COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRÊT N°
DEFAUT
DU 02 JUIN 2022
N° RG 19/02764
N° Portalis DBV3-V-B7D-TJV3
AFFAIRE :
SYNDICAT CGT SCHINDLER
C/
[H] [N]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 juin 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES
Section : I
N° RG : F 16/00938
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Jean-Michel DUDEFFANT
Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA
le :03 Juin 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant,fixé au 10 Mars 2022,puis prorogé au 21 Avril 2022, puis au 12 Mai 2022, puis au 02 Juin 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
SYNDICAT CGT SCHINDLER
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par : Me Jean-Michel DUDEFFANT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0549
APPELANTE
****************
Monsieur [H] [N]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Non constitué,Non représenté
SA SCHINDLER
N° SIRET : 383 711 678
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et Me Anne MURGIER de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K20
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 janvier 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Greffier lors du prononcé: Madame Elodie BOUCHET-BERT
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SA Schindler a pour activité l’installation, l’entretien et la maintenance des ascenseurs et des escaliers mécaniques. Elle emploie environ 2 700 salariés, répartis entre son siège social situé à [Localité 5] et diverses Directions d’Agences Régionales (DAR). Elle applique la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 24 juillet 2006, M. [H] [N] a été engagé par la société Schindler en qualité de technicien de maintenance au sein de l’établissement de [Localité 4], qui dépend de la direction régionale Méditerranée.
Par courrier du 16 novembre 2010, il s’est vu notifier une mise à pied à titre disciplinaire d’une journée, le 6 décembre 2010, avec retenue sur salaire.
Par requête reçue au greffe le 12 juillet 2016, M. [N] et le syndicat CGT Schindler ont saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins d’obtenir l’annulation de la mise à pied et par voie de conséquence le remboursement de la retenue sur salaire opérée par l’employeur ainsi que le versement de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire rendu le 4 juin 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit que sur la forme, l’action est recevable,
– reçu l’intervention volontaire du syndicat CGT Schindler,
– fixé le salaire de référence de M. [N] à la somme de 2 498,25 euros brut,
– déclaré irrecevables les demandes de M. [N] et du syndicat CGT Schindler relatives à l’inopposabilité du règlement intérieur,
– annulé la sanction notifiée par la SA Schindler le 16 novembre 2010,
– ordonné à la SA Schindler de procéder au retrait, en la présence de M. [N] et d’un représentant du syndicat CGT Schindler, de l’exemplaire de la sanction annulée de son dossier tant dans la version papier qu’informatique,
– débouté M. [N] de l’intégralité de ses autres demandes,
– débouté le syndicat CGT Schindler de l’intégralité de ses demandes,
– débouté M. [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté le syndicat CGT Schindler de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la SA Schindler de sa demande ‘reconventionnelle’ au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre du syndicat CGT Schindler et de M. [N],
– fixé les éventuels dépens de l’instance à la charge de la SA Schindler.
Le syndicat CGT Schindler a interjeté appel de la décision par déclaration du 2 juillet 2019.
Il a fait signifier sa déclaration d’appel à M. [N] par acte d’huissier délivré à domicile le 16 août 2019. Il lui a fait signifier ses conclusions d’appelant par acte d’huissier délivré à personne le 27 septembre 2019.
La société Schindler a fait signifier à M. [N] ses conclusions d’intimée et ses pièces par acte d’huissier délivré à personne le 10 décembre 2019 puis ses conclusions récapitulatives par acte signifié le 19 février 2020 en l’étude de l’huissier chargé de le délivrer.
M. [N] n’a pas constitué avocat. L’arrêt rendu sera réputé contradictoire en application des dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.
Par conclusions adressées par voie électronique le 4 janvier 2022, le syndicat CGT Schindler demande à la cour de :
– le dire et juger recevable et bien fondé en son appel,
y faisant droit,
– infirmer le jugement entrepris :
* en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes du syndicat CGT Schindler et de M. [N] relatives à l’inopposabilité du règlement intérieur de la société Schindler daté de 1983 aux salariés de la société Schindler,
* en ce qu’il a débouté le syndicat CGT Schindler de ses demandes à savoir :
‘ juger que la direction de la société Schindler n’a pas accompli les formalités prévues à l’article L. 1321-4 du code du travail (anciennement article L. 122.36 du code du travail) notamment de dépôt et de publicité,
‘ juger en conséquence que le règlement intérieur de la société Schindler daté de 1983 comme les consignes de sécurité sont inopposables aux salariés de la société Schindler,
‘ condamner la société Schindler à verser au syndicat CGT Schindler la somme de 10 000 euros pour violation des garanties de fond régissant le droit disciplinaire, en particulier les obligations imposées par les articles L. 1321-4 et R. 1321-1 du code du travail, 8 000 euros pour abus de pouvoir, 10 000 euros pour atteinte au droit à la représentation collective des salariés, 63 818,28 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice directement causé au syndicat par l’atteinte portée à l’exercice de la liberté syndicale sur le fondement des articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail, et 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
– dire et juger le syndicat CGT Schindler recevable et bien fondé en son action et en ses demandes relatives à l’inopposabilité aux salariés de la société Schindler du règlement intérieur daté de 1983,
– juger que la direction de la société Schindler n’a pas accompli les formalités prévues à l’article L. 1321-4 du code du travail (anciennement article L. 122.36 du code du travail) notamment de dépôt et de publicité,
– juger qu’en conséquence le règlement intérieur de la société Schindler daté de 1983, comme les consignes de sécurité, sont inopposables aux salariés de la société Schindler,
– condamner la société Schindler à verser au syndicat CGT Schindler les sommes suivantes :
* 10 000 euros pour violation des garanties de fond régissant le droit disciplinaire, en particulier les obligations imposées par les articles L. 1321-4 et R. 1321-1 du code du travail,
* 8 000 euros pour abus de pouvoir,
* 10 000 euros pour atteinte au droit à la représentation collective des salariés,
* 63 818,28 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice directement causé au syndicat CGT Schindler par l’atteinte portée à l’exercice de la liberté syndicale sur le fondement des articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail,
– condamner également la société Schindler à verser au syndicat CGT Schindler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter en tout état de cause la société Schindler de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
– condamner enfin la société Schindler aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Michel Dudeffant, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions adressées par voie électronique le 14 décembre 2021, la société Schindler demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que :
* la demande concernant l’avertissement notifié ‘le 30 mai 2014’ était prescrite,
* la question de l’opposabilité du règlement intérieur à l’ensemble des salariés de la société Schindler est sans objet et ne relève pas de la compétence du conseil de prud’hommes,
* débouté le syndicat CGT Schindler de ses demandes de dommages et intérêts,
en conséquence,
– débouter le syndicat CGT de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner le syndicat CGT aux entiers dépens,
– condamner le syndicat CGT à verser à la société Schindler la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si la cour d’appel estimait les demandes fondées,
– réduire le montant des condamnations à 1 euro symbolique.
Par ordonnance rendue le 12 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 21 janvier 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur la compétence de la juridiction prud’homale
La société Schindler demande de voir confirmer la décision du conseil de prud’hommes en ce que ce dernier a estimé qu’il n’était pas compétent pour apprécier la question de l’opposabilité du réglement intérieur.
Elle fait valoir que le juge prud’homal a en cette matière une compétence limitée compte tenu des termes de l’article L. 1322-4 du code du travail, qui prévoit que le conseil de prud’hommes ne peut écarter l’application d’une disposition du réglement intérieur que dans des cas très précis qu’il énumère, qu’ainsi les dispositions relatives à l’article L. 1321-4 du même code portant sur la consultation des instances représentatives du personnel et sur les formalités de dépôt et de publicité du réglement intérieur ne sont pas visées par l’article L. 1322-4, que par ailleurs le juge prud’homal ne peut pas déclarer, pour l’ensemble des salariés d’une entreprise, l’inopposabilité d’un réglement intérieur. Elle souligne que le syndicat CGT sait parfaitement que le tribunal judiciaire de Versailles est seul compétent pour apprécier la question de l’opposabilité du réglement intérieur de la société puisqu’il a déjà saisi ce tribunal de ce litige.
Cependant, l’article L.1322-4 du code du travail n’a pas pour effet de limiter le droit d’un salarié à invoquer l’inopposabilité du réglement intérieur par référence aux seules dispositions législatives qui y sont énumérées, cet article ayant pour objet de spécifier les cas dans lesquels une copie des décisions de la juridiction est adressée à l’inspecteur du travail et aux institutions représentatives du personnel.
Il est aussi rappelé que si le réglement intérieur est soumis à un contrôle administratif, le conseil de prud’hommes reste compétent pour apprécier la légalité d’une clause sur laquelle l’administration ne s’est pas prononcée, qu’en tout état de cause, en l’espèce, seule est ici posée la question de l’opposabilité du réglement et non sa légalité.
Les syndicats ont pour leur part le droit d’agir en justice pour défendre non seulement leurs intérêts propres mais aussi l’intérêt collectif de la profession, lequel peut résider dans la portée générale ou de principe d’une question soumise, fusse par le biais d’une mesure individuelle.
La cour étant juridiction d’appel tant du conseil de prud’hommes que du tribunal judiciaire, il entre en tout état de cause dans ses pouvoirs de statuer sur les demandes en présence.
Sur l’intérêt à agir du syndicat CGT
La société Schindler invoque ensuite l’irrecevabilité de l’action du syndicat CGT, faisant observer que la saisine au fond du conseil de prud’hommes tendait à voir constater la nullité de la mise à pied de M. [N] en raison de l’absence dans le réglement intérieur d’une mention concernant la durée maximale de cette sanction, de sorte que la question de l’opposabilité du réglement intérieur à l’ensemble des 2 500 salariés de la société est dépourvue, dans le présent dossier, d’intérêt.
La cour observe toutefois que le syndicat CGT, intervenant volontairement à la procédure et agissant dans l’intérêt collectif de la profession, est fondé à agir en justice, en application de l’article L. 2132-3 du code du travail, pour voir constater l’inopposabilité à l’ensemble des salariés de l’entreprise du règlement intérieur, dont la mise en place dans toute entreprise employant au moins 20 salariés constitue une règle d’ordre public social.
Le moyen d’irrecevabilité sera écarté.
Sur l’opposabilité du règlement intérieur
Selon l’article L. 1311-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, l’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés.
L’article L. 1321-1 du même code dispose que « Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement :
1° Les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions prévues à l’article L. 4122-1 ;
2° Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu’elles apparaîtraient compromises ;
3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur. »
Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins 20 salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l’article L. 1311-2 du code du travail.
Aux termes de l’article L. 1321-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, qui reprend les dispositions de l’ancien article L.122-36 :
« Le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.
En même temps qu’il fait l’objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est communiqué à l’inspecteur du travail.
Ces dispositions s’appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur. »
L’article R. 1321-1 du même code exigeait jusqu’au 23 octobre 2016 que le règlement intérieur soit affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l’embauche. Depuis le décret n° 2016-1417 du 20 octobre 2016, cette information ne passe plus obligatoirement par un affichage mais peut se faire par tout moyen.
Selon les articles R. 1321-2 et R. 1321-3, le règlement intérieur est déposé au greffe du conseil de prud’hommes de l’entreprise ou de l’établissement et il est outre transmis à l’inspecteur du travail.
Le syndicat CGT demande à la cour de constater que la société Schindler n’a pas informé ni consulté les instances représentatives du personnel dans le cadre de la modification du réglement intérieur en 1986, qu’elle n’a pas accompli l’intégralité des formalités prévues à l’article L. 1321-4 du code du travail (anciennement article L. 122.36 du code du travail) notamment de dépôt et de publicité, qu’elle n’a pas modifié la date d’entrée en vigueur de son réglement intérieur, qu’elle n’a pas affiché dans les locaux de l’agence régionale Méditerranée dont dépendait M. [N] le réglement intérieur modifié, plaçant ainsi celui-ci ainsi que les autres salariés dans l’incapacité de connaître leurs obligations comme leurs droits, ce dont le syndicat déduit que le règlement intérieur de la société Schindler daté de 1983 était irrégulier et donc inopposable à M. [N] comme à l’ensemble des salariés de la société Schindler.
Le syndicat CGT considère qu’il en est de même pour les consignes de sécurité sur lesquelles l’employeur se fonde pour justifier des procédures disciplinaires qu’il met en oeuvre dans l’entreprise.
La société Schindler réplique que le règlement intérieur est parfaitement opposable à M. [N], que les formalités de dépôt comme d’affichage ont bien été effectuées, que l’absence de modification de la date d’entrée en vigueur du réglement intérieur de 1985 est sans conséquence sur la validité et l’opposabilité de ce dernier, que contrairement à ce que prétendent les appelants, les représentants du personnel n’avaient pas à être consultés sur les modifications consécutives aux observations formulées par l’inspection du travail en 1985, lesquelles ne concernaient d’ailleurs pas les dispositions relatives aux règles disciplinaires, qu’enfin les consignes de sécurité ne sont pas des adjonctions au réglement intérieur.
Sur ce, il ressort des explications et des pièces fournies par les parties qu’un règlement intérieur a été élaboré qui devait initialement entrer en vigueur le 5 septembre 1983.
Ce texte, transmis à l’inspection du travail conformément aux dispositions légales, a donné lieu le 25 juillet 1985, de la part de ladite inspection, à une décision conduisant la société Schindler à modifier, dans les termes de sa lettre du 23 septembre, plusieurs clauses du règlement intérieur, à l’exception de l’article 11 relatif à la mise à pied, pour lequel la société a introduit le 27 septembre 1985 un recours hiérarchique aux fins d’annulation de la décision de l’inspecteur du travail. Le 23 janvier 1986, le directeur régional du travail et de l’emploi a fait droit en ces termes au recours de la société Schindler : « En ce qui concerne la seule clause litigieuse soumise à mon examen, j’ai l’honneur de vous faire connaître que j’accueille favorablement votre recours pour le maintien, dans sa rédaction actuelle, de l’article 11 de votre règlement intérieur ».
La société Schindler produit le courrier du 20 février 1986 transmettant à l’inspection du travail de [Localité 6] un exemplaire du règlement intérieur de la société suite à la décision de l’inspecteur du travail du 25 juillet 1985 et du directeur régional du travail et de l’emploi du 23 janvier 1986, et l’informant que les dispositions modifiées ont fait l’objet d’un dépôt auprès du secrétariat greffe du conseil des prud’hommes de Versailles.
Elle verse également aux débats le courrier adressé le 20 février 1986 au conseil des prud’hommes de Versailles lui transmettant pour dépôt le texte des modifications apportées au règlement intérieur de l’établissement à la suite des observations formulées par l’inspection du travail, et le courrier en réponse de cette juridiction, du 12 mars 1986, informant la société Schindler que le ‘Règlement intérieur de votre Société – Modifications du R.I Roux Combaluzier Schindler a été enregistré au secrétariat du greffe du conseil de prud’hommes de Versailles le 24 février 1986 sous le numéro : 286/83 ».
Il résulte de ces pièces que, conformément aux exigences légales, les formalités de publicité du règlement intérieur de la société Schindler du 5 septembre 1983 modifié en 1985 ont été effectuées.
Il n’est par ailleurs pas discuté que le projet de règlement intérieur a été soumis, en septembre 1983, aux instances représentatives du personnel (comité d’établissement et CHSCT), l’appelant reprochant ici à la société Schindler de n’avoir procédé à aucune nouvelle information ni a fortiori consultation de ces instances suite aux modifications opérées en 1985.
Or, ces modifications ont toutes été sollicitées par l’inspection du travail aux termes de sa décision du 25 juillet 1985. Il n’y avait donc pas lieu de consulter à nouveau les représentants du personnel sur ces modifications qui s’imposaient à la société Schindler, la cour observant que lesdits représentants disposaient au demeurant d’un droit de recours contre les modifications exigées par l’inspecteur du travail et qu’une nouvelle consultation ne leur aurait pas conféré de droits supplémentaires.
A cet égard la note du 1er février 1984 du ministère des affaires sociales et de la solidarité nationale relative à l’application de la loi du 4 août 1982 indique que l’article L.122-36 du code du travail prévoyant la consultation des représentants du personnels pour toute « modification ou retrait d’une clause du règlement intérieur » n’est pas applicable au cas où le règlement intérieur a fait l’objet d’observations de la part de l’inspecteur du travail, expliquant qu’en effet « les représentants du personnel sont obligatoirement informés de la décision prise par l’inspecteur du travail qui doit leur adresser une copie de la lettre envoyée à l’employeur lui notifiant ses observations », qu’en outre « dans la mesure où le contrôle exercé par l’inspecteur du travail consiste à vérifier la conformité du règlement intérieur avec les dispositions légales en vigueur, il n’y aurait aucune justification à ce que sa décision soit soumise à l’avis des représentants du personnel » et qu’enfin, en toute hypothèse, la décision de l’inspecteur du travail peut faire l’objet d’un recours hiérarchique de la part des salariés ou de leurs représentants.
S’agissant de l’affichage du règlement intérieur dans les locaux de l’agence régionale Méditerranée, il n’est pas établi par les éléments versés aux débats que ce règlement n’était pas affiché le 16 novembre 2010, à la date de notification de l’avertissement à M. [N], la cour observant que la lettre de l’inspection du travail du 27 février 2018 dont se prévaut le syndicat CGT est largement postérieure à cette notification et qu’au surplus, il n’y est pas fait le constat de l’absence de dépôt du réglement comme le soutient néanmoins l’appelant.
Enfin, le fait d’avoir continué à apposer la date d’entrée en vigueur du règlement intérieur comme étant celle de 1983 sans mentionner celle de 1985, qui est la date des modifications intervenues et prises en compte, ne saurait avoir pour effet de rendre inopposable ledit règlement alors que les modifications sont bien prises en compte dans le corps du réglement affiché.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de constater que le règlement intérieur de la société Schindler du 5 septembre 1983, modifié le 20 décembre 1986, était régulier et opposable aux salariés de l’entreprise en général et à M. [N] en particulier.
Le syndicat CGT sollicite par ailleurs, au visa de l’article L. 1321-5 du code du travail, que soient reconnues inopposable aux salariés de l’entreprise les consignes de sécurité, qui doivent être considérées comme des adjonctions au réglement intérieur, au motif que celles-ci n’ont pas fait l’objet des formalités de dépôt et de publicité requises. Faute cependant pour l’appelant d’apporter de plus amples explications et notamment de préciser le contenu de ces consignes de sécurité, la cour ne peut que rejeter sa demande.
Sur les demandes indemnitaires du syndicat CGT
Au regard de la décision rendue, le syndicat CGT sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour violation des garanties de fond régissant le droit disciplinaire ainsi que pour abus de pouvoir, lequel n’est en l’espèce pas constitué, pas plus que l’atteinte au droit à la représentation collective des salariés.
Le syndicat CGT, qui ne démontre pas non plus une quelconque atteinte à l’exercice de la liberté syndicale au sein de la société Schindler sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement des articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail.
Sur les dépens de l’instance et les frais irrépétibles
Le syndicat CGT supportera les dépens d’appel en application des dispositions de l’article’696 du code de procédure civile.
Il sera en outre condamné à payer à la société Schindler une indemnité sur le fondement de l’article’700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
SE DÉCLARE compétente pour statuer sur l’opposabilité du règlement intérieur de la société Schindler ;
INFIRME le jugement rendu le 4 juin 2019 par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a dit irrecevables les demandes relatives à l’inopposabilité du réglement intérieur ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
REJETTE les demandes du syndicat CGT Schindler portant sur le réglement intérieur et sur les consignes de sécurité ;
DÉBOUTE le syndicat CGT Schindler de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;
CONDAMNE le syndicat CGT Schindler à verser à la société Schindler la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE le syndicat CGT Schindler de sa demande de ce chef ;
CONDAMNE le syndicat CGT Schindler aux dépens d’appel.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,