :

sanction du 25 octobre 2010,

sanction du 25 janvier 2011,

sanction du 5 juillet 2011,

sanction du 16 juin 2011,

sanction du 18 juillet 2011,

sanction du 30 août 2012,

avertissement du 12 février 2013,

sanction du 19 février 2013,

sanction du 24 juin 2013,

sanction des mois de janvier et mars 2014,

avertissement du 16 mai 2014,

sanction du 27 mai 2014,

– condamner la SNCF au paiement de la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts par sanction annulée ;

– dire qu’il a fait l’objet de harcèlement de la part de son employeur,

– condamner la SNCF au paiement des sommes de :

– 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

– 5 000 euros au titre du manquement de l’employeur à son obligation de prévention en matière de harcèlement,

à titre subsidiaire,

– constater l’exécution déloyale du contrat de travail et le non-respect de son obligation de sécurité de résultat,

– condamner la SNCF au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre,

en tout état de cause,

– condamner la SNCF au paiement des rappels de salaires suivants :

– 169.32 euros outre les congés payés y afférents au titre des retenues sur salaire injustifiées (commission de notation),

– 56, 60 euros outre les congés payés y afférents au titre des retenues sur salaire injustifiées (DCI),

– 58,88 euros outre les congés payés y afférents au titre des retenues sur salaire injustifiées (participation au CHSCT),

– 2 957,50 euros outre les congés payés y afférents au titre de l’indemnité compensatrice de représentation,

– condamner la SNCF au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [J] [M] expose avoir été un membre actif du syndicat Sud Rail depuis 1992, avoir été désigné délégué de commission en 2008 et avoir été élu délégué du personnel le 24 mars 2011. Il fait également état de multiples problèmes de santé : un AVC survenu en 1996, des hernies discales ayant nécessité des opérations en 2003, 2008 et 2011. Il ajoute être atteint du syndrome de [V], maladie génétique pouvant être à l’origine de la ‘nonchalance’ et du ‘manque de tonicité’ qui ont pu lui être reprochés.

Il relève des brimades, atteintes à sa carrière et sanctions qui n’ont pas cessé malgré de nombreuses interventions auprès de l’employeur.

Il évoque plusieurs décisions affectant sa rémunération.

Il estime avoir été lésé dans l’attribution d’une prime, dont la part individuelle était, le concernant, significativement basse par rapport à d’autres salariés. Il relève que l’employeur n’apporte aucune justification pour expliquer cette différence de traitement. Il soutient que la prétendue insuffisance concernant la qualité de son service n’est nullement étayée. Il considère qu’il ne peut lui être valablement opposé que certains salariés de son panel étaient également des représentants du personnel dans la mesure où l’employeur a cherché à réprimer ses activités syndicales.

Monsieur [M] fait grief à la SNCF d’avoir effectué des retenues de salaire lorsqu’il participait à des commissions de notation. Si les textes en vigueur prévoient la rémunération des temps de trajet et de réunion, il invoque un usage selon lequel l’ensemble de la journée concernée est considéré comme un temps de travail effectif, les délégués de commission devant ensuite rédiger le relevé de conclusions. Il s’appuie sur des attestations pour démontrer cet usage.

Il relève les mêmes retenues sur salaire, qu’il estime injustifiées, concernant les temps passés à la finalisation des relevés de conclusion de l’organe de concertation (DCI).

Il fait observer que cet usage, qui a été reconnu par la Cour de cassation dans deux arrêts rendus en 1990 et 1993, n’a jamais été dénoncé par l’entreprise.

Il ajoute que l’employeur a opéré des retenues sur salaire en raison de sa participation à une réunion du CHSCT le 28 avril 2014.

En outre, Monsieur [M] affirme avoir régulièrement fait l’objet de changements d’horaires sans respect de la procédure.

Il signale un manque à gagner conséquent consécutif à la réduction du nombre d’heures de nuit qu’il devait effectuer. Il retient que l’employeur admet que cette baisse est motivée par l’exercice des mandats (afin d’éviter le paiement d’indemnités de nuit maintenues lorsque le salarié ne peut travailler pour avoir posé des heures de délégation).

Il revendique le paiement de l’indemnité compensatrice de représentation, dont bénéficiaient les autres représentants du personnel, en soulignant que son planning prévisionnel pouvait être aisément modifié.

L’appelant soutient également avoir été écarté de toute promotion en raison de son activité syndicale. Il indique être en position pour obtenir un avancement depuis plusieurs années et constate que d’autres salariés, moins bien placés que lui, ont été promus avant lui. Il fait observer que sur les 18 agents de la SUGE embauchés en même temps que lui ou postérieurement, seuls lui et Monsieur [M] ne sont pas classés en position D collège maîtrise. Il relève être depuis 15 ans classé dans le même niveau alors qu’en moyenne les agents restent 9,5 années dans ce niveau. Il estime que l’employeur n’a jamais apporté de réponse satisfaisante à ses demandes d’explications.

Monsieur [M] fait état de sanctions qu’il regarde comme réitérées, injustifiées, abusives. Il considère qu’elles participent d’une démarche de surveillance visant à trouver tous les moyens pour le blâmer. Il note que ces sanctions faisaient suite aux revendications qu’il portait ou à ses arrêts maladie. Il soulève également une différence de traitement avec les autres agents qui n’étaient pas ennuyés malgré le constat de plusieurs anomalies sur le registre d’armement. Il observe que la direction prononçait régulièrement des sanctions de faible niveau pour lui interdire toute contestation.

Il sollicite la réparation intégrale du préjudice résultant de l’ensemble de ces faits de discrimination.

De plus, il fait valoir que ces mêmes agissements répétés qui ont affecté son état de santé et ont été à l’origine de nombreux arrêts de travail, caractérisent un harcèlement qui doit faire l’objet d’une indemnisation distincte.

Il retient que ces faits manifestent un manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral qui ouvre droit à une réparation spécifique.

Il conclut au rejet des demandes reconventionnelles de la SNCF.

Le syndicat Sud Rail de la région de Lille s’associe aux conclusions de Monsieur [M] en date du 10 mars 2020.

Il demande à la cour l’infirmation du jugement et la condamnation de la SNCF au paiement des sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte portée aux intérêts collectifs de la profession, et de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir qu’en raison de l’acharnement exercé à l’encontre de Monsieur [M], la profession s’est retrouvée sans défenseur syndical et plusieurs salariés ont souhaité ne pus s’investir dans l’action syndicale par crainte de subir des représailles similaires.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 décembre 2019, la SNCF demande la confirmation du jugement, la condamnation de Monsieur [J] [M] et du syndicat Sud Rail au paiement, chacun, des sommes de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Concernant la participation aux commissions de notation, la SNCF s’appuie sur le règlement du personnel GRH0233 qui assimile à des temps de services, les temps passés en réunion et temps de trajet. Elle rappelle que les délégués disposent de 36 heures de délégation par an pour préparer et assurer le suivi de ces commissions. Elle réfute l’existence de l’usage invoqué par Monsieur [M] au sein de la Direction [Adresse 7]. Elle fait observer que les attestations produites par ce dernier émanent d’agents employés dans d’autres établissements, soumis à des contraintes d’organisation distinctes. Elle ajoute que l’arrêt cité fait mention d’un usage dans un établissement du Bas-Rhin dédié à l’entretien, qu’il n’est pas transposable à tous les établissements de l’entreprise. Elle explique les retenues sur salaire par le refus systématique de l’intéressé d’utiliser son crédit d’heures.

Elle applique le même principe aux réunions du comité de concertation immédiate et du CHSCT. Monsieur [M] a été considéré comme étant en absence injustifiée lorsqu’il a refusé d’utiliser des bons de délégation et de reprendre son service après des réunions d’une demi-journée ou de quelques heures. Elle estime que l’intéressé ne caractérise pas l’existence d’un usage.

La SNCF souligne que les agents exerçant un mandat, lorsqu’ils se trouvent en heures de délégation ou congé syndical, ne doivent par perdre le bénéfice des indemnités et gratifications qu’ils auraient dû percevoir. Elle précise que l’indemnité compensatrice de représentation vise à compenser de manière forfaitaire ces éléments variables, qu’elle est réservée aux agents qui ne sont pas employés dans un cadre d’organisation mais assurent des remplacements. Elle estime que Monsieur [M], qui n’entrait pas dans cette catégorie et qui bénéficiait du maintien des éléments variables, ne peut prétendre au versement de cette indemnité.

L’employeur soutient que, compte tenu des modalités particulières d’application de l’accord ’35 heures’ aux agents de la surveillance générale, les plannings des agents pouvaient être modifiés sans délai de prévenance. Il ajoute que le salarié ne pouvait prétendre au maintien d’indemnités de nuit lors de l’utilisation d’heures de délégation, lorsque les heures de nuit, par modification du planning, n’étaient plus prévues.

Concernant l’attribution de la ‘prime’, elle note que Monsieur [M] a perçu des montants comparables à ceux d’autres salariés. Elle donne l’exemple de 3 salariés. Elle relève que dans le panel présenté par l’appelant 3 agents exerçaient des mandats représentatifs. Elle justifie le niveau de prime accordé à l’intéressé par l’insuffisante qualité de service de celui-ci.

La SNCF réfute toute discrimination dans le déroulement de carrière de Monsieur [M]. Elle relève que l’intéressé a régulièrement évolué dans la grille statutaire. Elle regarde le déroulement de carrière de l’intéressé comme étant satisfaisant au regard de ses qualités de service jugées moyennes.

Elle met l’accent sur l’importance de faire respecter scrupuleusement les règles entourant l’armement des agents et sur la légitimité des sanctions visant chaque négligence. Elle indique que Monsieur [M] ne remplissait pas correctement ses obligations professionnelles dans ce domaine. Elle rappelle que plusieurs lettres d’observations lui ont été adressées avant le recours à des sanctions. Elle précise avoir sanctionné d’autres salariés pour des faits similaires. Elle indique que les décisions de retrait de l’autorisation de port d’arme constituent des mesures préventives. Elle soutient que toutes les sanctions notifiées étaient proportionnées, justifiées et d’une faible sévérité de sorte qu’elles ne sauraient caractériser une discrimination ou un harcèlement.

révèle que tous les membres du conseil de discipline ont entériné la sanction prononcée.

Elle conclut que le harcèlement moral invoqué n’est pas plus caractérisé que la prétendue discrimination.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au litige, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L.1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur [J] [M] a été délégué du personnel titulaire et délégué de commission de 2011 à 2013, puis délégué du personnel suppléant à compter de 2014.

Bien qu’il fasse état de son engagement depuis 1992, aucun document versé au dossier ne porte trace d’une activité syndicale de l’appelant avant l’année 2011.

Si Monsieur [M] a obtenu la qualité de travailleur handicapé à compter du 9 février 2012, il n’est nullement établi qu’il ait porté cette information à la connaissance son employeur.

Un certificat médical rédigé le 11 avril 2016 par le Docteur [X], employé par le service médical de la SNCF, mentionne différentes pathologies : un AVC en 1996, plusieurs récidives d’hernies discales en 2003, 2008 et 2011 (cette dernière ayant nécessité un repos total couché), divers pincements discaux, des ulcérations gastriques et une cataracte. Il évoque le diagnostic d’une maladie de [V] en 2015.

Cependant, aucun document relatif à d’éventuelles réserves émises concernant l’aptitude de Monsieur [M] à son poste de travail n’est communiqué. L’intégralité des arrêts de travail invoqués n’est pas versée aux débats.

Monsieur [M] soutient que ses activités syndicales ou son état de santé ont été pris en considération par l’employeur pour prendre à son encontre des décisions défavorables qu’il convient d’analyser successivement.

Sur les montants alloués au titre de la ‘prime’

Monsieur [M] allègue avoir été lésé, en raison de ses activités syndicales, dans l’attribution annuelle de ‘la prime’.

Selon les documents édités par la SNCF, il s’agit d’un ‘dispositif de reconnaissance des agents qui récompense à la fois l’atteinte d’objectifs collectifs et la contribution individuelle à la performance de l’entreprise’. La ‘prime’ comprend un part collective, qui récompense l’atteinte des objectifs collectifs et dont le montant est ‘identique pour tous les agents d’un collectif de travail’, et une part individuelle, dont le montant peut varier ‘en fonction de l’atteinte des objectifs individuels fixés à chaque collaborateur en début d’exercice’.

Pour montrer qu’il a fait l’objet d’un traitement défavorable, Monsieur [M] présente un graphique montrant l’évolution des sommes perçues au titre de la ‘prime’, au cours des années 2012, 2013 et 2014, par lui-même et 6 autres salariés dont il ne donne qu’une identité partielle (nom ou prénom). L’appelant ne fournit aucune précision concernant ces agents de sorte qu’il ne permet pas à la cour de vérifier que ceux-ci se trouvaient dans une situation comparable à la sienne. Il ne joint à son graphique aucun document corroborant les données qu’il affiche.

Les éléments de comparaison proposés apparaissent dès lors insuffisamment probants.

Néanmoins, il ressort des écritures et des documents édités par la SNCF que le montant moyen de la ‘prime’ était au cours de ces trois années de 200 euros.

Les montants octroyés à Monsieur [M] : 50 euros en 2012, 125 euros en 2013 et 80 euros en 2014, s’avèrent nettement inférieurs à cette moyenne.

Il ressort de comptes rendus de réunions des délégués du personnel que la part collective de la ‘prime’ s’est élevée à 50 euros en 2012 et 80 euros en 2014. Il s’en déduit que Monsieur [M] n’a rien obtenu au titre de la part individuelle de la ‘prime’ ces années-là.

Pour les années 2015 et 2016, Monsieur [M] se réfère à des tableaux produit par l’intimée qui expose le montant de la ‘prime’ servie à l’ensemble des quelques 130 agents relevant de la même direction.

Alors que le montant moyen de la ‘prime’ avait été doublé pour atteindre 400 euros, il ressort de ces tableaux que les montants alloués ont varié entre 100 et 700 euros en 2015, entre 180 et 600 euros en 2016.

Monsieur [M] a perçu 130 euros en 2015. Il se range au nombre des 14 agents ayant reçu un montant inférieur ou égal à 150 euros.

Il a perçu 180 euros en 2016, soit le montant de la seule part collective. Il se range au nombre des 9 agents ayant reçu un montant inférieur ou égal à 200 euros.

Le faible montant des gratifications accordées à Monsieur [M] au titre de la ‘prime’, constamment et significativement inférieur à la moyenne, entre 2012 et 2016, période au cours de laquelle l’intéressé a exercé ses mandats représentatifs, constitue un élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination.

L’employeur se borne à invoquer une qualité de service n’apportant pas satisfaction.

Il ne précise pas les critères pris en compte pour déterminer les montants de la ‘prime’ servis à Monsieur [M].

Il ne produit aucun document décrivant les objectifs individuels fixés à Monsieur [M] au début de chaque exercice ou portant évaluation des résultats obtenus sur chacun des items préalablement définis.

Les seuls documents fournis par l’employeur sont ceux intitulés : ‘fiche de non proposition en qualification notations 2013/2014″, ‘fiche de proposition notations 2013/2014″, ‘propositions de sanction relatives à la demande d’explication écrite du 26 mai 2011″ et ‘propositions de sanction relatives à la demande d’explication écrite du 27 décembre 2012″.

Ces documents rédigés au plus tard en mars 2014 n’apportent aucune information concernant les années 2014 (année de référence pour la détermination de la ‘prime’ versée en 2015) et 2015 (année de référence pour la détermination de la ‘prime’ versée en 2016). Pour chacune de ces années, l’employeur ne produit donc aucun élément justifiant du niveau de prime alloué.

Par ailleurs, ses documents visent à évaluer les compétences de l’intéressé en vue d’une promotion à la qualification supérieure ou à apprécier son comportement en vue d’une sanction. Ils n’ont pas pour objet de fixer ou d’évaluer l’atteinte d’objectifs annuels aux fins de déterminer le niveau de gratification pouvant être octroyé dans le cadre de la part individuelle de la ‘prime’. Les manquements qu’ils relèvent dans la manière de servir de Monsieur [M] ne peuvent suffire, en l’absence de données portant spécifiquement sur l’atteinte, ou non, des objectifs individuels préalablement fixés, à expliquer les faibles montants de la ‘prime’ servie à l’intéressé.

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’employeur ne prouve pas que ces décisions en matière d’attribution de la ‘prime’ à Monsieur [M] reposaient sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il y a donc lieu de retenir que Monsieur [M] a fait l’objet d’une discrimination en cette matière.

Sur les retenues sur salaire consécutives à des participations aux commissions de notation

Monsieur [M] allègue avoir subi des retenues sur salaire après avoir participé à des commissions de notation. Il précise que l’employeur considérait comme une absence injustifiée le temps consacré à la rédaction des relevés de conclusion, une fois les réunions terminées.

La SNCF souligne s’être conformée au règlement en vigueur (RH0001 Chapitre 3) qui prévoit d’assimiler à du temps de travail effectif les temps de trajet et de présence aux réunions et qui octroie aux délégués un crédit de 36 heures pour la préparation et le suivi de ces commissions.

Monsieur [M] qui, ne conteste pas avoir été régulièrement rémunéré pour les temps de trajet et de participation aux réunions et qui ne fait pas état de l’utilisation régulière de son crédit d’heures de délégation, invoque un usage prévoyant la rémunération par l’employeur du temps ensuite consacré par les représentants du personnel à la rédaction des relevés de conclusion.

Pour établir la preuve, qui lui incombe, d’un usage, Monsieur [M] ne peut utilement se prévaloir d’un arrêt, non publié, rendu par la Cour de cassation le 23 juin 1993 rejetant les pourvois formés contre des jugements rendus par le conseil de prud’hommes de Schiltinghem en 1990 ayant constaté l’existence au sein de l’atelier d’entretien d’Hausbergen, établissement de la SNCF, d’un usage autorisant les représentants du personnel à ne pas reprendre leur service à la suite de réunions paritaires. En effet, un usage pouvant être propre à un établissement, il appartient à l’appelant de démontrer que l’usage invoqué s’applique également à l’établissement qui l’emploie.

De même, la décision exprimée à l’occasion d’une réunion de conciliation au sein de l’établissement de la surveillance générale de la région Normandie ne peut engager la directeur de l’établissement couvrant la région Nord qui emploie l’appelant. Monsieur [M] ne peut, non plus, utilement s’appuyer sur les attestations, au demeurant peu circonstanciées et nullement étayées, de Messieurs [H], [P] et [S] dans la mesure où ceux-ci sont occupés dans d’autres établissements de la SNCF.

L’attestation de Monsieur [D], agent de la police ferroviaire dont l’établissement de rattachement n’est pas précisé, qui indique : ‘élu délégué du personnel, délégué de commission de notation nationale, certifie avoir été dégagé la journée sur les convocations de la direction que ce soit sur une DCI, audience, réunion, quel que soit le temps de cette réunion. De plus, je n’ai jamais eu de retenue de salaire sur ces journées écourtées’, n’apparaît pas suffisamment circonstanciée (notamment concernant la période visée, les modalités de convocation …) et n’est étayée par aucun élément matériellement vérifiable.

Elle ne peut suffire, à elle seule, à établir l’existence d’une pratique générale, constante et fixe consistant à maintenir la rémunération des représentants du personnel, sur une journée entière, lorsqu’ils participent à une commission de notation dont la durée se limite à quelques heures.

Le courrier de l’inspection du travail daté du 2 décembre 2013, qui se réfère au seul arrêt susvisé rendu par la Cour de cassation le 23 juin 1993, n’apporte aucun constat susceptible de permettre à la cour de caractériser l’existence d’un tel usage.

Enfin, Monsieur [M] ne justifie pas, par la production d’éléments matériellement vérifiables, avoir bénéficié de l’application du prétendu usage au cours d’une période présentée comme antérieure (par ailleurs mal définie). Il allègue qu’aucune retenue n’a été effectuée sur ses bulletins de salaire des mois de décembre 2008 et juillet 2009. Toutefois, il ne produit pas le premier, semble ignorer que le second fait mention d’une retenue pour absence injustifiée et ne démontre nullement avoir participé à des commissions de notation à ces périodes.

Il s’ensuit que l’appelant ne produit pas d’éléments suffisants laissant supposer l’existence de l’usage dont il dénonce la violation.

La demande en rappel de salaire visant les retenues pour absence injustifiée suite à des participations aux commissions de notation n’est, dès lors, pas fondée. Aucun manquement de l’employeur constitutif d’une discrimination n’apparaît, sur ce point, caractérisé.

Sur les retenues sur salaire consécutives à des réunions dans le cadre de demandes de concertation immédiate

Monsieur [M] allègue avoir subi des retenues sur salaire après avoir participé, en sa qualité de représentant syndical, à des réunions organisées dans le cadre de la procédure de concertation immédiate. Il invoque un usage prévoyant la rémunération par l’employeur du temps ensuite consacré par les représentants du personnel à la rédaction des relevés de conclusion.

L’appelant ne produisant pas d’éléments suffisants laissant supposer l’existence d’un usage, les mêmes motifs conduisent à rejeter cette demande en rappel de salaire et à écarter l’existence d’une discrimination en raison de l’activité syndicale.

Sur les retenues sur salaire liées à l’activité du CHSCT

Monsieur [M] relève avoir fait l’objet d’une retenue pour absence injustifiée sur le bulletin de salaire du mois de mai 2014, suite à sa participation à la réunion du collège appelé à désigner les membres du CHSCT tenue le 28 avril précédent.

Il justifie d’une convocation à cette réunion en sa qualité de délégué du personnel.

Il ne se prévaut pas ici d’un usage comparable à celui précédemment invoqué.

En cas de contestation portant sur une retenue sur salaire pour absence injustifiée, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve du caractère injustifié de l’absence.

Or, la SNCF n’apporte aucune justification circonstanciée pour la retenue visée.

Cette retenue doit donc être considérée comme mal fondée.

Cette retenue étant en lien avec l’exercice du mandat de délégué du personnel suppléant et ne reposant sur aucune justification objective, il y a lieu de retenir qu’elle caractérise une discrimination.

Sur la modification des plannings sans respect d’un délai de prévenance

Monsieur [M] évoque de multiples changements apportés à ses plannings sans respect d’un délai de prévenance.

La production de différents plannings non datés ne permet de déterminer le délai écoulé entre les modifications apportées et leur mise en oeuvre.

Monsieur [M] communique toutefois des fiches de modification de service qui montrent qu’un changement a affecté l’organisation du service du 25 juin 2013, probablement dans l’urgence puisque la régularisation n’a été faite que par fiche datée du 27 juin suivant ; un autre changement décidé le 30 septembre 2013 a modifié les horaires prévus pour les 2 et 3 octobre.

Néanmoins, l’appelant n’apporte aucun élément laissant supposer que ces modifications seraient en lien avec l’exercice de ses mandats ou de son activité syndicale.

Pour sa part, la SNCF se réfère aux modalités particulières d’application de l’accord ’35 heures’ au personnel des brigades de la Surveillance Générale qui prévoient que compte tenu du caractère particulier des missions assurées, il n’y a pas lieu d’appliquer un délai de prévenance en cas de changement d’utilisation des agents.

L’organisation des programmes prévisionnels de service et leur éventuelle modification relevant de l’exécution normale du contrat de travail des agents affectés à la surveillance générale, l’accord préalable du salarié, bénéficiant du statut de salarié protégé, n’était pas requis.

Il s’ensuit qu’aucun manquement de l’employeur, susceptible de caractériser une discrimination, ne peut être retenu en la matière.

Sur la suppression des heures de nuit

Monsieur [M] déclare avoir réalisé en moyenne 200 heures de nuit par an, au cours des années 2011, 2012 et 2013. Il ajoute que ce volume représenterait un tiers des heures réalisées en moyenne la nuit par ses collègues. Il souligne les conséquences sur sa rémunération.

Toutefois, l’appelant ne produit aucun document susceptible d’étayer la différence de traitement alléguée.

Le tableau présenté comme une programmation de l’activité de l’année 2015, selon les mentions manuscrites du salarié, n’apparaît ni intelligible ni suffisamment probant pour conclure qu’aucune heure de nuit n’était prévue pour Monsieur [M].

Par ailleurs, Monsieur [M] ne présente aucun exemple concret de modification de son planning, emportant la suppression d’heures de nuit planifiées, en réaction à la manifestation de son intention de faire usage d’heures de délégation ou de congés syndicaux aux horaires de nuit initialement programmés.

A défaut de faits suffisamment précis révélant une telle pratique, l’employeur ne peut être mis en mesure de démontrer, de manière circonstanciée, que les modifications ainsi imposées s’expliquaient, comme il le soutient dans ses écritures, par des éléments objectifs résultant des nécessités du service, et non par la volonté de léser le salarié dans l’exercice de ses mandats en le privant de son droit au maintien des indemnités qu’il aurait perçues s’il avait assuré le service normalement prévu.

Le salarié ne rapportant pas les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, celle-ci ne saurait être, en la matière, caractérisée.

Sur l’absence de paiement de l’indemnité compensatrice de représentation (ICR)

Monsieur [M] déclare être, depuis le début de l’année 2013, privé de l’indemnité compensatrice de représentation, destinée à compenser l’absence du salarié à raison de ses fonctions représentatives.

L’article 3-1-1du référentiel RH0612 relatif au droit syndical et à l’exercice des fonctions syndicales dispose que, lorsqu’un agent est rattaché à un roulement ou un service connu, il convient de lui verser, lorsqu’il fait usage d’heures de délégation ou d’un congé syndical, le montant des indemnités et gratifications qu’il aurait perçues s’il avait assuré le service normalement prévu.

L’article 3-1-2 ajoute que, lorsque l’utilisation de l’agent n’est pas connue (ex : un agent de réservé) il convient de lui verser une indemnité compensatrice de représentation correspondant au montant journalier théorique correspondant à sa filière et à sa qualification.

Monsieur [M] était rattaché à un roulement ou service connu comme en atteste la production de plannings mensuels. La possibilité donnée à l’employeur de modifier les programmes prévisionnels en fonction des nécessités du service ne saurait suffire à qualifier de ‘non connu’ le service auquel le salarié était affecté.

Il s’ensuit que Monsieur [M] ne peut prétendre au versement d’une indemnité compensatrice de représentation réservée aux agents dont le service ne peut être connu.

Par ailleurs, Monsieur [M] ne rapporte aucun fait précis démontrant qu’il ne lui aurait pas été versé, alors qu’il faisait usage d’heures de délégation ou d’un congé syndical, le montant des indemnités et gratifications qu’il aurait perçues s’il avait assuré le service normalement prévu.

Comme précédemment relevé, il n’établit nullement l’existence d’une pratique consistant à modifier les plannings et à supprimer des heures de nuit programmées en réaction à sa volonté manifestée de poser des heures de délégation ou des congés syndicaux.

Il s’ensuit qu’aucun manquement de l’employeur, susceptible de caractériser une discrimination, ne peut être retenu en la matière.

Sur le déroulement de carrière

Monsieur [M] estime ne pas avoir bénéficié d’une promotion à la position D, collège maîtrise, en raison de ses activités syndicales.

Il compare son évolution de carrière à celle de Monsieur [G] qui a été engagé en 1980, a accédé à la qualification C en avril 1995, puis à la qualification D en 2002, alors que lui-même a été engagé en 1983, a accédé à la qualification C en avril 2001 et n’a jamais été promu au grade supérieur.

Il fait observer qu’en 2011, alors qu’il se trouvait en 1ère position dans la liste de classement, sa candidature à une promotion à la qualification D n’a pas été retenue.

Ces éléments sont de nature à laisser supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’activité syndicale du salarié.

La SNCF ne peut utilement faire valoir que Monsieur [M] a régulièrement bénéficié d’évolutions de sa position au sein de la qualification C alors que celui-ci vise un défaut de promotion à la qualification supérieure.

L’employeur admet qu’en 2011 Monsieur [M] appartenait au contingent prioritaire pour obtenir un changement de qualification avant de préciser que sa candidature n’a pas été retenue à l’issue de la commission de notation.

La SNCF fait valoir que les qualités de service de Monsieur [M] étaient moyennes. Elle soutient que l’agent manquait de sérieux et d’implication dans l’exercice de ses missions, n’acceptant pas les remarques de sa hiérarchie, ayant du mal à s’adapter aux évolutions de l’entreprise et à s’inscrire dans la démarche d’un projet d’équipe.

Elle produit une fiche intitulée ‘propositions de sanctions relatives à la demande d’explications écrites du 26 mai 2011″ comportant une partie : ‘appréciation sur le comportement de l’intéressé’ qui indique : ‘ponctualité : bonne ; sérieux, application : moyen ; qualité du travail : moyen ; comportement au travail : agent faisant preuve de nonchalance, critique, sensible, a du mal à s’adapter aux évolutions de l’entreprise et à s’inscrire dans la démarche de projet d’équipe ; appréciation générale sur la qualité des services : moyenne, a déjà fait l’objet de rappels concernant le non-respect des prescriptions réglementaires et opérationnelles, n’accepte pas les remarques de la hiérarchie’.

Cette fiche, dont l’auteur est inconnu, n’est pas signée.

Rédigée dans le cadre d’une procédure disciplinaire, elle ne poursuit pas les mêmes objectifs qu’une fiche d’évaluation des compétences professionnelles du salarié.

Surtout, cette fiche, nécessairement rédigée après le 26 mai 2011 (date à laquelle la demande d’explications a été transmise à la hiérarchie), n’a pas pu être portée à la connaissance de la commission de notation qui s’est réunie le 25 mai 2011.

Il s’ensuit que la SNCF ne présente pas les éléments objectifs qui ont été pris en considération pour écarter la promotion de Monsieur [M] à la qualification D en 2011 alors que celui-ci était en position prioritaire.

Les évaluations réalisées ultérieurement ne peuvent utilement éclairer une décision prise en 2011.

Pour sa part, Monsieur [M] produit la grille d’évaluation rédigée et signée par son ‘N+1″ en vue de la notation 2010/2011. L’appréciation portée y apparaît plus nuancée. Sur les 9 critères d’évaluation :

– 5 sont classés en ‘satisfaisant’ (niveau le plus élevé) : assiduité, disponibilité, efficacité, ancienneté, autonomie et polyvalence ;

– 1 en ‘acceptable’ : comportement dans l’équipe et vis à vis de la hiérarchie ;

– 3 en ‘moyen’ : respect des procédures et des consignes, connaissance et utilisation des documents d’application, capacité à transférer les compétences professionnelles’

Le ‘point fort’ relevé est : ‘le dialogue avec les autres’, alors que le ‘point à améliorer’ est : ‘la connaissance des référentiels’.

La SNCF ne verse pas aux débats les grilles d’évaluation des agents effectivement promus en 2011. Dès lors, elle ne démontre pas que ces derniers bénéficiaient d’appréciations plus élogieuses que celles portées sur les compétences de Monsieur [M]. Elle n’établit pas que, comparativement à ses collègues, le niveau de compétences acquis par Monsieur [M] était insuffisant pour accéder à la qualification supérieure alors que son ancienneté le plaçait en position prioritaire.

La cour retient donc que la SNCF ne prouve pas que sa décision d’écarter Monsieur [M] en 2011 d’un changement de qualification était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Cette décision doit donc être regardée comme discriminatoire.

Sur les sanctions disciplinaires

Il résulte des dispositions de l’article L. 1333-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu’au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l’article L.1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Selon l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Cette définition est reprise par le référentiel interne à la SNCF RH0001 qui fixe l’échelle des sanctions applicables allant de l’avertissement à la révocation.

En l’espèce, dans le dispositif de ses conclusions, Monsieur [M] sollicite l’annulation de plusieurs actes qu’il regarde comme des sanctions disciplinaires :

‘sanction du 25 octobre 2010,

sanction du 25 janvier 2011,

sanction du 5 juillet 2011,

sanction du 16 juin 2011,

sanction du 18 juillet 2011,

sanction du 30 août 2012,

avertissement du 12 février 2013,

sanction du 19 février 2013,

sanction du 24 juin 2013,

sanction des mois de janvier et mars 2014,

avertissement du 16 mai 2014,

sanction du 27 mai 2014.’

Certains de ces actes ne constituent pas des sanctions disciplinaires au sens de l’article L.1331-1 du code du travail et ne sont donc pas susceptibles de faire l’objet d’une annulation. Il s’agit de:

– l’exécution le 25 octobre 2010 d’une décision portant retrait d’une autorisation de porte d’arme, prise le 1er octobre précédent ; décision qui n’est pas produite, ne fait pas l’objet d’une demande d’annulation et dont le caractère disciplinaire n’est pas avéré (une décision similaire ayant été prise le 11 mai 2011 pour des motifs médicaux) ;

– la convocation datée du 16 juin 2011 à un entretien préalable à sanction disciplinaire.

Par ailleurs, Monsieur [M] ne verse pas au dossier le courrier du 30 août 2012. Il ne met pas la cour en mesure de vérifier le contenu de ce courrier, qui selon lui mentionnerait des reproches concernant les mentions portées sur le registre d’armement. La demande d’annulation de cet acte sera donc rejetée car insuffisamment fondée.

Les lettres d’observations des 25 janvier 2011, 22 janvier 2014, 13 mars 2014 et 16 mai 2014, qui visent à attirer formellement l’attention de Monsieur [M] sur des erreurs commises en matière de renseignement du registre d’armement et qui l’appellent à redoubler de vigilance sans manifester l’intention de le sanctionner pour ces faits, ne peuvent pas être assimilées à des sanctions disciplinaires, susceptibles de faire l’objet d’une annulation par le juge.

Le 5 juillet 2011, Monsieur [M] s’est vu infliger une mise à pied d’un jour avec sursis pour avoir, le 9 mai 2011, refusé de se rendre sur un secteur ayant fait l’objet d’un acte de malveillance à la demande de sa hiérarchie et pour avoir refusé d’obéir à ses supérieurs qui lui demandaient de rester à disposition au bureau du site de [Localité 6]. Sur contestation de l’agent, cette sanction a été convertie en blâme sans inscription par décision du 18 juillet 2011.

Il ressort de la procédure de demande d’explications écrites préalable au prononcé de cette sanction que Monsieur [M] admet avoir refusé d’exécuter une mission en exigeant la présence d’un troisième agent au sein de l’équipe, puis d’avoir désobéi à l’ordre de demeurer au bureau en accompagnant finalement l’équipe constituée après la désignation d’un collègue pour le remplacer. Il s’agit de deux manifestations d’insubordination. Monsieur [M] ne justifie nullement la seconde. Il n’établit pas l’existence d’un risque spécifique pour conforter son refus. Il invoque dans ses écritures l’application du règlement RA0044, qui, étant relatif à la tenue des agents de surveillance générale, s’avère inopérant pour fonder son opposition à l’intervention. Le règlement RA0037 produit par la SNCF ne fait pas obstacle à la composition d’équipes de deux agents de surveillance. Enfin, l’attitude prétendument agressive de sa hiérarchie, par ailleurs nullement étayée, ne saurait excuser cette double désobéissance.

Il s’ensuit que les faits fautifs sont établis et que le blâme sans inscription constitue une sanction proportionnée. La demande d’annulation des sanctions prononcées les 9 mai et 18 juillet 2011 sera donc rejetée.

Le 12 février 2013, la SNCF a notifié à Monsieur [M] un avertissement pour avoir commis trois erreurs en renseignant le registre d’armement les 7, 20 et 25 décembre 2012.

Il ressort de la procédure de demande d’explications écrites préalable au prononcé de cette sanction que Monsieur [M] ne conteste pas ces manquements dont il relativise la gravité.

Il s’ensuit que les faits fautifs sont établis et que l’avertissement constitue une sanction proportionnée.

De même, le 24 juin 2013, la SNCF a notifié à Monsieur [M] un blâme avec inscription pour avoir mal renseigné le registre d’armement à deux reprises.

Il ressort de la procédure de demande d’explications écrites préalable au prononcé de cette sanction que Monsieur [M] évoque une confusion et un oubli dont il relativise la gravité.

Il s’ensuit que les faits fautifs sont établis et que le blâme avec inscription constitue, compte tenu de l’avertissement prononcé pour des faits similaires, une sanction proportionnée.

Enfin, le 17 juillet 2014, la SNCF a sanctionné d’une mise à pied d’un jour avec sursis un manquement relevé le 27 mai 2014, l’arme de Monsieur [M] étant sale.

Dans le cadre de la procédure de demande d’explications écrites préalable au prononcé de cette sanction, à l’employeur qui a confirmé le constat effectué par le directeur adjoint, Monsieur [M] a répondu qu’il s’agissait d’une appréciation subjective.

Il s’ensuit que ce fait fautif est suffisamment établi et que la mise à pied d’un jour avec sursis constitue, compte tenu des deux sanctions précédentes prononcées pour des faits similaires en lien avec l’armement, une sanction proportionnée.

Les demandes d’annulation de l’avertissement du 12 février 2013, du blâme avec inscription du 24 juin 2013 et de la mise à pied d’un jour avec sursis du 17 juillet 2014, visant des faits du 27 mai 2014, seront donc rejetées.

Par ailleurs, le 19 février 2013, la SNCF a notifié au salarié un blâme sans inscription pour avoir, dans la nuit du 9 janvier précédent, alors qu’il avait la responsabilité de chef de mission, quitté les lieux de surveillance avant l’heure de fin de service et sans attendre la relève.

Dans le cadre de la procédure de demande d’explications écrites préalable au prononcé de cette sanction, Monsieur [M] n’a pas contesté avoir quitté le site vers 00h25 alors que son service se terminait à 01h30. S’il fait grief à l’équipe suivante de n’être arrivée sur site qu’à 01h15, il ne justifie pas son départ sans attendre la relève. Il ne peut utilement s’exonérer de ses propres responsabilités en pointant les supposées négligences d’autres agents, par ailleurs nullement établies.

Il s’ensuit que le comportement fautif est avéré et que le blâme sans inscription constitue une sanction proportionnée. La demande d’annulation de cette sanction du 19 février 2013 sera donc rejetée.

Concernant ces sanctions, notamment celles en lien avec la réglementation encadrant l’armement, Monsieur [M] soutient faire l’objet d’une surveillance constante visant à relever chacune de ses fautes et d’un traitement différencié, des erreurs similaires commises par d’autres agents ne donnant pas lieu à sanction.

S’il produit des copies du registre d’armement témoignant de l’existence de ratures visant à corriger des mentions erronées, la SNCF répond en présentant des sanctions de même nature adressées à d’autres salariés, de sorte qu’aucune différence de traitement ne peut être mise en évidence.

Dès lors, ces sanctions, par ailleurs fondées et proportionnées, ne revêtent aucun caractère discriminatoire.

Monsieur [M] sera débouté de l’ensemble de ses demandes en annulation d’actes présentés comme des sanctions disciplinaires et de dommages et intérêts afférents.

* * *

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que certaines décisions de l’employeur affectant l’exécution du contrat de travail et l’évolution de carrière de Monsieur [M] caractérisent une discrimination fondée sur son activité syndicale.

Compte tenu de la diversité et de la répétition des actes discriminatoires sur plusieurs années, des conséquences sur l’évolution de la rémunération du blocage de carrière injustifié à compter de l’année 2011, il convient, par réformation du jugement entrepris, d’évaluer l’entier préjudice subi, comprenant les différents préjudices matériels susvisés ainsi qu’un préjudice moral, à la somme de 30 000 euros.

Sur l’allégation de harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l’article L.1154-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable au litige, il appartient au salarié d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.

En l’espèce, Monsieur [M] estime que les mêmes faits que ceux précédemment étudiés laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Il soutient que ces agissements ont dégradé son état de santé comme en attestent de multiples arrêts de travail.

Toutefois, Monsieur [M] n’établit aucun lien de causalité entre les décisions prises par son employeur, essentiellement en matière de rémunération et de déroulement de carrière, et les différentes pathologies dont il a été affecté : accident vasculaire cérébral, hernies discales, réduction foraminale, gastrite chronique, cataracte, hypertension artérielle, kyste arthro-synoval, douleurs neuropathiques.

Néanmoins, il a été retenu que Monsieur [M] a fait l’objet de plusieurs décisions défavorables en matière d’attribution de la ‘prime’, de retenues sur salaire en lien avec sa participation aux travaux du CHSCT et de déroulement de carrière.

Ces décisions ont dégradé ses conditions de travail comme en témoignent les différents courriers et tracts adressés à la direction. Elles ont porté atteinte à ses droits et compromis son évolution professionnelle au sein de l’entreprise.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

L’employeur, qui n’a pas été en mesure de démontrer que les décisions susvisées étaient fondées, ne peut justifier que celles-ci reposent sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En conséquence, il y a lieu de retenir que Monsieur [M] a subi des agissements de harcèlement moral.

Compte tenu de la multiplicité et de la persistance de ces agissements sur plusieurs années, il convient, par réformation du jugement déféré, d’évaluer à la somme de 5 000 euros le préjudice causé par ce harcèlement moral.

Par ailleurs, l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, est distincte de l’interdiction des discriminations et de la prohibition des agissements de harcèlement moral, instituées respectivement par les articles L.1132-1 et L.1152-1 du même code.

Selon l’article L.1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

En l’espèce, malgré les nombreuses alertes de Monsieur [M], tant dans le cadre de courriers personnels qu’au sein des institutions représentatives du personnel ou instances de concertation, l’employeur n’a pris aucune mesure pour procéder à une régularisation suite aux décisions infondées affectant le salarié et pour en empêcher le renouvellement.

Il s’ensuit que la SNCF a manqué à son obligation de prévention en matière de harcèlement moral.

Il convient, par réformation du jugement entrepris, d’évaluer le préjudice de Monsieur [M] résultant de ce manquement à la somme de 3 000 euros.

Sur la demande présentée par syndicat Sud Rail de la région de Lille

Selon l’article L2132-3, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Les mesures discriminatoires retenues par la cour porte atteinte au libre exercice du droit syndical au sein de l’entreprise ainsi qu’à l’intérêt collectif de la profession.

En conséquence, par infirmation, il sera alloué au Sud Rail de la région de [Localité 6] la somme de 500 euros de dommages et intérêts au titre de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la solution apportée au litige, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SNCF de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L’intimée sera également déboutée de sa demande à ce titre présentée en cause d’appel.

En revanche, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Monsieur [M] au paiement d’une indemnité pour frais de procédure et lui a laissé la charge de ses propres dépens.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la SNCF à payer à Monsieur [M] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 3 000 euros.

La SNCF sera également condamnée à verser au syndicat Sud Rail de la région de Lille une indemnité pour frais de procédure de 500 euros.

La SNCF sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement,

sauf en ce qu’il a débouté l’EPIC SNCF de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Condamne l’EPIC SNCF à verser à Monsieur [J] [M] les sommes de :

– 30 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

– 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

Dit n’y avoir lieu à allouer des sommes supplémentaires au titre des retenues sur salaire en lien avec l’activité du CHSCT comprises dans l’indemnisation des faits relevant d’une discrimination,

Déboute Monsieur [J] [M] de ses demandes de nature salariale au titre ;

– des retenues sur salaire pour participation aux commissions de notation ou réunions de concertation,

– de l’indemnité compensatrice de représentativité,

Déboute Monsieur [J] [M] de l’intégralité de ses demandes tendant à l’annulation de sanctions,

Déboute Monsieur [J] [M] de sa demande tendant au paiement de la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts par sanction annulée,

Déboute l’EPIC SNCF de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne l’EPIC SNCF à payer au syndicat Sud Rail de la région de Lille la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession,

Condamne l’EPIC SNCF à verser à Monsieur [J] [M] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’EPIC SNCF à payer au syndicat Sud Rail de la région de Lille la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne l’EPIC SNCF aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

pour le Président empêché

Frédéric BURNIER, Conseiller

 


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